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La contractualisation dans le choix et dans l’application de la peine

Section II. Contractualisation et gestion de la décision judiciaire

B. La contractualisation dans le choix et dans l’application de la peine

En Angleterre, les juges sont indépendants des parties. Lorsque des cas sont jugés par un juge et un jury, le rôle du juge est limité à la gestion du dossier, à la détermination des problèmes de droit, ce qui inclut l’admissibilité de la preuve, et à la décision sur la peine. Le jury détermine les faits (finder of facts) et donc la culpabilité. En revanche, lorsque des dossiers sont jugés par des District Judges seuls ou une juridiction composée de juges non professionnels, ils déterminent à la fois la loi applicable, la culpabilité d’une personne et la peine à lui appliquer.

Dans tous les cas, les décisions judiciaires sont prises après avoir entendus les représentants des deux parties et elles sont prises de manière indépendantes, ce qui implique qu’il est non approprié que de telles décisions soient négociées. L’étape de la peine est toujours séparée et représente un moment important dans le procès pénal anglais.

1. La contractualisation dans le choix de la peine

145. En Angleterre, la peine dans son principe ne peut être négociée avec les parties. Il existe cependant une nouvelle forme de plaider coupable, déjà évoquée, qui a été introduite

243 Voir dans ce sens l’arrêt Goodyear – [2005] EWCA Crim 888 – qui pose les bases de cette pratique. 244 [1970] 2 Q.B. 321.

245

Voir dans ce sens : McDonald [2007] Crim LR 737 ; Seddon [2008] Crim LR 311.

246 Une décision de poursuivre, ou de ne pas poursuivre, provenant de la police ou du CPS est toujours

susceptible d’être soumise à un Judicial Review, « procédure qui se déroule devant la Hight Court à Londres et

par laquelle peut être cassée une décision administrative illégale ou déraisonnable. » (J. R. Spencer, La procédure pénale anglaise, Paris, PUF, 1998, p. 39).

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dans les cas de fraudes sérieuses247. Traditionnellement, le défendeur, ou plus vraisemblablement son avocat, négocie régulièrement, et de manière informelle, avec l’autorité de poursuite. Par exemple, l’objet de la discussion peut porter sur l’abandon de l’inculpation sur le fondement de tel texte et, en contrepartie, le plaidoyer de culpabilité de son client pour une infraction prévue par un autre texte. Nicky Padfield précise qu’en tant que juge, ça ne la gêne pas si c’est la défense qui mène la négociation. A contrario, la nouvelle procédure exposée, applicable dans les dossiers importants et sérieux en matière de fraude, est menée par l’autorité de poursuite248.

Les informations nécessaires à la décision sont ensuite fournies (preuve de l’infraction et antécédents) par la défense et le service de probation (Offender Assessment system – Oasys et autres formes d’évaluation à propos de la compatibilité de la personne avec certains types de programmes concernant les peines fondées sur la communauté). Le juge décide sur ces fondements dans la foulée. Le rôle de l’avocat dans cette procédure est important249. Par ailleurs, Richard Crowley indique que les données sur le taux d’échec de ces procédures ne sont pas conservées, ce qui ne permet pas d’apprécier réellement l’efficacité de ces nouvelles procédures. Les seules indications sur le terrain de l’efficacité résident dans l’examen des objectifs du CPS, ainsi que de ceux des autres agences de poursuite telles que le Serious

Fraud Office, afin de voir s’ils ont atteint leur cible annuelle. Toutefois, la pertinence de ce

renvoi est discutée, Nicky Padfield y étant favorable, alors que Richard Crowley reste sceptique. Toute entreprise a besoin d’objectifs, mais Nicky Padfield estime que le système judiciaire anglais devient trop guidé par des objectifs dans bien des domaines250.

Indépendamment de ces quelques réflexions, il n’en demeure pas moins, comme nos interlocuteurs nous l’ont rappelé à de nombreuses reprises, que le principe même de la peine ne peut être négocié par le défendeur avec la juridiction. Il peut simplement rechercher une indication sur celle-ci s’il plaide coupable à ce stade de la procédure, processus déjà développé antérieurement251. Il n’y a donc pas non plus de négociation sur le quantum de la peine, c’est un système de « à prendre ou à laisser ».

En revanche, certaines sanctions de type communautaire nécessitent un certain consentement de l’auteur de l’infraction pour pouvoir être prononcées. Il est évident que si la personne condamnée a clairement indiqué qu’elle ne respecterait pas un community order, un juge ou un magistrate serait peu inspiré de la condamner à cette peine. S’il indique son refus, il peut être sanctionné autrement. Mais Richard Crowley s’interroge sur le point de savoir comment son consentement peut être réellement libre. Il fait face à une sanction étatique afin que son statut infractionnel reflète sa culpabilité.

Par ailleurs, en ce qui concerne les délais de mise à exécution de peine après leur prononcé, il apparaît qu’il n’en existe aucun pour les peines d’emprisonnement. En revanche, pour les peines communautaires, un délai peut être nécessaire pour mettre en place les tâches ou les programmes de traitement.

247 Voir dans ce sens : l’article critique de Nicky Padfield, « Shining the Torch on Plea Bargaining »,

Cambridge Law Journal, 2009, pp. 11/14 ; et le site de l’Attorney General www.attorneygeneral.gov.uk/Publicati ons/Documents/AG's%20Guidelines%20on%20Plea%20Discussions%20in%20Cases%20of%20Serious%20or %20Complex%20Fraud.pdf.

248 Idem.

249 Voir à ce sujet les principes généraux applicables aux peines (Sentencing-General principles), [en ligne]

http://www.cps.gov.uk/legal/s_to_u/sentencing_-_general_principles/.

250 Lire à propos du management moderne une courte critique dans N. Padfield, Textbook on Criminal Justice,

chp. 1.

251 Voir sur ce point la jurisprudence R. vs Goodyear [2005] 2 Cr App R 20 et les actuels paragraphes IV.45.29-

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Dans le même sens, des mesures sont prises afin que la mise à exécution de la peine prononcée soit effective252, en particulier, dans le domaine du recouvrement des amendes. Ces dernières années, les Local Criminal Justice Boards ont ainsi eu des objectifs en ce qui concerne la mise en application des amendes. En 2009/10, ces objectifs furent fixés par le seul

HMCS, qui a établi le taux national de paiement des amendes à 85% et a informatisé les

systèmes comptables afin de suivre le paiement et la collecte des amendes. Les vingt-cinq zones (areas) du HMCS ont leurs propres cibles locales afin de soutenir cet objectif253.

2. La contractualisation dans l’application de la peine

146. En théorie, le service des prisons (prison service) gère les peines de prison et le service de probation (probation service) met en œuvre les peines d’intérêt général (community

penalties). Mais, selon Nicky Padfield, la réalité est plus compliquée ; elle se réfère à cet

égard au Offender Management Act 2007.

L’efficacité de ces agences – le Prison Service, le Probation Service, le National

Offender Management Service – a toujours été évaluée du fait des plans de développement

(Business Plans) qu’elles édictent, de leurs rapports annuels, etc. Il existe également de nombreux « contre-pouvoirs » comme le HM Chief Inspector of Prisons à ces services. Nicky Padfield souligne par ailleurs qu’une question intéressante est née de la privatisation à la fois des prisons et des services de probation254.

Une fois l’organisation du service d’application des peines définie, les questions posées à nos interlocuteurs ont porté sur l’application concrète de la peine. Celle-ci n’est absolument pas le terrain de la négociation. Si une personne condamnée ne coopère pas, elle risque d’être mise en prison. Par conséquent, les questions posées dans ce domaine n’ont pu trouver de réponse pertinente dans le système judiciaire anglais, seulement quelques remarques d’ordre doctrinal.

Ainsi, il est évident, pour Nicky Padfield, qu’une mise en œuvre stricte des peines peut être une erreur. Certains infracteurs font des écarts de temps en temps. Malheureusement, les guides nationaux sur la mise en œuvre de ces mesures donnent très peu de marge de manœuvre aux agents de probation255.