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Les fondements relevés du principe de la prévisibilité du préjudice

PARAGRAPHE II. L’INDEMNISATION DU PREJUDICE PREVISIBLE

A. La consécration et les fondements établis de la règle

2. Les fondements relevés du principe de la prévisibilité du préjudice

253. – Il est important de relever le fondement juridiquement retenu pour l’indemnisation

du préjudice prévisible (a), de même qu’il convient aussi de souligner le fondement économique controversé à cet égard (b).

376

Mireille Taok, La résolution des contrats dans l’arbitrage commercial international, thèse précitée, 2009, op. cit., n˚ 236, p. 153.

a. Le fondement juridique retenu

254. – L’exigence du caractère prévisible du préjudice afin de procéder à l’évaluation de

l’indemnisation due, dans le cadre de la relation contractuelle, est directement rattachée au principe pacta sunt servanda, un principe qui relève indubitablement de la lex mercatoria. La pratique de l’arbitrage commercial international fait preuve du fait que les arbitres prennent toujours soin de trancher les litiges conformément à la volonté des parties inscrite dans le cadre de leur relation contractuelle. Ce qui explique l’exclusion des préjudices imprévisibles dans le cadre de l’évaluation du quantum de réparation377.

255. – En outre, les parties dans leurs relations contractuelles s’engagent réciproquement

en prévoyant les risques que chacune doit assumer. Ces risques acceptés par les parties ont pour effet de constituer un équilibre dans leur rapport contractuel. D’où l’importance, d’ailleurs, de ne prendre en compte que les préjudices prévisibles dans le calcul de l’indemnisation due à la partie lésée378.

256. – Dès lors, les arbitres appliquent souvent la théorie de l’imprévision en tant que

règle de la lex mercatoria. On peut citer, à ce propos, la sentence arbitrale n˚ 4761 rendue en 1987, dans le cadre de laquelle les arbitres ont considéré que la règle « pacta sunt servanda », celle qui lie les parties contractantes, doit respecter et être cohérente avec le principe supérieur de bonne foi. Dans le sens qu’il n’est pas équitable d’exiger que le débiteur doive maintenir toujours ses obligations contractuelles, alors que l’économie même du contrat a été bouleversée à cause des circonstances extérieures379.

257. – En somme, les parties au contrat s’entendent, dans la phase de la formation du

contrat, sur le cadre de leur rapport juridique et ses limites. Par conséquent, c’est dans la limite de ces attentes prévues par les parties que doit être évaluée la densité de la violation contractuelle et, par la suite, l’évaluation des dommages-intérêts qui en découlent. Dans ce contexte, il est

377 Ibid., p. 155. 378

Ibid.

patent que l’allocation des indemnisations est le corollaire de la violation de la prévision contractuelle380.

b. Le fondement économique controversé

258. – Le concept de l’indemnisation du préjudice peut aussi se baser sur l’intérêt du

marché ou l’économie du contrat. Un aspect économique peut aussi expliquer l’indemnisation du seul préjudice prévisible. D’une part, cet aspect économique s’explique dans le sens où le débiteur s’attendait à répondre aux préjudices découlant de la sphère de l’engagement contractuel. A défaut, il sera découragé de réinvestir. D’autre part, l’indemnisation des préjudices imprévisibles aura des effets, certes, sur l’accroissement du coût de l’assurance. Ce qui peut engendrer des impacts négatifs et faire obstacle au fait de la promotion des opérations d’investissement381.

259. – Vision critique. – Nous partageons l’avis juridique qui met en cause la prise en

compte de l’aspect économique en matière d’indemnisation des préjudices prévisibles. M. Laithier a pu relever, à ce propos, que « si une responsabilité limitée encourage les débiteurs à multiplier les transactions, elle doit dans une mesure a priori identique, décourager les créanciers dont les attentes ne seront que partiellement protégées »382.

En effet, l’enjeu économique est un élément indéniable dans l’esprit des contractants dans un contrat de commerce international afin d’encadrer autant que possible les différents types de risques, et ainsi de tenter de faire face aux circonstances imprévisibles dans le cadre de leur rapport contractuel383. Toutefois, c’est toujours mieux de sanctionner le seul préjudice prévisible sur une base juridique que sur une base économique. D’un point de vue pratique, prendre le côté du débiteur, en indemnisant le seul préjudice prévisible, afin de l’encourager à s’investir, n’est, par contre, pas avantageux pour son cocontractant en mettant à la charge de ce dernier les

380 Mireille Taok, 2009, op. cit., n˚ 232, pp. 151-152. 381 Ibid., p. 156.

382 Y.-M. Laithier, Etude comparative des sanctions de l’inexécution du contrat, thèse précitée, LGDJ, 2004, p. 135. 383

Pour les critiques relevées sur les facteurs économiques, v. Mireille Taok, La résolution des contrats dans l’arbitrage commercial international, 2009, op. cit., p. 157.

préjudices imprévisibles dont il n’était pas la cause. De l’autre point de vue juridique, indemniser le préjudice sur une base économique est plutôt subjectif, donc il sera plus juste de trancher un litige objectivement sur la base contractuelle et la loi applicable384.

260. – L’aspect atténuant de la non indemnisation du préjudice imprévisible. –

L’exigence du caractère prévisible du préjudice, pour qu’il soit susceptible d’indemnisation, connaît, d’ailleurs, un aspect atténuant dans sa mise en application par les arbitres. Or, les arbitres ne refusent pas catégoriquement toute indemnisation. Au contraire, ils essaient de trouver des solutions appropriées en respectant, toujours, le principe de bonne foi dans les relations contractuelles.

La sentence arbitrale n˚ 8365 rendue en 1996 fait preuve de cette portée atténuante en relevant que « si les difficultés imprévues surviennent lors de l’exécution d’un contrat, les parties

doivent négocier de bonne foi pour les surmonter ». A contrario, la partie qui refuse de

renégocier le contrat, qui a été affecté par des circonstances extérieures ayant pour effet de bouleverser son économie, serait considérée comme une partie de mauvaise foi385.

261. – Après l’illustration de la consécration ainsi que des fondements possibles du

caractère prévisible du préjudice, il est important de soulever la mise en œuvre de la règle.

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