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CHAPITRE 5 : LES DIFFÉRENCES DE PERCEPTION ET LA DIPLOMATIE

5.3. Les perceptions des présidents par rapport aux différentes thématiques

5.3.2. L’insertion internationale

Cette deuxième thématique en termes de citations est primordiale, car elle fait référence à la volonté et à l’approche du Brésil dans son insertion internationale. Dans le discours, cette insertion internationale s’est notamment beaucoup basée sur l’engagement du Brésil (eng_br) et sur l’image d’exemplarité (exemple_br) que le Brésil a tenté de donner à travers le monde.

Figure 15 : Pourcentage de citation des principaux sous-thèmes de la thématique « Insertion internationale » par président

En effet, comme on le voit dans la figure 15, l’engagement du Brésil sur la scène internationale est assez présent dans les discours des trois leaders avec un pourcentage de citations de 44,5 % (soit à 1190 reprises) chez Lula da Silva, de 31,4 % (soit 421 fois) chez Cardoso et de 24,7 % (soit 210 fois) chez la présidente Rousseff. Il s’agit pour les trois présidents de montrer que le Brésil est présent et actif sur la scène régionale et internationale. Une autre forme d’affirmation sur la scène internationale est de donner l’exemple du Brésil sur divers enjeux et cette exemplarité est également très présente dans les discours des trois présidents. Sa proportion d’apparitions est respectivement de 31,6 % (soit 425 fois) chez

Cardoso, de 25,2 % (soit 625 fois) chez Lula da Silva et de 39,3 % (soit 334 fois) chez Rousseff. Ces résultats illustrent une grande volonté de magnifier l’engagement du Brésil et l’exemple qu’il peut donner comme un pays qui a su s’affirmer sur la scène internationale. Ceci constitue justement un exemple à suivre pour d’autres pays, en particulier pour les pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie.

Comme pour la thématique sur l’économie et commerce, il existe des particularités relatives à chacun des trois présidents dans cette thématique de l’insertion internationale.

Figure 16 : pourcentage de citation de sous-thèmes significatifs de la thématique « Insertion internationale » par président

Pour le président Cardoso, un enjeu fondamental de l’insertion internationale du Brésil réside dans la régulation du système économique et financier international. En effet, comme on peut le constater dans la figure 16, Cardoso accordait une plus grande importance dans le discours à cet enjeu que ces deux successeurs avec un pourcentage de citation de 5,1 % (soit 68 références) contre 0,8 % pour Lula da Silva (soit 22 citations) et 1,3 % pour Dilma (soit 11 citations). À la tête d’un pays qui a subi les conséquences d’importantes crises économiques comme la crise asiatique et la crise russe à la fin des années 1990, Cardoso voyait dans la régulation économique à la fois dans son pays — à travers des réformes – et au niveau

international, un moyen de sauvegarder son pays et sa crédibilité par rapport aux investisseurs internationaux. Ainsi, un appel à une plus grande régulation des marchés financiers mondiaux a été un cheval de bataille de la diplomatie de Cardoso. C’est dans ce sens qu’il déclare en 2000 :

En 1998 et 1999, nous avons subi les effets de l’instabilité de l’ordre financier international. Pour le Brésil, il importera que le système international évolue vers une architecture financière plus stable et moins sujette aux crises. J’ai déjà mentionné que les transformations internes au Brésil, en particulier la reconquête de la démocratie et la stabilité économique, renforcent notre crédibilité dans le dialogue avec nos interlocuteurs internationaux. (Discours de Cardoso du 14 septembre 2000)

Il s’agissait d’un appel en faveur d’une globalisation beaucoup moins asymétrique pour des pays comme le Brésil qui ont connu des crises économiques, financières et monétaires, et qui ont plus ou moins adhéré au consensus de Washington (Ventura, 2010). Ainsi, la mondialisation et la manière dont le Brésil devait s’y accommoder – notamment au niveau économique et financier – fut ainsi un aspect important de la perception de Cardoso comme le montre la figure 16 avec un pourcentage de citation concernant la globalisation (ou mondialisation) de 9,6 % (soit 128 citations) contre 1,9 % pour Lula da Silva (soit 51 citations) et 0,5 % pour Dilma Rousseff (soit 4 citations).

Pour le président Lula da Silva, l’insertion internationale du Brésil comportait un enjeu fondamental à savoir la réforme des Nations unies et plus particulièrement celle du Conseil de sécurité. En effet, la réforme des Nations unies et celle du Conseil de sécurité ont respectivement des pourcentages de citation de 2,4 % (soit 65 fois) et de 3,9 % (soit 105 fois) contre 0,5 % (soit 7 fois) et 1 % (soit 14 fois) pour le président Cardoso. La présidente Rousseff s’inscrit quant à elle dans la continuité de Lula da Silva avec un pourcentage de citation de la réforme des Nations unies de 1,1 % (soit 9 citations) et un pourcentage de citation de la réforme du Conseil de sécurité de 5,2 % (soit 44 citations). Ces demandes de réformes ne sont pas une nouveauté dans l’ambition internationale, mais c’est sous Lula da Silva qu’elles ont pris une plus grande envergure. Il s’inscrit dans cette perspective lorsqu’il déclare :

Nous militons en faveur d’une réforme globale des Nations Unies, en particulier son Conseil de sécurité. La composition et les méthodes de travail de ce Conseil devraient lui conférer une plus

grande légitimité et une représentativité de ses décisions. L’ONU doit refléter l’importance croissante des pays en développement dans le monde. Je tiens donc une nouvelle fois à remercier le gouvernement guyanais pour son appui à la volonté du Brésil d’occuper un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies. (Discours de Lula da Silva du 15 février 2005)

Dans la perception de Lula da Silva, une des priorités de la politique étrangère était de placer le Brésil dans les grands centres décisionnels et s’il y en a bien un qui donne beaucoup de privilèges et qui permet aux États d’influencer durablement l’agenda, c’est bien le Conseil de sécurité des Nations unies. Par ailleurs, cette demande de réforme des Nations unies et de son Conseil de sécurité constitue une priorité pour Lula da Silva et elle est intimement liée à son engagement pour ce qu’il appelle « la démocratisation du système international » pour une plus grande présence des pays émergents et des pays en développement. Cette démocratisation du système international a un pourcentage de citation de 2,4 % (soit 63 citations) quand Lula parle d’insertion internationale contre 2,2 % (soit 29 citations) pour le président Cardoso et 1,5 % (soit 13 citations) pour la présidente Rousseff.

Si la présidente Rousseff semble globalement s’inscrire dans la continuité de l’action et de la pensée de Lula da Silva en matière d’insertion internationale du Brésil, elle a toutefois davantage axé son message sur la consolidation des relations avec les pays émergents. Comme le souligne de Castro (2013) :

Lorsque Dilma Rousseff est devenue présidente en 2011, la continuité de la politique étrangère du Brésil a été confirmée a priori, notamment en ce qui concerne les relations Sud-Sud. Cependant, dans les premières années de son mandat, la pratique politique a révélé un profil d’engagement international distinct. Dans un contexte de crise financière et de relations avec l’Afrique largement tributaires des mesures de stimulation prises par le gouvernement, une participation active aux forums du BRICS et du G20 a été privilégiée et a été reflétée dans la politique commerciale du pays. (2013 : 248)

Ainsi, comme on peut le voir sur la figure 16, le sous-thème relatif aux relations avec les pays émergents, a un pourcentage de citation de 2,9 % (soit 25 citations) chez Dilma Rousseff contre 0,4 % (soit 11 citations) chez le président Lula da Silva et 0,5 % (soit 7 citations) pour le président Cardoso. Pour Dilma Rousseff, si la consolidation de la coopération Sud-Sud passait par le renforcement des relations avec les pays sud-américains et africains cher à son prédécesseur, il était également fondamental de consolider les relations notamment commerciales avec les puissances émergentes comme les BRICS. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la réflexion de la présidente Rousseff lorsqu’elle rappelait :

Mais le Brésil, l’Inde et les pays émergents sont aujourd’hui les principaux responsables de la croissance de l’économie internationale. À cet effet, la relation entre l’Inde et le Brésil n’est pas un défi, mais surtout une grande opportunité pour les peuples des deux pays. Les relations de nos entrepreneurs, de nos universitaires, dans le domaine scientifique, de nos gouvernements et enfin de notre espace culturel nous permettent d’avoir une grande influence sur les conditions dans lesquelles le monde va reprendre sa croissance. (Discours de Dilma Rousseff du 30 mars 2012)

Ce rapprochement avec les pays émergents ne constitue donc pas une nouveauté de la présidence de Dilma Rousseff, mais un sentier qu’elle a continué d’emprunter dans sa volonté de mieux intégrer son pays dans le système international.