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CHAPITRE 6 : L’AFRIQUE DANS LA DIPLOMATIE PRÉSIDENTIELLE DU BRÉSIL

6.2. Un intérêt diversifié de la politique étrangère brésilienne pour les régions du monde

6.3.1 L’Afrique selon Cardoso

Disons-le tout d’emblée, l’Afrique n’a pas constitué une région prioritaire pour le président Cardoso. Ce dernier n’a pas remédié à l’éloignement de la fin des années 1980 entre son pays

et le continent africain.

44 Chacun des pourcentages est le résultat du rapport entre le nombre de cooccurrence entre l’Afrique et la thématique, et le

nombre de citation de la thématique par président. Ainsi, pour Cardoso, le pourcentage de cooccurrence entre l’Afrique et la thématique de l’insertion internationale est :39/1340*100= 2,91 %. Par ailleurs, les cooccurrences sont ici celles observées dans un même segment codé.

Figure 27: Carte conceptuelle dimensionnelle des régions et des thématiques pour Cardoso

Avant d’avancer dans l’analyse, apportons quelques précisions sur les cartes conceptuelles. Dans l’analyse de contenu avec le logiciel QDA miner que nous avons utilisé ici, les cartes conceptuelles permettent de mettre en perspective les relations de cooccurrence entre des codes, des regroupements de codes ou des cas. Ce sont donc des représentations graphiques qui illustrent la proximité entre différents codes ou cas. Ainsi, dans notre étude, les cercles représentent les différentes régions et thématiques et la distance entre ces différents cercles représente la probabilité que ces régions et thématiques apparaissent ensemble dans un même segment codé.

Par conséquent, dans la carte conceptuelle, les éléments qui sont près les uns des autres sont ceux qui apparaissent habituellement ensemble alors que ceux qui sont le plus indépendants les uns des autres ou qui n’apparaissent pas ensemble sont les plus éloignés les uns des autres.

Par ailleurs, la couleur des cercles n’a pas de signification particulière alors que la taille des cercles montre l’importance des régions ou des thèmes dans le discours présidentiel. Plus la taille est grande, plus la région ou la thématique occupe une place importante dans le discours du chef de l’État.

Ainsi, on constate dans la carte conceptuelle du président Cardoso que l’Afrique est assez éloignée des thématiques, contrairement à l’Amérique du Sud et dans une moindre mesure à l’Europe. En d’autres termes, comme le montre la figure 27, le continent africain se trouve à, ce que l’on pourrait appeler, « la périphérie » des priorités du président Cardoso, loin des grandes thématiques importantes pour de ce dernier.

Au niveau de l’insertion internationale, même si le président Cardoso a fait référence à l’engagement de son pays en Afrique, il n’en reste pas moins que cet engagement était très limité. À tort ou à raison, le président Cardoso ne voyait pas le continent africain comme un partenaire important dans son ambition d’insertion internationale.

Figure 28: pourcentages de cooccurrence de l’Afrique avec les principaux sous-thèmes de l’insertion internationale pour Cardoso

0,00% 1,00% 2,00% 3,00% 4,00% 5,00% 6,00% 7,00% 8,00% eng_br réf_CSNU démo_sys insert_intern exemple_br

La faiblesse ou l’inexistence de cooccurrence entre l’Afrique et des termes qui sont relatifs à des enjeux importants de l’insertion internationale du Brésil sont une illustration de la faible présence de l’Afrique dans la stratégie brésilienne. On peut citer entre autres des enjeux comme de la démocratisation du système international, la réforme des institutions et des organisations internationales (comme l’ONU), la régulation du système financier international, qui sont donc peu ou pas du tout liés au continent africain. C’est donc logiquement qu’on a constaté l’éloignement à la fois économique, commercial et diplomatique qui a caractérisé les relations entre le Brésil et l’Afrique sous la présidence Cardoso.

Le même constat peut être fait en ce qui concerne l’économie et le commerce. En effet, pour le président Cardoso et son administration, l’Afrique ne constituait pas une région présentant des opportunités pour le Brésil. L’illustration de cette réalité est la faible cooccurrence entre l’Afrique et des sous-thèmes comme le commerce ou l’investissement. Si le pourcentage de cooccurrence entre la thématique relative à l’économie et au commerce et l’Afrique est de 1,54 %, il est respectivement de 12,31 % avec l’Amérique du Sud et de 7,75 % avec l’Europe. Cette perception peut ainsi expliquer le faible niveau des échanges commerciaux et des investissements entre l’Afrique et le Brésil sous la présidence Cardoso, comme nous l’avons déjà démontré dans le chapitre 3. Pour le président Cardoso, les échanges économiques et commerciaux du Brésil étaient davantage axés vers l’Amérique du Sud, notamment les pays du MERCOSUR, et vers l’Europe, et plus précisément avec l’UE. Ce n’est donc pas un hasard si la cooccurrence de cette thématique est plus importante avec l’Amérique du Sud ou avec l’Europe qu’avec l’Afrique.

Comme nous l’avons montré dans le précédent chapitre, le président Cardoso est celui qui a le plus fait référence à la CPLP comme forum international et c’est cette dernière qui est la plus associée avec l’Afrique. En effet, sur les 30 cooccurrences entre l’Afrique et la thématique des forums internationaux, les 20 (soit près de 66 %) concernent la CPLP. Ceci peut se comprendre par le fait que la CPLP était un des rares forums qui permettaient au président Cardoso de montrer un engagement pour la coopération Sud-Sud notamment envers les pays lusophones d’Afrique et avec le Timor oriental. Tant au niveau diplomatique qu’au niveau culturel, le président Cardoso semblait axer la coopération avec l’Afrique sur

celle que son pays entretient avec les pays lusophones du continent qui sont donc membres de la CPLP. C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre le président Cardoso lorsqu’il déclarait : « Le Brésil et le Portugal ont également pour objectif de faire prospérer la Communauté des pays de langue portugaise. La CPLP nous permet de traduire l’histoire en concertation politique. C’est un instrument d’affirmation de la lusophonie au profit des peuples frères d’Afrique et d’Asie. » (Discours de Cardoso du 5 septembre 2001)

En matière de coopération et d’intégration régionale, le président Cardoso a peu fait référence à la coopération entre les blocs régionaux d’Afrique et d’Amérique du Sud notamment à travers le MERCOSUR. À l’image de sa conception des relations afro-brésiliennes, le président Cardoso s’inscrit dans la même lancée quand il s’agit de la coopération interrégionale.

Figure 29 : les pourcentages de cooccurrence des sous-thèmes du Mercosur et de la coopération interrégionale avec les régions(hors Amérique du Sud) pour Cardoso

L’Afrique ne constitue pas un partenaire important pour le Mercosur et ceci apparaît quand on compare les cooccurrences avec l’Afrique par rapport aux autres régions notamment l’Europe. Là également, le vieux continent est considéré comme le partenaire idéal. Pour Cardoso, l’UE était non seulement une organisation qui pouvait inspirer les pays sud- américains en matière d’intégration régionale, mais elle représentait une région avec laquelle il était important de consolider les relations notamment commerciales.

On voit donc qu’avec les principales thématiques de la diplomatie brésilienne, l’Afrique ne semble pas occuper une place importante pour le président Cardoso. Qu’en est-il pour la

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thématique relative à la démocratie et aux droits de l’homme ? Pour cette dernière, on ne peut pas non plus parler d’une grande attention pour le continent africain.

Figure 30: les pourcentages de cooccurrence entre les droits de l’homme et la démocratie avec l’Afrique et l’Amérique du Sud pour Cardoso

Comme nous l’avons déjà souligné, les déclarations du président Cardoso concernant la démocratie et les droits de l’homme se rapportent davantage à l’Amérique du Sud. Il est vrai que l’on peut penser qu’un discours récurrent sur l’Afrique et son évolution démocratique pouvait être interprété comme un discours de donneur de leçon qui est souvent reproché aux pays occidentaux notamment. Il n’en demeure pas moins que cette faible cooccurrence entre l’Afrique et le terme relatif à la démocratie est assez représentative de l’intérêt limité du président Cardoso quand on sait que la citation de la démocratie et de l’Afrique dans le discours faisait davantage référence à l’évolution démocratique des anciennes colonies lusophones comme l’Angola ou le Mozambique.

Il n’est pas surprenant de voir, comme le montre le tableau 32 supra, que l’Afrique a de faibles cooccurrences avec les thématiques qui ne sont pas prioritaires pour le président Cardoso. C’est le cas de la paix et la sécurité internationale, de la coopération internationale, de la lutte contre les inégalités et l’environnement et développement durable. L’insertion et l’affirmation du Brésil sur la scène internationale à travers la stratégie de l’autonomie par la participation n’impliquaient pas une politique active envers l’Afrique pour le président Cardoso.

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démocratie droit de l'homme