TROISIÈME CHAPITRE : LA MÉTHODOLOGIE
3.2 Les parents des deux enfants
LQIRUPpVGHO¶pWXGH Nous la souhaitions au plus proche du milieu naturel de vie comme aller au spectacle. En effet, depuis le début de notre engagement doctoral, notre position j O¶pJDUG GHV HQIDQWV QRQ SXEqUHV HQ état de surcharge pondérale V¶HVW PRGLILpH 3DU souci d¶pYLWHU GH les stigmatiser ou de cautionner cette stigmatisation en amenant les enfants au cabinet du médecin nutritionniste, de ne pas usurper le rôle parental G¶pGXFDWHXU, ni même risquer de dévaloriser devant leur enfant les conduites parentales IDFHjO¶DOLPHQWDWLRQ nous avons reçu les parents seuls et même parfois sans que leur enfant ne le sache. Les résultats sont apparus fort intéressants. Bien sûr, les parents souhaitent probité, honnêteté voire transparence vis-à-vis de leur enfant mais, est-ce bien nécessaire TXDQGFHGHUQLHUQ¶pPHWDXFXQHGHPDQGHRXQHUDSSRUWHDXFXQHPRTXHULHGH la part de ses camarades au sujet de son corps ? 4XRL TX¶LO HQ VRLW QRXV VRXKDLWions GRQQHUDX[SDUHQWVODSRVVLELOLWpG¶H[HUFHUOHXUMXVWHSODFHGHSDUHQWpGXFDWHXUDXSUqVGH leur enfant et de son autonomisation avec pour support et soutien, le conte oral de tradition populaire. En pratique, la fillette a été informée de sa possible participation GDQVO¶pWXGHSRXUOHVUDLVRQVGHVa surcharge pondérale par son père avant même que ses parents nous rencontrent,OHQDpWpDXWUHPHQWSRXUOHJDUoRQQHWjTXLODPqUHQ¶DYDLW pas annoncé sa participation j O¶pWXGH /¶LQIRUPDWLRQ GRQQpH initialement j O¶HQIDQW semble-t-il et qui nous a été rapportée par la mère pWDLWFHOOHG¶XQVSHFWDFOHGH contes sans plus de précision. Nous verrons dans le chapitre suivant GHO¶DQDO\VH FHTX¶LOHQD été eu égard à la position de la mère à ce sujet.
Concernant la place des enfants, elle était de fait DX FHQWUH GH O¶pWXGH WRXW HQ étant fondue dans le groupe des spectateurs. Au centre parce que nous, chercheure, O¶REVHUYLRQVSHQGDQWODVpDQFHHWTX¶jODPDLVRQXQGHVHVSDUHQWVO¶LQWHUYLHZDLW tout en poursuivant le repérage de ses comportements ou attitudes dans le quotidien.
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séances constituait QRWUHVHFRQGFULWqUH'¶XQHSDUWSRXUOHVDFFRPSDJQHUVXUOHWUDMHWà ODVpDQFHHWG¶DXWUHSDUW comme acteurs de O¶pWXGHFDULOVVRQWjQRV\HX[, comme écrit précédemment, les premiers éducateurs de leur enfant. Notons qu¶LOV VRQW entrés en contact avec nous sur la base du volontariat. De plus, nous leur avons demandé G¶HQUHJLVWUHU le discours de leur enfant entre chaque VpDQFH ,O V¶DJLVVDLW SRXU nous de renforcer leur place auprès de lui. Peut-rWUH PrPH Q¶DXULRQV-nous pas compris la complexité des rapports humains au sein même du couple parental et avec leurs enfants, QRWDPPHQWDXWRXUGHO¶DOLPHQWDWLRQqui s¶est dévoilée DXFRXUVGHO¶pWXGH.
Accepter leur présence aux séances contribuait à permettre le rassemblement des générations et des parentés comme autrefois puisque le conte oral de tradition SRSXODLUHV¶DGUHVVHjWRXWOHPRQGHMHXQHVHWPRLQVMHXQHVDe plus, la recherche-action se réalisant en milieu naturel, leur présence SDUWLFLSDLWjFHFULWqUHG¶DXWDQWTXHG¶DXWUHV spectateurs enfants étaient accompagnés de leurs parents. Ainsi, leur présence contribuait à éviter de VWLJPDWLVHUO¶HQIDQWGDQVTXHOTXHGRPDLQHTXHFHVRLW
3. 3 Les contes
Nous les avons considéré comme des acteurs tout autant que les enfants, les parents, le conteur et la chercheure car ils sont portés par la voix vivante et la mémoire du conteur qui les raconte. Notre choix a procédé de notre expérience de spectatrice G¶KHXUHs de conte, de nos propres sensations perçues à chaque lecture à voix haute pour mieux les écouter nous parler puis de notre exploration de la problématique de la surcharge pondérale à travers le spectre du concept de « manger plus que ses besoins » et enfin GHQRVOHFWXUHVG¶DXWHXUVFRPPH9RQ)UDQ]1974), Bettelheim (1976) et Péju (1981). /HFKRL[GHVFRQWHVV¶HVW fait en trois temps. Le premier temps a consisté en une présélection de 15 contes et le second a retenu sept contes. Puis un échange avec le conteur DILQTX¶LOOHVDSSUpKHQGHHWpYDOXHVRQWUDYDLOGHPpPRULVDWLRQFDUFHUWDLQVQH IDLVDLHQWSDVSDUWLHGHVRQUpSHUWRLUH'HVRQF{WpLOHQDSURSRVpXQTX¶LODYDLWHQWHQGX G¶XQ JULRW DIULFDLQ j 'DNDU Les contes choisis (annexe C) mêlent O¶pYRFDWLRQ des
sensations alimentaires comme la faim, le trop manger et leurs effets ainsi que celle des sensations non alimentaires des affects et émotions comme la peur, la tristesse, la colère donnés à vivre lors de situations, d¶évènements et épreuves de vie. Ces évocations avec un vocabulaire riche, subtil parfois et distinct, sont très souvent retrouvées ensemble, dans les mêmes contes. Parallèlement, les thèmes génériques retenus portent sur O¶DOLPHQWDLUH comme le comestible ou pas, la cueillette, la chasse, les saisons des fruits et légumes, O¶DUW FXOLQDLUH DYHF le cru et le cuit, les modes de cuisson au masculin et au féminin, les recettes, les ustensiles, les lieux de cuisson et de repas, les quantités, les famines, les figures de nourrissage, les ogres, ogresses, sorcières et loups et leur dévoration, le corps et les organes de digestion, les vêtements. Nous avons aussi trouvé des contes dont les sujets évoquent des rituels de passage, des épreuves de la vie à franchir et à dépasser, des départs pour une quête, qui sont des métaphores du sevrage et de la séparation OLpVQRWDPPHQWDXMRXUG¶KXLjOa reprise professionnelle de la mère que WRXWHQIDQWYLYUDG¶XQHIDoRQRXG¶XQHDXWUH tôt ou tard. Leurs dénouements seront, de plus, des thèmes suggestifs de solutions. Les comportements seront aussi représentés notamment par la douceur de la mère disparue, la méchanceté et même la cruauté de la belle-mère marâtre, l¶REpLVVDQFHla générosité FRPPHFHOOHGHO¶DUEUHRIIUant ses fruits, l¶KRVSLWDOLWp la ruse. Les sensations ou émotions clairement nommées, avec un vocabulaire proche et gradué comme la peur et la crainte moins forte, se rapportant parfois aux éléments comme le ciel furieux, la pluie désolée, la terre inquiète parcHTX¶LO ne pleut plus, évoqueQWUHVSHFWLYHPHQWFROqUHWULVWHVVHHWSHXU'DQVG¶DXWUHVFRQWHVLO est dit tout le bonheur de manger, parole faisant écho aux réponses de nos jeunes patients si souvent suspectés de trop aimer manger. Cette suspicion induit immanquablement une certaine culpabilité, sentiment couramment exprimé par les adultes VXUWRXW DSUqV OH SDVVDJH j O¶acte alimentaire pour apaiser une émotion inconfortable.
4XRLTX¶LOHQVRLWWoutes ces évocations sont des réalités de la vie de chacun. Les mots, symboles des objets, des sensations, des situations et des épreuves, les mots
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rassurants et compréhensifs pour apaiser et sécuriser des retrouvailles futures, ne sont pas toujours prononcés ou abordés explicitement par les parents HWO¶HQWRXUDJH. Par les évocations et l¶HVSDFH GH SURMHFWLRQ TXe le conte présente, par la parole mouvante au rythme de O¶LQVSLUDWLRQHWGHOa voix, des intonations, des accélérations ou lenteurs, des silences et pauses, toujours en lien avec ce que le conteur ou la conteuse perçoit de O¶DXGLWRLUH HW GH O¶DWPRVSKqUH GX OLHX, LO HVW SRVVLEOH SRXU O¶DXGLWHXU G¶éprouver, de ressentir voire de revivre les situations et les épreuves avec les mêmes sensations ou émotions, nommées clairement ou symboliquement. La légitimation des sensations pour avoir été prononcées et leur reconnaissance conduiront à les accepter en soi. Ainsi, leur mise à distance sera plus aisée et rendra disponible aux alternatives et solutions suggérées SDU OD ILQ GH O¶KLVWRLUH. Ainsi, les mots et la voix amèneQW O¶RXYHUWXUH j G¶DXWUHV UHSUpVHQWDWLRQV HW LPDJHV j FRQVWUXLUH SRXU VRL Nous comprenons alors toute O¶LPSRUWDQFH GH O¶H[SpULHQFH qui réside « dans » le conte mais aussi dans celle du contage.
Regardons les contes choisis à la lumière de ces symboles et particulièrement leurs quelques spécificités afin de laisser naviguer O¶LPDJLQDWLRQ de chaque enfant et auditeur. %RXFOHG¶RU et les trois ours évoque les quantités DLQVLTXHODTXrWHG¶LGHQWLWp. (Q HIIHW GDQV OH FRQWH[WH G¶DERQGDQFH G¶DXMRXUG¶KXL OD WDLOOH GH O¶DVVLHWWH est plus JUDQGH TX¶DXWUHIRLV et la quantité déposée dedans est très souvent la même pour les enfants que pour leurs parents. Yamamba, conte japonais, rapporte que le monstre, à trop manger, est pris de vomissements irrépressibles, rejetant WRXWFHTX¶il a mangé. Hansel et
Gretel, VL ULFKH G¶pYRFDWLRQV PHQWLRQQH OHV VHQVDWLRQV DOLPHQWDLUHV FRPPH OD IDLP
O¶DYLGLWpDOLPHQWDLUHVXUODPDLVRQHQSDLQ G¶pSLFHHW DSSRUWHXQHILQKHXUHXVHGDQVOD disparition de la sorcière. Le fou rire de la grenouille raconte que le batracien a bu toute O¶HDX GH OD WHUUH j HQ GHYHQLU pQRUPH HW à assoiffer tous ses habitants. De son côté,
L¶DUEUH JpQpUHX[ qui, RXWUH O¶pYROXWLRQ HW OHV kJHV GH OD YLH pYRTXH OD JpQpURVLWp
O¶DFFXHLOLQFRQGLWLRQQHODLQVLTXHODOLPLWHGHVTXDQWLWpVVRXVSHLQHG¶rWUHPDODGH4XDQW à La louche de Baba Ghannouj (annexe D), elle représente une version inspirée du conte traditionnel russe Baba Yaga, figure de la mythologie slave GpYRUHXVH G¶HQIDQWV dans
certaines versions. /¶interprétation contemporaine écrite et contée par Robitaille31 évoque largement les RGHXUVGHQDYHWG¶pSLFHVles saveurs de sucre, les mets fumants et appétissants, les GLIIpUHQWHVIDoRQVG¶DFFRPPRGHUOHs fruits en mousse, en coulis, leurs présentations en pyramides, en tartes, en clafoutis. Elle mentionne O¶LVROHPHQW HW OD GpYRUDWLRQ G¶HQIDQWV 8Q REMHW PDJLTXH OH SHLJQH SHUPHW OH GpQRuement heureux de O¶LQWULJXH&HWWHYHUVLRQQRXVest apparue ELHQDGDSWpHDXPRQGHG¶DXMRXUG¶KXL avec ses problématiques plus fréquentes comme l¶DOOHUJLH HW la surcharge pondérale liée au « manger plus que ses besoins ». Notre rencontre avec Robitaille nous a permis de comprendre ses motivations à le réécrire. En effet, ses intentions portaient sur le fait que parfois, « nous nous laissions emporter par nos loups ou nos démons intérieurs et que nous en étions parfois dépassés ». Cette version venant mettre au grand jour cet aspect, le conteur en le nommant de sa voix, le rend légitime en chacun de soi. Sans oublier Le
conte du genévrier qui évoque O¶DVSHFWQRLUGHODPqUH, dans la marâtre, donc de tout être
humain. Sous la maltraitance, la cruauté et la perfidie de sa belle-mère, il suggère la PRUW GH O¶HQIDQW HQ SUpVHQWDQW VRQ FRUSV HQ UDJRW j VRQ SURSUH SqUH /HV RV QRQ FRQVRPPpV VRQW GpSRVpV SDU VD V°XU DX SLHG GX JHQpYULHU Puis l¶DUEUH VH PHWWDQW j bouger, un brouillard semblable à du feu en desFHQG HW XQ EHO RLVHDX V¶HQYROH En échange de son chant, telle une ritournelle UDFRQWDQWO¶KLVWRLUHGHO¶HQIDQW jO¶RUIqYUHau cordonnier, aux meuniers etc., LOREWLHQWGHVFDGHDX[TX¶LOUDSSRUWHVRXVOHJHQpYULHU/H conte se termine dans un dénouement heureux faisant réapparaître dans un nouveau feu, O¶HQIDQW JUDQGL pYRTXDQW une renaissance adulte. Le huitième conte de /¶DEHLOOH HW OD
grenouille TXLV¶LQYLWHQWFKDFXQVRQWRXUjSDUWDJHUXQUHSDVGDQVOHXUGHPHXUHSDUOHGH
la joie, de O¶DSSpWLWHWGHODtolérance GHVKDELWXGHVHWGHVPRGHVGHYLHGHO¶DXWUH
Sur les cinq séances de contage, nous avons décidé de laisser une séance à la fin sans programme défini afin de mettre O¶HQIDQW HW OHV DXWUHV VSHFWDWHXUV en position de choisir le conte TX¶LOVGpVLUDLHQWentendre une nouvelle fois. En effet, stimuler la capacité du choix puis la restitution de la mémorisation GX FRQWH RX O¶H[SUHVVLRQ G¶un certain
31 Conteuse québécoise.
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imaginaire hors du temps de conte, pORLJQDQW DLQVL O¶pSKpPqre dans un passage trop rapide, nous a paru faire écho aux demandes répétées des mêmes contes de la part des enfants.
3.4 Le conteur
Parallèlement aux choix des contes, nous avions croisé quelques conteuses et conteurs et déjà, nous avions compris l¶LPSRUWDQFHGX rôle et de la personnalité de l¶rWUH avec lequel nous souhaitions partager ce travail de recherche. Observons présentement le conteur VRXVO¶DQJOHGHQRWUHFKRL[
Notre orientation vers le conteur choisi V¶HVW RSpUpH GDQV OHV VXLWHV G¶une rencontre et de ce qui s¶est dessiné GDQVO¶HVSDFHHQWUHOHVSHUVRQQHV lorsque nous nous VRPPHVUDSSURFKpHG¶XQJURXSHGHFRQWHXUVQDQWDLV. 1RXVO¶DYLRQVYXORUVTX¶LOFRQWDLW GDQV O¶DVVRFLDWLRQ GH FRQWHXUV HW FRQWHXVHV 3XLV XQH FHUWDLQH TXDOLWp GH UHODWLRQ V¶est établie avec lui dans cet espace. Cette relation nous est apparue V¶LQVFULUH GDQV XQH recherche de compréhension et de respect mutuel de ce qui rapproche et différencie, de FHTXHO¶XQHWO¶DXWUHVRXKDLWaient et ne souhaitaient pas, HQJDUGDQWjO¶HVSULt de servir le projet de chacun. 1RXVOXLDYRQVGHPDQGpWUqVVLPSOHPHQWV¶LOvoulait bien participer à la PpGLDWLRQSDUOHFRQWHRUDOGHWUDGLWLRQSRSXODLUHDXSUqVG¶HQIDQWVHQpWDWGHVXUcharge pondérale, dans notre travail de recherche. De son côté, il avait déjà particLSpjG¶DXWUHV DFWLRQVDXSUqVG¶DGROHVFHQWV HW G¶HQIDQWV VXUG¶DXWUHVWKqPHV et enrichir son répertoire ainsi que son expérience a été pour lui déterminant.
Nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises pour échanger sur les contes que nous, chercheure, pressentionsOHVFRPSWLQHVG¶RXYHUWXUHHWG¶HQWUHOHVFRQWHVainsi que sur la mise en scène TX¶LO LPDJLQDLW. Ensuite, il a travaillé la remémoration des quelques conWHVTX¶LOFRQQDLssait et O¶apprentissagHG¶DXWUHVQHIDLVDQWSDVSDUWLHGHVRQ répertoire. En particulier, lors de sa préparation du Conte du genévrier, il nous a rapporté DYRLUIDLOOLQRXVWpOpSKRQHUSRXUQRXVGLUHTX¶LOQHVHVHQWDLWSDVGHOHFRQWHUHQUDLVRQ
de la cruauté de la marâtre. PuiVVHUDYLVDQWLOO¶DSUpSDUpà sa manière selon sa propre inspiration.