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PARAGRAPHE I. LE STANDARD DU « TRAITEMENT JUSTE ET EQUITABLE »

A. L’origine et la nature de la violation du standard du « traitement juste et équitable »

2. La nature de la violation du standard

67. – D’après la pratique arbitrale constante, on peut relever que la nature de la violation

du standard du traitement juste et équitable réside dans le caractère discriminatoire ou arbitraire du comportement de l’Etat contractant. Dès lors, il est important de démontrer le fait de la constatation (a) et de l’interprétation (b) du caractère discriminatoire par les arbitres.

a. La constatation du caractère discriminatoire

68. – Les arbitres vérifient d’abord s’il s’agissait d’un comportement discriminatoire

justifiant l’allocation d’indemnisation. Par exemple, la sentence RFCC précitée a pu relever que « L’article 2 de l’Accord bilatéral dispose, sous le titre “ Promotion et protection des

investissements” que :

2) Chacune des Parties contractantes assurera un traitement juste et équitable aux investissements des investisseurs de l’autre Partie contractante. Chacune des Parties contractantes assurera la gestion, le maintien, la jouissance ou l’affectation des investissements sur son territoire des investisseurs de l’autre Partie contractante contre toutes mesures injustifiées ou discriminatoires105 ». De ce fait, apparaît l’exigence de prouver un comportement discriminatoire de la part de l’Etat afin de justifier la violation du traitement juste et équitable, en étant ainsi un fait générateur d’indemnisation du préjudice.

103 Cass. com., 9 mars 2010, n˚ 08-21-547 et 08-21.793, Bull. civ. IV, n˚ 48, JCP E 2010, n˚ 1483, note S. Schiller. 104 Julien Gasbaoui, Abus de marché et responsabilité civile, RLDC, décembre 2013, pp. 19-22, spéc. p. 21. 105

Consortium RFCC c. Royaume du Maroc, CIRDI, affaire précitée n˚ ARB/00/6, sentence rendue le 22 décembre 2003, para. 51, souligné par nous.

69. – Dans le même sens, la sentence arbitrale, dans l’affaire Champion Trading

Company contre la République Arabe d’Egypte a examiné le caractère discriminatoire dans les

actes entrepris par l’Etat avant de refuser la prétention de la violation du standard du traitement juste et équitable invoquée par le demandeur. Selon ce dernier, les autorités égyptiennes ont recours à des actes discriminatoires contre son investissement dans le secteur de coton. Un secteur qui était mis sous contrôle étatique contre un système de réparation financière. Un système dont l’investisseur américain (le demandeur dans l’arbitrage) n’avait pas bénéficié en soulevant le fait qu’il a subi ainsi une différence de traitement vis-à-vis des autres opérateurs de marché, qui eux en ont bénéficié. Afin de refuser cette demande, le Tribunal arbitral a constaté que l’Etat a le droit de traiter les opérateurs commerciaux de manière différente s’ils se trouvent dans des situations juridiques différentes. Dès lors, les circonstances en l’espèce justifient un tel traitement tel que l’entreprise investisseuse n’avait pas adhéré à ce système étatique dans la période où il offrait des compensations financières106. Ceci a écarté l’argument de la discrimination en l’espèce qui aurait pour effet d’ouvrir droit à des dommages-intérêts pour violation du standard de traitement juste et équitable107.

70. – Le caractère discriminatoire a aussi été relevé par l’affaire précitée LG&E dans le

cadre de la mise en œuvre des règles précises afin d’indemniser la partie lésée en cas de violation du traitement juste et équitable à son égard108. Le Tribunal a jugé, en l’espèce, que la discrimination contre les compagnies de distribution de gaz vis-à-vis des autres entreprises de services publics était évidente, même si les demandeurs ne l'avaient pas démontré109.

71. – Par conséquent, la nature discriminatoire de la faute s’avère essentielle afin de

sanctionner la violation du standard du traitement juste et équitable. Autrement dit, il sera difficile de mettre en cause le traitement juste et équitable s’il ne s’agit pas d’une discrimination exercée à l’encontre de la partie lésée.

106

Champion Trading Company and Ameritrade International c. la république Arabe d’Egypte, CIRDI, Affaire n˚ ARB/02/9, sentence rendue le 27 octobre 2006, voir en ce qui concerne le refus de l’argument de la discrimination, paras. 134, 143, 153-156.

107 V. en ce sens, Julien Cazala, Les Cahiers de l’Arbitrage, N˚ 2007/4, op. cit., p. 45.

108 LG&E Energy Corp., LG&E Capital Corp. Et LG&E International Inc. c. La République de l’Argentine, CIRDI,

décision précitée rendue le 3 octobre 2006.

b. L’interprétation du caractère discriminatoire

72. – En prenant le même exemple de la sentence RFCC précitée, on verra qu’afin de

donner des explications sur la définition de la discrimination prohibée en l’espèce, il est utile de citer ce que cette sentence a pu relever dans le sens où « … Le Tribunal rappelle que l’obligation

d’assurer un traitement juste et équitable interdit à l’Etat d’accueil de prendre à l’encontre d’un investisseur des mesures injustifiées ou discriminatoires (art. 2 (2) de l’Accord bilatéral). Une mesure sera discriminatoire, lorsque l’Etat traite un investissement moins favorablement qu’un autre, soit pour un motif politique, soit en l’absence de motif objectif justifiant un traitement différencié. De même, une mesure sera injustifiée, lorsqu’aucun motif objectif ne vient expliquer le comportement de l’Etat…110 ». Par conséquent, un comportement est considéré injuste s’il revêt d’un caractère politique ou bien s’il ne se base sur aucun motif objectif, ce qui le rend arbitraire. Donc, un comportement qui porte préjudice à l’investisseur d’une manière injustifiée représente, ainsi, un fait générateur d’indemnisations.

73. – Il est utile de noter aussi que le comportement discriminatoire revêt souvent un

certain degré de gravité. Outre que l’affaire RFCC, on peut citer aussi, à cette occasion, l’affaire

Waste Management111, dont la sentence a été rendue le 30 avril 2004, qui a constaté que le mauvais traitement exige une certaine intensité pour qu’il soit un objet d’indemnisation.

74. – Analyse critique de l’interprétation. – Nous ne partageons pas la position

juridique qui interprète la discrimination, comme déjà illustrée, dans le fait de « l’existence d’un traitement moins favorable que le traitement réservé aux nationaux, sans examen approfondi de la similarité des situations112 ». Et cela parce que, conformément au sens de la plupart des TBI, afin d’examiner s’il s’agit d’un traitement moins favorable, d’une manière sous-entendue, une étude approfondie en la matière doit être procédée. Donc, pour justement examiner si un traitement est moins favorable à un autre, il faut que les deux cas soient similaires au moins au sens juridique.

110 Ibid., para. 97, souligné par nous.

111 Waste Management Inc. c. Mexique, Alena/CIRDI, Affaire n˚ ARB (AF)/00/3, sentence rendue le 30 avril 2004,

publiée au site officiel de ITA, cf. para. 115.

75. – Conclusion. – Pour conclure, il s’avère, en principe, que la nature discriminatoire

ou arbitraire du comportement de l’Etat peut ainsi justifier la violation du standard du traitement juste et équitable. Toutefois, l’interdiction de la discrimination dépend avant tout des termes du Traité bilatéral d’investissement applicable, ainsi que du degré de la gravité qui peut être varié selon les dispositions d’un Traité ou d’un autre. Dès lors, on peut penser que, s’il s’agissait d’un mauvais traitement dans un sens simple qui n’atteint pas un degré de gravité, la condamnation au titre du traitement juste et équitable ne sera pas évidente. Cependant, rien n’interdit dans ce cas, à notre avis, la réclamation d’indemnisation sur une base contractuelle et non plus conventionnelle sous l’égide du TBI.

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