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Les inégalités économiques et sociales

CHAPITRE 5 : LES DIFFÉRENCES DE PERCEPTION ET LA DIPLOMATIE

5.3. Les perceptions des présidents par rapport aux différentes thématiques

5.3.4. Les inégalités économiques et sociales

Figure 18 : Pourcentage de citation des principaux sous-thèmes de la thématique « Lutte contre les inégalités économiques et sociales » par président

Cette thématique est une des plus importantes dans la politique intérieure du Brésil et les trois présidents ne font pas exception. Cependant sur la scène internationale, il ne serait pas exagéré de considérer cette thématique comme la thématique de prédilection du président Lula da Silva avec comme enjeux principaux la lutte contre la pauvreté et la lutte contre la faim et la misère.

En effet, ce sont deux enjeux qui sont très fréquents dans les discours du président syndicaliste et si aujourd’hui ce dernier jouit encore d’une certaine sympathie dans une bonne franche de la population brésilienne, c’est notamment grâce à sa politique dans la lutte contre la faim et la pauvreté. Au-delà du contexte brésilien, le président Lula da Silva a également tenté de porter ces deux enjeux sur la scène internationale, davantage que son prédécesseur et sa successeure.

La lutte contre la faim et la misère a un pourcentage de citation de 23,5 % (soit 388 citations) chez le président Lula da Silva, alors qu’il est de 2,3 % (soit 14 citations) pour Cardoso et de 6,8 % (soit 42 citations) pour Rousseff. De même, la lutte contre la pauvreté présente un pourcentage de citation de 20 % chez Lula da Silva (soit 330 citations) contre 12,2 % (soit 75 citations) pour Cardoso et 14,6 % (soit 90 citations) pour Rousseff. Ceci vient confirmer la prépondérance de ces deux enjeux chez le président Lula. Nous ne considérons évidemment pas que les présidents Cardoso et Rousseff n’étaient pas sensibles à ces deux enjeux, mais aucun d’eux n’en a fait un véritable cheval de bataille sur la scène internationale comme le président Lula da Silva. Ce dernier considérait notamment que :

Éradiquer la faim dans le monde est un impératif moral et politique. Et nous savons tous que c’est faisable, s’il existe, en réalité, la volonté politique de le mener à bien. Je n’aime pas répéter les preuves de la barbarie. Je voudrais toujours louer le progrès, aussi modeste soit-il. Mais il n’y a aucun moyen d’ignorer les chiffres qui exposent le terrible fléau de la misère et de la faim dans le monde. (Discours de Lula da Silva du 23 septembre 2003)

Par ailleurs, la place prépondérante de ces deux enjeux pour le président Lula da Silva s’observe également par leur récurrence dans son discours. En effet, la lutte contre la faim et la misère apparaît dans 44,5 % (soit dans 117 discours sur les 263) des discours du président Lula da Silva contre 7,2 % (soit dans 11 discours sur les 153) pour le président Cardoso et 23,6 % (soit dans 30 discours sur les 127) pour Rousseff. La lutte contre la pauvreté apparaît dans 49 % des discours de Lula da Silva (soit dans 129 discours sur les 263) contre 26,1 % (soit dans 40 discours sur les 153) et 40,9 % (soit dans 52 discours sur les 127).

Des programmes nationaux de lutte contre la faim et contre la pauvreté ont beaucoup été mis en avant sur la scène internationale par le président Lula da Silva pour montrer qu’à l’image du Brésil, la lutte contre ces fléaux n’est pas une fatalité, notamment pour les pays du Sud. On peut citer l’exemple du programme Bolsa Familia (Bourse familiale) ou encore celui de Fome Zero (Faim zéro) qui ont inspiré le président Lula dans son engagement pour la création d’un Fonds mondial de lutte contre la faim et d’un comité mondial de lutte contre la faim au sein des Nations unies.

Pour Lula, la faim et la pauvreté constituent la principale « arme de destruction massive » contre l’humanité et leur éradication passe entre autres par un commerce équitable pour tous,

la fin des subventions agricoles dans les pays développés qui accentuent le déséquilibre avec les pays sous-développés. C’est dans ce sens qu’il considérait que :

Le protectionnisme agricole aggrave les conditions de vie dans le monde entier au profit d’une demi-douzaine d’agriculteurs privilégiés des pays riches. Des relations commerciales internationales plus équilibrées auront un effet multiplicateur sur les pays en développement, où une partie importante de la population vit de l’agriculture. Cela est particulièrement vrai en Afrique, où des millions de personnes confrontées à la pauvreté et à la faim seront intégrées à l’économie mondiale. (Discours de Lula du 2 juin 2006)

L’engagement du président Lula da Silva dans cette thématique s’observe également sur d’autres enjeux comme une meilleure redistribution des richesses (à travers les revenus notamment), la promotion de la justice sociale, la lutte contre l’exclusion sociale et la lutte contre les inégalités. La présidente Rousseff s’est inscrite dans cette même perspective. En effet, elle s’inscrit dans la lignée de son prédécesseur notamment dans les principaux enjeux comme la lutte contre la faim et la pauvreté ou encore la lutte contre l’exclusion sociale, mais elle n’a pas porté ces enjeux sur la scène internationale comme son prédécesseur.

Au-delà de la volonté du président Lula d’utiliser ces enjeux pour mieux insérer son pays dans le système international, il n’est pas insensé de faire un lien entre le vécu du président et son engagement particulier contre la faim et la pauvreté. En effet, issu d’une famille nombreuse, le président Lula a connu la faim et la pauvreté dès son enfance et il a été amené à travailler très jeune pour aider sa famille. Ceci peut sembler réducteur, mais il n’est pas invraisemblable quand on connaît l’importance que peuvent avoir la cognition ou le système de croyances d’un décideur dans ses différentes actions politiques (Morin, 2013).