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L’étude du changement de politique étrangère (CPE) : un chantier à poursuivre

CHAPITRE 1 : L’ÉTUDE DU CHANGEMENT DANS LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE

1.4. Un intérêt pour l’étude du CPE

1.4.2. L’étude du changement de politique étrangère (CPE) : un chantier à poursuivre

Comme le rappelle Frédéric Charillon, « L’analyse du changement n’est pas nouvelle en relations internationales, ni même son application à la politique étrangère. Elle a souvent pris la forme d’une interrogation paradoxale : la politique étrangère change, mais peut-on changer de politique étrangère ? » (2002 : 21) Pourtant, force est de constater que la définition du changement de politique étrangère comme véritable objet d’étude n’a pas toujours été prioritaire, notamment pendant la guerre froide (Holsti, 1982 ; Carlsnaes, 1993 ; Rosati et al., 1994 ; Niklasson, 2006). La jeunesse de l’APE, l’intérêt des chercheurs pour la stabilité de la guerre froide, la domination de la pensée occidentale qui s’est davantage intéressée à l’explication des politiques des grandes puissances constituent des raisons qui expliquent la négligence du CPE (Gilpin, 1981 ; Rosati et al. 1994 ; Huxsoll, 2003).

Si la fin de la guerre froide a vu le développement d’un plus grand intérêt pour le CPE (Hermann, 1990; Volgy et Schwarz, 1991; Rosati et al., 1994; Gustavsson, 1998; 1999; Kleistra et Mayer, 2001; Welch, 2005; Galbreath, 2006; Rynhold, 2007; Yang, 2010; Doeser, 2011), l’APE semble cependant être toujours plus axée sur l’étude du processus décisionnel ainsi que sur la place des différents acteurs dans ce processus. C’est ce que soulignent à juste titre Chris Alden et Amnon Aran (2012) lorsqu’ils rappellent que « le changement est un aspect négligé de l’étude de la politique étrangère. […] qui nous dit peu sur les sources et les conditions qui entraînent une modification significative de la politique étrangère d’un État. »

(2012 : 92)7. La littérature qui s’est développée autour de l’analyse du CPE – à travers

différents modèles – a notamment traité de la notion de changement ainsi que de ses différentes sources.

Avant de revenir sur les différents modèles d’analyse du changement de politique étrangère, il nous faut répondre brièvement à une question : Qu’entend–on par changement ? Il n’existe pas de consensus dans la littérature sur la notion de changement. Le changement s’apparente davantage à un terme générique illustrant toute modification de la politique étrangère dans sa visée comme dans ses instruments. Ainsi, les termes de redirection, de réorientation, d’ajustement, de restructuration, constituent des types ou des niveaux de changement (Rosati et al., 1994).

Une première définition simple serait sans doute celle de Kjell Goldmann qui définit le changement comme « une nouvelle action dans une situation donnée, ou une action donnée dans une situation précédemment associée à une action différente » (1988 : 10). Charles Hermann et Jerel Rosati ont une perception plus complexe que Goldmann. Ils ont établi des définitions typologiques du changement de politique étrangère.

Hermann différencie d’abord le changement de la réorientation de politique étrangère. Pour lui, un changement de politique étrangère intervient lorsqu’un gouvernement en place décide de donner une nouvelle approche à la politique étrangère qu’il menait auparavant tandis que la réorientation intervient avec un changement de régime ou avec une transformation de l’État (1990 : 5). Hermann distingue ensuite quatre types de changement : les changements d’ajustement ou d’adaptation (changement concernant l’effort et la portée), les changements de programme (des méthodes ou des ressources par lesquelles l’objectif ou le problème est abordé), les changements de problème ou d’objectif, les changements d’orientation internationale (1990 : 5).

Pour sa part, Jerel Rosati (1994) définit le changement comme toute modification de la politique étrangère pouvant aller d’une simple évolution à une plus importante restructuration de la politique étrangère d’un pays. (1994 : 225) À l’image d’Hermann, Rosati établit également une gradation des changements de politique étrangère en définissant l’intensification (peu, ou pas de changement de la portée, des objectifs et de la stratégie), l’amélioration (changements mineurs), la réforme (changements modérés) et la restructuration (changements majeurs) (1994 : 236).

Le dernier niveau chez Rosati relatif à une restructuration correspond à la définition de Kal Holsti qui considère que le changement de politique étrangère est une « restructuration » c’est-à-dire « une modification radicale et complète de la configuration des relations extérieures d’une nation » (1982 : ix). Par ailleurs, comme Hermann, Holsti s’intéresse à la restructuration portée par un même gouvernement et non à celle qui fait suite à une alternance politique.

En nous inspirant des définitions d’Hermann (1990) et de Rosati (1994), nous définissons un changement de politique étrangère comme toute modification des objectifs, des priorités,

des cibles géographiques et des ressources de la politique étrangère d’un État. Cette modification peut aller d’un simple ajustement à une réorientation. Pour notre cas d’étude,

nous considérons cette modification comme une réorientation de la politique africaine du Brésil dès 2003 qui s’est notamment traduite dans les priorités et les ressources utilisées. Toutefois, contrairement à Hermann, nous considérons que cette réorientation peut intervenir à la suite d’un changement de gouvernement comme il peut être l’œuvre d’un gouvernement en place. Comme nous le verrons, en ce qui concerne notre cas, la réorientation est intervenue à la suite d’un changement de gouvernement avec l’arrivée du gouvernement Lula da Silva qui a officiellement succédé au gouvernement Cardoso le 1er janvier 2003.

Au niveau théorique, l’évolution de l’analyse du CPE a conduit à l’apparition de différents modèles dont l’objectif principal est la distinction de différents facteurs explicatifs de la décision d’un gouvernement de changer sa politique étrangère. Une présentation de ces modèles nous sera utile dans la définition de notre question de recherche.

a) Modèles à liste de contrôle

Ces modèles développés ces dernières décennies dans l’étude du CPE suivent une dynamique en trois étapes : l’identification des variables indépendantes c’est-à-dire les facteurs explicatifs ; l’identification des variables intermédiaires – facteurs cognitifs ou relatifs au processus décisionnel – et la formulation d’un résultat, c’est-à-dire le changement de politique étrangère. On peut citer les modèles de Kalevi J. Holsti (1982) et de Charles Hermann (1990).

Holsti distingue quatre types de politique étrangère possibles que sont « l’isolation, l’autonomie, la dépendance et la diversification » (1982 : 4). Il en déduit ainsi 12 types d’évolutions possibles de politique étrangère (tableau 1).

Tableau 1 : les différents types de restructuration

Isolation Autonomie dépendance Diversification

Isolation X R1 R2 R3

Autonomie R4 X R5 R6

Dépendance R7 R8 X R9

Diversification R10 R11 R12 X

Source : élaborée par l’auteur à partir de Holsti 1982.

À titre d’exemple, on peut observer un gouvernement qui passe d’une politique étrangère d’isolation à une politique d’autonomie (R1). Quant aux facteurs explicatifs de changement, Holsti distingue des facteurs externes, internes, historiques et culturels. À côté de ces variables indépendantes, il y a les variables intermédiaires à savoir « les perceptions des

décideurs politiques, le processus de prise de décision, la personnalité des dirigeants et les attitudes de l’élite envers les acteurs extérieurs » (1982 : 14).

Pour sa part, Hermann distingue quatre facteurs principaux à la réorientation de la politique étrangère (1990 : 11-12) :

 le leader qui peut imposer sa vision sur la politique étrangère par ses convictions, son pouvoir et son énergie

 la bureaucratie à travers laquelle un groupe ou une organisation au sein du gouvernement est l’agent principal du changement. Cette idée s’oppose à celle de Goldmann (1988) qui considère qu’une telle situation favorise plutôt l’existence d’un stabilisateur qui empêche le changement de politique étrangère.

 La restructuration nationale à travers laquelle le changement est porté par un acteur non gouvernemental, mais dont l’appui est nécessaire au régime en place s’il veut continuer à gouverner.

 Les chocs externes qui sont notamment les effets d’évènements internationaux dramatiques.

Cependant, une différence entre Holsti et Hermann porte sur la variable intermédiaire. Si le premier distingue comme souligné supra quatre variables intermédiaires (les perceptions des décideurs politiques, le processus de prise de décision, la personnalité des dirigeants et les attitudes de l’élite), le second ne définit qu’une seule variable intermédiaire, à savoir le processus décisionnel. Même si ces modèles permettent d’avoir une bonne description des différents facteurs explicatifs et de leur prise ne compte dans le processus décisionnel, ils présentent toutefois quelques limites importantes. Une première porte justement sur la multiplicité des facteurs explicatifs à l’image du modèle d’Holsti dont le large éventail de facteurs indépendants et intermédiaires est difficile à appliquer dans les cas empiriques. Une seconde limite porte sur la place et le rôle du décideur individuel. En effet, si on se réfère au modèle d’Hermann, les leaders sont à la fois des variables indépendantes, mais ils interviennent aussi dans le processus décisionnel et par conséquent, ils constituent des

variables intermédiaires. Ceci peut donc conduire à ce que Gustavsson appelle « un chevauchement analytique » (1999 : 80-82) qui est source d’une certaine incohérence.

b) Modèles structurels

Ces modèles s’intéressent aux contraintes structurelles, c’est-à-dire les facteurs internes ou externes pouvant contraindre ou encourager un gouvernement à donner une nouvelle orientation à sa politique étrangère. Dans son livre Change and stability in foreign policy : the problems and possibilities of Détente, Kjell Goldmann distingue trois principales sources expliquant la volonté d’un État de changer de politique étrangère (1988 : 6) :

 Le changement des conditions de l’environnement international qui conduit un État à s’adapter

 Les politiques elles-mêmes : des résultats négatifs d’une politique peuvent conduire un État à changer sa politique. C’est le phénomène d’apprentissage ou de rétroaction négative

 Les facteurs résiduels : ils ne sont relatifs ni à l’adaptation ni à l’apprentissage De plus, si Holsti a défini quatre variables intermédiaires, Goldmann quant à lui considère que la principale variable intermédiaire est le processus de prise de décision qui lie donc les sources au changement de politique étrangère (1988 : 6). Cependant, Goldmann considère qu’il existe des facteurs qui influent sur la relation causale entre les sources, le processus décisionnel et le changement. Il postule que les trois sources n’entrainent pas forcément un changement de la politique étrangère, car il existe 13 facteurs « stabilisateurs qui tendent à inhiber le changement de politique étrangère même s’il y a une pression pour le changement » (1988 : xv). Ces stabilisateurs qui sont de quatre ordres à savoir « international, cognitif, politique et administratif » (1988 : 26-27), contribuent à la stabilité de la politique étrangère en réduisant la sensibilité à l’environnement international, en réduisant les alternatives à la réorientation et en augmentant le coût de cette réorientation de la politique étrangère (1988 : 26-27).

À l’image de Goldmann, David Skidmore (1994) qui ne distingue pas par ailleurs de variable intermédiaire, s’intéresse également aux contraintes structurelles à tout changement de politique étrangère en mettant de l’avant l’influence des rapports de forces internes et

externes d’un État (1994 : 43). S’interrogeant sur la réaction d’un État face au changement du système international, Skidmore considère que la réponse peut être un ajustement de sa politique étrangère ou un refus du changement (1994 : 43-44). Si un État est fort au plan international et faible au plan national (c’est à dire faiblement centralisé), le changement de politique étrangère est sporadique (vision institutionnaliste). Si l’État est faible au plan international et fortement centralisé, le changement sera évolutif (vision réaliste). La puissance de l’État à la fois sur la scène internationale et sur la scène interne constitue donc le facteur explicatif pouvant conduire un État à adopter ou pas une nouvelle politique étrangère. Un changement de politique étrangère est plus probable pour un État faible au plan international et fortement centralisé que pour un État fort au plan international et faible au plan national.

Par ailleurs, cette vision des contraintes structurelles par rapport au CPE se retrouve également dans des travaux comme celui de Volgy et Schwarz (1994), de Joe D. Hagan (1994) ou de Kleistra et Mayer (2001) entre autres. Un des avantages des modèles structurels porte sur la possibilité qu’ils offrent d’avoir une idée des conditions – notamment institutionnelles – à la redéfinition de la politique étrangère d’un État. Toutefois, ces différents modèles présentent deux limites essentielles. D’abord, elles semblent négliger, voire complètement ignorer l’impact des décideurs et du processus décisionnel dans la définition de la politique étrangère d’un État. C’est donc toute la dimension cognitive qui est mise de côté dans ces modèles structurels. Ensuite, à force de se focaliser sur les éléments stabilisateurs, ces modèles s’intéressent davantage aux facteurs qui vont à l’encontre d’une nouvelle dynamique de la politique étrangère, au lieu d’aborder les facteurs qui expliqueraient cette nouvelle dynamique.

c) Modèles cycliques

Contrairement aux deux premières catégories de modèles, les modèles cycliques s’inscrivent dans une perspective de long terme en s’intéressant à l’analyse des schémas récurrents dans les processus décisionnels sur de longues périodes qui conduisent à un changement de

politique étrangère. Les modèles de Jerel Rosati (1994) et de Walter Carlsnaes (1993) en sont les principales illustrations (Gustavsson, 1998 ; Eidenfalk, 2009).

Carlsnaes fait référence aux interactions cycliques entre l’agent et la structure. Il considère que les modèles à liste de contrôle et les modèles structurels – en particulier ceux d’Hermann et de Goldmann — qui illustrent parfaitement le modèle d’analyse input (sources) — output (changement) présentent trois principales lacunes. Il y a la négligence de l’agent humain alors que celui-ci est primordial ; la négligence de la question agent/structure ainsi que ses implications dans l’analyse de l’interaction dynamique entre les décideurs et les structures sociales ; l’incapacité à intégrer l’apprentissage comme une caractéristique endogène des systèmes de politique étrangère (1993 : 5).

Afin de prendre en compte cette interaction agent/structure dans l’explication d’un changement de la politique étrangère, le modèle de Carlsnaes propose l’analyse de trois dimensions : la dimension intentionnelle c’est-à-dire les choix et préférences des décideurs; la dimension dispositionnelle c’est à dire l’influence des valeurs et perceptions dans la formation des préférences et la dimension structurelle relative à l’influence des conditions institutionnelles et structurelles sur les deux premières (Carlsnaes, 1993 : 18-21).

Pour sa part, Rosati considère que « les dynamiques de politique étrangère peuvent être comprises comme un processus cyclique dans lequel les périodes de continuité sont périodiquement interrompues par des périodes de changement » (1994 : 222). Ce processus cyclique qui décrit donc une alternance entre une période de stabilité ou d’équilibre (continuité de la politique étrangère) et une période de transition ou de déséquilibre (changement de la politique étrangère) résulte de l’interaction entre l’État, la société et l’environnement [international] (1994 : 225). Rosati souligne ainsi la multicausalité de la continuité ou du changement de la politique étrangère, mais il n’aborde pas clairement le processus décisionnel. Il ne montre donc pas comment les facteurs relatifs à l’État

(bureaucratie, leader), à la société (groupes et institutions) et à l’environnement international conduisent à une continuité ou un changement de la politique étrangère.

S’il est vrai que, contrairement aux deux premières catégories de modèles, les modèles cycliques proposent un regard sur la dynamique de la politique étrangère entre changement et continuité, ils présentent cependant quelques limites. Le modèle de Carlsnaes pose un grand problème d’applicabilité au vu de sa complexité et ce n’est pas un hasard s’il n’est pas utilisé dans les études empiriques. Quant au modèle de Rosati, il souffre d’un caractère trop général pour décrire l’évolution d’une politique étrangère renfermant des processus spécifiques dont la compréhension demande une analyse plus approfondie que celle proposée par Rosati.

d) Modèles perceptionnistes

Ces modèles accordent à l’individu – à travers ses perceptions de l’environnement – une place prépondérante dans l’analyse du CPE. S’ils s’accordent sur le caractère multicausal du CPE en distinguant les facteurs nationaux (internes) et internationaux (externes), les modèles perceptionnistes suggèrent que ces facteurs ne conduisent à l’adoption d’une nouvelle politique extérieure qu’à travers les perceptions qu’en ont les principaux décideurs en matière de politique étrangère. Les modèles de Gustavsson (1999) et de Joakim Eidenfalk (2009) appartiennent à cette catégorie.

Dans son modèle, Jakob Gustavsson (1999) considère que les sources d’un changement de politique étrangère sont de deux ordres : il y a « les facteurs internationaux et les facteurs nationaux » (1999 : 83). S’il concède qu’il est possible de catégoriser davantage ces facteurs, Gustavsson considère que ces facteurs sont à diviser en deux dimensions : la dimension politique et la dimension économique (1999 : 83) comme le montre le tableau 2.

Tableau 2 : les sources du changement de politique étrangère Politique Économique Facteurs internationaux Relations de puissance sécurité nationale Transactions économiques internationales

Les conditions institutionnelles régissant ces transactions

Facteurs nationaux appui des électeurs, des parties politiques et des acteurs sociaux

Le développement économique du pays

Source : élaboré par l’auteur à partir de Gustavsson 1999

Il précise que ces différents facteurs sont pris en compte par les décideurs politiques qui agissent sur le processus de prise de décision, entrainant ainsi un changement de politique étrangère. Ainsi, au-delà de l’observation de facteurs de différents niveaux et de différentes natures, le modèle de Gustavsson considère que « les sources de changement doivent être perçues par les décideurs individuels afin de changer leurs croyances dans le but d’avoir un impact sur la politique étrangère » (1999 : 24). En d’autres termes, c’est à travers la dimension cognitive des décideurs que les facteurs structurels de tout ordre peuvent conduire à l’adoption d’une nouvelle politique étrangère d’un État. En s’intéressant au cas de la Suède, Gustavsson a montré comment la fin de la guerre froide ainsi que la récession économique suédoise ont amené l’ancien premier ministre suédois, Ingvar Carlsson, à donner une nouvelle impulsion à la politique européenne de son gouvernement qui a abouti à l’adhésion de son pays à la Communauté économique européenne (CEE) en 19958.

À travers l’étude du changement de la politique étrangère de l’Australie par rapport au Timor oriental en 1999 et par rapport aux îles Salomon en 2003, Joakim Eidenfalk (2009) distingue quant à lui les sources nationales (bureaucratie ; opinion publique ; médias ; groupes d’intérêt ; partis politiques) et les sources internationales (facteurs globaux ; facteurs régionaux ; relations bilatérales ; acteurs non étatiques). S’inspirant des travaux de Gustavsson (1999) et de John Kingdon (1984), Eidenfalk considère que c’est par « la fenêtre d’opportunité » (2009 : 16) que ces deux types de sources ont contribué au changement de la

politique étrangère australienne à travers les perceptions des principaux décideurs en matière de politique étrangère. La fenêtre d’opportunité est donc un contexte particulier rendant possible tout changement de politique (politique publique pour Kingdon) étrangère selon la perception qu’en ont les principaux décideurs. Eidenfalk a davantage insisté sur la perception du leader concernant cette fenêtre d’opportunité correspondant donc au moment opportun pour donner une nouvelle orientation à une politique étrangère. À travers donc le concept de la fenêtre d’opportunité, le processus de changement d’une politique étrangère peut être initié par le décideur et non par des facteurs structurels internes ou externes (Doeser et Eidenfalk, 2013).

La différence principale entre Gustavsson et Eidenfalk réside dans l’interprétation de la fenêtre d’opportunité. En effet, si pour Gustavsson les perceptions et croyances du leader sont amenés à changer avec les changements structurels, pour Eidenfalk, les changements structurels constituent une opportunité pour le leader de mettre en place son désir premier de donner une nouvelle orientation de la politique étrangère. En d’autres termes, pour Gustavsson, le décideur subit l’effet des facteurs internes et externes et fait donc évoluer la politique étrangère de son pays, tandis que pour Eidenfalk, le décideur profite de cette opportunité offerte par les facteurs structurels pour mettre en place son idée de reformuler la politique de son pays sur la scène internationale. Ainsi, contrairement à Gustavsson, Eidenfalk considère que le décideur peut être à l’origine de l’impulsion nouvelle que peut prendre un État en matière de politique étrangère.

Cette interaction entre les facteurs nationaux et internationaux à travers les décideurs se retrouve dans de nombreuses études récentes comme celle de Tomas Niklasson (2006). En se basant sur les travaux d’Holsti (1982) et de Goldmann (1988), Niklasson distingue deux catégories de facteurs internes et externes à savoir « les promoteurs » et les « stabilisateurs » (2006 : 44) d’un changement de politique étrangère, les premiers étant les facteurs susceptibles d’entrainer un changement de la politique étrangère d’un État, alors que les seconds réduisent les possibilités de ce changement (2006 : 44-54). À côté de ces promoteurs et stabilisateurs internes et externes, Niklasson définit les facteurs (promoteurs et stabilisateurs) cognitifs qui « ne sont ni internes ni externes, mais plus directement liés aux idées sur lesquelles s’est fondée une politique, à la compréhension du décideur de ces idées

ou à ses attitudes à l’égard d’autres pays » (2006 : 44). En appliquant son modèle à la politique étrangère de la Hongrie entre 1956 et 1994, Niklasson a illustré l’interaction entre différents facteurs d’origine différente dans le changement de la politique étrangère d’un pays.

Un des mérites de ces modèles est donc l’importance de l’agent humain qui est généralement représenté par le leader (1993 : 5-6). Yi Edward Yang (2010) s’inscrit dans cette perspective