• Aucun résultat trouvé

dans l'archéologie du Paléolithique supérieur : archéozoologie et art pariétal

3.1. L'analyse des restes osseux des animaux : l'archéozoologie

3.1.1. La New Archaeology et la Zooarchaeology

A partir des années 1960, la perception de la relation matérielle entre l’Homme et l’animal se dynamise, notamment sous l'infuence du mouvement de la New Archaeology qui émerge dans les pays-anglo-saxons. Les disciplines de l'archéologie et de l'anthropologie bénéfcient alors d'une proximité et d'infuences réciproques, se situant dans les mêmes départements universitaires. Lewis Binford joue un rôle prépondérant dans cette orientation nouvelle. Il est particulièrement connu pour ses contributions théoriques à l’archéologie, pour ses recherches en ethnoarchéologie, et ses apports dans le domaine de l'anthropologie des chasseurs-cueilleurs.

Les représentants de ce mouvement mettent en avant le besoin d’une application plus rigoureuse des méthodologies scientifques, et l’utilisation d’une méthode hypothético-déductive en archéologie (là où en France, s'applique plutôt une démarche inductive). Ils accordent une grande importance à la mise

– « L'archéozoologie est la discipline scientifque qui vise à reconstituer l'histoire des relations naturelles et culturelles entre l'homme et l'animal » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Archéozoologie)

– « Zooarchaeology is the study of animal remains from archaeological sites, to understand all aspects of past human-animal interaction. Zooarchaeological research focuses on reconstructing past subsistence activities and the procurement of animal foods; past hunting and herding practices; animal domestications; animal remains as palaeoenvironmental indicators; and the role of animals in societies beyond serving as food ».

(https://en.wikipedia.org/wiki/Zooarchaeology).

Traduction : « L’archéozoologie est l’étude des restes animaux provenant de sites archéologiques, pour comprendre tous les aspects de l’interaction homme-animal dans le passé. Les recherches archéozoologiques se concentrent sur la reconstruction des activités de subsistance du passé et la nourriture d’origine animale ; les pratiques de chasse et d’élevage du passé ; les domestications animales ; les restes animaux comme indicateurs du paléoenvironnement ; et le rôle des animaux dans les sociétés au-delà de leur fonction de nourriture ».

en place de lois générales rendant compte de l’interaction du comportement des êtres humains et de leur niche écologique. Ce mouvement archéologique évolue donc dans un cadre conceptuel proche d'un déterminisme environnemental, considérant la culture comme étant «l’ajustement optimal aux contraintes écologiques et économiques» (Harris 2001). Le néo-fonctionnalisme de l'écologie culturelle (Steward 1955) et le déterminisme techno-environnemental du matérialisme culturel (Harris 2001) sont ainsi les principales références anthropologiques qui modèlent la New Archaeology des années 1960 (Porr 2005).

« It is suggested that changes in the ecological setting of any given system are the prime causative situations activating processes of cultural change 20»

(Binford 1964, p.440)

Binford (1980) dans son « forager-collector-model », par exemple, présente une grande diversité de cas ethnographiques mais propose un système qui est toujours basé sur la distribution spatiale et temporelle des ressources. Pour Gamble également, « l'énergie et l'espace constituent les deux principaux facteurs permettant l'observation de la variation (culturelle) » (Gamble 1986, p.25).

Dans ce cadre conceptuel, l’animal est perçu comme une source de matière première, une « potentialité » qui détermine les choix humains. C'est par ce biais que les tenants de la New Archeology vont s’intéresser à ce qui devient peu à peu l’archéozoologie, l’animal devenant une voie nouvelle pour la connaissance des phénomènes sociaux du passé. Pour analyser cette potentialité, les anthropologues anglo-saxons vont mobiliser des concepts de l’écologie comportementale, qui puise ses références dans les mêmes territoires conceptuels que l'OFT. Dans cette perspective, c’est la logique de la rentabilité énergétique qui est le moteur supposé des stratégies de transport des carcasses, de l’acquisition des proies ou encore de l’emplacement des sites.

« Te traditional emphasis of prehistoric zooarchaeology are diet, subsitence practices, environmental reconstruction, and paleoeconomy.21 »

(Landon 2005, p.11)

Les discussions sont ainsi dominées par des termes tels que « stratégies », « management », « énergie », « foraging » « coûts », « subsistance », « ressources », « risques », etc. (Porr 2001). La vie des chasseurs-cueilleurs est présentée comme un processus d'optimisation subordonné à une pression

20 Traduction : « Il semble que les changements d'ordre écologique de tout système envisagé soient les causes premières à l'origine des processus de changement culturel ».

21 Traduction : « Traditionnellement, l'archéozoologie préhistorique se focalise particulièrement sur le régime alimentaire, les pratiques de subsistance, la reconstruction de l'environnement et la paléoéconomie. »

sélective (liée notamment au succès reproductif). Cette optimisation, dans le cadre des applications archéologiques, n'est pas toujours clairement décrite comme étant liée à la rationalité des individus ou à la sélection naturelle darwinienne (Porr 2001). Le cadre plus restreint de l'application « orthodoxe » de l'OFT n'est donc pas toujours revendiqué par les archéozoologues, mais la coloration conceptuelle plus globale conçoit le comportement humain comme un ajustement aux conditions environnementales, qui est combiné à une dimension évolutionniste anhistorique due à l'emploi du concept d' « adaptivité » (voir partie 1, 2.1.2. « Une exploration des soubassements théoriques de l'OFT »).

Ces développements théoriques ont pour efet de favoriser l'émergence d'une forme particulièrement dynamique d’archéozoologie aux Etats-Unis, ou plutôt de « zooarchaeology », préoccupée de modélisation et de formulation mathématique des phénomènes.

A tel point que l'on peut considérer que l'essor et le succès de l'archéozoologie au niveau mondial sont en partie liés à l'importance des études sur la paléo-économie, la subsistance et l'environnement (Tomas 1996). L'autonomisation des recherches sur la paléo-économie a en efet grandement participé à mettre en avant l'étude des ossements (O'Connor 1996).

« Zooarchaeology [...] benefted from the greater attention to ecological and environmental issues that came with the cultural ecological emphasis of the « new archaeology22 »

(Landon 2005, p.3)

De nombreuses références méthodologiques, dont l'importance demeure dans l'archéozoologie actuelle, vont émerger à la suite de ce mouvement : concernant l'enregistrement du protocole (Giford and Crader 1977) ; les traces sur les surfaces osseuses (Behrensmeyer 1978 ; Fisher 1995) ; des moyens permettant de déterminer l'âge et le sexe des animaux à partir des ossements et des dents (Grant 1982 ; Wilson et al. 1982) ; les mesures ostéométriques (Von den Driesh 1976), etc.

De nombreux outils liés à la nécessité de quantifcation vont également voir le jour (Binford 1981 ; White 1953 ; Lyman 1979 ; Grayson 1984...) pour évaluer l'importance taxinomique des espèces animales dans un site archéologique et l'importance de ces espèces animales dans la diète humaine (des outils quantitatifs apparaissent également qui permettent la mesure des efets taphonomiques sur les assemblages).

Des indices permettant d'évaluer la rentabilité économique apparaissent à leur suite, portant en eux des orientations anthropologiques plus marquées, et des préoccupations liées à la paléo-économie. Ces indices serviront efectivement à évaluer l'utilité de chaque proie et de chacun de ses éléments

22 Traduction : « L'archéozoologie […] a tiré proft de l'a plus grande attention portée aux questions écologiques et environnementales dans la focalisation sur l'écologie culturelle de la New Archaeology. »

squelettiques (permettant notamment de discuter du transport préférentiel des parties squelettiques sur les sites d'habitat): GUI (General Utility Index) et MGUI (Modifed General Utility Index) de Binford (1978), FUI (Food Utility Index) de Jones et Metcalfe (Jones et Metcalfe 1988), etc.

Certains outils apparaissent toutefois également en France. François Poplin propose le Nmi de combinaison en 1976 (Poplin 1976) et Françoise Delpech une méthode concernant la signifcation paléoclimatique des groupes d'herbivores dans les gisements archéologiques (Delpech 1973), notamment. Une « période d'intégration » dans l'archéozoologie (Robison 1987, cité par Landon 2005) conduit à intégrer peu à peu ces outils et méthodes jusqu'à la constitution d'une relative homogénéité dans la pratique de l'archéozoologie, concernant le Paléolithique supérieur du moins.