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d’étude et orientations de recherche

Chapitre 2 : Les espaces verts et leur

2.1. Les espaces verts : objet d’étude pour le géographe

2.1.3. Les enjeux actuels des espaces verts en milieu urbain

Nous présentons trois enjeux concernant les espaces verts en milieu urbain en rapport avec notre problématique de recherche, liée à la gestion durable des espaces verts : la vision de la « nature en ville », l’engagement des politiques vis-à-vis du Développement Durable et l’identification des besoins des acteurs du territoire.

Des conflits émergent vis-à-vis de la catégorisation de cette « nature en ville ». Les défenseurs de la nature ont une vision très négative de la ville car elle l’efface, par une matérialité instrumentalisée, alimentant le mal-être urbain (Bourdeau-Lepage et Vidal, 2014). Le rapport ville-nature est antagonique : elle est perçue comme contre-nature et hostile (Cavin et al., 2010). L’artificialisation des sols et la construction massive de réseaux de communication, telles que les routes ou voies ferrées, engendrent des risques et créent des obstacles pour la faune et la flore (Reygrobellet, 2007). La gestion des espaces verts réalisée jusqu’à présent semble avoir causé de nombreux dégâts au niveau de la biodiversité : transformation des habitats naturels, introduction d’espèces invasives, utilisation de produits phytosanitaires et surexploitation des ressources naturelles (Reygrobellet, 2007).

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Contrairement à cette vision où la nature subit les pressions de la ville, Augustin Berque met en avant le fait que cette nature puisse provoquer en nous un sentiment de peur, représentant ce qui résiste, surprend et échappe à l’homme allant jusqu’à nous inquiéter, car nous ne pouvons pas la supprimer, nous pouvons seulement agir dessus (Bourdeau-Lepage et Vidal, 2014). La nature suscite en nous des émotions, « de la surprise au rejet en passant par l’admiration » et possède la particularité d’être hors de la sphère anthropique tout en interagissant avec elle au quotidien (Bourdeau-Lepage et Vidal, 2014). Des nuisances peuvent lui être associées comme les pullulations de pigeons, d’étourneaux ou de rongeurs, les allergènes végétaux, ou les racines destructrices de certains arbres (Donadieu, 2013). Ainsi, la nature provoque des situations souvent conflictuelles car sa perception dépend de la culture de l’observateur et de ses préoccupations (Veyret-Mekdjian, 2004). John Dixon Hunt présente les différentes catégories de nature en ville (Bourdeau-Lepage et Vidal, 2014) :

- elle est sauvage car l’anthropisation est minimale voire absente ;

- agreste ou domestiquée, car soumise à un entretien avec un processus de contrôle pour l’amélioration qualitative des conditions de l’environnement humain ;

- à dimension purement esthétique.

Nous pouvons dire que les espaces verts sont des espaces de confrontation entre le travail de l’homme et les logiques de la nature (Rialland, 2000), car elle est assujettie à ses volontés. Aujourd’hui, l’approche de la gestion différenciée modifie considérablement les espaces verts, car elle construit des espaces dont la végétation est plus dense dont l’apparence se rapproche de la nature sauvage. Cette « modification soudaine […] a des conséquences immédiates sur l’attitude de la population locale » (Long et Tonini, 2012). Les herbes folles trahissent un défaut d’entretien dans les esprits de beaucoup de personnes alors même que le désherbage chimique ne constitue plus une solution durable pour ces dernières (Ansart et Boutefeu, 2013). Gilles Clément propose une vision des espaces verts qu’il appelle « jardin en mouvement » (Figure 17). Il prend en compte le déplacement physique des espèces sur le terrain et qui va, par le choix des espèces, créer des paysages nouveaux tout le temps. La spécificité de cette gestion est de changer son regard sur les « mauvaises herbes » et d’en faire un atout de valorisation de l’aspect du jardin, car il n’existe pas de limite physique pour séparer les herbes « dites bonnes ou mauvaises » (Novarina, 2003). Mais le danger principal du nouveau visage des espaces verts est qu’il puisse provoquer des réticences auprès des populations en rompant avec le modèle de la gestion horticole des espaces verts. « L’information et la sensibilisation doivent viser à atténuer l’appréhension de l’invasion de

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« mauvaise herbe », le modèle « horticole » étant très prégnant dans les représentations sociales des usagers et des citadins » (Audia, 2007 dans Long and Tonini, 2012).

Figure 17 : Parc André Citroën, Paris.

Ainsi l’enjeu résulte de la gestion des espaces verts qui va influencer la vision des individus. Celle-ci dépend étroitement du lien entre le citadin et sa perception de la nature. Il s’agit donc de comprendre les différentes visions de la « nature » en ville et de développer des moyens de communication pour faire comprendre les choix de gestion issus de volonté politique.

Rialland (2000) explique que depuis 1970, les initiatives en matière d’espace vert se sont multipliées en faveur de trois événements : la création d’associations de sauvegarde des parcs et jardins, la sensibilisation du grand public et l’intervention de collectivités territoriales et de l’état dans le renforcement de la restauration de jardins historiques porteurs d’images. Les pouvoirs politiques s’engagent dans la création de nouveaux espaces comme les jardins familiaux, de façades végétalisées et de restauration de zones humides (Zimmermann, 2010). Ils développent des plans verts, des plans de paysage ou encore d’embellissement afin de coordonner les multiples projets dont la vocation est d’améliorer le cadre de vie d’une ville ou d’un quartier. Les plans permettent « de définir une stratégie globale d’aménagement à moyen terme, guidée par la conduite de chaque opération vers un projet urbain de municipalité » (Boutefeu, 2007). Au niveau politique, les bénéfices de la nature en ville ne sont pas négligeables (Wackermann, 2005): valorisation de l’image de la ville, travail sur la continuité des espaces en intercommunalité, mobilisation de nombreux acteurs et outil pour gagner l’électorat en parlant de ville durable. Lorsqu’il y a de la demande en matière de nature en ville, il est indispensable de définir quel type d’espace vert doit être installé pour que les élus et les gestionnaires répondent aux besoins ou aux pratiques de la population. Par exemple, la

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création d’espaces ouverts4 contribue au maintien de la biodiversité et offre des espaces récréatifs aux résidents (Poirot et Gérardin, 2010). La politique des espaces verts et de promotion de la nature en ville prend en compte trois facteurs : la gestion technique des sites, la volonté politique exprimée à travers le développement durable et le jeu de gouvernance territoriale (Wackermann, 2005). Ainsi, un nouvel enjeu découle de la politique de la commune menée au niveau environnemental et social en rapport avec son engagement vis-à- vis du Développement Durable. Il s’agit de définir les orientations politiques de gestion durable des espaces verts pour la commune afin de développer les stratégies d’interventions permettant d’organiser la programmation, la réalisation et la gestion des actions pour les espaces verts.

Des enquêtes analysent les liens entre les types d’espaces verts, les types d’usages et les attentes des citoyens. Elles permettent d’identifier les comportements et les caractéristiques des groupes sociaux (Long et Tonini, 2012). Long et Tonini (2012) décrivent leur enquête, composée d’une quarantaine de questions réparties selon quatre axes de réflexion : la fréquentation des espaces verts, leur conception, l’investissement écologique et la fiche d’identité des interrogés. Parallèlement, ils mènent une « observation » utilisée pour analyser des faits sociologiques. L’attractivité des espaces verts dépend de plusieurs facteurs (Long et Tonini, 2012) : leur taille, leur qualité environnementale, leur densité de végétation et leur entretien. Son accessibilité est évidemment un facteur d’attraction pour l’usager et témoigne de son inscription dans le territoire. Les espaces verts sont utilisés en fonction de leur situation par rapport au lieu d’habitation (Veyret-Mekdjian, 2004). « On va plus facilement dans un espace s’il est bien connecté au reste de la ville, bien entretenu, si l’on s’y sent bien etc… » (Laïlle et al., 2014). Les équipements urbains et les aménagements jouent un rôle déterminant, car ils influencent les types d’usages (Tableau 1). Ces derniers sont classés en catégories par Abbara (2002) et Arrif (2007). L’ensemble de ces usages ne peut pas être considéré de manière indépendante. En interaction, ils permettent de mieux cerner le ressenti des habitants par rapport aux espaces verts (Long et Tonini, 2012).

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« Variété d’espaces verts, de parcs aménagés ou non, de vestiges de zones naturelles comme les berges des cours d’eau, des terres agricoles, des jardins privés, des espaces publics urbains, tels que les squares municipaux et les alentours des monuments culturels, et des habitats qui se développent sur des terrains abandonnés tels que les friches industrielles » (Groupe d’expert 1996 dans (Poirot et Gérardin, 2010).

48 USAGES

Marche/promenade/balade avec son chien / poussette / enfant / en couple / à vélo / digestive / sportive Sport Jogging / échauffement / vélo / foot / roller / skate / pêche

Assis/allongé

surveillance des enfants / contemplation du paysage / repos / sieste / pique-nique / lecture sur l'herbe / lecture sur banc /

bronzage

Trajet/parcours à vélo / domicile-travail / domicile-commerces

Visite Contemplative / touristique / en famille

Autres Photographie

Tableau 1 : Usages des espaces verts (d’après Abbara, 2002 ; Arrif, 2007 ; Long et Tonini, 2012).

Se retrouver au sein de la végétation urbaine permet d’oublier et de fuir les tumultes de la ville. Cette dernière est jugée pour ses aspects négatifs, par exemple le stress, le bruit et l’agitation, mais elle devient supportable par la présence de la nature (Long et Tonini, 2012). Dans ces conditions, les espaces verts se définissent comme des lieux de calme, de relaxation et de détente où le rythme parait plus lent (Long et Tonini, 2012). Frileux (2007) suggère de rompre avec la dichotomie « ville-nature », en raison de la diversité des espaces, allant des jardins aux exploitations agricoles et aux forêts. Il propose d’élargir le sujet au concept de « territoire de nature ». Cependant, comme nous l’avons vu précédemment, l’idée de nature est complexe et différente d’un individu à l’autre (Bourdeau-Lepage et Vidal, 2014). Elle peut faire écho à « une nature domestiquée, transformée par l’homme, une nature confortable et accessible » où il est possible de pratiquer une activité récréative et même du jardinage (Bourdeau-Lepage et Vidal, 2014). Il est nécessaire de définir la demande de nature des citadins et d’en détecter toutes les nuisances pour tendre vers un aménagement qui correspondrait au plus grand nombre (Bourdeau-Lepage, 2013). De nos jours, les politiques ont l’opportunité de renouveler le regard des habitants sur leur quartier, de promouvoir de nouvelles activités et de développer des nouvelles relations sociales sur leur territoire. Ainsi, le dernier enjeu issu de la demande des citadins en matière d’espaces verts est le rapport entre l’accessibilité et l’usage qu’il est possible d’en faire. Il est nécessaire d’identifier les attentes des acteurs du territoire en fonction de leurs préoccupations environnementales.

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Afin de répondre à la demande d’amélioration de la gestion des espaces verts pour la commune d’Antibes Juan-les-Pins, nous identifions ces enjeux comme pistes de recherche :

1) comprendre les différentes visions de l’espace vert afin de développer des moyens de communication pour faire comprendre les choix de gestion issus de volonté politique ; 2) définir les orientations politiques de gestion durable des espaces verts pour la

commune afin de développer les stratégies d’interventions permettant d’organiser la programmation, la réalisation et la gestion des actions dans les espaces verts ;

3) identifier les besoins des acteurs en fonction de leurs inquiétudes.

Synthèse

Nous élaborons une carte conceptuelle des espaces verts à partir de celle de l’espace géographique (Figure 18). La notion de gestion est au cœur de notre système d’étude par analogie à l’organisation spatiale. En effet, la gestion est déterminée et déterminante pour déceler la complexité des structures et dynamiques des espaces verts, et leurs représentations par les différents acteurs du territoire. Par ailleurs, nous remplaçons les paramètres de la carte conceptuelle précédente par les informations notionnelles relatives aux espaces verts. Par exemple, les concepts de territorialisation et de territorialité reflètent alors l’espace public par rapport à ses critères (accessibilité, gratuité, délimitation, réglementation, usages et comportements). Autre exemple, les enjeux des espaces verts, définis préalablement sont incarnés par les différentes dimensions cartésiennes, phénoménologiques et sociales. Cela renvoie au contexte la gestion durable des espaces verts relatif aux bienfaits de la présence des espaces verts en ville, aux relations entre acteurs du territoire et à l’intégration de la participation.

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Figure 18 : Définition des espaces verts : entre matérialité et objectivation

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