• Aucun résultat trouvé

Section III : Présentation du système judiciaire aux Pays-Bas I Les sources du droit

A. Les organes de police

1. L’organisation de la police

80. L’organisation de la police (dans sa forme) est régie par la loi sur la police de 1993 qui a réformé l’organisation et les structures les plus importantes de la police. La raison principale en était le besoin d’augmenter l’efficacité et l’effectivité dans la lutte contre le crime au niveau supra-local, national et international.

Les forces de police sont divisées en une force de police nationale et 148 forces de police municipales. Le pays, quant à lui, est divisé en vingt-cinq ressorts policiers. Chaque ressort a sa propre force de police qui est administrativement géré par le maire des plus importantes ou des villes les plus centrales de chaque ressort. Les autres maires ou bourgmestres de la région participent à cette gestion au sein d’un conseil de supervision qui dispose cependant de pouvoirs très limités. Les forces de police régulières disposent de 48.000 employés dont 33.000 sont des agents de police habilités à mener des investigations. Outre les forces de police régionales, il existe une force nationale. Elle se compose d’un ensemble d’unités comme la police de la route, la police fluviale, la police ferroviaire et le département d’enquête criminelle (Divisie Recherche). La police nationale, comme son homologue régional, travaillent sous le contrôle du ministère de l’Intérieur.

2. Les tâches des forces de police

Selon la section 2 de la loi sur la police, cette dernière doit maintenir l’ordre – application du droit pénal, préservation de l’ordre public et performance des services judiciaires – et apporter son assistance à ceux qui en ont besoin. Dans le domaine du maintien de l’ordre public, la police agit sous le contrôle du maire qui peut lui donner des instructions dans ce sens. En revanche, quand elle met en oeuvre la loi pénale et accomplit des tâches de police judiciaire, la police agit sous l’autorité du ministère public qui peut lui donner des instructions afin qu’elle assure le respect du droit pénal.

Un policier a en théorie une compétence sur l’ensemble des Pays-Bas, mais il est de principe qu’il restreigne son action à la région dans laquelle il est employé. De plus, afin d’accomplir leur mission de police judiciaire, tous les officiers de police élevés en grade sont auxiliaires du procureur (hulpofficier van justitie). Ils peuvent donc accomplir un certain nombre d’actes à sa place.

Comme il n’existe pas de distinction claire entre maintien de l’ordre public et l’application du droit pénal, il est souvent difficile de distinguer sous quelle autorité agit la police. De ce fait, le maire qui a la gestion administrative des forces de police régionales (korpsbeheerder), rencontre régulièrement le directeur des forces de police régionales et le chef (adjoint) du service régional de poursuite - il s’agit de ce que l’on appelle la consultation tripartite – afin de discuter des problèmes tels que la participation des forces de police à la lutte contre la délinquance et l’amélioration de la sécurité locale.

3. Les pouvoirs des forces de police

Afin de pouvoir remplir sa mission consistant à détecter et à enquêter sur les infractions, la police dispose d’un certain nombre de pouvoirs tels que celui d’arrêter, de

mettre en garde à vue et de saisir des biens. Certains pouvoirs ne peuvent être exercés que par des officiers de police élevés en grade qui ont été désignés comme auxiliaires du procureur de la République (hulpofficier van justitie). L’auxiliaire n’est pas un membre du service de poursuites. Il n’est pas non plus inversti des pouvoirs du procureur. Cependant, il a le pouvoir d’user de mesures coercitives, telles que les fouilles ou la garde à vue. En outre, la police peut utiliser la force dans l’exercide de sa mission. Elle peut également mener une fouille corporelle si des raisons liées à la sécurité l’imposent.

Sur le fondement de la loi sur la police, la police peut encore, mais de manière limitée, s’introduire dans la vie privée d’une personne par le biais de techniques de surveillance secrètes ou par la prise de photographies en public.

B. Les organes de justice

81. Le juge a pour fonction de rendre une décision impartiale dans les litiges judiciaires, y compris dans les affaires dans lesquelles l’État est partie. Afin de garantir cette impartialité vis-à-vis de l’État, un mécanisme spécial de sélection et de nomination des juges a été mis en place et le statut juridique des juges diffère de celui des autres fonctionnaires publics.

Toute personne qui souhaite accéder à la profession de juge aux Pays-Bas doit avoir au minimum trente ans au siège et trente-cinq au parquet. Elle doit justifier d’au moins six ans d’expérience professionnelle. Cette expérience peut être acquise dans le cadre d’une formation interne organisée par le système judiciaire ou à l’extérieur de celui-ci. Le système judiciaire organise la formation nécessaire. Il est également possible d’intégrer la magistrature après une expérience de six ans comme avocat, maître de conférences, fonctionnaire, etc. Dans ce cas, le candidat doit avoir passé trois des cinq tests proposés dans les domaines du droit civil et de la procédure civile, du droit pénal et de la procédure pénale, du droit administratif et de la procédure administrative. Les chiffres montrent que seuls 30% des juges sont formés à la suite du concours qui concluent leurs études. Les autres sont d’anciens juristes reconvertis et expérimentés.

1. Les juges

82. Les juges sont nommés à vie par la Reine (le gouvernement) sur proposition du Conseil et sur avis officiel du ministère de la Justice, conformément à l’article 117 de la Constitution. Seuls les ressortissants néerlandais peuvent être nommés au poste de juge. Ces personnes ne peuvent être nommées à la magistrature que sur recommandation d’une commission nationale de sélection composée de membres des divers tribunaux, du ministère public et de personnes représentant la société civile.

Le juge est affecté à un tribunal spécifique. Cette affectation n’est possible que si le tribunal en question a proposé le candidat. Ces conditions permettent que le système de nomination soit le plus objectif possible. Toutefois, les dispositions légales prévoient qu’ils sont aussi juges de substitution pour l’ensemble des autres cours de même niveau que celle dans laquelle ils ont été nommés. Les juges ne peuvent cependant être transférés à une autre cour que si les bureaux de direction des cours en question donnent leur accord à ce transfert, mais selon Philippe Langbroek, cela est assez difficile en pratique, même temporairement. Le principe est donc celui de l’inamovibilité des juges avec quelques exceptions.

Par ailleurs, le juge est un fonctionnaire public jouissant d’un statut spécial. Après sa première affectation, il n’est pas obligé d’accepter son affectation à un autre tribunal. Mais,

traditionnellement, la carrière d’un juge se déroule chronologiquement de la manière suivante : Membre d’une chambre composée de trois juges au sein d’une cour de district ; possibilité de présider des audiences à juge unique ; possibilité de devenir membre d’une cour d’appel ; possibilité de devenir vice-président ou juge de canton (position plus élevée que celle de juge de district).

Les juges peuvent rester en fonction jusqu’à l’âge de soixante-dix ans. Avant cet âge, ils ne peuvent être relevés de leurs fonctions contre leur volonté que par la plus haute instance judiciaire, la Cour de cassation des Pays-Bas (Hoge Raad der Nederlanden), à l’instigation du Procureur général de ce tribunal. Ce système assure une protection adéquate visant à éliminer toute influence politique sur la nomination et la destitution des juges.

Il existe des cas particuliers en ce qui concerne les positions de direction et de gestion – présidence et vice-présidence de cours et de tribunaux – et le cas de juges dits de substitution. Pendant très longtemps, en effet, des juristes, universitaires ou fonctionnaires, étaient appelé à siéger une fois par mois dans des tribunaux. Ce système était considéré comme un apport d’expérience au sein des tribunaux. Cela est toujours possible aujourd’hui, mais avec la constitution de l’association Court Watch et son combat pour plus de transparence, la seconde fonction de ces juges doit actuellement être publiée (sur le site du Conseil pour la Justice) afin d’éviter les conflits d’intérêts jugés inacceptables. Par ailleurs, les activités extrajudiciaires des juges doivent être communiquées au Conseil pour la Justice, les juges s’enregistrant en ligne. De plus, depuis fin janvier 2010, ils doivent non seulement indiquer leurs activités secondaires actuelles (l’article 44 de la loi sur le statut légal des fonctionnaires de la justice les oblige formellement à révéler leurs fonctions secondaires), mais aussi l’ensemble de leurs activités antérieures, entre autres celles antérieures à leur entrée en fonction dans la magistrature. Mais il est impossible de savoir si les juges ont réellement informé la direction de leur cour de l’ensemble de leurs activités secondaires. Les juges doivent néanmoins signer chaque année un document précisant que les données sont à jour. L’objectif de cette transparence est de permettre une récusation en cas de possible partialité (la décision est alors prise par un collège de trois juges extérieurs à l’audience). Cette pratique nationale ne relève pas de la loi.

2. Le ministère public

a. Les bureaux du ministère public38

83. Le ministère public est considéré comme faisant partie de l’organisation judiciaire. Les textes de référence le concernant sont les articles 124-144 de la loi sur l’organisation judiciaire de 2001 et certaines dispositions du code pénal (Wetboek van

Strafvorderong).

Le ministre de la Justice a une entière responsabilité politique en ce qui le concerne. Les procureurs ne sont pas indépendants de la même manière que le sont leurs collègues juges, bien que, membres d’un service professionnel, les procureurs ont un certain degré d’autonomie professionnelle. Le ministre de la Justice peut cependant donner des instructions à un procureur dans une affaire particulière39. Cela a un impact évident sur la confiance du public dans l’intégrité des procureurs, et, selon André Klip, l’opinion publique est difficile à évoluer. Quoiqu’il en soit, les nominations des procureurs ne sont normalement pas politiques. Il concède cependant quelques cas de nominations politiques,

38 <www.openbaarministerie.nl>

telles que le président du collège des procureurs-généraux (ces cinq procureurs, ne sont pas les cinq procureurs généraux des ressorts des cours d’appel. Il existe en fait dix procureurs généraux aux Pays-Bas) qui est nommé par le ministre de la Justice. Ce collège, qui existe depuis 1997, est un service spécial du ministère de la Justice, chargé de l’aspect organisationnel des bureaux des procureurs. Il coordonne le travail des dix-neuf bureaux du procureur au niveau des cours de district et les cinq bureaux des procureurs au niveau des cours d’appel. Il a un rôle dans l’établissement de la politique pénale et peut donner des instructions à l’ensemble des procureurs quel que soit le niveau où ils agissent : cour de district ou cour d’appel. Enfin, il a une responsabilité première dans le développement des ICT dans le cadre du ministère public sous la responsabilité politique du ministre de la Justice.

Organisation nationale :

Le ministère public dispose d’un bureau dans chacune des 19 villes accueillant une cour de district. Il (Openbaar Ministerie ou OM) est constitué d’un parquet général (parket-

generaal) qui a des responsabilités à l’échelle nationale. Chaque tribunal a son propre

parquet (parket), où travaille le procureur. De plus, il existe des bureaux particuliers du ministère public chargés de domaines particuliers du droit (par exemple en matière de circulation routière à Leeuwarden). Outre ces bureaux, il existe un service national des poursuites, qui est situé à Rotterdam et qui traite des affaires internationales relatives au crime organisé.

Les Pays-Bas étant divisés en cinq régions d’appel, chacune de ses régions est sous la juridiction d’un bureau du procureur général. A cela s’ajoute un conseil des procureurs généraux composé des directeurs des cinq services d’appel qui sont à la tête du service de poursuite dans son ensemble. Dans les cours d’appel et à la Cour suprême, les procureurs sont appelés Advocaat-Generaal.

Le parquet devant la Cour suprême jouit d’un statut indépendant vis-à-vis du ministère public et du ministère de la Justice et est dirigé par le Procureur-Generaal. Il n’a qu’un rôle de conseil sur la manière d’appliquer le droit.

Organisation interne :

Il y a environ 500 procureurs (Officier van justitie) aux Pays Bas dont la majorité est recrutée à la suite de six années de stage40.

La principale tâche du procureur consiste à engager des actions pénales contre les auteurs d’infractions pénales. Cependant, il peut également intervenir dans le cadre de procédures civiles, par exemple pour les requêtes concernant une mise sous tutelle, l’internement d’un citoyen contre sa volonté dans un hôpital psychiatrique ou une modification des documents officiels relatifs à l’état civil. Le procureur fait partie du ministère public, qui dépend du ministre de la Justice.

Outre les procureurs, il y a les « greffiers en second du tribunal » (parketsecretaris) qui travaillent sur les dossiers criminels, font des recherches quant au droit applicable et sont parfois chargé de mener les investigations sur les chefs d’inculpation initiaux.

Chaque service du ministère public a à sa tête un « procureur public en chef ». Un bureau des procureurs généraux, présidé par le Procurateur Général en Chef, gère le Service des Poursuites Publiques. Ce bureau constitue la tête du service d’administration du Service des Poursuites Publiques. Il coordonne également le développement des politiques pour les bureaux des procureurs publics.

40 Pour une présentation détaillée voir P. J. P. TAK, The Dutch Criminal Justice System, Nijmegen, Wolf legal

b. Règle de compétence territoriale

Les procureurs sont compétents dans le district au sein duquel ils sont affectés. Ils sont aussi compétents afin d’entamer des enquêtes dans tout autre district sur la demande de l’un de leurs collègues sur place. En cas de conflit de compétence, il n’existe aucune disposition particulière. Les difficultés sont réglées nationalement par le Service des Poursuites Publiques. En pratique, au moment d’engager des poursuites, le ministère public a souvent la possibilité de choisir entre la cour dans le ressort de laquelle l’infraction a été commise et celle dans le ressort de laquelle le suspect a sa résidence.

c. Le statut du ministère public41

Comme nous l’avons indiqué, le ministère public fait partie du pouvoir judiciaire. Il est placé sous l’autorité du ministre de la justice. Les membres du ministère public sont recrutés de la même façon que les magistrats du siège, les étudiants optant pour l'une ou l'autre des deux carrières à la fin de leur formation. Les deux carrières sont séparées même si les passages de l'une à l'autre ne sont pas impossibles. Les membres du parquet sont nommés pour une durée limitée, à la différence des juges, qui sont nommés à vie.

Le ministère public est organisé en deux niveaux, qui correspondent aux deux niveaux de juridiction, mais il n’y a pas de relation hiérarchique entre les procureurs des tribunaux de première instance et ceux des tribunaux d'appel. En effet, le parquet est dirigé par le collège des procureurs généraux, qui rassemble les membres du parquet les plus élevés dans la hiérarchie.

La loi sur l’organisation judiciaire dispose que l’effectif du collège des procureurs généraux est compris entre trois et cinq. Actuellement, il est de cinq. Le président du collège est nommé par la Reine pour trois ans et peut être renouvelé une seule fois dans ses fonctions. Le collège prend ses décisions à la majorité, la voix du président étant prépondérante en cas de partage. Chacun de ses membres prend plus particulièrement en charge une branche du droit. Le collège des procureurs généraux peut donner à tous les membres du parquet des instructions, lesquelles peuvent aussi bien être de nature générale que porter sur des affaires particulières.

Comme le ministère public dispose à la fois du monopole et de l’opportunité des poursuites, les directives du collège des procureurs généraux déterminent les conditions de mise en oeuvre de la politique pénale, dont les grandes lignes sont arrêtées par le ministre de la justice. Ce dernier étant responsable de l’activité du parquet, il se réunit de façon régulière, en règle générale une fois par mois par l’intermédiaire de son secrétaire général, avec le collège des procureurs généraux. D’après la loi sur l’organisation judiciaire, le ministre de la justice peut donner aux membres du ministère public des instructions générales ou individuelles, mais ce pouvoir est encadré. Le ministre doit auparavant consulter le collège des procureurs généraux, en motivant sa demande. L’instruction du ministre et la réponse écrite du collège des procureurs généraux doivent être ajoutées au dossier. Lorsque le ministre intervient pour faire cesser des poursuites, il doit en informer le Parlement.

d. Les fonctions du ministère public

Le ministère public est compétent afin de mener des investigations et de poursuivre l’ensemble des infractions et des délits. Une fois la poursuite engagée, l’intervention de la cour est requise.

Les relations entre le procureur et les services de police :

La supervision de la police :

Le parquet est le dernier responsable des investigations policières. Il doit s’assurer que la police observe l’ensemble des règles statutaires et procédurales auxquelles elle est soumise. Légalement, le procureur est l’enquêteur le plus élevé en grade (Sect. 148 du CCP et article 13 de la loi sur la police). En pratique, cependant, la police traite de la plupart des dossiers sans le consulter antérieurement, mais elle doit lui rapporter immédiatement ce qui concerne les crimes (article 157 du CPP). Seuls font exceptions les dossiers importants dans lesquels il peut donner des instructions détaillées. De plus, la consultation a lieu sur un mode beaucoup plus abstrait, afin de déterminer la politique applicable en matière d’investigations concernant certaines infractions en particulier et l’utilisation de méthodes spéciales d’investigation (policiers infiltrés, agents doubles, etc.). Cette approche est due à la force limitée du parquet, tout comme à la reconnaissance du fait que, pour ce qui des techniques et des tactiques d’investigation, la police dispose d’une meilleure expertise que le parquet. Il existe toutefois des consultations dans des dossiers particuliers lorsque les policiers ont besoin de l’approbation ou de la coopération du procureur ou du juge de l’instruction afin de mettre en oeuvre certains moyens de coercition.

Jusqu’à récemment, le parquet n’assurait pas correctement sont rôle de contrôle au regard de la police qui jouissait d’une bien trop grande autonomie dans ces activités d’investigation, notamment dans le cadre de la lutte contre le crime organisé. Le rapport rendu en 1996 par le comité d’enquête parlementaire à propos des investigations policières mit clairement en avant le fait que la police utilisait de manière extensive des méthodes secrètes de maintien de l’ordre illégitimes. Au regard des conclusions du comité précité et du débat parlementaire qui s’en suivit, des règles légales sur les méthodes d’investigation policières furent adoptées en 2000. De plus, en 1999, avait eu lieu une réorganisation du parquet afin d’améliorer son pouvoir de contrôle sur la police.

Les instructions données à la police :

Les procureurs ont pris une part plus active dans les investigations ces dernières