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Section II : Présentation du système judiciaire en France Sous-section 1 Les sources du droit

A. Les juges du siège

59. Les juges français, dans les tribunaux de grande instance, peuvent être des généralistes, appelés à siéger indifféremment et parallèlement dans des chambres civiles ou correctionnelles, ou avoir des fonctions plus spécialisées : juge aux affaires familiales, juge des enfants, juge d'instruction, juge de l'application des peines (JAP) ou encore juge d'instance siégeant dans un tribunal d'instance.

Les fonctions de juge peuvent être exercées par des magistrats d’un rang hiérarchique supérieur portant le titre de vice-président de tribunal de grande instance : généralistes, ces magistrats président les chambres civiles ou correctionnelles du tribunal ; ils peuvent être chargés des affaires familiales ou des fonctions de juge des libertés et de la détention (JLD). Spécialisés, ils sont appelés : vice-président chargé des enfants, vice-président chargé de l'instruction, vice-président chargé de l’application des peines ou vice-président chargé du service du tribunal d'instance. Le président du tribunal de grande instance est également un juge d’un rang supérieur, de même que les premiers vice-présidents qui les assistent parfois.

Les juges exerçant à la cour d’appel sont appelés conseillers ; ils siègent dans des chambres présidées par des présidents de chambre, au sein d’une cour d’appel dirigée par un Premier président. Les fonctions de conseillers, présidents de chambre et Premier président ont la même dénomination à la Cour de cassation, qui compte aussi des conseillers

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référendaires, ayant un grade inférieur à celui des conseillers, mais exerçant les mêmes fonctions.

Dans certains domaines spécialisés, les juges sont des non professionnels élus pour composer des juridictions spécialisées : par exemple, les conseillers prud’homaux au sein des conseils de prud'hommes, les juges consulaires au sein des tribunaux de commerce, ou encore les juges de proximité, chargés de trancher les litiges de faible importance.

B. Le parquet

60. En France, le procureur de la République est le magistrat du ministère public chargé de l’action publique dans le ressort d’un TGI. Il est assisté par des substituts, magistrats également, qui, avec le procureur, constituent le parquet d’un tribunal de grande instance.

1. Principe hiérarchique

Plusieurs éléments distinguent les magistrats du parquet de ceux du siège dans leurs statuts. L’article 5 de l'ordonnance de 1958 dispose en effet que « les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du garde des sceaux, ministre de la justice. A l'audience, leur parole est libre ». Ainsi, le parquet est hiérarchisé, ce qui signifie que le procureur de la République a autorité sur ses substituts et qu’il est lui-même soumis aux instructions et directives du procureur général près la cour d'appel du ressort. L’ensemble des membres du parquet est soumis in fine à l’autorité du ministre de la Justice.

Conséquence de la hiérarchisation du parquet, les procureurs et leurs substituts ne bénéficient pas de la garantie d’inamovibilité des magistrats du siège. L’ordonnance de 1958 leur accorde cependant la liberté de parole aux audiences pour présenter telles réquisitions qu'ils jugeront convenables, y compris la relaxe ou l'acquittement.

Au regard de l’article 5§3 de la CESDH, la situation du parquet français est délicate. Cet article précise en effet que toute personne privée de sa liberté « doit être traduite aussitôt devant un juge ou un « autre magistrat » habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires ». Toute la question est donc de savoir si le magistrat du parquet peut être considéré comme cet « autre magistrat » au sens de l’article 5§3. Allant jusqu’au bout de cette logique, les juges de l’une des chambres de la CEDH n’ont pas hésité à affirmer en 2008, dans l’affaire Medvedyev, que le procureur de la République n’est pas une « autorité judiciaire » au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion car il lui manque, en particulier, l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif. Sur appel devant la Grande Chambre, la CEDH n’avait pas repris cette argumentation dans sa décision du 25 mars 2010, pour des raisons factuelles.

Dans son arrêt de chambre non définitif France Moulin c/ France du 23 novembre 2010, la CEDH a de nouveau condamné la France pour violation de l’article 5§3 de la CEDH en affirmant que le ministère public n'est pas une « autorité judiciaire » au sens de cet article et en reprenant explicitement l’idée selon laquelle les magistrats du ministère public ne sont pas des « magistrats habilités par la loi à exercer des fonctions judiciaires » au sens de l'article 5§3 de la Convention car ils ne sont ni indépendants à l’égard de l’exécutif, ni indépendants à l’égard des parties. La chambre criminelle de la Cour de cassation, dans son arrêt du 15 décembre 2010 a ensuite entériné cette position en affirmant que « c’est à tort que la chambre

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de l’instruction a retenu que le ministère public est une autorité judiciaire au sens de l'article 5§3 [...], alors qu'il ne présente pas les garanties d’indépendance et d’impartialité requises par ce texte et qu'il est partie poursuivante ».

2. Les missions

En France, le procureur de la République assure une double mission : mission « politique », d’une part, et mission régalienne, d’autre part.

En tant que membre de la hiérarchie judiciaire, le procureur de la République doit mettre en œuvre la politique pénale du Gouvernement en application, notamment, des dispositions de l’article 30 du CPP selon lequel « le ministre de la justice conduit la politique d'action publique déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République. A cette fin, il adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales d'action publique ».

Par ailleurs, depuis quelques années, les différents gouvernements ont mis en œuvre des politiques dites « de la ville » dans lesquelles sont associés, parfois étroitement, les parquets, à travers la participation des procureurs à diverses instances locales, à des actions de sensibilisation et d’éducation en milieu scolaire, etc.

Les attributions du procureur de la République sont fixées par les articles 1 et 31 du CPP. « L’action publique pour l’application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou par les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi ». « Le ministère public exerce l'action publique et requiert l’application de la loi ». La mission du procureur de la République consiste alors à rechercher et faire rechercher l’existence d’infractions (contraventions, délits et crimes) et de décider des suites à y donner en application des dispositions de l’article 40-1 du CPP selon lequel « lorsqu'il estime que les faits qui ont été portés à sa connaissance en application des dispositions de l’article 40 constituent une infraction commise par une personne dont l'identité et le domicile sont connus et pour laquelle aucune disposition légale ne fait obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, le procureur de la République territorialement compétent décide s'il est opportun :1° Soit d'engager des poursuites ; 2° Soit de mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites en application des dispositions des articles 41-1 ou 41-2 ; 3° Soit de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient ».

Dans le système judiciaire français, en vertu du principe d’opportunité des poursuites, le procureur de la République est seul juge des suites à donner à une infraction, sous les réserves du pouvoir propre du procureur général de la cour d’appel du ressort mais aussi du garde des Sceaux, ministre de la Justice. En effet, l’article 30 du CPP dispose que ce ministre « peut dénoncer au procureur général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance et lui enjoindre, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge opportunes ».

S’il engage les poursuites, le procureur de la République, lui-même détenteur des prérogatives d’officier de police judiciaire, dirige l’activité des agents et officiers de police judiciaire de son ressort. À ce titre, il est obligatoirement informé des crimes et délits flagrants, dirige les investigations rendues nécessaires, contrôle les mesures de garde à vue dont il autorise la prolongation (art. 53 à 74-2 du CPP) ; il ordonne et dirige les enquêtes préliminaires pour les affaires non flagrantes (art. 75 à 78 du CPP) ; il décide d’ouvrir une

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information judiciaire par la saisine d'un juge d'instruction, obligatoirement en matière criminelle, facultativement en matière délictuelle sauf dispositions de la loi ou même en matière contraventionnelle (art. 79 et 80 du CPP).

Lorsque les investigations menées ont permis de renvoyer l’auteur présumé d’une infraction devant la juridiction de jugement (juridiction de proximité, tribunal de police, tribunal correctionnel, cour d’assises), le procureur de la République représente en personne ou par ses substituts le ministère public aux fins de présenter les réquisitions appropriées.

Le parquet dispose également d’un ensemble d’attributions administratives et civiles qui comprennent la gestion des dossiers relatifs aux conciliateurs de justice, aux experts judiciaires, aux gérants de tutelle, à la surveillance des services d’état civil, aux sanctions disciplinaires concernant les pharmaciens, médecins-biologistes, dentistes, aux déclinatoires de compétence, à l’entraide judiciaire internationale en matière civile et commerciale, aux aspects civils du déplacement international illicite d’enfant, aux mariages posthumes, à la nullité des mariages, aux dossiers de nationalité, aux visites et contrôle des établissements psychiatriques et aux contentieux des demandes de mise mainlevée de placement d’office, aux adoptions, à l’exequatur des jugements et aux incapables majeurs. Par ailleurs, le service civil assure les relations avec les conseils des prud’hommes.

III. Les juges administratifs A. Les magistrats

61. Dans les juridictions administratives, les magistrats sont classés selon leur grade :

- président, premier conseiller et conseiller (pour les tribunaux administratifs et CAA) - auditeur, maître des requêtes, conseiller d’Etat (CE)

Ils sont aussi classés selon leur fonction :

- président de juridiction, président de chambre, rapporteur public, conseiller-rapporteur (TA). - président de juridiction, président de chambre, rapporteur public, président-rapporteur, conseiller-rapporteur (CAA)

- au Conseil d’Etat : président de la section du contentieux, vice-président de la section du contentieux, président de sous-sections, rapporteur public (2 par sous-section), rapporteur, assesseur (conseiller d'Etat qui révise et ne rapporte pas ; en principe, 2 par sous-section)

Une formation de jugement peut statuer en collégialité ou en juge unique, avec ou sans conclusions du rapporteur public.

C’est le magistrat désigné comme rapporteur qui instruit le dossier. Le rapporteur public, lui, éclaire la formation de jugement et les parties de ses conclusions le jour de l’audience. Selon le Conseil d’Etat, il « a pour mission d'exposer les questions que présente à juger chaque recours contentieux et de faire connaître, en formulant en toute indépendance ses conclusions, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient » (CE, 29 juillet 1998,

Esclatine).

Il est présent lors des séances d’instruction de la formation collégiale de jugement (réunions de présentation des dossiers par les rapporteurs avec commentaires éventuels du rapporteur public non prévues par le CJA) mais il n’est plus présent au délibéré des TA et

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CAA (sa présence a été maintenue au CE sauf opposition des parties) du fait des condamnations répétées de la CEDH depuis la décision du 7 juin 2001, Kress c/ France26. Cette institution a connu, en effet, de nombreux bouleversements liés à plusieurs condamnations de la France pour atteinte au droit au procès équitable du fait d’un manquement au principe d’impartialité des juges rapporteurs publics.

Cela a conduit la justice administrative à intégrer avec force la théorie des apparences développée par la Cour puisqu’elle a provoqué un changement de dénomination de son institution la plus emblématique. Le « commissaire du gouvernement » est devenu le « rapporteur public » afin que le doute sur son indépendance et son impartialité à l’égard du gouvernement et plus généralement de l’administration ne puissent être généré chez le justiciable.