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L’évolution de la diplomatie présidentielle brésilienne depuis 1985

CHAPITRE 4 : DIPLOMATIE PRÉSIDENTIELLE ET POLITIQUE ÉTRANGÈRE AU

4.5. L’évolution de la diplomatie présidentielle brésilienne depuis 1985

Après le retour de la démocratie en 1985 à la suite de 21 ans de dictature militaire, c’est véritablement sous la présidence de Cardoso que la diplomatie présidentielle a pris toute sa dimension dans la politique extérieure du Brésil (Cerqueira, 2005 ; Cason et Power, 2009 ; Burges, 2017; Burges et Chagas Bastos, 2017; Danese, 2017). Tancredo Neves fut le premier président de la République du Brésil post-dictature, mais ce dernier décéda à la suite d’une longue maladie sans jamais être investi et il fut remplacé par son vice-président, José Sarney.

La manière dont Sarney accéda au pouvoir fit qu’il était difficile à son arrivée de cerner clairement ses positions en matière de politique étrangère. De plus, celui qui dirigea le Brésil entre 1985 et 1990 hérita d’un pays dont la consolidation de la démocratie et la stabilité économique et sociale – notamment à travers le Plan Cruzado qui était le plan mis en place par le gouvernement pour lutter contre l’hyperinflation – étaient au cœur des préoccupations (Cartier-Bresson, 1987 ; Prado et Miyamoto, 2010).

Mais ceci n’empêchait pas le Brésil, à l’image des autres pays latino-américains qui ont accédé à la démocratie au début des années 1990, de se lancer sur la scène politique internationale et régionale afin de donner l’image d’un pays en voie de démocratisation. Rapidement, la diplomatie présidentielle de Sarney s’aligna sur la ligne traditionnelle de la politique étrangère brésilienne avec une concentration sur l’Amérique latine et plus particulièrement l’Amérique du Sud. Ceci passa notamment par de nombreuses visites dans

les pays voisins comme l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay et un engagement avec ses différents homologues qui porta les prémisses du lancement du MERCOSUR (Danese, 2017).

La présidence de Sarney qui a été marquée par une certaine opposition avec Washington a également été la période pendant laquelle la politique étrangère du Brésil a connu d’importants développements. On peut citer entre autres le lancement du Groupe de Rio en 1986, la création de la Zone de paix et de coopération de l’Atlantique Sud (ZOPACAS) en 1986, le rétablissement des relations diplomatiques avec Cuba après 21 ans d’interruption, l’organisation de la première réunion des pays lusophones à São Luís (État du Maranhão) en 1989 qui donnera naissance à la (CPLP), le lancement en 1989 du Programme Nossa Natureza qui porte sur la préservation de l’Amazonie et qui constitua la base de la politique environnementale du Brésil (Prado et Miyamoto, 2010; Almeida, 2015; Danese, 2017).

Toutefois, le président Sarney n’a pas laissé une véritable empreinte sur la politique étrangère du Brésil. Almeida (2015) rappelle en ce sens que « Sa conduite de la diplomatie présidentielle s’est manifestée essentiellement par l’approfondissement des relations avec l’Argentine et par la demande brésilienne d’un traitement politique de la question de la dette extérieure, mais on ne peut pas dire que lui-même, bien qu’il les ait encouragés, a pris des initiatives personnelles dans le cadre de la politique étrangère. » (2015 : 177)

Bien que leurs passages respectifs à la tête du géant sud-américain aient été assez brefs, Fernando Collor de Mello (1990-1992) et Itamar Franco (1992-1994) ont cependant vu leurs présidences être marquées par des avancées importantes en matière de politique étrangère. Sorti vainqueur de l’élection présidentielle de novembre 1989, la première au Brésil depuis 29 ans, Collor de Mello a dû démissionner en 1992 – évitant au dernier moment la destitution par le Sénat — à la suite d’un scandale de corruption et de trafic d’influence. C’est à la suite de cet évènement qu’il a été remplacé par son vice-président, Itamar Franco qui termine donc le mandat présidentiel. Ainsi, sur le plan de la politique étrangère, cette particulière alternance à la tête de l’État conduisit à ce que Hirst et Pinheiro ont appelé « la politique extérieure du Brésil en deux temps » (1995 : 5).

Collor de Mello a été le président qui a amorcé l’alignement du Brésil sur le Consensus de Washington avec une politique de libéralisation économique sans précédent. Cette libéralisation — était l’un des axes du Plan Collor de lutte contre l’hyperinflation qui frappait le pays — s’inscrivait en porte-à-faux avec la politique développementaliste en place au Brésil et dans de nombreux États d’Amérique latine depuis des décennies (Nakano et Bresser Pereira, 1991 ; Burges et Chagas Bastos, 2017 ; Flexor et al., 2017).

Dès son élection, Collor de Mello a montré sa volonté de modifier la politique étrangère brésilienne autour notamment de trois axes principaux : redéfinir la place et le rôle du Brésil dans le nouvel échiquier mondial marqué par la fin de la Guerre froide; le rapprochement avec les États-Unis qui, avec la dislocation de l’Union soviétique, se sont affirmés comme la seule superpuissance mondiale; effacer l’image du Brésil comme un pays du tiers-monde (de Cruz Junior et al., 1993; Hirst et Pinheiro, 1995).

Cette nouvelle orientation de la politique étrangère du Brésil par rapport à la présidence de Sarney ne peut être dissociée de l’engagement de Collor de Mello qui lui a donné la crédibilité et la force nécessaires à son application. Une des réalisations les plus significatives de la présidence de Collor de Mello a vraisemblablement été la signature du Traité d’Asunción qui créa le MERCOSUR en 1991 et son implication personnelle — avec celui du président de l’Argentine, Carlos Menem — a permis de sortir de l’impasse des négociations (Almeida, 2015 ; Burges et Chagas Bastos, 2017). On peut également citer la signature avec l’Argentine du Traité quadripartite – en plus de l’Agence binationale de comptabilité et de contrôle des matières nucléaires et de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) –, qui établit les garanties d’une utilisation pacifique des matières et équipements nucléaires par les deux pays (Hirst et Pinheiro, 2015 ; Almeida, 2015).

La présidence n’a pas remplacé le ministère des Relations extérieures qui est resté un acteur central de politique étrangère brésilienne, mais le président de Collor de Mello a bousculé le monopole de l’Itamaraty dans la formulation et la conduite de la politique extérieure du pays, apportant ainsi un certain changement dans la diplomatie brésilienne (Almeida, 2015 ; Burges et Chagas Bastos, 2017). Ainsi, Collor de Mello n’a pas révolutionné le processus décisionnel ou l’approche de l’Itamaraty, mais, par son implication et par ses idées – qui sont souvent

convergentes avec celles des diplomates de l’Itamaraty –, il a su participer de manière significative à la conduite de la politique étrangère brésilienne davantage que son prédécesseur (Casarões, 2011 ; 2014 ; Burges et Chagas Bastos, 2017). On peut donc parler d’une participation active notamment à travers ses nombreuses visites officielles, mais il est difficile de parler d’un leadership incontesté de Collor de Mello (Casarões, 2011 ; 2014 ; Danese, 2017). Cependant, cette conclusion peut être relativisée du fait de son court mandat qui ne lui a certainement pas permis de laisser durablement son empreinte sur la politique étrangère du Brésil.

Contrairement à son prédécesseur, Itamar Franco n’a pas montré un grand intérêt pour la politique étrangère (Burges et Chagas-Bastos, 2017 ; Danese, 2017). En effet, « Face à un cadre politique national problématique, le gouvernement Itamar [Franco] a commencé sans donner la priorité à l’agenda externe, montrant peu d’intérêt à la diplomatie présidentielle. La politique étrangère a ensuite été déléguée à des acteurs de prestige reconnus en externe ou en interne du corps diplomatique » (Hirst et Pinheiro, 1995 : 10). La politique étrangère sous Itamar Franco a ainsi été une continuité des engagements pris sous Collor de Mello avec des aspects plus ou moins importants comme l’approbation de l’accord de Marrakech qui créa l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et la signature du protocole d’Ouro Preto qui confère entre autres une personnalité juridique internationale au MERCOSUR (Hirst et Pinheiro, 1995 ; Burges et Chagas-Bastos, 2017).

Si l’on observe parfois que des chefs d’État présentent un certain activisme sur la scène internationale lorsqu’ils connaissent des problèmes au niveau national, d’autres par contre se concentrent sur le règlement de ces problèmes et négligent la politique extérieure. Ce fut notamment le cas d’Itamar Franco qui délégua toute la formulation de la politique extérieure à l’Itamaraty et dont les limites de son implication en matière de politique étrangère peuvent s’expliquer par la priorité accordée à la lutte contre l’hyperinflation à travers le Plan Real mis en place par le ministre des Finances et futur chef de l’État, Fernando Henrique Cardoso (Hirst et Pinheiro, 1995 ; Vigevani et Cepulani, 2007 ; 2010 ; Danese, 2017).

L’accession au pouvoir de Cardoso le 1er janvier 1995 marque un tournant important dans la

présidentielle ont été observées sous la présidence de Collor de Mello, c’est véritablement sous Cardoso que la diplomatie présidentielle a pris une plus grande envergure et s’est affirmée comme une composante essentielle de la politique étrangère brésilienne (Burges, 2017 ; Danese, 2017). Ministre des Relations extérieures sous le gouvernement d’Itamar Franco (octobre 1992 — mai 1993) avant de devenir ministre des Finances (mai 1993 — mars 1994), Cardoso considérait « qu’il était impossible pour le Brésil de réaliser ses ambitions en matière de développement sans une insertion active dans le système international » (Burges et Chagas-Bastos, 2017 : 282).

Cette insertion internationale passait par une participation active aux régimes et normes internationales dans un contexte de libéralisation économique mondiale menée notamment par les États-Unis (Vigevani et Cepulani, 2007; 2010). Par ailleurs, au-delà de la consolidation des liens avec les puissances occidentales traditionnelles, la consolidation de l’intégration en Amérique du Sud et l’affirmation du leadership brésilien dans cette région a été l’axe principal de la politique étrangère sous la présidence de Cardoso et c’est sur cet axe que s’est davantage illustrée la diplomatie présidentielle de ce dernier (Almeida, 2015 ; Burges et Chagas-Bastos, 2017)

Il importe ici de préciser une chose importante sur la personnalité de Cardoso qui fait de ce dernier un président particulier par rapport aux présidents qui se sont succédé au Palais Planalto depuis le retour de la démocratie en 1985. En effet, comme nous l’avons énoncé supra, il a été ministre des Relations extérieures et à ce titre, il a été au cœur de la formulation et de l’application de la politique étrangère brésilienne, même si ce fut sur une courte période. Par conséquent, contrairement à ses prédécesseurs, Cardoso a acquis une grande expérience et a su développer des liens personnels et professionnels qui lui ont servi en tant que président.

De plus, il a également occupé un autre important poste ministériel à savoir celui des Finances avec le succès du Plan Real et ceci n’est pas négligeable dans le respect et l’attention qu’a pu véhiculer son image. Si on ajoute à cela, le fait qu’il soit un sociologue reconnu depuis longtemps à travers le monde, on a donc une personnalité charismatique et disposant

d’une grande notoriété en Amérique latine, mais également aux États-Unis et en Europe (Barnabé, 2012 ; Almeida, 2015 ; Burges et Chagas-Bastos, 2017 ; Danese, 2017).

Danese (2017) résume assez bien ce qu’a représenté la diplomatie présidentielle de Cardoso en soulignant que :

Déjà à ses débuts, le gouvernement du président Fernando Henrique Cardoso plaçait la diplomatie présidentielle, en matière de visites officielles, au centre des attentions des médias, de l’opinion publique, du Congrès et des milieux universitaires. En fait, l’impact de cette diplomatie était tel qu’elle donnait clairement l’impression que la diplomatie présidentielle brésilienne était créée à partir de zéro. Indépendamment des raisons qui ont occulté le souvenir de la précédente activité diplomatique présidentielle brésilienne, un espace a été ouvert pour une réflexion critique et prospective sur un thème virtuellement réinventé par la diplomatie du gouvernement Fernando Henrique Cardoso et redécouvert par le pays grâce à la couverture médiatique intense des visites et déplacements — même si l’intérêt prioritaire n’était pas toujours dans les aspects strictement diplomatiques de ces déplacements. (2017 : 37)

Par ailleurs, le président Cardoso ne s’est pas totalement substitué à l’Itamaraty qui a pu au contraire conserver sa neutralité politique et sa tradition technocratique et le chef de l’État a su s’entourer d’un personnel issu principalement du monde diplomatique. Ainsi, il ne s’agissait pas d’être le seul et l’unique décideur de l’orientation de la politique étrangère brésilienne, mais de participer activement à sa formulation et à son exécution en s’entourant de diplomates compétents et expérimentés comme son ministre des Relations extérieures entre 1995 et 2001, Luiz Felipe Palmeira Lampreia qui a été plusieurs fois ambassadeur et secrétaire général de l’Itamaraty entre 1992 et 1993 (Almeida, 2015 ; Burges, 2017). La diplomatie présidentielle du président Cardoso s’articulait autour de deux axes : un agenda diplomatique intense et la réorganisation du discours diplomatique en discours présidentiel (Danese, 2017).

En effet, contrairement à ces prédécesseurs, le président Cardoso a entrepris de nombreux voyages dans le monde et il a également reçu nombre de ses homologues étrangers. Qu’il s’agisse de rencontres bilatérales ou multilatérales, ces voyages à l’étranger — au point de recevoir des critiques, ironie de l’histoire, de Lula da Silva qui lui reprochait de passer beaucoup trop de temps à l’étranger — ont été l’occasion d’afficher l’ambition brésilienne sur la scène internationale en particulier dans les pays d’Amérique du Sud où le président Cardoso s’est rendu à 52 reprises pendant les huit années de son double mandat (tableau 25).

Tableau 25: voyages présidentiels par région de Fernando Henrique Cardoso (1995-2002) 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 Total

Amérique du Nord (É-U, Canada) 2 1 2 1 1 0 3 1 11

Mexique, Amérique centrale et Caraïbes 0 1 0 0 4 3 0 2 10

Amérique du Sud 9 6 8 4 5 6 8 6 52 Afrique 0 2 0 0 0 1 0 1 4 Moyen-Orient 0 0 0 0 0 0 0 0 0 Europe 6 5 4 6 5 5 3 10 44 Asie 2 2 0 0 0 0 3 0 7 Total 19 17 14 11 15 15 17 20 128

Source : élaboré par l’auteur à partir du document « Viagens oficiais de Fernando Henrique Cardoso 1995 – 2002 »http://acervo.ifhc.org.br/ModuloPesquisador/jsp/doctosApoio/8/viagens_1995_2002_alfa.pdf (consulté le 14 décembre 2017)

À côté de son style globe-trotter (Danese, 2017 : 38), le président Cardoso a également été à la base d’une réorganisation institutionnelle comme la restructuration de l’Itamaraty pour faire face à divers projets comme la consolidation du MERCOSUR, les négociations de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), les négociations avec l’Union européenne (UE) (Almeida, 2015). Il a également lancé en 1995 la création de la Chambre de commerce extérieur (CAMEX) qui est chargée de « la formulation, l’adoption, la mise en œuvre et la coordination des politiques et activités relatives au commerce extérieur des biens et services »34, ainsi que la Chambre des Relations extérieures et de la défense nationale (CREDEN) en 1996 dont la mission est de « formuler des politiques publiques et des lignes directrices sur des questions liées au domaine des affaires étrangères et de la défense nationale du gouvernement fédéral »35. Par conséquent, comme le souligne à juste titre Danese (2017), « Coordonnées par la présidence, les Chambres ont donné au président une articulation sans précédent dans les deux principaux domaines de la politique étrangère » (2017 : 41).

La présentation de la diplomatie présidentielle comme outil fondamental de la politique extérieure du Brésil s’est opérée à travers trois canaux à savoir les articles de presse, le dialogue avec le Congrès et le discours interne de l’Itamaraty (Danese, 2017 : 45). Pendant

34 Site de la Camex : http://www.camex.gov.br/sobre-a-camex (consulté le 1er février 2019)

35 Page de la Creden : http://www.casacivil.gov.br/camaras/camaras_set/cam_rel_ext_def_nac (consulté le 1er février 2019)

cette période, les diplomates de l’Itamaraty, avec à leur tête le ministre Lampreia, n’ont cessé de rappeler toute l’importance de la participation active du chef de l’État dans la politique étrangère. Il s’agissait pour le gouvernement brésilien de montrer que la question des relations internationales du Brésil attirait toute l’attention du président Cardoso. En un mot, le discours politique était devenu un discours de justification de la diplomatie présidentielle, de sa pertinence et de son apport dans la politique extérieure brésilienne. À titre d’exemple, lors de son entrée en fonction comme ministre des Relations extérieures en 1995, Lampreia soulignait déjà que le Brésil avait

Un président qui connaît notre institution [ministère des Relations extérieures], ses vertus et ses défis, comme aucun autre président de l’histoire du Brésil. […] Il a imprimé un nouvel esprit [à l’Itamaraty], en construisant ou en renforçant les amitiés solides entre nous, se projetant encore plus au niveau international, où il était déjà une référence obligatoire en sciences sociales et en études latino-américaines et étendant la maitrise déjà large qu’il a toujours eu sur les sujets relatifs à notre développement économique et à une meilleure insertion du Brésil dans le monde (Lampreia, 1995 : 17-18)36

Le président lui-même n’hésitait pas à défendre son engagement en rappelant l’intérêt que cela représentait pour la diplomatie brésilienne. Ainsi, face aux critiques sur ses nombreux voyages, le président Cardoso considérait que ses visites à l’étranger étaient utiles à la présentation d’un Brésil engagé sur la scène internationale et il soulignait les opportunités diplomatiques, économiques et commerciales qu’offraient ses voyages présidentiels. Pour Cardoso, son activisme donnait une plus grande légitimité à la diplomatie brésilienne dans sa volonté de permettre une meilleure insertion du Brésil dans l’économie internationale. (Almeida, 2015 ; Danese, 2017)

Par ailleurs, cette diplomatie présidentielle était également perçue comme un instrument de politique publique dont les actions pouvaient avoir des répercussions sur la vie d’un citoyen brésilien quelconque. En effet, comme le souligne Danese, « le discours diplomatique brésilien était dédié à attirer l’attention sur la nouvelle dimension que la politique étrangère représente dans la vie du pays, incorporant dans son discours, de façon élaborée, le concept

36 Discours du ministre des Relations extérieures, Luiz Felipe Pameira Lampreia, lors de son entrée en fonction le 2 janvier

de citoyen dans ses deux dimensions, la politique, en tant qu’électeur, et économique, en tant que consommateur » (2017 : 56). Il s’agissait finalement de justifier la forte diplomatie présidentielle à travers sa dimension interne et l’impact qu’elle a sur la vie quotidienne des Brésiliens.

En définitive, il apparaît que le président Cardoso a donné une nouvelle dimension à la diplomatie présidentielle du Brésil à travers notamment son activisme, son expérience, son charisme, sa personnalité. Il a incarné le quatrième niveau de diplomatie présidentielle décrit supra et qui considère que le chef de l’État joue un rôle central dans la définition et la conduite de la politique étrangère. Cette diplomatie présidentielle sera perpétuée par son successeur Lula da Silva dont l’engagement a été une composante essentielle de la politique étrangère du Brésil entre 2003 et 2010.

À l’image de son prédécesseur, le président Lula da Silva a fait de la politique étrangère un axe important de sa présidence à travers son engagement personnel. Toutefois, à la différence de Cardoso, Lula da Silva a bouleversé son entourage politique en matière de politique étrangère, mais aussi l’orientation de la politique extérieure du Brésil. En effet, si le président Cardoso s’était entouré d’un groupe issu de l’Itamaraty, le président Lula s’est quant à lui entouré de personnes issues ou proches de son parti, le Parti des travailleurs (PT) (Burges, 2010), même s’il a nommé Celso Amorim, comme ministre des Affaires étrangères. On peut citer à titre d’exemple la nomination de Marco Aurelio Garcia comme conseiller à la politique internationale et celle de Samuel Pinheiro Guimarães comme secrétaire général du ministère des Relations extérieures.

Le premier est un membre historique du PT dont il a été le secrétaire général des relations internationales et le second est surtout reconnu pour son opposition à la ZLEA, ce qui lui valut d’être démis de ses fonctions de directeur de l’Institut de recherche de relations internationales (IPRI). Garcia et Guimarães sont reconnus pour leurs idées de gauche en faveur d’un Brésil qui s’affirme comme une puissance du Sud et défendant ses intérêts ainsi que ceux des pays du Sud face aux puissances occidentales et capitalistes. Au-delà de ces nominations illustrant la manière dont Lula da Silva s’est entouré, ce dernier a essuyé des critiques sur la place de l’idéologie à l’Itamaraty et dans la politique étrangère au détriment

de la neutralité et du professionnalisme historique de l’Itamaraty, voire d’une personnification de la diplomatie présidentielle (Burges, 2010 ; Almeida, 2015).

Alors qu’il reprochait à Cardoso de voyager trop souvent, le président Lula da Silva a également été très actif dans les voyages officiels, même plus que son prédécesseur. Comme