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l’expérimentation de la participation

8.1. Retour sur le travail réalisé

8.1.2. Evaluation du contexte d’élaboration du dispositif participatif global et comparaison des ateliers pilotes

Afin d’apprécier notre travail expérimental, nous utilisons deux grilles d’évaluation. La première concerne le dispositif participatif dans sa globalité tandis que la seconde compare nos ateliers pilotes. Ces deux grilles sont complémentaires car l’une permet de saisir le contexte de l’élaboration de notre dispositif mis en place et l’autre permet d’établir une analogie des outils participatifs testés pour analyser la portée de l’ensemble de cette procédure dans le cadre de la collectivité territoriale.

Fung (2006), spécialisé dans l’étude de la démocratie et de la citoyenneté, décrit la multiplicité des dispositifs participatifs selon trois variables, dans ce qu’il nomme le « cube de la démocratie » (Figure 90) : les critères de sélection des participants, les types d’échange et leur impact sur la décision. Cela permet de comprendre la portée des dispositifs de participation, appelé design participatif (Bherer, 2011), pour les qualifier et les prescrire (Fourniau, 2010; Gourgues, 2010).

Figure 89 : Les trois continuums du cube démocratique de Fung (selon Gourgues, 2010)

Ces critères sont motivés par trois normes-types (Lardeux, 2015) : la légitimation relative à la capacité d’asseoir la prise de décision sur un accord « populaire », la justice en faisant participer les personnes concernées par les décisions et l’efficacité en améliorant les actions au terme de la participation. La prise de décision n’est ainsi qu’un aspect du dispositif tout comme l’aspect délibératif ou la présence d’une méthodologie professionnalisée (Gourgues, 2010). Nous utilisons les critères de Fung sur l’évaluation d’un dispositif participatif repris par Bherer (2011) dans une grille composée de six facteurs en lien avec l’organisation des « espaces participatifs ». Le premier facteur concerne les personnes qui participent. Il varie en

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fonction du degré de représentativité souhaité. Il y a cinq mécanismes de sélection connus pour déterminer les instances participatives (Bherer, 2011):

- ouvertes à toute personne, désirant s’y présenter, de type consultatif sous forme d’assemblées publiques ;

- sélectionnées selon des catégories de participants, dont l’objectif est d’améliorer la représentativité et de susciter l’engagement des personnes les moins présentent sur la scène politique ;

- par tirages au sort, utilisés pour créer une assemblée citoyenne dont le profil respecte certaines exigences précisées pour l’occasion ;

- de jurys de citoyens, de type consensus comme les instances de quartiers qui mobilisent des administrés qualifiés de « parties prenantes citoyennes » avec non seulement les citoyens mais aussi des militants non professionnels ;

- de parties prenantes professionnelles, telles des associations organisées et engagées autour d’un enjeu précis et des experts reconnus ayant une forte légitimité.

Le second critère est en lien avec les enjeux individuels ou collectifs de la participation pour les participants. « Sont-ils concernés directement par le sujet traité, comme c’est le cas par exemple pour un individu touché par un projet d’aménagement ou pour un groupe mobilisé depuis plusieurs années autour d’une cause ? Ou s’agit-il plutôt d’une participation à un débat public large, sans effet direct et immédiat sur les personnes, comme dans plusieurs dispositifs privilégiant le tirage au sort ? » (Bherer, 2011). Leur intérêt est alors élevé s’il s’agit de traiter de leur bien commun et de leur espace de vie quotidien. Les habitants immédiats du projet peuvent intervenir de même que les groupes communautaires et les associations, engagés dans diverses causes environnementales, patrimoniales et culturelles (Bherer, 2011). Ensuite, l’aspect communicationnel est pris en considération, concernant la manière dont les acteurs du territoire interagissent entre eux en fonction du moment où l’information est divulguée et selon la nature de l’avis donné (Bherer, 2011) :

- simples spectateurs d’un échange entre les acteurs politiques sans qu’ils interviennent ;

- expression des préférences au moment où ils obtiennent l’information avec la possibilité de poser des questions et de partager leurs préoccupations ;

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- citoyens qui justifient leurs préférences après s’être forgés une opinion, ou encore parce que l’organisation de l’espace participatif leur permet de modifier leurs préférences en discutant de manière poussée avec d’autres participants ;

- décision collective avec une négociation des intérêts par des agrégations de préférences distinctes ;

- délibérative, pour atteindre un consensus ou une résolution de conflit grâce à une discussion collective dans l’intention de comprendre les intérêts de chacun sur un sujet spécifique controversé.

Le quatrième élément implique le choix du sujet abordé dans le dispositif. Il oriente la portée de la participation car un thème général permet des contributions plus diverses tandis qu’un sujet très spécialisé circonscrit d’avantage l’apport informationnel (Bherer, 2011). En avant- dernier critère, nous avons la fréquence de la participation, relative à l’encadrement du dispositif. C’est la nature de l’espace participatif qui définit si les rencontres sont régulières comme pour les conseils de quartier, ou d’un nombre précis avec un processus limité dans le temps tel un sondage délibératif, ou même ponctuelles avec une assemblée publique d’information (Bherer, 2011). Enfin, le dernier critère renvoie au degré d’influence qui est pris en compte pour indiquer le niveau de la participation. Il en existe cinq différents basés sur le fait de (Bherer, 2011) :

- tirer un avantage personnel après la réalisation d’une action civique ; - sensibiliser les autorités publiques sur une thématique ;

- s’engager moralement pour les gouvernants, car ils ont un pouvoir de recommandation,

- produire des politiques publiques en participant directement, par exemple à l’élaboration d’un plan d’action,

- avoir un pouvoir décisionnel grâce à la tenue d’un vote de type referendum.

Si nous considérons le design participatif du dispositif que nous proposons dans le cadre de cette thèse (Tableau 30), nous pouvons conclure que les participants sont des citoyens volontaires, prêts à expérimenter la participation dans le cadre de la gestion des espaces verts. Ils répondent à une invitation de la collectivité territoriale (élu et gestionnaire du SPUNC) rédigée par le chercheur. Nous avons proposé à une liste d’individus ciblés, sélectionnés en fonction de leur représentativité et de leur intérêt pour le thème abordé. Leur intérêt est alors élevé car il s’agit de traiter de leur bien commun et de leur espace de vie quotidien. En

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fonction des outils participatifs sélectionnés dans ce dispositif, les participants ont la possibilité non seulement de réunir leurs préférences individuelles mais aussi de proposer des discussions raisonnées grâce aux informations fournies. La collaboration développée ici tend vers la création d’une vision commune d’un espace vert ou d’un projet. L’enjeu de la participation est très précis puisque nous demandons aux participants leur opinion sur la gestion des espaces verts de la commune. Toutefois, il peut sembler plus général, car nous leur demandons de parler de leurs usages et leurs représentations des espaces en question. Cependant, le sujet reste spécialisé de par son ancrage territorial dans une politique de gestion durable des espaces verts. Dans notre cas, la fréquence de la participation est limitée dans le temps. Il s’agit d’un dispositif créé pour une raison particulière, en vue de tester la participation citoyenne. Elle vise à devenir davantage fréquente et pourquoi pas pérennisée, par exemple en instaurant le dispositif dans les conseils de quartier. « Le principal pouvoir des conseils de quartier est leur pouvoir de recommandation, car la commune a un engagement moral fort à leur égard. Cet engagement se reflète notamment dans les garanties réglementaires, le budget et les postes des agents de consultation publique consacrés aux conseils de quartier » (Bherer, 2011). La force de ce dispositif expérimental est, d’une part, le bénéfice personnel apporté à chacune des parties prenantes en matière d’expérience et de connaissances et, d’autre part, la co-production d’une vision partagée contribuant activement à la mise en place d’outils de gestion pour les espaces verts ainsi qu’à une collaboration entre les acteurs mettant en avant leur sentiment d’appartenance au territoire.

Qui participe ? Citoyens volontaires

Recrutement ciblé

L'enjeu de la participation pour

les participants Les participants ont un intérêt direct

Comment les participants participent-ils ?

Expression des préférences

Espace participatif qui permet de discuter de manière poussée avec d’autres participants

Délibération et discussions raisonnées

La portée de la participation Sujet spécialisé

Quelle est la fréquence de la participation ?

Processus limité dans le temps Actions ponctuelles

Quel est le degré d'influence des participants ?

Tirer un avantage personnel Sensibiliser les autorités publiques

Tableau 30 : Modalités de participation du dispositif participatif global d'après Laurence Bherer

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Chacun des ateliers pilotes est soumis à une seconde grille de lecture, la grille de « l’action de géogouvernance », proposée par les chercheurs du groupe inter-sites « Analyse Spatiale et géogouvernance » du laboratoire ESPACE. Ensemble, ils développent une grille d’analyse de référence propre au processus de géogouvernance « introduisant les exigences spatiale, durable et démocratique, et s’appuyant sur des outils d’analyse spatiale et sur leur expérimentation dans un contexte opérationnel » (UMR espace 7300, 2015). Trois problématiques sont observées à partir de leur recherche (UMR espace 7300, 2015) :

- définir les échelles territoriales pertinentes de mise en place et de réussite du processus de géogouvernance en lien avec le choix des acteurs impliqués,

- questionner la temporalité du processus, essentiellement sur le développement de la connaissance des territoires,

- étudier les modalités et les difficultés de la co-construction d’un projet de territoire. Un soin particulier est apporté à la dimension méthodologique de la recherche de la mise en œuvre du processus de géogouvernance et aux outils utilisés, dont l’objectif est de transmettre les connaissances établies au citoyen en les rendant intelligibles et ainsi favoriser l’aide à leur formation pour renforcer leurs compétences (UMR espace 7300, 2015). La grille permet de comparer les facteurs de contexte entre les différents ateliers pilotes afin d’évaluer les actions qualifiées de géogouvernantes auxquelles un individu participe (Tableau 31). L’ensemble des questions proposées par les chercheurs des différentes réunions du groupe « Analyse Spatiale et géogouvernance » sont reprises et regroupées en six thèmes :

- le cadre de l'action, prenant en compte les espaces concernés, le contexte et le type de l’action, les conflits d’intérêt éventuels et le rôle du géographe ;

- les relations entre les acteurs, avec les liens formels et informels entre les acteurs du territoire et leur hiérarchisation ;

- le positionnement des acteurs vis-à-vis de l’approche participative et de la connaissance spatiale produite ;

- les informations spatiales mobilisées pour la demande d’informations, de leurs natures et de leurs sources, des modalités au cours de l’action et des échanges de ces informations spatiales ;

- le retour d’expérience du géographe, concernant l’appropriation de la connaissance spatiale et son intégration par les acteurs du territoire ;

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OSA PINS VERT

Cadre de l'action Espace

concerné

Plusieurs espaces verts étaient concernés : ensemble des espaces verts disponibles de la

commune.

Un espace vert était concerné : la Pinède de

Juan-les-Pins.

Trois espaces verts étaient concernés : Exflora, square Henri Delaunay et Ambroisie

Lauvert.

Contexte de l'action

Le SPNUC et le doctorant étaient à l'origine de l'action. Le SPNUC, l'élu du service et le doctorant ont choisi les participants.

La thématique a été imposée par le

SPNUC.

La thématique a été proposée par le doctorant et acceptée par le SPUNC.

Types de déroulement de

l’action

Les ateliers participatifs ont été réalisés avec la présence de 10 participants contactés par mail. Chacun des individus a passé un entretien individuel. Atelier participatif de

type World Cafe.

Atelier participatif de type enquête photographique. Atelier participatif de type cartographie collaborative. Conflits d'intérêts éventuels / à l'action

La participation a été un sujet polémique avant de démarrer. Les conflits étaient d'ordre idéologique et concernaient essentiellement un enjeu

politique et social.

Le sujet était soutenu politiquement par l'élu

du SPNUC.

Le sujet a été abordé avec précaution car une

rénovation du site est prévue très prochainement. Cela

pourrait révéler des contradictions entre ce

qui sera dit lors de l'atelier et les futurs

aménagements programmés.

Le sujet a été abordé avec curiosité dû au côté novateur de l'outil numérique utilisé pour

le SPNUC.

Rôle dévolu aux géographes

Le doctorant était porteur du projet à la fois passeur de savoir, spécialiste et catalyseur avançant en toute transparence.

Relations entre les acteurs Liens formels

entre les acteurs

Les participants étaient en contact grâce à la mise en place d'un éditeur de texte collaboratif. Les échanges se sont effectués durant 10 semaines pendant toute la durée du dispositif participatif. Cependant, cet outil a été

peu utilisé par les participants. Les échanges les plus importants ont été réalisés lors des séances d’atelier participatif.

Liens informels entre certains

acteurs

Certains participants se connaissaient en amont donc ils ont eu tendance à se retrouver en contact sur le terrain plus facilement. Le gestionnaire est

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