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L’expropriation du fait d’une décision émanant de l’Etat hôte contractant

PARAGRAPHE II. LE STANDARD DE L’EXPROPRIATION

A. L’expropriation du fait d’une décision émanant de l’Etat hôte contractant

84. – On abordera d’abord, à ce stade, les effets négatifs émanant d’une telle décision

exécutive remontant au degré d’expropriation, qui consiste dans le fait de porter atteinte au contrat concerné (1). Ensuite, on mettra la lumière sur le caractère toujours conventionnel sur lequel une telle obligation d’expropriation peut être invoquée (2).

122 V. Roland Kläger, ‘Fair and equitable treatment’ in international investment law, UK : Cambridge University

Press, 2011, op. cit., pp. 45-47.

123

Vannessa Ventures Ltd c. la République de Venezuela, CIRDI, Affaire n˚ ARB (AF)/04/6, résumé de la sentence est disponible sur www.internationalarbitrationcaselaw.com, (consulté le 5 mars 2013), le site officiel de IACL.

1. Les effets négatifs de la violation de l’obligation de la défense de l’expropriation sur le contrat conclu

85. – Dans l’affaire ADC contre la Hongrie124, dont la sentence a été rendue le 2 octobre 2006, il s’agissait d’un contrat de construction et d’exploitation, conclu le 31 mars 1995, pour une durée de douze ans, d’un nouveau terminal de l’aéroport de Budapest. Un contrat conclu en l’espèce entre l’autorité publique chargée de la gestion de l’aéroport de Budapest “ATAA” et une société chypriote. Plus tard, une réforme gouvernementale de l’ATAA a pour conséquence de la décharger de la gestion de l’aéroport de Budapest, attribuant cette gestion à une nouvelle entité, par un décret du 21 décembre 2001. Ce dernier qui met fin par ailleurs à la gestion de la société chypriote ADC du nouveau terminal de l’aéroport de Budapest. Or, le Tribunal arbitral a relevé que ledit décret vaut une expropriation. Par conséquent, le Tribunal a condamné l’Etat hôte (Hongrie) à payer des indemnisations pour l’investisseur lésé d’une somme de 75 millions de dollars américains125.

86. – Dans une autre affaire Siemens AG contre l’Argentine126, dont la sentence a été rendue le 6 février 2007, la société Siemens a conclu un contrat avec l’Etat d’Argentine en vue de l’installation du projet de la fourniture de cartes d’identité et de gestion d’informations relatives à l’identification des personnes, à l’immigration et aux listes électorales. Plus tard, un décret gouvernemental est sorti, lors de la crise économique de 2000 et du changement de gouvernement qui a eu lieu en mars 2001, résiliant le contrat conclu en l’espèce par application de la nouvelle loi d’urgence économique promulguée en 2000. En l’occurrence, le Tribunal arbitral a relevé que les effets juridiques dudit décret remontent au niveau d’expropriation en considérant que l’Argentine a ainsi manqué à ses obligations conventionnelles conformément au

TBI applicable. Un tel traitement est considéré injuste et capricieux, en conséquence de quoi le

Tribunal a rendu une sentence favorable à l’indemnisation de l’investisseur lésé d’une somme de 220 millions de dollars américains127.

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ADC Affiliate Ltd & ADC&ADMC Management Ltd c. Hongrie, CIRDI, Affaire n˚ ARB/03/16, sentence rendue le 2 octobre 2006, publiée au site officiel du CIRDI.

125 I. Fadlallah, Ch. Leben et E. Teynier, Les Cahiers de l’Arbitrage, N˚ 2007/4, Investissements internationaux et

arbitrage, p. 48.

126 Siemens AG c. Argentine, CIRDI, Affaire précitée n˚ ARB/02/8, sentence rendue le 6 février 2007, publiée au site

officiel de ITA.

87. – À l’instar des deux affaires précitées, le Tribunal arbitral a adopté la même position

juridique dans l’affaire Vivendi contre Argentine128 dont la sentence a été rendue le 20 août 2007. Dans cette affaire, Vivendi a conclu un contrat de concession avec les autorités publiques compétentes d’Argentine, en vue de l’établissement des services d’approvisionnement en eau sur trente ans. Il s’agissait déjà d’une politique de privatisation engagée par l’Etat pendant cette période, et le climat de l’investissement est devenu plus tard inopportun pour la société Vivendi. Cette dernière a été critiquée au niveau de la qualité de ses services et pour ses tarifs régulièrement élevés. Ces facteurs ont aboutit à la détérioration des relations entre l’investisseur et les autorités locales, jusqu’au point que les clients ont été incités à ne pas régler leurs factures. En raison de ces difficultés survenues lors de l’exécution du contrat, les deux parties, entre 1995 et 1996, ont tenté, sans succès, d’aboutir à un accord dans le but de la révision dudit contrat. Dès lors, Vivendi a demandé à mettre fin audit contrat. Les autorités compétentes ont refusé cette demande, alors qu’elles ont procédé, plus tard, à la résiliation dudit contrat en prétendant que

Vivendi avait violé ses obligations contractuelles prévues. A cela, le Tribunal arbitral a refusé les

arguments avancés par l’Argentine, et a donné droit aux réclamations de Vivendi en lui octroyant la somme de 105 millions de dollars américains en tant qu’indemnisations de ses préjudices causés par les mesures entreprises par l’Etat hôte contractant129.

88. – De ce qui précède, il a été démontré comment une décision exécutive rendue par le

gouvernement de l’Etat hôte ou par l’une des entités publiques appartenant à celui-ci peut avoir des effets néfastes, voire mettre fin au contrat concerné en représentant ainsi un cas d’expropriation justifiant l’indemnisation des préjudices qui en découlent130. En outre, il faut rappeler que l’invocation d’une telle obligation de la défense de l’expropriation doit être faite par les parties sur une base conventionnelle en ayant un rapport avec le TBI applicable.

128 Compania de Aguas del Aconquija SA & Vivendi Universal c. Argentine, CIRDI, Affaire n˚ ARB/97/3, sentence

rendue le 20 août 2007, publiée au site officiel de ITA.

129 I. Fadlallah, Ch. Leben et E. Teynier, Les Cahiers de l’Arbitrage, N˚ 2007/4, op. cit., p. 49.

130 V. en ce sens, Sébastien Manciaux, Investissement étrangers et arbitrage entre Etats et ressortissants d’autres

Etats, Trente années d’activité du CIRDI, Préface Philippe Khan, Litec, Vol. 24, 2004, pp. 454 et s. en ce qui concerne « les mesures étatiques exorbitantes du droit commun ayant un fondement extracontractuel ».

2. L’invocation de l’obligation de la défense de l’expropriation sur une base strictement conventionnelle

89. – Dans l’affaire SGS contre Philippines131, le Tribunal a refusé d’indemniser la société demanderesse sur une base conventionnelle, en relevant que le non paiement effectué par l’Etat de Philippines, voire le refus du paiement d’une partie de la créance, ne peut pas remonter au niveau d’expropriation vu que l’allégation soulevée relève d’une base contractuelle, et ne s’appuie pas sur le TBI applicable. En l’espèce, aucune intervention étatique n’a été approuvée, par l’intermédiaire d’une loi ou d’un décret, ayant pour effet d’annuler ou d’exproprier la créance de la demanderesse.

90. – De même, dans l’affaire Parkerings-Compagniet AS contre Lituanie132, dont la sentence a été rendue le 11 septembre 2007, les arbitres ont relevé que la municipalité de Vilnius a informé, le 27 janvier 2004, son cocontractant que le contrat conclu en 30 décembre 1999 a pris fin. Cependant, ils ont refusé d’indemniser le Consortium (partie demanderesse en l’espèce) sur la base des allégations de l’expropriation, ainsi que sur tous les autres arguments s’appuyant sur le TBI applicable, justifiant cette décision sur le fait que les violations prétendues ne sont que des violations matérielles au contrat objet du litige. En outre, la municipalité compétente ne s’est comportée que comme un contractant ordinaire, et aucune preuve n’a été apportée justifiant que l’Etat s’est comporté en tant qu’autorité souveraine dans le cadre de son rapport contractuel avec la partie demanderesse.

91. – Ainsi, une décision exécutive peut représenter une expropriation des

investissements pourvu que le manquement prétendu soit basé sur les dispositions du TBI applicable afin de permettre l’allocation d’indemnisation dans un arbitrage d’investissement. Une telle expropriation pourrait être aussi l’effet d’une décision judiciaire appartenant à l’Etat hôte contractant.

131 SGS Société Générale de Surveillance S.A. c. République de Philippines, CIRDI, Affaire n˚ ARB/02/6, sentence

rendue le 29 janvier 2004, publiée au site official de ITA, (consulté le 13 novembre 2012), para. 161.

132

Parkerings-Compagniet AS contre République de la Lituanie, CIRDI, Affaire n˚ ARB/05/8, sentence rendue le 11 septembre 2007, publié au site officiel du CIRDI, (consulté le 13 novembre 2012), para. 445.

B. L’expropriation du fait d’une décision judicaire appartenant à l’Etat hôte

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