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L’environnement et le développement durable

CHAPITRE 5 : LES DIFFÉRENCES DE PERCEPTION ET LA DIPLOMATIE

5.3. Les perceptions des présidents par rapport aux différentes thématiques

5.3.9. L’environnement et le développement durable

La thématique relative à l’environnement et au développement durable est certes celle qui a été moins citée, mais certains enjeux qu’elle renferme n’en demeurent pas moins importants. En effet, qu’il s’agisse de la protection environnementale, du développement durable, des énergies renouvelables, il semble y avoir un consensus et une continuité entre les trois chefs d’État quant à l’engagement du Brésil. Les trois présidents ont souvent rappelé dans leurs discours l’exemple du Brésil en matière environnementale et son engagement au niveau international, notamment dans les négociations internationales comme la Conférence de Rio de 1992 ou le protocole de Kyoto. Là également, il s’agit d’utiliser ces enjeux comme moyens d’insertion internationale du géant sud-américain.

Figure 23 : Pourcentage de citation des principaux sous-thèmes de la thématique « Environnement et développement durable’

Une remarque importante dans cette thématique est la prépondérance des biocombustibles dans les discours du président Lula da Silva avec un pourcentage de citation de 22,9 % (soit 52 citations) contre 7,4 % (soit 17 citations) pour la présidente Rousseff. Au-delà de la dimension environnementale, les biocombustibles constituent pour le président Lula un instrument de coopération internationale et de diplomatie commerciale, notamment dans les pays du Sud. Dans un contexte international qui voit les pays définir de plus en plus des stratégies pour sortir de leur dépendance envers les énergies fossiles comme le pétrole, le marché des biocombustibles est de plus en plus grandissant. Le président Lula a donc souhaité renforcer cet enjeu dans la politique extérieure de son pays qui est avec les États- Unis, un des plus grands producteurs et exportateurs de biocombustibles dans le monde. C’est dans ce sens que le président Lula rappelait que :

Dans le domaine des énergies propres, le Brésil est prêt à partager son expérience dans le domaine des biocarburants, en particulier l’éthanol et le biodiesel. Grâce à un travail conjoint, nous pouvons « planter le pétrole » de l’avenir, ouvrant ainsi la voie à l’utilisation de carburants renouvelables et non polluants à l’échelle mondiale. Je pense, par exemple, à la coopération triangulaire pour générer de l’énergie et de l’emploi dans d’autres pays en développement, en particulier en Afrique. Nous souhaitons également intensifier notre coopération avec le Royaume-Uni dans le cadre du Mécanisme de développement propre du protocole de Kyoto. (Discours de Lula du 7 mars 2006)

Pour Lula, tout comme la culture ou encore le commerce, le développement des biocombustibles constitue un instrument de politique étrangère à exploiter. Les pays d’Amérique du Sud, d’Afrique et d’Asie sont ainsi des zones ou l’exploitation de ces énergies propres pourrait prendre une plus grande envergure afin de diminuer les émissions de gaz à effets de serre, mais aussi afin de consolider la place du Brésil comme un des leaders mondiaux dans la production de biocombustibles.

5.4. Conclusion

En définitive, l’analyse qui vient d’être effectuée sur les thématiques et la manière dont elles sont perçues par les différents présidents nous aura donc permis d’avoir des éléments de réponses par rapport à nos deux questions posées dans l’introduction. En effet, on a pu montrer la perception de chacun des présidents par rapport aux différentes thématiques et nous avons une idée des thématiques prioritaires pour chaque président. Ainsi, on a d’abord les thématiques prioritaires pour tous les trois présidents, même si leurs perceptions de ces thématiques peuvent être différentes. Ensuite, il y a les thématiques qui sont prioritaires pour chacun des présidents. Enfin, il y a des thématiques qui n’occupent pas une place prépondérante chez aucun des présidents.

Dans les thématiques prioritaires aux trois présidents, on a d’abord l’économie et le commerce. Pour Cardoso comme pour ses deux successeurs, le développement et la consolidation de l’économie et du commerce du Brésil constituent l’élément central de la politique étrangère du pays. Cette volonté de défendre les intérêts économiques et commerciaux du géant sud-américain est fortement ancrée dans les discours et les perceptions des trois dirigeants, même si des différences subsistent quant à l’approche à adopter. En effet, pour Cardoso, il fallait avant tout garantir la stabilité économique et financière du pays et ceci peut être mis en relation avec sa vision sur la nécessité de réformer le système économique et financier international. Pour le président Lula da Silva, l’équilibre et l’équité du commerce international est le point d’ancrage de l’action économique et commerciale du Brésil. En effet, selon lui, l’expansion commerciale dans laquelle il a engagé son pays faisait face à des obstacles importants comme le protectionnisme, les subventions agricoles des pays développés. La présidente Rousseff partage quant à elle la même vision

que son prédécesseur, même si les effets de la crise économique et financière de 2008 l’ont aussi conduite à s’approprier la régulation des marchés financiers internationaux.

On retrouve ensuite la thématique relative à l’insertion internationale du Brésil qui est la deuxième thématique la plus citée chez chacun des présidents. En effet, le renforcement de la place et de l’affirmation du Brésil sur la scène internationale constitue effectivement une priorité partagée par les trois présidents. Toutefois, ces derniers ont emprunté des voies et des méthodes différentes dans leur insertion internationale du Brésil. Pour Cardoso, la régulation ou la réforme du système économique et financier international était la clé d’une plus grande participation du Brésil dans le système international. Quant au président Lula da Silva, cette insertion internationale nécessitait une plus grande démocratisation du système politique international, notamment au sein des grandes organisations internationales. On comprend alors l’engagement du président Lula pour la réforme des Nations unies et plus précisément celle du Conseil de sécurité. La présidente Rousseff partage quant à elle cette perception du président Lula da Silva, mais elle a surtout cherché à consolider les relations du Brésil avec les autres pays émergents qui sont devenus des acteurs incontournables du système international.

La coopération et l’intégration régionale constituent une autre thématique prioritaire pour tous les trois présidents. Ceci dépasse largement les cas de nos trois dirigeants, car la place et l’action du Brésil notamment en Amérique du Sud constituent un axe fort de la diplomatie brésilienne depuis des décennies. Bien que le président Cardoso soit plus sensible à la coopération hémisphérique, comparativement à ces deux successeurs qui sont plus centrés sur l’intégration latino-américaine et sud-américaine, il ne fait aucun doute que chacun d’eux s’est engagé dans l’intégration régionale. Les efforts du président Cardoso pour le MERCOSUR, l’engagement du président Lula da Silva dans la consolidation de ce même bloc, pour la création de l’UNASUR, la continuité de Dilma Rousseff à travers la CELAC ou le rapprochement entre le MERCOSUR et l’Alliance du Pacifique, sont autant d’illustrations de cet engagement présidentiel dans l’intégration régionale.

La dernière thématique qui est prioritaire pour nos trois présidents est la présence du Brésil dans les instances internationales. En effet, pour nos trois dirigeants, le Brésil se doit d’être

un acteur incontournable dans les organisations internationales s’il veut sauvegarder ses intérêts et promouvoir son image d’une puissance montante et d’un pays qui se soucie des problèmes des États les moins développés. Au-delà de l’importance accordée à des institutions historiques comme les Nations unies, le président Cardoso militait pour une plus grande présence brésilienne au sein notamment du G20 financier dans sa quête d’un autre système financier international. Il voyait également la CPLP comme le principal forum d’échanges et de discussion avec les pays lusophones qui étaient importants pour la diplomatie brésilienne. Pour Lula da Silva, la régulation du commerce international passait naturellement par une plus grande présence au sein de l’OMC à travers la coopération avec d’autres pays du Sud dans des groupes comme le G20 commercial. Quant à la présidente Rousseff, sa volonté de renforcer les liens avec les pays émergents explique ses efforts dans la consolidation de forums comme celui des BRICS, l’IBSA ou encore le groupe BASIC.

Après ces thématiques que l’on pourrait appeler les thématiques du consensus ou de la continuité, il y a les thématiques qui sont prioritaires dans la perception de chacun des présidents. Pour le président Cardoso, il s’agit de la thématique sur la démocratie et les droits de l’homme. Pour ce dernier, la consolidation de la démocratie est un élément fondamental, une nécessité pour le développement économique et social, notamment en Amérique du Sud. Après des décennies de dictature militaire, la région se devait de garantir une stabilité politique et démocratique afin de faire face aux défis de la mondialisation.

Quant au président Lula da Silva, il s’agit de la lutte contre les inégalités économiques et sociales et de la coopération internationale. Il s’est beaucoup engagé dans la lutte contre la pauvreté, contre la faim et la misère, contre les inégalités et l’exclusion sociale. Pour lui, la lutte contre ces différents fléaux est non seulement essentielle au Brésil, mais aussi partout dans le monde et en ce sens, le Brésil se doit d’être au premier rang. De plus, il considérait que la lutte contre ces fléaux répondait à une obligation morale pour la dignité des personnes, mais qu’elle était aussi une source de stabilité politique, de paix et de sécurité sur la scène internationale. De même, le président Lula da Silva accordait beaucoup d’importance à la coopération internationale. Il considérait entre autres la coopération Sud-Sud comme un enjeu fondamental des relations internationales du Brésil, notamment à travers des instruments comme l’éducation, la culture ou la coopération technique. Pour le président Lula

da Silva, ces instruments constituaient donc des éléments du soft power brésilien à travers duquel il souhaitait assurer l’insertion internationale de son pays.

Par contre, l’analyse n’a pas permis de déterminer une thématique prioritaire pour la présidente Rousseff qui la distinguerait des deux autres. Elle a globalement poursuivi la politique du président Lula, même si elle a apporté sa touche personnelle sur des enjeux précis comme la cybersécurité, la régulation des marchés financiers ou le renforcement de la place des BRICS sur la scène internationale.

Enfin, les thématiques relatives à l’environnement et le développement durable ainsi qu’à la paix et la sécurité internationale sont celles qui ne constituent pas une priorité absolue pour nos trois dirigeants. La sauvegarde de l’image du Brésil comme une puissance pacifique, non interventionniste et son engagement en faveur de la paix et de la sécurité régionale et internationale sont des enjeux partagés par les trois présidents sans qu’il s’agisse d’un axe fort reconnu de la diplomatie brésilienne. Il en est de même pour la thématique de l’environnement et du développement durable. En effet, la nécessité de protéger l’environnement, le développement durable, les énergies propres sont des enjeux sur lesquels on note une certaine continuité dans la diplomatie brésilienne, même si le président Lula, pour des raisons environnementales, mais aussi commerciales, a milité en faveur des biocombustibles.

Au vu de toutes ces observations, que peut-on conclure en ce qui concerne la relation entre les thématiques et les visions centralisée et décentralisée que nous avons présentées dans notre hypothèse de recherche ? Pour rappel, comme nous l’avons présentée dans le tableau 5, nous avions postulé que :

 Les thématiques prioritaires dans la vision centralisée sont : intégration et coopération régionale ; insertion internationale ; économie et commerce ; institutions, organisations et forums internationaux ; paix et sécurité internationale ; droits de l’homme et démocratie ; Environnement et développement durable.

 Les thématiques prioritaires de la vision décentralisée sont : intégration régionale ; insertion internationale ; économie et commerce ; institutions, organisations et forums internationaux ; coopération internationale ; lutte contre les inégalités ; Environnement et développement durable

Il apparaît donc que les deux visions partagent les mêmes thématiques observées comme étant prioritaires pour nos trois leaders (Économie et commerce ; insertion internationale ; intégration et coopération régionale ; Institutions, organisations et forums internationaux).

Elles se distinguent par contre par la priorité accordée à des thématiques différentes : Paix et sécurité internationale ; démocratie et droits de l’homme pour la vision centralisée ; coopération internationale ; lutte contre les inégalités pour la vision décentralisée.

Ainsi, on observe donc que le président Cardoso s’inscrit dans une vision centralisée du système international alors que Lula da Silva – comme la présidente Rousseff — s’inscrit dans une vision décentralisée. Par conséquent, on peut confirmer une différence de perceptions en ce qui concerne les thématiques entre le président Cardoso et le président Lula da Silva, ce qui a conduit à une réorientation de la politique étrangère du Brésil sous la présidence de ce dernier. Toute la question est maintenant de déterminer la manière dont cette différence de perception a influé sur les relations du Brésil avec les différentes régions du globe et plus particulièrement avec l’Afrique. C’est à cette interrogation que nous tenterons de répondre dans le dernier chapitre de notre thèse dont l’objectif principal sera de déterminer la perception des différents présidents concernant l’Afrique à travers leur vision centralisée et décentralisée du monde.

CHAPITRE 6 : L’AFRIQUE DANS LA DIPLOMATIE