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La paix et la sécurité internationale

CHAPITRE 5 : LES DIFFÉRENCES DE PERCEPTION ET LA DIPLOMATIE

5.3. Les perceptions des présidents par rapport aux différentes thématiques

5.3.8. La paix et la sécurité internationale

Le Brésil jouit globalement d’une image d’un pays pacifiste sur la scène internationale et ceci est le fruit d’une politique et d’une tradition diplomatique depuis des décennies. De même, s’il a parfois été accusé dans son histoire d’avoir des velléités d’hégémonie militaire notamment en Amérique du Sud, le Brésil reste cependant un acteur important dans la sauvegarde de la paix et de la sécurité dans la région.

Figure 22 : pourcentage de citation des principaux sous-thèmes de la thématique « Paix et sécurité internationales » par président

La figure 22 nous montre une certaine forme de continuité de l’engagement du Brésil pour la paix et la sécurité régionale et internationale. En effet, ces deux enjeux sont les plus cités dans les propos des trois présidents concernant cette thématique. Par ailleurs, un autre sous-

thème assez présent dans les discours porte sur le principal enjeu de la paix et de la sécurité mondiales au 21e siècle, à savoir la lutte contre le terrorisme.

Il est vrai que le Brésil, comme les pays latino-américains, est globalement épargné par le terrorisme dit islamiste, mais cela n’empêche pas les dirigeants brésiliens de se positionner à l’égard de cette menace internationale. L’enjeu de la lutte contre le terrorisme a un pourcentage de citation de 11 % (soit 40 citations) chez le président Cardoso, de 13 % chez le président Lula da Silva (soit 69 citations) et de 1,8 % (soit 6 citations) chez la présidente Rousseff. Globalement, leur discours n’était pas différent de celui de beaucoup de dirigeants de ce monde qui appelaient, entre autres à ne pas faire l’amalgame entre les terroristes et l’Islam. Ils ont également souvent cité l’exemple du Brésil comme un pays où vivent en parfaite harmonie des personnes de religions différentes, même si le pays est très majoritairement catholique.

Toutefois, il existe une différence dans l’analyse des causes de ce terrorisme. En effet, même s’il n’établit pas de relation de causalité directe entre le terrorisme et la pauvreté ou les inégalités sociales, Lula da Silva considère tout au moins une relation de corrélation entre ces différents enjeux. En effet, pour ce dernier, « Lutter contre la faim et la pauvreté reste le meilleur remède contre le climat de frustration et de désespoir qui alimente la violence et le terrorisme » (Discours de Lula da Silva du 20 avril 2004).

Pour Cardoso, la lutte contre le terrorisme est indépendante des enjeux d’inégalités économiques et sociales et il souligne davantage les dangers pour la démocratie et les libertés individuelles. C’est dans ce sens qu’il déclara :

À ce stade, notre objectif est de maintenir cet agenda [de lutte pour l’égalité], qui, parallèlement à la répulsion du terrorisme qui s’impose, ne doit pas perdre de vue le fait que, indépendamment du terrorisme – et la pauvreté n’est pas la cause du terrorisme, elle constituerait une insulte pour les pauvres, le terrorisme n’est pas pratiqué par les pauvres ni par ceux qui les défendent. C’est une insulte aux pauvres. Mais indépendamment de cela, l’agenda sur l’égalité doit être permanente. Le terrorisme ne peut être occulté, tout comme il n’est pas légitime de penser que le terrorisme est une conséquence de l’inégalité de la pauvreté, car ce n’est pas le cas. (Discours de Cardoso du 19 novembre 2001)

Quant à la présidente Rousseff, elle semble s’inscrire dans la position classique de condamnation du terrorisme et des autres maux qui lui sont associés comme l’intolérance, la violence, les amalgames. Contrairement à ses deux homologues, la présidente Rousseff adopte une posture plus classique par rapport au terrorisme sans clairement relier cet enjeu sécuritaire à d’autres enjeux comme la démocratie, les inégalités, etc. Par contre, on constate qu’elle est la seule à avoir clairement parlé d’un autre enjeu sécuritaire important : la cybersécurité.

C’est en 2013 que la présidente Rousseff a abordé l’enjeu de la cybersécurité et ceci n’est pas un hasard. En effet, c’est en septembre de la même année que la chaîne de télévision brésilienne Globo – grâce à des documents fournis par Edward Snowden, a révélé que l’Agence nationale de sécurité américaine (NSA) avait espionné les communications de la présidente brésilienne, de plusieurs de ses conseillers, ainsi que celles de dirigeants de l’entreprise pétrolière Petrobras. Cet épisode a entraîné un froid diplomatique entre Brasilia et Washington, mais il a surtout conduit le Brésil à se positionner en faveur d’une plus grande sécurité numérique et d’une nouvelle gouvernance d’internet (Sarr, 2013).

La présidente rappelait ainsi que « Nous [le Brésil] reconnaissons le rôle croissant de la cybersécurité dans l’agenda mondial. Nous réaffirmons notre évaluation selon laquelle la commémoration des 70 ans de l’Organisation des Nations Unies doit être un moment qui permettra à l’ONU de s’adapter à la nouvelle réalité mondiale du XXIe siècle. » (Discours de Dilma Rousseff du 1er août 2014). Dans sa perception, la cybersécurité demeure un enjeu lié au respect de la démocratie, de la liberté et des droits de l’homme et qu’elle doit être traitée dans ce cadre multilatéral avec l’ONU comme acteur central.

Pour finir, on peut souligner l’importance dans les discours de Lula da Silva de la place des missions des Casques bleus de l’ONU auxquelles le Brésil a participé. En effet, le président Lula da Silva est celui qui en a davantage fait référence avec un pourcentage de citation de 6,6 % (soit 35 citations) contre 1,1 % (soit 4 citations) pour Cardoso et 2,5 % (soit 8 citations) pour Rousseff. Pour le président Lula, l’insertion internationale du Brésil passait également par une participation au maintien de la paix et de la sécurité mondiale dans un cadre multilatéral et l’engagement au sein des missions des Nations unies, constitue un bon moyen

pour atteindre cet objectif. Le Brésil a longtemps participé à des missions de l’ONU notamment en Afrique comme au Mozambique (ONUMOZ) ou en Angola (UNAVEM II et III). Sous Lula, le Brésil a renforcé cette tradition en Afrique, mais aussi dans les Caraïbes, plus particulièrement à Haïti au sein de la MINUSTAH. L’efficacité et le rôle du Brésil (comme pour les autres pays) dans ces missions onusiennes sont toujours discutés, mais il n’en demeure pas moins que cet engagement constitue un marqueur de la volonté de Brasilia de jouer un rôle dans la pacification du monde.