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Étude des règles d'indemnisation du préjudice dans l'arbitrage international : vers une indemnisation adéquate du préjudice

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Academic year: 2021

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Étude des règles d’indemnisation du préjudice dans

l’arbitrage international : vers une indemnisation

adéquate du préjudice

Hossam Mohamed Gamaleldin

To cite this version:

Hossam Mohamed Gamaleldin. Étude des règles d’indemnisation du préjudice dans l’arbitrage international : vers une indemnisation adéquate du préjudice. Droit. Université PanthéonSorbonne -Paris I, 2014. Français. �NNT : 2014PA010301�. �tel-01982190�

(2)

UNIVERSITE PARIS I – PANTHEON SORBONNE

SCIENCES ECONOMIQUES, SCIENCES HUMAINES, SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES

ETUDE DES REGLES D’INDEMNISATION DU PREJUDICE DANS L’ARBITRAGE INTERNATIONAL : VERS UNE INDEMNISATION

ADEQUATE DU PREJUDICE

THESE

Pour obtenir le grade de

DOCTEUR EN DROIT DE L’UNIVERSITE (PARIS I) PANTHEON-SORBONNE

Discipline : Droit privé et Sciences criminelles

Présentée et soutenue publiquement par

Hossam MOHAMED GAMALELDIN

Le 31 mars 2014 Directeur de recherche

Monsieur Philippe DELEBECQUE

Professeur à l’Université (Paris I) Panthéon-Sorbonne

JURY

M. Philippe DELEBECQUE, Professeur à l’Université de Paris I, directeur de recherche.

M. Jalal EL-AHDAB, Docteur en droit, Avocat à la Cour.

M. Michel SEJEAN, Professeur à l’Université de Vannes, rapporteur.

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UNIVERSITE PARIS I – PANTHEON SORBONNE

SCIENCES ECONOMIQUES, SCIENCES HUMAINES, SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES

ETUDE DES REGLES D’INDEMNISATION DU PREJUDICE DANS L’ARBITRAGE INTERNATIONAL : VERS UNE INDEMNISATION

ADEQUATE DU PREJUDICE

THESE

Pour obtenir le grade de

DOCTEUR EN DROIT DE L’UNIVERSITE (PARIS I) PANTHEON-SORBONNE

Discipline : Droit privé et Sciences criminelles

Présentée et soutenue publiquement par

Hossam MOHAMED GAMALELDIN

Le 31 mars 2014 Directeur de recherche

Monsieur Philippe DELEBECQUE

Professeur à l’Université (Paris I) Panthéon-Sorbonne

JURY

M. Philippe DELEBECQUE, Professeur à l’Université de Paris I, directeur de recherche.

M. Jalal EL-AHDAB, Docteur en droit, Avocat à la Cour.

M. Michel SEJEAN, Professeur à l’Université de Vannes, rapporteur.

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ETUDE DES REGLES D’INDEMNISATION DU PREJUDICE DANS

L’ARBITRAGE INTERNATIONAL : VERS UNE INDEMNISATION

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A mes parents et ma femme

(6)

Remerciements

Je tiens à remercier Monsieur le Professeur Philippe Delebecque d’avoir accepté de diriger ma thèse, ainsi que pour son attention bienveillante, sa disponibilité, son soutien et sa confiance. Qu’il veille bien trouver ici l’expression de ma sincère gratitude.

J’adresse tous mes remerciements à mes parents dont le soutien et les encouragements furent constants. Que mon beau père reçoive également mes remerciements distingués pour les encouragements et assistances dont il m’a fait part tout au long du travail de thèse. Je remercie tout spécialement ma femme du soutien qu’elle m’a accordé. Je ne manque pas d’adresser aussi à mon frère Nabil mes remerciements chaleureux.

J’adresse de même ma sincère reconnaissance à mon cher ami Docteur Souleymane Soumaoro, ainsi qu’à Madame Sharawi pour leurs relectures attentives et leurs conseils.

Mes remerciements vont aussi, bien sûr, à tous les amis qui m’ont accompagné dans l’aventure de la thèse. Leur entourage chaleureux m’a aidé et motivé à accomplir ce travail.

(7)

L’Université (PARIS I) PANTHEON – SORBONNE n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses. Celles-ci devant être considérées comme propres à leur auteur.

(8)

SOMMAIRE   INTRODUCTION GENERALE ... 1    PARTIE I. LES REGLES FONDAMENTALES DE L’INDEMNISATION DU PREJUDICE DANS  L’ARBITRAGE INTERNATIONAL ... 22    TITRE I. LES FACTEURS ESSENTIELS D’INDEMNISATION DU PREJUDICE DANS L’ARBITRAGE  INTERNATIONAL ... 23    CHAPITRE I. LES FAITS GENERATEURS D’INDEMNISATION ... 24    CHAPITRE II. L’EXIGENCE DU PREJUDICE INDEMNISABLE ... 78    TITRE II. LES MECANISMES DE L’INDEMNISATION DU PREJUDICE DANS L’ARBITRAGE  INTERNATIONAL ... 135    CHAPITRE I. LA MISE EN ŒUVRE DU PRINCIPE DE L’INDEMNISATION INTEGRALE DANS  L’ARBITRAGE INTERNATIONAL ... 136    CHAPITRE II. LA MISE EN CAUSE DU PRINCIPE DE L’INDEMNISATION INTEGRALE DANS  L’ARBITRAGE INTERNATIONAL ... 197    PARTIE II. LES REGLES CONTINGENTES DE L’INDEMNISATION DU PREJUDICE DANS  L’ARBITRAGE INTERNATIONAL ... 254    TITRE I. LES VARIABLES TENANT AU COMPORTEMENT FAUTIF DES PARTIES ... 255    CHAPITRE I. LES OBLIGATIONS JURIDIQUES INCOMBANT A LA PARTIE LESEE POUR  MINIMISER LES PREJUDICES SUBIS ... 256    CHAPITRE II. L’INCIDENCE DE LA FRAUDE SUR L’INDEMNISATION DU PREJUDICE ... 330    TITRE II. LES VARIABLES TENANT AU COMPORTEMENT NON FAUTIF DES PARTIES ... 389    CHAPITRE I. LA THEORIE DE LA FORCE MAJEURE ... 390    CHAPITRE II. LES CLAUSES CONTRACTUELLES TENANT A LA DETERMINATION DE  L’INDEMNISATION DU PREJUDICE……… ... 432    CONCLUSION GENERALE ... 476 

(9)

AAA AC Adde A.J.C.L al. Arb. Int. Art. Ass. Plén. BGB Boston Univ. L.R. Bull. CCI Bull. Civ. c. C.A. Gazette de la C.A.M.P. Cass. CCI cf. chr. CIRDI CJCE CNUDCI Com. CPC CUP CVIM D. PRINCIPALES ABBREVIATIONS

American Arbitration Association Appeal Cases

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Bulletin de la Cour internationale d'arbitrage de la CCI Bulletin Civil de la Cour de Cassation

Contre Cour d'appel

Gazette de la Chambre de l’Arbitrage Maritime de Paris Cour de cassation

Chambre de commerce internationale (ICC)

Confer (comparez)

Chronique

Centre International pour le Règlement des Différends Relatifs aux Investissements (ICSID)

Cour de justice des Communautés européennes

Commission des Nations unies pour le droit du commerce International (UNCITRAL)

Chambre Commerciale de la Cour de Cassation Code de Procédure Civile

Cambridge University Press

La Convention des Nations Unies sur les Contrats de Vente Internationale de Marchandises du 11 avril 1980.

(10)

Def. Couns. J. dir. DPCI Dr. & Patr. éd. FAA Finish Y.B.I.L. GAJC Gaz. Pal.

Geo. Wa. L. Rev Harv. I.L.J I.A.L.R

Ibid.

ICCA ICC Bull.

ICSID Rev. - FILJ ILM ILR In Infra Int. A.L.R. JCP JCP E JCP G JDI J. Int. Arb. J. Marshall L. Rev. La. L.R.

Law & Comtemp. Probs. LCIA

LGDJ LPA LQR

Defense Counsel Journal Sous la direction de

Droit et Pratique du Commerce International Droit et Patrimoine

Edition, éditeur

Fédéral Arbitration Act

Finish Yearbook of International Law Grands Arrêts de Jurisprudence Civile Gazette du Palais

George Washington Law Review Harvard International Law Journal International Arbitration Law Review Ibidem, le même en droit

International Council for Commercial Arbitration ICC International Court of Arbitration Bulletin (Paris) ICSID Review, Foreign Investment Law Journal International Legal Materials

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Ci-dessous

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Jurisclasseur Périodique, La Semaine juridique Jurisclasseur Périodique, édition Entreprise Jurisclasseur Périodique, édition Générale Journal du droit international (Clunet) Journal of International Arbitration The John Marshall Law Review Louisiana Law Review

Law & Contemporary Problems

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LUVI

New York L.J Obs.

Ohio St. J. on Disp. Resol.

op. cit. OUP p. PDEC préc. Préf. PUAM PUF RCDIP RDAI RDC Rép. Déf.

Resp. civ. et assur. Rev. arb. Rev. dr. Suisse R.G. R.G.A.R. RIAA RJT RLDC RTD civ. RTD Com. s. spéc. Stetson L. Rev. Stockholm Arb. Rep.

supra

t.

La Convention de La Haye du 1re juillet 1964 portant loi uniforme Sur la vente internationale d’objets mobiliers corporels

Numéro

New York Law Journal Observations

Ohio State Journal on Dispute Resolution Ouvrage précité

Oxford University Press Page

Les Principes du Droit Européen des Contrats Précité(e)

Préface

Presses Universitaires d’Aix-Marseille Presses Universitaires de France

Revue Critique de Droit International Privé Revue de Droit des Affaires Internationales Revue des Contrats

Répertoire Defrénois

Responsabilité Civile et Assurances Revue de l’Arbitrage

Revue de Droit Suisse Rôle Général (Belgique)

Revue Générale des Assurances et des Responsabilités Reports of International arbitral awards

Revue Juridique Thémis Revue Lamy Droit Civil

Revue Trimestrielle de Droit Civil Revue Trimestrielle de Droit Commercial Suivant(e)s

Spécialement Stetson Law Review

Stockholm Arbitration Report Ci-dessus

(12)

TGI U.N.R.I.A.A. V. Vol. Yale L.J. YBCA YB.I.L.C.

Tribunal de grande instance

Review of International Arbitral Awards (Recueil des Sentences Arbitrales) Voir

Volume

Yale Law Journal

Yearbook Commercial Arbitration Yearbook International Law Commission

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INTRODUCTION GENERALE

1. – Le concept classique de la réparation. – La question de l’indemnisation du

préjudice est soumise surtout aux règles qui déterminent l’étendue de la réparation. L’indemnisation intégrale du préjudice est un principe général en la matière, régissant l’évaluation de l’indemnisation due. Ce principe tend à maintenir l’équivalence entre le préjudice subi, d’un côté, et l’indemnisation due, de l’autre1. C’est ce que certains appellent le principe d’équivalence quantitative2, qui assure que l’indemnisation allouée correspond au préjudice réellement subi3. Dès lors, ce qui compte essentiellement, c’est que l’indemnisation octroyée soit appropriée par rapport au préjudice4.

2. – Par suite, il s’avère que l’idée classique de l’indemnisation du préjudice consiste

dans la réparation de tous les dommages réclamés et réellement subis par la partie lésée. Ainsi, on constate que le droit positif français adopte une position selon laquelle une indemnisation ne doit pas excéder5 ni être inférieure6 au préjudice subi, sans regard au degré de la faute commise par l’autre partie, ni à la nature de celle-ci. Par exemple, que la faute commise soit simple ou intentionnelle importe peu pour l’évaluation de l’indemnisation. La solution ne change pas en principe en matière d’arbitrage international. En somme, une telle réparation « intégrale » s’appuie sur l’idée de l’indemnisation du seul préjudice subi7. Au surplus, il est évident de considérer que seul le préjudice résultant du fait générateur d’indemnisation peut faire l’objet de la réparation. Cette conception de l’indemnisation tend essentiellement à ne pas permettre une

1 V. G. Viney et P. Jourdain, dir. J. Ghestin Traité de droit civil, Les effets de la responsabilité civile, LGDJ, 3e éd.,

2010, n˚ 57 et s., pp. 154 et s.

2

V. M.-E. Roujou de Boubée, Essai sur la notion de réparation, Bibliothèque de droit privé, LDGJ, 1974, p. 297.

3 V. Fabrice Leduc, La conception générale de la réparation intégrale, in Philippe Pierre et Fabrice Leduc (dir.), La

réparation intégrale en Europe – Etudes comparatives des droits nationaux, Bruxelles : Larcier, 2012, p. 33.

4 Ph. Le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, 9e éd., Paris, Dalloz 2012, n˚ 2521 et s. 5

V. par ex. Cass. 1re civ., 25 mars 2003, n˚00-21.114, Bull. Civ. I, n˚ 89 ; Cass. 1re civ., 22 novembre 2007, n˚ 06-14.174, Bull. Civ. I, n˚ 368.

6 V. par ex. Cass. 2e civ., 19 juin 1968, Bull. Civ. II, n˚ 183.

7 V. en ce sens, G. Marty et P. Raynaud, Droit civil, t. 2, Vol. I, Les obligations, Les sources, Sirey, 2e éd., 1988, n˚

588 ; G. Viney et P. Jourdain, dir. J. Ghestin Traité de droit civil, Les effets de la responsabilité civile, LGDJ, 3e éd., 2010, op. cit., n˚ 57 ; J. Flour, J.-L. Aubert et E. Savaux, Droit civil, Les obligations, 2. Le fait juridique, 14e éd., Paris : Dalloz 2011, n˚ 387.

(15)

réparation sans limite8. La jurisprudence française a fait preuve, à plusieurs reprises, de cette règle. On peut citer, à titre d’exemple, un arrêt de la Cour de cassation, rendu le 15 décembre 2009, qui a pu constater expressément que « le préjudice résultant d’une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ». En l’espèce, la partie demanderesse, qui a subi des violences aggravées, a demandé des dommages-intérêts d’une somme de 540 000 euros en réparation de son préjudice professionnel futur. Pour la débouter de sa demande, la Cour d’appel a décidé que le demandeur profite de la pension de l’invalidité versée par la Cotorep. De plus, il ne s’agit pas de perte de gains professionnels futurs, et le demandeur n’a pas prouvé son incapacité de poursuivre la gestion de son fonds de commerce. La Cour de cassation a cassé cet arrêt précité en ses dispositions relatives au préjudice professionnel du demandeur. Dans le but de réparer intégralement le préjudice subi par le demandeur, la Cour a énoncé que la pension d’invalidité n’a pas de caractère indemnitaire ainsi qu’il résulte des constatations de la victime qu’elle est dans l’incapacité de reprendre et de gérer ses activités tout seul, dans les mêmes conditions antérieures aux faits dommageables9.

3. – On peut citer aussi un exemple de l’exigence d’une réparation intégrale d’après la

codification de la Commission de droit international sur la responsabilité de l’Etat pour les faits internationalement illicites. L’article 31 de la CDI dispose que « L’Etat responsable est tenu de

réparer intégralement le préjudice causé par le fait internationalement illicite ». Le Tribunal

arbitral, dans l’affaire Occidental Petroleum Corporation, dont la sentence a été rendue le 5 octobre 2012, s’est référé expressément au principe de l’indemnisation intégrale du préjudice pour calculer le montant de l’indemnisation due en l’espèce10. L’intérêt de cet exemple réside notamment dans le montant gigantesque de l’indemnisation accordée par le Tribunal, fixé à 1 769 625 000 dollars américains. Une telle indemnisation a été accordée aux investisseurs pour réparer intégralement leurs préjudices subis à cause de la résiliation de leur contrat d’investissement conclu par l’Etat d’Equateur. Le Tribunal a considéré, en examinant les faits, qu’il s’agissait d’une violation du standard du traitement juste et équitable par l’Etat contractant,

8

V. Cyrille Charbonneau, La réparation intégrale du dommage, un principe à nuancer, RLDC, septembre 2013, pp. 19 et 20.

9 Cass. crim. 15 décembre 2009, n˚ 09-82.873, JurisData n˚ 2009-051119, Responsabilité Civile et Assurances, N˚

4, Avril 2010, comm. 69, p. 11, note Hubert Groutel.

10 Occidental Petroleum Corporation, Occidental Exploration and Production Company c. La République

d’Equateur, CIRDI, affaire n˚ ARB/06/11, sentence rendue le 5 octobre 2012, A contribution by the ITA Board of Reporters, Kluwer Law International, par Dietmar W. Prager, paras 667-668.

(16)

ainsi que du standard d’expropriation, prévus dans le Traité bilatéral d’investissement “TBI” applicable. Sachant que l’indemnisation accordée en l’espèce s’est élevée à presque 2,3 milliards de dollars américains en ajoutant les intérêts moratoires11.

4. – Toutefois, il faut prendre en compte que, peu importe le montant de l’indemnisation

éventuellement dû, la conception restrictive de la réparation a pour effet d’écarter certains types de dommages-intérêts, comme, par exemple, les indemnisations punitives12. Or, certains ont relevé l’invocation de la fonction punitive de la responsabilité civile. Cette tendance tente à prouver que l’aspect punitif de la sanction n’est pas contradictoire avec l’aspect indemnitaire de celle-ci en ce qui concerne la réparation du préjudice13. Par ailleurs, même en dehors des peines privées, une application classique du principe de l’indemnisation intégrale se voit se heurter à certaines conceptions relatives au mécanisme de l’indemnisation du préjudice et de la méthodologie de l’évaluation de celle-ci.

La philosophie de la réparation - une notion plus large de l’indemnisation :

5. – (L’aspect moral de l’indemnisation) : l’existence d’une source tant morale que juridique de la règle de la réparation du préjudice dans le droit des obligations. – Il est

important de noter que le concept de l’indemnisation du préjudice est issu d’une règle morale, et non pas seulement purement juridique14. Conformément à cette logique, l’aspect moral doit être pris en compte dans le droit des contrats. Par conséquent, l’insertion et la défense des idées morales dans le droit des contrats sont autant importantes que la rédaction des textes de droit15. Ainsi, l’établissement des normes juridiques dans le droit des obligations est le corollaire de l’existence de la règle morale, vu que les textes juridiques sont censés sanctionner la violation de celle-ci.

6. – (L’aspect économique dans l’indemnisation du préjudice). – S’ajoute à cet aspect

moral visé par le droit, un autre consistant dans la protection de l’économie du contrat. Cet

11

Ibid., paras 791-798, 848-849.

12 V. Christophe Quézel-Ambrunaz (dir.), Les défis de l’harmonisation européenne du droit des contrats, Université

de Savoie, CDPPOC, 2012, p. 215.

13 V. sur ce sujet, S. Carval, La responsabilité civile dans sa fonction de peine privé, LGDJ, Bibliothèque de droit

privé, 1995, pp. 89 et s.

14

Georges Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, 4e éd., Paris, L.G.D.J., 1949, p. 1.

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aspect économique a toujours constitué un intérêt que les textes juridiques ont vocation à sanctionner. On peut constater, selon cette perspective, que la prononciation d’une sanction durant la période de la formation du contrat, malgré l’absence d’une règlementation juridique concernant cette phase précontractuelle dans le Code civil français, est toujours possible16. Certes, il s’avère que la protection de l’économie du contrat ou du marché peut tout à fait justifier la sanction de toute violation à cet égard.

7. – Sachant que la protection de l’aspect économique en droit français s’avère d’une

moindre importance que la sanction de la règle morale, on peut déduire que cette tendance peut être expliquée par la volonté de respecter strictement le principe général de l’indemnisation intégrale du préjudice. Toutefois, cet aspect économique du droit reste indéniable en ayant, certes, un impact sur l’indemnisation du préjudice17. On verra, tout au long de notre étude sur les règles d’indemnisation du préjudice, que la prise en compte du facteur de l’utilité économique occupe une importance considérable dans les législations internes des Etats, ainsi que dans l’arbitrage international.

8. – L’indemnisation du préjudice dans le cadre de la responsabilité contractuelle. –

On s’intéresse principalement, dans notre recherche, à l’étude des règles de l’indemnisation sous la responsabilité contractuelle. L’arbitrage international s’appuie toujours sur un engagement juridique conclu entre les parties. De son côté, la convention d’arbitrage a pour intérêt de mettre au clair le rapport juridique des contractants dans le cas du recours à l’arbitrage. En outre, l’arbitrage se conduit normalement soit sur la base d’un contrat conclu entre les parties soit sur la base d’un traité organisant leur rapport juridique, souvent sous la forme d’un traité bilatéral d’investissement.

9. – La prédominance de l’aspect indemnitaire des dommages-intérêts contractuels : une controverse néanmoins relevée en la matière. – Les règles de la responsabilité

contractuelle relatives à la réparation dans le droit positif ne semblent pas très claires en ce qui concerne la question du rôle des dommages-intérêts sous l’aune de l’hypothèse de la violation

16 V. dans ce sens, Daniel Mainguy, L’efficacité de la rétractation de la promesse de contracter, RTD civ. 2004.1. 17

Sébastien Pimont, Critique des théories de la formation du contrat, Etude de droit civil français, 2010, 44-3, R.J.T., 121, pp. 140-142.

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contractuelle. D’abord, il est bien constaté que des dommages-intérêts sont dus à la partie lésée en cas d’inexécution des obligations contractuelles de la part de son cocontractant. Alors la question qui se pose à ce stade porte sur le rôle de cette indemnisation. Une telle indemnisation a-t-elle vocation à réparer le préjudice subi par l’inexécution contractuelle, ou son rôle se borne à atteindre une exécution par équivalent dudit contrat ? Sachant que le rôle des dommages-intérêts dans ce dernier cas servirait pour assurer la bonne exécution du contrat, par opposition à la fonction indemnitaire de ceux-ci18.

10. – Une controverse doctrinale est susceptible d’être relevée dans le droit positif

français sur le rôle de l’indemnisation sous le régime de la responsabilité contractuelle19. On constate qu’une partie de la doctrine est attachée à l’idée selon laquelle les dommages-intérêts en matière de la responsabilité contractuelle sont destinés à garantir l’exécution du contrat, comme étant prévus par les parties. C’est donc pour assurer l’exécution du contrat conclu, par une sorte d’exécution par équivalent, laissant à part l’idée de la réparation en elle-même20. En revanche, une autre partie de la doctrine défend l’exigence de l’aspect indemnitaire en cas d’inexécution dans le droit des contrats21.

11. – Plusieurs théories ont été élaborées pour justifier le concept de la réparation dans la

responsabilité contractuelle. Il y a parmi ces théories, celle qui invoque l’unification du régime des responsabilités. A cela, les dommages-intérêts sont susceptibles d’indemniser le préjudice subi, tant dans le régime de la responsabilité contractuelle que dans celui de la responsabilité délictuelle22. Il s’avère que la fonction indemnitaire de la réparation en matière contractuelle est largement connue. Toutefois, on constate qu’il est difficile, au sens juridique, d’approuver l’idée de l’unification totale des deux régimes des responsabilités contractuelles et délictuelles, malgré

18 Christophe Quézel-Ambrunaz (dir.), Les défis de l’harmonisation européenne du droit des contrats, Université de

Savoie, CDPPOC, 2012, op. cit., p. 217.

19 J. Carbonnier, Droit civil, Paris : PUF, 2004, pp. 2185-2186.

20 V. par ex. Ph. Le Tourneau, La responsabilité civile, Dalloz, 3e éd., 1982, n˚ 160, pp. 63-64 ; D. Tallon,

L’inexécution du contrat : pour une autre présentation, RTD Civ., 1994, p. 223 ; Ph. Rémy, La responsabilité contractuelle : histoire d’un faux concept, RTD Civ., 1997, p. 323.

21 V. en ce sens, G. Viney, La responsabilité contractuelle en question, Mél. J. Ghestin, LGDJ, 2001, p. 921 ; C.

Larroumet, Pour la responsabilité contractuelle, Mél. P. Catala, Litec, 2001, p. 243 ; E. Savaux et R.-N. Schutz, Exécution par équivalent, Responsabilité et droits subjectifs, Mél. J.-L. Aubert, Dalloz, 2005, p. 271.

22 Sur cette théorie de l’unification du régime juridique des responsabilités, v. J. Grandmoulin, De l’unité de la

responsabilité ou nature délictuelle de la responsabilité pour violation des obligations contractuelles, thèse, Rennes, 1892.

(19)

son existence dans la doctrine23. Or, cette dernière s’avère en général plutôt soucieuse de trouver un compromis, en dehors de la théorie précitée de l’extrême monisme, dans l’application des règles de ces deux régimes juridiques de responsabilités, afin de permettre l’indemnisation du préjudice en matière contractuelle24. En somme, on constate qu’il est tout à fait acceptable d’envisager l’aspect indemnitaire de la réparation dans le domaine de la responsabilité contractuelle, en admettant qu’il s’agit ainsi d’un régime juridique distinct de celui de la responsabilité délictuelle25. Au demeurant, il s’avère que la structure du système juridique français supporte cette solution dans la codification du Code civil. Il s’agit d’une distinction explicite entre les deux régimes de responsabilités, notamment déduite des articles du Code civil cités sous la section spécifiée traitant des dommages et intérêts résultant de l’inexécution de l’obligation26.

12. – La présomption du préjudice en matière contractuelle. – Par ailleurs, on peut

relever, tant dans le droit positif français que dans l’arbitrage international, que le préjudice est parfois présumé de la faute. Or, une telle pratique ne s’avère pas cohérente avec l’application stricte du principe de l’indemnisation intégrale. A titre d’exemple, on peut constater que le juge français a considéré qu’il s’agit d’un « trouble commercial », nécessitant la réparation de la partie lésée, dans le cas de l’établissement d’un « acte de concurrence déloyale »27. Ce qui signifie que le trouble commercial, initié par la faute d’une partie contractante, peut être considéré comme une présomption de la survenance du préjudice en exigeant, par la suite, l’indemnisation de celui-ci. De ce fait, la faute contractuelle consistant en la violation de l’une des obligations inscrites dans les clauses du contrat, ayant un impact sur l’engagement juridique entre les parties, peut justifier l’allocation des dommages-intérêts. Dès lors, le préjudice peut ainsi être présumé du fait de la violation contractuelle, et cela sans avoir besoin de distinguer la notion du dommage de celle du préjudice28.

23 V. par ex. Wester-Ouisse, Responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle : fusion des régimes à l’heure

internationale, RTD Civ., 2010, p. 419.

24 V. en ce sens, G. Viney, Introduction à la responsabilité, LGDJ, 3e éd., t. I, 2008, n˚ 242 et s. 25

Sue cette argumentation juridique, v. P. Ancel, La responsabilité contractuelle, Les concepts contractuels français à l’heure des principes du droit européen des contrats, P. Rémy-Corlay et D. Fenouillet (dir.), Dalloz, 2003, pp. 243 et s.

26 V. Christophe Quézel-Ambrunaz (dir.), Les défis de l’harmonisation européenne du droit des contrats, Université

de Savoie, CDPPOC, 2012, op. cit., pp. 218-219.

27

Com. 9 octobre 2001, n˚ 99-16.512, RTD Civ. 2002, 304, note P. Jourdain.

(20)

13. – Par ailleurs, il est important de noter qu’il s’agit d’une différence juridique entre la

présomption du préjudice du fait de l’établissement de la faute et la non-exigence de celui-ci pour la réparation. Cette dernière hypothèse se voit refusée par la majorité de la doctrine, notamment dans le système du droit civil29. Et cela, par opposition à la position adoptée dans le système juridique de common law en matière contractuelle, où un remède est dû dans le cas de la violation du contrat afin de sanctionner l’inexécution contractuelle, et ainsi indemniser la partie lésée de cette inexécution30. De là, il est simple de déduire, pour les juristes de civil law, que le sujet de l’indemnisation, en cas d’inexécution contractuelle, relève de la question de la preuve31. La raison de cette constatation réside dans l’exigence du préjudice pour la réparation d’après la tradition civiliste.

14. – L’importance de l’arbitrage dans le règlement des différends de commerce international. – Le recours à l’arbitrage revêt une importance exceptionnelle en matière de

litiges commerciaux internationaux. En comparaison avec les justices étatiques, l’arbitrage se réserve une place largement dominante dans la résolution des conflits des transactions internationales. Il ne sera pas exagéré de constater que l’arbitrage international joue un rôle de substitution des juridictions internes des Etats dans ce domaine32. Ce phénomène s’avère clairement dans les clauses d’arbitrages insérées dans les contrats du commerce international dans lesquelles les parties réfèrent à l’arbitrage international la résolution de leurs litiges sur la base du contrat conclu. Toutefois, les parties sont toujours libres de choisir la lex causae qui leur semble la plus pertinente dans leur cas. Cette lex causae constitue donc la loi applicable au fond du litige que les arbitres internationaux seront tenus d’appliquer sur un tel différend33.

15. – Il est important de relever ainsi la présence des clauses d’arbitrage dans ces contrats

internationaux. Une pratique qui n’est pas vraiment récente, et incarnée depuis longtemps par les agents commerciaux en matière des transactions internationales. Une des statistiques déclarées à cet égard aux Etats-Unis en 2006 indique que ces clauses d’arbitrages choisies par les parties

29 J. Flour, J.-L. Aubert et E. Savaux, Les obligations, 3. Le rapport d’obligation, Dalloz, 7e éd., 2011, p. 198. 30 D. Tallon, L’inexécution du contrat : pour une autre présentation, RTD Civ., 1994, pp. 223 et s.

31 V. F. Terré, Introduction générale au droit, Paris, Dalloz, 9e éd., 2012, n˚ 575 et s., pp. 493 et s.

32 Horatia Muir Watt, Economie de la justice et arbitrage international : Réflexion sur la gouvernance privée dans

la globalisation, Rev. Arb., 2008, N˚ 3, p. 389.

(21)

apparaissent dans 90% des contrats internationaux34. Dès lors, l’importance de l’arbitrage commercial international s’avère incontestablement primordiale sur le marché global35.

16. – L’importance du traitement du préjudice dans l’arbitrage international. – Le

rôle marquant de l’arbitrage international pour résoudre les conflits en matière du commerce international devient de plus en plus significatif grâce à plusieurs facteurs pratiques. L’arbitrage représente un mode de règlement judiciaire alternatif très efficace pour le marché international36. Malgré le débat juridique à cet égard37, les agents commerciaux ne cessent de recourir à l’arbitrage international en tant que mode privilégié pour le règlement de leurs litiges. Au demeurant, l’arbitrage commercial international représente plusieurs avantages pour ces parties aux litiges. Pour elles, l’arbitrage exprime un moyen judiciaire qui compense leur méfiance à l’égard des juridictions internes des Etats. De plus, le recours à l’arbitrage permet aux justiciables d’éviter la lourdeur des procédures, en ayant des procès judiciaires plus rapides via des arbitres internationaux38.

17. – Dans le même ordre d’idées, il nous semble aussi que le mécanisme de

l’indemnisation du préjudice par les arbitres représente une aussi grande importance pour les justiciables et doit proposer ainsi des solutions satisfaisantes aux parties. Solutions susceptibles de confronter les difficultés pratiques et de répondre aux attentes légitimes des acteurs du commerce international dans le cadre de l’exécution des opérations commerciales internationales. Dans ce sens, il sera plus judicieux que la méthodologie de l’indemnisation soit basée sur la réparation de l’intérêt lésé, peu importe que tous les préjudices subis soient mathématiquement évaluables ou non. Dès lors, il est important de trouver des moyens juridiques pour indemniser, voire punir, toute violation contractuelle résultant des préjudices

34 Christopher R. Drahozal, New experiences of international arbitration in the United States, 54 A.J.C.L, 2006, 233,

246-49.

35 Horatia Muir Watt, Economie de la justice et arbitrage international : Réflexion sur la gouvernance privée dans

la globalisation, Rev. Arb., 2008, N˚ 3, op. cit., p. 391.

36 Sur ce point, v. H. Muir Watt, Economie de la justice et droit international privé : une étude de politique

judiciaire, in Approche renouvelée de la contractualisation, dir. S. Chassard-Pignet et D. Hiez, PUAM, 2007, p. 75.

37 V. par ex. Harry T. Edwards, Alternative dispute resolution : Panacea or Anathema ?, 99 Harv. L. Rev. 1986, pp.

668 et s. ; Judith Resnik, Many doors ? Closing doors ? Alternative dispute resolution and adjudication, 10 Ohio St. J. on Disp. Resol. 1995, pp. 222 et s. ; Christopher R. Drahozal, A behavioral analysis of private judging, 67 Law & Comtemp. Probs. 2004, pp. 105, 129 n˚ 143.

38

V. Horatia Muir Watt, Economie de la justice et arbitrage international : Réflexion sur la gouvernance privée dans la globalisation, Rev. Arb., 2008, N˚ 3, op. cit., p. 392.

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envers un des contractants. Au surplus, une telle solution aura pour effet d’établir la confiance des contractants dans les transactions internationales, ainsi que de réconforter la stabilité des opérations commerciales sur le marché. Ainsi, un tel mécanisme d’indemnisation, respectant les dimensions tant juridiques qu’économiques, serait le plus approprié à être adopté par les arbitres internationaux.

18. – Formes principales de l’indemnisation du préjudice : indemnisation en nature et par équivalent. – En principe, il est connu que l’indemnisation du préjudice s’établit soit sous

la forme de la réparation en nature, soit sous la forme de l’allocation des dommages-intérêts39. De prime abord, la réparation en nature s’avère la solution idéale pour rétablir l’équilibre dans le rapport contractuel entre les parties contractantes. Cette solution a pour effet de remettre la partie lésée dans la situation antérieure à la survenance du préjudice, en lui restituant ce dont elle a été dépourvue40. Toutefois, cette solution reste inenvisageable dans plusieurs cas. Il est difficile, par exemple, de concevoir une réparation en nature dans l’hypothèse des préjudices corporels, tant qu’il s’agit d’un préjudice matériel que moral ; de même qu’une telle solution devient aussi compliquée et inconcevable dans le domaine de l’indemnisation du préjudice moral en général. En somme, il faut décider sur la manière la plus appropriée de la réparation, selon l’intérêt de la partie lésée ainsi que l’objet de l’intérêt lésé.

19. – Une réparation de préjudice peut ainsi être opérée soit en nature soit par équivalent.

Sachant que la réparation par équivalent peut prendre une forme pécuniaire ou non41. En suivant cette illustration sur les méthodes de la réparation, notre étude sera menée plutôt sur l’indemnisation pécuniaire du préjudice. On ne traitera que cette perspective de la réparation parce que, d’une part, elle nous permettra d’exposer les règles d’indemnisations et la manière de

39 V. par ex., F. Bellivier et R. Sefton-Green, Force obligatoire et exécution en nature du contrat en droits français

et anglais : bonnes et mauvaises surprises du comparatisme, in Le contrat au début du XXIème siècle, Etudes offertes à J. Ghestin, LGDJ, 2001, pp. 91-112.

40 Sur la réparation en nature en droit positif, v. par ex. W. Jeandidier, L'exécution forcée des obligations

contractuelles de faire, R.T.D.C, 1976, pp. 700 et s.; H.L.&J. Mazeaud et F. Chabas, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle, t. III, 1er Vol., 6e éd., Paris : Montchrestien, 1983, n°2308 et s.

41 Sur la distinction entre la réparation en nature et la réparation pécuniaire, v. par ex. Ph. Malaurie, L. Aynès et

Ph. Stoffel-Munck, Droit civil, Les obligations, 6e éd., Paris, Defrénois, LGDJ, 2013, pp. 134 et s., n° 249 et s. ; A. Bénabent, Droit civil, Les obligations, Paris, Montchrestien, 12e éd., 2010, pp. 504-505, n° 696-697.

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l’évaluation et du calcul de celles-ci, et d’autre part, à cause de la difficulté pratique d’ordonner une indemnisation en nature dans l’arbitrage international.

20. – Exemples des autres aspects spécifiques d’indemnisation. – Dans la même

sphère, notre étude s’intéresse concrètement aux règles concernant l’évaluation d’indemnisation dans le cadre de la procédure arbitrale. Certains aspects spécifiques de l’indemnisation seront ainsi hors du cadre de cette recherche sur cette base. Ces aspects apparaissent, par exemple, dans certains cas où il s’agit de l’invocation de quelques moyens exceptionnels d’indemnisation, parmi les mécanismes de l’évaluation reconnus par les parties dans l’arbitrage international42. Ainsi, il est à noter qu’il n’est pas aisé de transposer théoriquement tous les mécanismes de l’indemnisation prévus par le droit positif interne dans l’arbitrage international, en raison du caractère surtout conventionnel de celui-ci43. Par conséquent, la transposition de certaines procédures particulières du droit civil, relatives au processus de l’indemnisation, dans l’arbitrage international, s’avère douteuse et très ambiguë.

21. – Tel est le cas, par exemple, dans l’hypothèse du recours à la compensation par les

arbitres internationaux44. Une telle pratique est déjà incertaine en générale45, notamment à cause de sa nature juridique controversée et imprécise46. Le recours à la compensation est déjà considéré dans le système juridique français comme un moyen atypique47, alors que le problème s’accentue certes encore en matière d’arbitrage international. La mise en œuvre d’une telle procédure dans l’arbitrage montre l’existence de beaucoup de difficultés, tant juridiques que pratiques. S’ajoute aussi la méfiance des arbitres à l’appliquer, notant qu’il s’agit d’une compensation conventionnelle ou judiciaire, à cause des équivoques par rapport à sa nature et à ses conséquences juridiques48.

42 V. par ex. Pascal Ancel, Arbitrage et compensation, Rev. Arb., N˚ 1, 2012, pp. 3 et s.

43 V. par ex. E. Loquin, Arbitrage et cautionnement Rev. Arb., 1994, p. 235 ; C. Larroumet, Promesse pour autrui,

stipulation pour autrui et arbitrage, Rev. Arb., 2005, p. 903.

44 K.P. Berger, Set-off in international economic arbitration, Arbitration International, 1999, p. 53. 45 V. en ce sens, C. Ndoko, Les mystères de la compensation, RTD Civ., 1991, p. 661.

46 L. Andreu, Réflexions sur la nature juridique de la compensation, RTD com., 2009, N˚ 1, 655.

47 M. Fabre-Magnan, Droit des obligations, 1. Contrat et engagement unilatéral, Thémis, Paris PUF, 3e éd., 2012,

pp. 622 et s.

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22. – Un autre exemple de réclamations de dommages-intérêts, ne pouvant pas être

abordé dans le cadre de cette recherche, est la demande d’indemnisation pour violation de la convention d’arbitrage 49. Là, il ne s’agit pas vraiment d’un processus d’évaluation d’indemnisation, sachant que, dans ce cas, l’allocation des dommages-intérêts par les arbitres est difficilement justifiable. Au demeurant, une autre sanction, parfois réclamée par la partie lésée dans cette hypothèse consistant en la demande de la prononciation d’injonction anti-suit, est considérée comme inconcevable avec la compétence des arbitres internationaux50. Une hypothèse qui a suscité un débat dans la doctrine51, notamment en ce qui concerne l’allocation des indemnisations pour cette violation des clauses de la convention d’arbitrage52. En tout cas, cette hypothèse s’avère inacceptable et incohérente en matière d’arbitrage international. La solution est similaire concernant les juridictions étatiques des pays de droit civil, à l’opposition des pays de common law, vu que l’injonction anti suit se voit incompatible avec le principe de confiance mutuelle, ainsi qu’elle porte atteinte au droit du plaideur de saisir son juge53. Et plus particulièrement, l’indemnisation pour violation de la convention d’arbitrage sort du cadre de notre étude qui tente de mettre plutôt la lumière sur les règles d’indemnisations pratiquées par les arbitres, afin d’analyser et de montrer le droit propre, et notamment le plus approprié, au préjudice dans l’arbitrage international.

23. – De là, une autre question sort du cadre de notre étude, celle de la responsabilité des

arbitres. Il est connu que l’arbitre dispose d’un statut de juge privé. La différence entre le statut d’un arbitre et d’un juge national réside dans le fondement juridique sur lequel chacun exerce ses pouvoirs. L’arbitre exerce ses pouvoirs sur le fondement d’un contrat privé, alors que le juge les exerce au nom de l’Etat pour défendre ce que l’on appelle le contrat social54. Dès lors, il s’agit d’un lien contractuel entre l’arbitre et les parties. Par conséquent, la sentence arbitrale peut être

49 V. en ce sens, S. Bollée, L’arbitre peut-il octroyer des dommages-intérêts pour violation de la convention

d’arbitrage ?, note sous England and Wales High Court of Justice (Comm. Court), 4 avril 2012, , Rev. Arb., N˚ 4, 2012, pp. 819 et s.

50 S. Bollée, Quelques remarques sur les injonctions anti-suit visant à protéger la compétence arbitrale, Rev. Arb.,

2007, p. 223.

51

V. H. Muir Watt, note sous la décision de High Court of Justice (Comm. Court), 4 avril 2012, Rev. crit. DIP, 2012, pp. 636 et s.

52 S. Bollée, L’arbitre peut-il octroyer des dommages-intérêts pour violation de la convention d’arbitrage, Rev. arb.,

N˚ 4, 2012, op. cit., pp. 838 et s.

53 Philippe Delebecque, Injonction « anti-suit », La jurisprudence hésite encore entre leur condamnation et leur

reconnaissance, Gazette de la C.A.M.P., N˚ 23, 2010, p. 5.

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considérée comme le fruit de ce contrat. C’est notamment ce cadre contractuel d’arbitrage qui permet la possibilité de condamner l’arbitre à des dommages-intérêts pour inexécution du contrat. La responsabilité de l’arbitre est celle à laquelle il s’est alors soumise lors de son acceptation de sa mission55. Une telle responsabilité peut être fondée, à juste titre, sur l’article 1142 du Code civil français56.

24. – Dans cet ordre d’idées, il est important de distinguer une action contre l’arbitre

d’une action contre la sentence arbitrale. Dans le cadre d’un régime contractuel qui régit la relation entre l’arbitre et les parties, les clauses limitatives de responsabilité jouent aussi un rôle important. L’arbitre peut voir alors sa responsabilité restreinte en vertu de telles clauses contractuelles afin d’encadrer les actions éventuellement encourues contre lui57. Ce type de clause relative à la responsabilité des arbitres peut être aussi trouvé au sein des règlements d’arbitrage58.

25. – La distinction entre la réparation et la peine privée dans le cadre de l’indemnisation du préjudice. – Afin de sanctionner le débiteur à qui la survenance du

préjudice est imputable, les arbitres recourent principalement à la réparation de celui-ci selon les règles classiques juridiquement reconnues de l’indemnisation. Une telle sanction peut aussi être traduite parfois dans la prononciation des peines privées59. Malgré l’hostilité des arbitres à recourir à des peines privées dans le cadre de l’indemnisation du préjudice, un tel moyen reste

55

Ibid., pp. 192, 233.

56 V. par ex. TGI Paris, 12 mai 1993, Société Raoul Duval c. V., Rev. arb., 1996, pp. 414-416. En l’espèce, l’arbitre

a été condamné d’avoir des liens d’intérêts avec la partie qui l’a nommé. Une telle opposition d’intérêts qui a été dissimulée à l’autre partie du litige avait pour effet d’engager la responsabilité de cet arbitre sous le fondement de l’article 1142 du Code civil. Ce dernier a été condamné à des dommages-intérêts d’une somme de 22 500 francs au titre de frais d’arbitrage, et 25 000 francs à titre de réparation complémentaire du préjudice de la partie lésée, ainsi que 8 000 francs au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

57 Thomas Clay, L’arbitre, thèse, Dalloz, 2001, pp. 715-718. 58

V. par ex. l’art. 40 du nouveau règlement d’arbitrage de la Chambre de Commerce International “CCI”, entré en vigueur le 1re janvier 2012, intitulé “Limitation de responsabilité”, qui prévoit que « Les arbitres, les personnes nommées par le tribunal arbitral, l’arbitre d’urgence, la Cour et ses membres, la CCI et son personnel, les comités nationaux et groupes de la CCI et leurs employés et représentants ne sont responsables envers personne d’aucun fait, d’aucun acte ou d’aucune omission en relation avec un arbitrage, sauf dans la mesure où une telle limitation de responsabilité est interdite par la loi applicable » ; L’article IX du règlement d’arbitrage de la Chambre Arbitrale Maritime de Paris, entré en vigueur le 31 mai 2012, intitulé “Exemption de responsabilité”, dispose que « Ni les arbitres, ni la Chambre ou ses membres, ni le Comité ne sont responsables envers quiconque de tout fait, acte ou omission en relation avec un arbitrage ».

59

Sur le concept des peines privées dans le droit privé, v. G. Viney et P. Jourdain, dir. J. Ghestin Traité de droit civil, Les effets de la responsabilité civile, LGDJ, 3e éd., op. cit., 2010, n° 6 et s., pp. 8 et s.

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néanmoins fort utilisé pour sanctionner la faute du débiteur. La différence entre l’indemnisation du préjudice, par le biais des règles classiques de la réparation dans le droit privé, et l’allocation des peines privées réside dans le fondement de la sanction.

26. – La réparation proprement dite exige forcément l’existence d’un préjudice

indemnisable. La survenance d’un préjudice constitue ainsi le fondement de la réparation. Par contre, l’allocation des peines privées dépend de l’établissement d’une faute. Dans ce cas, le fondement juridique de la sanction réside essentiellement dans la faute du débiteur, peu importe qu’un préjudice soit subi par la partie lésée en conséquence de cette faute60.

27. – Ces deux types de sanctions précités peuvent être néanmoins employés

concomitamment pour indemniser un préjudice quelconque. L’indemnisation punitive reste pratiquement indéniable, malgré les controverses juridiques là-dessus, ainsi que l’hostilité des arbitres internationaux à y recourir dans plusieurs cas. Cette approche nous conduira à inclure les peines privées parmi les règles de l’indemnisation du préjudice, à côté des règles classiques de la réparation conformément au principe général de l’indemnisation intégrale du préjudice. En effet, l’intérêt de la réparation se cristallise non seulement dans la compensation des préjudices subis

stricto sensu, mais aussi dans la proportionnalité entre les indemnisations allouées et l’intérêt

lésé. Une hypothèse qui amènerait ainsi à une indemnisation plus adéquate au sens juridique, qui aurait pour effet de prévenir et de punir toute violation contractuelle entre les parties selon une perspective plutôt économique. Cette méthodologie de la réparation prend en compte non seulement la compensation du préjudice subi au sens purement mathématique, mais elle veille aussi à ce que l’indemnisation octroyée soit proportionnelle avec l’intérêt réellement lésé. L’adoption d’une telle approche nous amène certes à une indemnisation plutôt adéquate.

28. – Le besoin d’une indemnisation adéquate du préjudice : un élément important pour renforcer la confiance des agents commerciaux dans l’arbitrage international. –

L’allocation d’une indemnisation honorant les besoins de la pratique dans le cadre de la mise en œuvre des règles générales d’indemnisation, sans que celles-ci soient seulement liées strictement

60

V. en ce sens, D. Mazeaud, La notion de clause pénale, Coll. Bibliothèque de droit privé, t. 223, LGDJ, 1992, p. 315, n° 544.

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par les théories classiques de l’indemnisation, doit être la plus recherchée. Dans ce sens, cette méthodologie de l’indemnisation n’exclut pas vraiment le principe général de l’indemnisation intégrale, mais tend plutôt à l’appliquer avec une certaine flexibilité, et en tentant d’atteindre la justice optimale via une réparation proportionnelle aux intérêts lésés. Ce qui aboutit certes à une indemnisation plus appropriée du préjudice.

29. – Cette conception est plus facile à concevoir dans l’arbitrage international que dans

la justice étatique. Pour les arbitres internationaux, en tant que juges privés, leur but essentiel est de rendre une sentence qui soit capable « de répondre aux besoins et intérêts spécifiques du cas ». Par contre, l’objectif de la justice étatique est plutôt d’appliquer et d’adapter les règles juridiques générales sur les cas qui lui sont soumis afin d’individualiser ces règles au cas par cas61. Ainsi, un concept d’indemnisation adéquate du préjudice paraît plus accessible et adapté dans l’arbitrage international.

30. – Le concept de l’indemnisation adéquate n’est pas étranger au droit traitant le

préjudice. Il est vrai que les arbitres internationaux tendent plutôt à régler la matière de l’indemnisation du préjudice conformément au principe général de l’indemnisation intégrale. Un principe qui intéresse essentiellement à l’équivalence quantitative de la réparation, celle qui s’établit entre le préjudice subi et le quantum de l’indemnisation. Toutefois, cette tendance ne peut pas négliger d’ailleurs une autre équivalence qualitative à cet égard62. Nous pensons que la méthodologie de l’indemnisation reposant sur ces deux concepts cumulativement devient plus apte à réaliser une indemnisation adéquate. Il est important de rappeler ainsi l’importance d’aboutir à une indemnisation adéquate par rapport à l’intérêt lésé du créancier.

31. – Le droit de l’arbitrage doit révéler alors une pensée juridique tant pratique que

moderne pour satisfaire aux besoins des agents commerciaux qui recourent à l’arbitrage international privé en tant que mode juridique efficace pour résoudre leurs litiges. Il est constaté

61 Ibid., p. 395. 62

Sur la notion de « l’équivalence qualitative » de la réparation, v. par ex. M.-E. Roujou de Boubée, Essai sur la notion de réparation, Bibliothèque de droit privé, LDGJ, 1974, op. cit., p. 272.

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que le droit est « un construit de l’esprit avant même que d’être une pratique »63. Le besoin de mettre le droit dans le préjudice en matière d’arbitrage international intéresse toujours les praticiens, ainsi que les arbitres internationaux eux-mêmes. Ainsi, l’indemnisation du préjudice doit être effectuée sur la base d’un droit qui prend en compte les besoins de la pratique de la réparation et les objectifs de celle-ci, selon les intérêts de la partie lésée, et sans être disproportionnelle avec le préjudice subi et la faute du débiteur. Cette conception de la réparation peut refléter parfaitement la volonté d’aboutir à une indemnisation adéquate en matière d’arbitrage international.

32. – La souveraineté des arbitres internationaux dans l’évaluation de l’indemnisation du préjudice. – Un élément capital facilitant l’établissement d’une

indemnisation adéquate dans l’arbitrage est le pouvoir souverain dont disposent les arbitres internationaux. Dès lors, il est bien constaté d’admettre l’autonomie de la source de la juridicité de l’arbitrage. Conformément à cette perspective, les arbitres du commerce international peuvent appliquer « des règles morales ou un droit naturel du commerce international fondé sur l’équité et la raison »64. La réflexion de cette idée de l’autonomie en matière de l’indemnisation du préjudice dans l’arbitrage exige que la réparation doive aussi satisfaire à ces dimensions pratiques sans être seulement liée par une simple réparation mathématique du préjudice. Par conséquent, l’indemnisation allouée par les arbitres doit être raisonnable et correspondre effectivement à la gravité de l’intérêt lésé. Une telle justification philosophique peut expliquer ainsi l’importance d’une indemnisation adéquate en prenant en compte cet aspect pragmatique de la réparation.

33. – L’autonomie de l’arbitrage international peut permettre d’accepter l’idée que les

arbitres internationaux ont le pouvoir de choisir les normes les plus adéquates à être appliquées en matière de transactions internationales65. Ils peuvent trier ainsi les règles matérielles les plus aptes à satisfaire aux besoins du commerce international. L’introduction de cette interprétation de l’autonomie de l’arbitrage international en matière d’indemnisation du préjudice a pour effet

63 E. Loquin, A propos de l’ouvrage d’Emmanuel Gaillard : Aspects philosophiques du droit de l’arbitrage

international, Rev. Arb., 2009, N˚ 2, p. 318.

64

Ibid., p. 320.

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de nous conduire à accepter toute règle d’indemnisation tendant à réparer effectivement la partie lésée. Le besoin d’admettre une indemnisation plus adéquate s’accentue, notamment, dans les cas où certains préjudices ne sont pas susceptibles d’être mathématiquement évalués. Là il s’agit des intérêts lésés dont la raison exige qu’ils soient réparés dans le but d’atteindre une indemnisation la plus appropriée. Dès lors, les arbitres du commerce international sont censés être libres dans la mise en place des règles juridiques les plus appropriées en matière d’indemnisation, sous réserve surtout de respecter l’ordre public applicable selon les droits internes des Etats concernés66.

34. – Cette liberté des arbitres internationaux représente une différence importante entre

ceux-ci et les juges étatiques. Ces derniers sont considérés comme organes d’un ordre juridique interne. Par contre, l’arbitre international exerce sa mission indépendamment de tout ordre juridique interne. Il est vrai que l’arbitre est normalement tenu d’appliquer un droit interne choisi par les parties, notamment en ce qui concerne la loi du fond, néanmoins il ne peut pas être soumis à aucun ordre juridique interne67. Dès lors, l’arbitre est censé voir le litige arbitral d’une manière indépendante et libre vu qu’il ne représente que lui-même et non pas, en tout état de cause, un Etat quelconque. Au demeurant, on constate, par exemple, dans l’arbitrage d’investissement, qu’il est expressément constaté que les arbitres ne sont même pas liés par la jurisprudence antérieure. Ainsi, les règles juridiques appliquées par des sentences précédemment rendues, dans des cas similaires à un autre soumis à un Tribunal arbitral ultérieurement, ne peuvent pas être imposées aux arbitres68. Ce constat est bien établi et déclaré dans plusieurs sentences arbitrales, en notant néanmoins l’importance de prendre en considération les décisions antérieures adoptant des solutions convergentes dans des cas similaires. Cette tendance ne servirait pas peut-être à établir une jurisprudence arbitrale cohérente69. Pourtant, on estime que cette position juridique reste positive, dans le sens qu’elle accorde aux arbitres une marge de

66 Sur le concept du respect de l’ordre publique étatique par les arbitres internationaux, v. Jean Baptiste-Racine,

L’arbitrage commercial international et l’ordre public, Préf. Philippe Fouchard, thèse, Paris, LGDJ, 1999, pp. 237 et s.

67

Pierre Mayer, La liberté de l’arbitre, Rev. Arb., N˚ 2, 2013, pp. 340 et s.

68 Ibid., p. 363.

69 V. par ex. Burlington Ressources c. République d’Equateur, CIRDI, affaire n˚ ARB/08/5, décision sur la

compétence, sentence rendue le 2 juin 2010, publiée au site officiel du CIRDI « The Tribunal considers that it is not bound by previous decisions. At the same time, it is of the opinion that it must pay due consideration to earlier decisions of international tribunals. The majority believes that, subject to compelling contrary grounds, it has a duty to adopt solutions established in a series of consistent cases … ».

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liberté pour trouver les solutions les plus opportunes selon chaque cas, ce qui aura un impact positif sur l’évaluation de l’indemnisation permettant de se prononcer sur une allocation des dommages-intérêts adéquats, sans inciter les arbitres à recourir à l’individualisation des normes générales, comme c’est le cas pour les juges étatiques.

35. – Une perspective particulière sur l’arbitrage CCI et CIRDI. – Dans la mesure de

traiter le préjudice dans l’arbitrage international, on tient à mettre l’accent particulièrement sur l’arbitrage commercial international, notamment à partir des sentences rendues sous l’égide des Tribunaux de la Chambre du commerce international « CCI », et de l’arbitrage d’investissement, dont le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements

« CIRDI » nous montre une jurisprudence bien précieuse et cohérente en la matière.

L’importance des transactions internationales et la stabilité du marché global du commerce international exigent d’appliquer un droit pour le préjudice. Par conséquent, la confiance dans le recours à l’arbitrage doit être renforcée chez les acteurs de commerces. Dans ce sens, l’arbitrage du commerce international joue un rôle très remarquable dont il est important de l’exposer et de l’analyser, notamment dans les arbitrages soutenus sous l’égide de la CCI. On peut relever aussi un autre rôle nécessaire, voire complémentaire, joué à cet égard par la jurisprudence de l’arbitrage d’investissement. Plus particulièrement, l’arbitrage CIRDI représente une importance majeure dans la résolution des litiges des investisseurs étrangers, dont un nombre remarquable et élevé d’affaires lui sont soumis chaque année70.

36. – Au niveau international, il est donc intéressant de soulever les règles

d’indemnisations pratiquées dans le cadre de ces deux types d’arbitrages internationaux. Surtout, il sera judicieux alors d’établir une méthodologie d’indemnisation ainsi qu’une perspective bien déterminée de celle-ci à partir des règles d’indemnisation du préjudice reconnues en droit international et dans les différents systèmes juridiques internes. Ce qui peut aussi certes renforcer cette tendance, c’est la souveraineté des arbitres internationaux exerçant leurs missions, comme déjà mentionnée, en recommandant ainsi la nécessité d’aller plus loin. Dès lors, un résultat

70

V. Sophie Lemaire (dir.) avec la contribution de Malik Laazouzi, Chronique de jurisprudence arbitrale en droit des investissements, Rev. Arb., N˚ 2, 2013, p. 477.

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optimal sera recherché dans notre étude pour aboutir à une indemnisation la plus appropriée du préjudice.

37. – Problématique. – Pour conclure, l’illustration précédente sur les règles de la

réparation montre que le respect strict du principe général de l’indemnisation intégrale du préjudice signifie que la réparation allouée à la victime doit être équivalente à son préjudice subi. Conformément à ce principe, l’étendue de la réparation ne doit pas être ni supérieure ni inférieure au préjudice réellement subi. C’est la raison pour laquelle l’exigence du préjudice est indispensable pour le fonctionnement d’un tel principe71. En outre, ce principe s’appuie sur l’aspect de l’équivalence quantitative de la réparation. D’où la logique du principe de l’indemnisation intégrale qui est de replacer la partie lésée dans la situation où elle aurait été si le contrat avait été bien exécuté et que le préjudice n’était pas survenu72. On peut relever aussi l’existence d’une application constante de ce principe dans le système juridique français, notamment en matière contractuelle73. La Cour de cassation française a ainsi introduit le principe de l’indemnisation intégrale par la réparation qui n’entraine ni perte ni profit pour la partie lésée74. Cette approche mathématique de la réparation exclue l’indemnisation de tout préjudice hypothétique ou incertain. Quant à l’indemnisation, elle ne doit pas être symbolique ou arbitraire.

38. – On estime que cette conception rigoureuse du droit de l’indemnisation du préjudice

doit être susceptible d’une relecture juridique afin d’aboutir à une indemnisation plutôt adéquate pour la partie lésée75. Dans ce sens, il s’agit d’autres techniques reconnues, autres que celles de la réparation proprement dite dans le cadre de l’indemnisation du préjudice. Ceci étant le cas, par exemple, de l’allocation des indemnisations punitives. Certains reprochent à cette approche plus large de l’indemnisation qu’elle puisse aboutir parfois à ce que la victime soit indemnisée d’un montant qui excède celui qui correspond à son préjudice réellement subi. Une telle indemnisation s’avère difficile à admettre afin de ne pas ouvrir la porte aux dommages-intérêts excessifs. En

71 A. Bénabent, Droit civil, Les obligations, Montchrestien, 12e éd., 2010, op. cit., p. 503, n° 695. 72

Cette position est consacrée dans la jurisprudence française, v. par ex. Cass. Soc., 23 novembre 2005, n˚ 03-40.826, Bull. Civ. V, n˚ 332.

73 V. par ex. Cass. 3e Civ., 8 juin 2009, n˚ 08-10.869, Bull. Civ. III, n˚ 170.

74 Cass. 2e civ., 23 janvier 2003, n˚ 01-100.200, Bull. Civ. II, n˚ 20 ; Cass. 2e civ., 28 mai 2009, n˚ 08-16.829, Bull.

Civ. II, n˚ 131.

75

V. Eric Brousseau, La sanction adéquate en matière contractuelle : Une analyse économique, LPA, 19 mai 2005, n˚ 99, pp. 43 et s.

(32)

tout cas, une application même raisonnable de cette indemnisation contredit certes au principe de l’indemnisation intégrale du préjudice76. En outre, une évaluation arbitraire de l’indemnisation est parfois inévitable dans le but de réparer adéquatement l’intérêt lésé du créancier. Dans ce sens, le terme de l’indemnisation intégrale paraît insuffisant en tant que base de réparation. L’indemnisation du préjudice moral représente un exemple clair de cette situation juridique77.

39. – Par ailleurs, on peut relever des aspects significatifs du concept de l’indemnisation

adéquate dans le fonctionnement même du principe de l’indemnisation intégrale. Ceux qui contredisent l’idée de l’équivalence quantitative de la réparation. Dans ce cadre, on verra, par exemple, que les dommages-intérêts alloués pour la réparation du préjudice se présentent souvent sous la forme d’indemnisations compensatoires et moratoires par les arbitres internationaux. Alors que l’allocation des indemnisations moratoires repose sur la présomption du préjudice ultérieurement dans le cas de non-paiement. Cette non exigence de preuve contredit ainsi la nécessité de l’établissement d’un préjudice certain, pour la réparation de celui-ci, en tant que règle essentielle pour l’application du principe de l’indemnisation intégrale. Une telle indemnisation constitue toutefois une partie intégrale de la réparation de sorte que la demande des dommages-intérêts moratoires est considérée souvent, notamment pour ceux réclamés antérieurement au prononcé de la sentence arbitrale, comme une question de fond, et non pas de forme78. Ce qui implique aussi que l’allocation de telles indemnisations ressort, dans ce cas, de la seule compétence du tribunal arbitral79.

40. – D’une manière plus générale, la mise en œuvre du principe de l’indemnisation

intégrale est aussi critiquée par la doctrine. Une application classique de celui-ci s’avère très compliquée. D’une part, afin de limiter l’indemnisation au seul préjudice certainement établi, il ne faut réparer ainsi que ce qui s’avère nécessaire. On estime qu’une telle pratique risque de permettre l’allocation d’une indemnisation inférieure aux intérêts véritablement lésés. D’autre part, dans le cadre de l’indemnisation de toutes les conséquences dommageables conformément au principe de l’indemnisation intégrale, il apparaît difficile d’encadrer cette conception. Plus

76 V. par ex. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 11e éd., 2013, n˚ 900, p. 962. 77 Ph. Le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, 9e éd., Paris, Dalloz 2012, op. cit., n˚ 2523. 78 Sur la loi applicable sur les dommages-intérêts moratoires, v. infra n˚ 325 et s.

79

Romain Dupeyré, La demande d’intérêts moratoires est une question de fond qui relève de la compétence des arbitres, Rev. arb., 2011, N˚ 2, pp. 474 et s.

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