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L’évaluation individuelle des juges A Les juges professionnels

Section II. L’évaluation individuelle des acteurs judiciaires

I. L’évaluation individuelle des juges A Les juges professionnels

1. L’absence d’évaluation des juges professionnels

108. A l’intérieur du système anglais, il n’y a d’évaluation que pour les juges à mi- temps, le but étant de considérer la possibilité qu’ils deviennent des juges à temps plein. Cette évaluation a lieu une fois par an et est réalisée sous la forme d’une intervision à laquelle procède un juge à temps plein différent du tuteur du juge à mi-temps. Le juge qui procède à l’évaluation contrôle les dossiers et tout ce qui a été fait. Il assiste également à une audience et remplit un document afin de rendre compte de son évaluation.

Il n’existe pas non plus de rencontre formelle entre un juge et son supérieur afin de faire le point. Il n’y a aucune obligation dans ce domaine tout comme il n’y a pas non plus de réelle formation continue. La seule exigence réside dans l’obtention du ticket qui est obligatoire pour le traitement de certaines affaires. En dehors de cela, l’idée est de dire que l’évaluation réside dans les décisions d’appel. Il apparaît donc qu’en Angleterre et au Pays de Galles, que l’évaluation renvoie au fond de l’affaire mais pas aux individus composant le système, ce qu’a confirmé l’entretien avec des Masters du High Court of Justice.

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Peu de juges rencontrés ont évoqué un quelconque déploré à propos de l’absence d’évaluation individuelle. Seul le juge Saunders a regretté l’absence de peer vision dans le système.

2. La mise en cause de la responsabilité des juges professionnels153

109. Même si la question de la responsabilité des magistrats ne semble pas être un véritable objet de débat public (peu de publicité des plaintes, de statistiques), les juges peuvent voir leur responsabilité engagée pour faute grave ou pour manquements répétés aux normes que l’on peut raisonnablement s’attendre à voir respectées de la part du titulaire d’un tel poste. Néanmoins, ce sont de manière générale les fautes commises par les juges dans leur vie privée qui peuvent conduire à une action disciplinaire. Cela s’explique en raison de l’immunité dont les juges anglais bénéficient dans l’exercice de leurs fonctions et qui se définit, selon la formule de Lord Denning comme : « peu importe que le juge ait commis des erreurs grossières ou ait fait preuve d’ignorance, ou ait agi avec envie, haine ou malice, ou sans aucune indulgence, il ne peut faire l’objet d’une action en responsabilité »154.

Il existe cependant un code de déontologie des juges qui reprend des règles de common

law et les principes de la CESDH, transposés en droit anglais par le Human Rights Act de 1998.

Il a été récemment supplanté par un guide de bonne conduite judiciaire (Guide to Judicial

Conduct) rédigé par des juges et mis en place par le Judge’s Council après une large

consultation au sein de la profession. Il s’est, dans un premier temps, présenté comme un manuel interne destiné à aider les juges professionnels à respecter les règles d’éthiques exigées par leur profession, en répondant à certaines questions ayant traits à l’indépendance, l’impartialité, l’intégrité, les relations avec les médias, mais aussi la participation à des débats publics ou à des activités commerciales. Puis, lorsque le Lord Chief Justice (qui préside le

Judge’s Council) a donné son aval à ce document, il a indiqué son souhait que ce guide soit

également à l’usage des magistrates.

Depuis la réforme de 2005, les règles régissant l’engagement de la responsabilité des juges ont changé. Aujourd’hui, le Lord Chief Justice est la principale autorité pour engager la responsabilité des juges, cette compétence demeurant toutefois une compétence conjointe avec le Lord Chancellor. Il est encore à noter que pour ce qui est des juges du High Court (les plus élevés dans la hiérarchie), seul le Parlement (composé des deux chambres et de la Reine) peut les démettre de leurs fonctions, la Reine prenant cette décision à la demande des deux chambres.

Il existe dans le nouveau système un Secrétariat des plaintes qui a à sa tête un directeur nommé conjointement par le Lord Chief Justice et le Lord Chancellor. Ce nouveau service offre de plus grandes possibilités de saisines aux particuliers qui peuvent désormais adresser leurs plaintes à ce service, mais aussi au Lord Chief Justice, au Lord Chancellor ou à l’Ombudsman. Toutes les plaintes sont ensuite centralisées au Secrétariat qui ne décide des suites à donner à une plainte que pour les moins importantes pour lesquelles il peut rejeter la demande au nom du Lord Chief Justice et du Lord Chancellor. Dans les cas les plus graves, les dossiers sont transmis à ces deux autorités, qui peuvent demander des investigations supplémentaires. La réforme a également vu la mise en place d’une instance d’appel (Review

Body), qui peut être saisie par le Lord Chancellor ou le Lord Chief Justice, si le plaignant

estime que l’enquête du secrétariat des plaintes n’est pas satisfaisante. Le juge concerné peut aussi demander que cette instance soit saisie.

153 Informations provenant d’une note produite par le magistrat de liaison au Royaume-Uni en 2006 (Bernard

Rapatel) à propos du système judiciaire en Angleterre et au Pays de Galles.

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Les mesures susceptibles d’être prononcées à l’encontre d’un juge ayant commis une faute professionnelle sont diverses. Dans les cas les moins graves, cela va de la demande d’excuses l’avertissement. Dès que le cas s’avère plus sérieux, une procédure disciplinaire est engagée, mais d’après le Department for Constitutional Affairs, cela demeure rare. Elle peut conduire à la révocation du juge. De manière générale, dans les affaires impliquant une faute grave (serious misconduct), la seule menace d’une action disciplinaire suffit à entraîner la démission du titulaire du poste.