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CHAPITRE 5 : LES DIFFÉRENCES DE PERCEPTION ET LA DIPLOMATIE

5.3. Les perceptions des présidents par rapport aux différentes thématiques

5.3.1. Économie et commerce

Il semble avoir un consensus sur l’importance et la nécessité pour le Brésil de définir le développement économique et social comme l’objectif principal du Brésil dans ses relations économiques et commerciales avec le reste du monde. La prépondérance du commerce dans le discours des trois chefs d’État est une parfaite illustration de ce consensus.

Figure 13 : pourcentage de citations des principaux sous-thèmes de la thématique « Économie et commerce » par président

En effet, le commerce apparaît ainsi comme l’élément central en étant le terme le plus cité de la thématique « Économie et commerce » chez les trois présidents avec un pourcentage de citation de 16,7 % pour Lula da Silva (soit 500 citations), de 11,5 % pour Cardoso (soit 217 citations) et 11,6 % pour Dilma Rousseff (soit 208 citations).39 Ces résultats ne sont pas

38 Pour cette thématique, comme pour toutes les autres thématiques qui suivront, nous nous intéresserons davantage aux sous-thèmes (ou

codes) les plus significatifs en termes de fréquence de citation et de pourcentage de citation, notamment pour les graphes, par souci de simplicité, de cohérence et de clarté. Les résultats de tous les sous-thèmes de chaque thématique seront disponibles en annexe.

39 Précisons que les pourcentages des différents sous-thèmes (ou codes) pour chaque président qui seront présentées dans chaque section

sont relatifs au total de la thématique pour chaque président. Ainsi, à titre d’exemple, le pourcentage de citation du sous-thème commerce du président Lula da Silva équivaut au rapport entre le nombre de citations de ce sous-thème et le nombre total de citations de la thématique Économie et commerce, soit 500/2996*100=16,7 %

surprenants quand on connaît l’importance de la diplomatie commerciale dans ce monde globalisé pour les États, en particulier pour des pays émergents comme le Brésil. L’histoire et l’évolution économique du géant sud-américain sont étroitement liées à ses contacts commerciaux avec le reste du monde, ce qui lui confère une longue tradition commerciale qui a été perpétuée par les différents régimes qui se sont succédé au pouvoir.

Le même constat peut être fait pour la croissance économique et pour le développement économique et social dont le pourcentage d’apparition est de 11,2 % chez Cardoso (soit 212 citations), de 12,1 % chez Lula da Silva (soit 364 citations) et de 8,8 % chez Dilma Rousseff (soit 159 citations). Ceci est une confirmation, s’il en fallait, que le développement économique et social n’est pas seulement une résultante de décisions de politique interne, mais il dépend également des bénéfices que l’on tire des relations économiques et commerciales avec le reste du monde. Le Brésil ne fait pas exception à cette règle et le développement économique et social a toujours été perçu comme l’objectif ultime de la politique extérieure du pays.

Toutefois, au-delà de ce consensus dans le discours qui semble se dégager chez les trois présidents sur l’importance de l’économie, du commerce et de l’investissement, il existe quelques particularités marquantes chez chacun d’entre eux.

Figure 14 : Pourcentage de citation de sous-thèmes significatifs de la thématique Économie et commerce par président

D’abord, un des maîtres mots pour le président Cardoso en matière économique et commerciale était la sauvegarde de la stabilité économique et financière du Brésil et du monde. En effet, comme le montre la figure 13, des termes relatifs à la stabilité économique et financière occupent une place importante dans le discours de Cardoso. C’est notamment le cas de la notion « (in) stabilité économique et financière » dont le pourcentage de citation est de 6,3 % (soit 118 citations), de la notion de « crise économique et financière » qui a un pourcentage d’apparition de 4,7 % (soit 88 citations), ou de la notion de « réformes économiques » avec un pourcentage d’apparition de 3,9 % (soit 73 citations).

Cette tendance peut s’expliquer par la volonté de Cardoso de garantir la crédibilité et la solidité de l’économie brésilienne après la crise qu’a connue le pays au début des années 1990 et après la crise des marchés financiers asiatiques qui a secoué la planète en 1997. Par ailleurs, il n’hésitait pas à donner l’exemple du Brésil dans la gestion de ces moments de crises, notamment à travers d’importantes réformes économiques. C’est dans ce sens qu’il rappelait en 1999 :

Cinq années de stabilité et d’ouverture progressive de l’économie ont accru la compétitivité des produits et services brésiliens sur le marché international. Le maintien de la stabilité économique et la complémentarité des réformes structurelles que nous menons sont l’occasion de réaliser notre plus grand objectif, qui est la construction au Brésil d’une société plus juste et plus équitable. (Discours de Cardoso du 10 mai 1999)

Cette recherche de la stabilité pour le président Cardoso est ainsi étroitement liée à son appel en faveur d’une régulation du système économique et financier international à travers notamment le G-20 financier, la Banque mondiale ou le FMI. C’est ce qu’il exprime quand il soulignait que :

Le système financier international est certainement le domaine où les effets d’une économie mondialisée ont été ressentis plus intensément. Aujourd’hui, il existe déjà un consensus sur la nécessité de le rendre plus stable, même si on n’a pas une idée précise de la manière dont cette stabilité devrait être obtenue. Certaines pistes ont été évoquées, telles que la mise en place d’une nouvelle architecture du système financier international comme le renforcement du rôle des institutions financières internationales, en particulier du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. (Discours de Cardoso du 15 novembre 1999)

Quant au président Lula da Silva, son volontarisme économique et commercial est illustré ici par l’importance de divers enjeux comme ceux relatifs aux subventions agricoles, à la réciprocité et à l’équilibre commercial ou à l’implication des entreprises comme le montre la figure 13.

La question de la réciprocité et de l’équilibre dans les échanges commerciaux dont le pourcentage de citation est de 4,7 % chez le président Lula da Silva (soit 142 citations) constituait un axe important de la diplomatie commerciale du président Lula. En 2006, il déclarait :

En politique étrangère, nous chercherons à approfondir l’insertion commerciale du Brésil avec d’autres pays en développement. Nous poursuivrons nos efforts pour élargir le marché des produits pour les pays du Mercosur, en luttant pour l’élimination des pratiques des pays riches qui entravent les échanges en particulier dans le secteur agricole. (Discours de Lula da Silva du 28 septembre 2006)

Pour le président Lula da Silva, l’asymétrie concernant la réciprocité et l’ouverture commerciale entre les pays développés et les pays en voie de développement constitue un obstacle important aux efforts de développement économique et social. Pour lui, le système commercial international n’a pas assez tenté de résoudre cette asymétrie et son ambition d’avoir une nouvelle géographie commerciale plus juste et plus équitable explique le grand

intérêt du président Lula da Silva pour l’OMC et son engagement à travers le G20 commercial.

Cette ambition est également illustrée par l’importance accordée à la lutte contre les subventions agricoles notamment des États-Unis et des pays de l’UE. Ces subventions dont le pourcentage de citation est de 2,6 % (soit 78 citations) dans les discours du président Lula qui en a fait un véritable cheval de bataille dans le domaine économique et commercial pour son pays et pour les pays en voie de développement qui souffrent de cette forme de protectionnisme. Pour le président Lula da Silva, « La lutte contre les subventions à la production et aux exportations agricoles des pays développés doit faire partie de notre agenda. Nous ne pouvons pas manquer l’occasion que nous offre le Cycle de Doha pour construire un monde plus juste et équilibré » (Discours de Lula da Silva du 15 octobre 2005).

Par ailleurs, dans la politique économique, commerciale et d’investissement, il a insisté sur le rôle des entreprises notamment brésiliennes. En effet, avec un pourcentage de citation de 7,4 %, soit 222 citations (contre 3,1 % pour Cardoso et 6,4 % pour Rousseff), le président Lula da Silva est celui qui a le plus fait référence à l’importance de l’implication des entreprises dans la politique commerciale brésilienne. Ces dernières dont l’implication constituait un moteur essentiel de l’expansion commerciale voulue par ce dernier (Cervo, 2010 ; White, 2010). À titre d’exemple, ceci confirme l’appel que Lula da Silva a toujours lancé aux entreprises brésiliennes d’investir et d’exporter davantage vers les pays africains, mais aussi partout dans le monde où il existe des opportunités comme nous l’avons abordé dans nos précédents chapitres.

Ces entreprises doivent donc être actives dans divers secteurs comme celui portant sur l’infrastructure et le transport. Ce secteur occupe en effet une place non négligeable dans le discours du président Lula da Silva avec une proportion de citations de 7,6 %, soit 228 fois, contre 4,2 % pour Cardoso et 7,3 % pour Rousseff. Que ce soit au Brésil ou au niveau régional — avec l’IIRSA notamment, mais aussi au niveau international, le développement des infrastructures et des transports semble être une « obsession » pour le président syndicaliste et pour sa successeure. Il est vrai que c’est un secteur où le Brésil peut être à la fois récepteur d’investissements étrangers, mais également un possible pourvoyeur

d’investisseurs dans le monde – notamment en Amérique latine et en Afrique. Ceci peut se faire par la voie publique, mais aussi par la voie du secteur privé à travers entre autres des multinationales de la construction comme Odebrecht ou Camargo Correa. On comprend alors l’insistance du président Lula et de Dilma sur cet enjeu qui est en définitive important pour le développement économique et social du Brésil.

Quant à Dilma, les résultats montrent une continuité et une convergence avec Lula da Silva concernant les principaux enjeux en matière d’économie et commerce. Toutefois, il est intéressant de noter qu’elle a davantage fait référence à l’enjeu de la crise économique et financière que son prédécesseur. La figure 13 montre que Dilma Rousseff a beaucoup fait référence à la notion de crise économique et financière avec un pourcentage d’apparition de 10,4 % (soit 187 citations). Comme pour Cardoso, cette tendance peut s’expliquer par la situation économique internationale et nationale que la présidente Rousseff a eu à gérer tout au long de son mandat. Pour Dilma, il s’agissait non seulement de montrer les efforts de son gouvernement, mais aussi de placer le Brésil comme un pays pouvant aider à surpasser la crise au niveau mondial.

C’est dans ce sens qu’elle déclarait notamment :

Il est clair que l’économie mondiale devrait aujourd’hui accorder la priorité au règlement du problème des pays en crise de la dette souveraine et au renversement du cadre actuel de récession. Les pays les plus développés doivent mettre en œuvre des politiques coordonnées pour stimuler les économies extrêmement affaiblies par la crise. Les pays émergents peuvent aider. (Dilma, discours du 21 septembre 2011)

Entre les effets de la crise financière et économique de 2008, la crise de la dette dans la zone euro et la récession de l’économie brésilienne, l’objectif de la présidente Rousseff était de redresser l’économie brésilienne. Ceci peut être mis en relation avec l’appel de la présidente Rousseff pour une autre architecture financière, notamment au sein du G20 financier. C’est ce qu’il faut comprendre quand elle déclare :

Il n’y aura pas de réponse efficace à la crise tant que les efforts de coordination entre les pays et les agences multilatérales telles que le G20, le FMI et la Banque mondiale ne seront pas intensifiés. Cette coordination devrait viser à reconfigurer la relation entre les politiques budgétaire et monétaire afin d’éviter une aggravation de la récession, de contrôler la guerre monétaire et de relancer la demande mondiale. (Dilma, discours du 25 septembre 2012)