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PARAGRAPHE II. L’ATTEINTE A L’ATTENTE LEGITIME DE LA PARTIE LESEE

A. Le concept d’attente légitime

192. – On exposera d’abord une démonstration d’ « attente légitime » en tant que

fondement suffisamment possible d’indemnisation (1), ensuite, on mettra la lumière sur la détermination de la notion d’ « attente légitime » (2).

1. La démonstration d’ « attente légitime » en tant que fondement suffisamment possible d’indemnisation

193. – Afin d’aboutir au stade de l’évaluation des dommages-intérêts, il est nécessaire

d’établir si le préjudice subi est exigé en tant qu’élément décisif d’indemnisation. Il est constaté que l’engagement de la responsabilité peut s’établir aussi en démontrant que la faute commise

par le débiteur avait pour effet de violer les attentes légitimes du créancier278. A cette fin, il est essentiel de faire un examen pour vérifier l’objet des attentes légitimes raisonnablement pris en compte par le créancier. Or, « le montant de dommages-intérêts ne doit pas être évalué en fonction d’un dommage qui serait dû à la faute du débiteur mais doit être fixé en considérant les attentes légitimes du créancier »279. Ce qui explique que l’allocation d’indemnisation est possible en vérifiant la correspondance entre la faute commise par le débiteur et les obligations du créancier qui trouvent ses limites dans les attentes légitimes de celui-ci. Pour bien illustrer ce point « on fait référence aux attentes légitimes pour apprécier l’étendue de l’obligation du débiteur et au dommage réparable lorsque le contrat n’a pas été convenablement exécuté »280.

Par conséquent, les dommages-intérêts résultant de la violation contractuelle sont alloués ainsi en fonction de l’association entre le manquement aux obligations contractuelles du débiteur avec les attentes légitimes raisonnablement attendues par le créancier281.

De ce qui précède, il reste toujours logique de songer que le débiteur, commettant une faute, doit indemniser aussi la partie lésée de la violation des attentes légitimes de cette dernière.

2. La détermination de la notion d’ « attente légitime »

194. – On commence par aborder la définition de la notion d’ « attente légitime » (a),

avant de soulever sa consécration (b) tant par le droit comparé que par les instruments internationaux du droit uniforme.

278 Hélène Aubry, L’influence du droit communautaire sur le droit français des contrats, thèse, Préf. Alain Ghozi,

Presse Universitaire d’Aix-Marseille “PUAM”, 2002, n˚ 285.

279 Ibid. 280

Ibid.

a. La définition de la notion d’ « attente légitime »

195. – Les attentes prises en compte dans le cadre contractuel. – Le créancier a

toujours des perspectives déterminées ou estimées en s’engageant dans une relation contractuelle. Rappelons que la notion des attentes est en principe un état psychologique. Or, on peut tout à fait admettre qu’un contractant, lors de l’engagement contractuel, peut avoir des « motifs psychologiques » ainsi que des « mobiles psychologiques ». Les premiers consistent dans les éléments que le créancier entend, dans une phase antérieure, afin de conclure le contrat. Alors que les deuxièmes consistent dans les éléments entendus par le créancier dans le futur en tant que conséquences normales de la conclusion du contrat282. L’état psychologique ne peut pas permettre l’appréciation de ces attentes légitimes, le créancier doit traduire les attentes dans des informations déterminées et objectives en ayant un rapport avec la conclusion et l’application du contrat en litige283. C’est cette matérialisation des attentes du créancier qui leur permet d’avoir une valeur juridique afin de reconnaître leur existence. Par conséquent, il est important d’examiner la violation contractuelle commise de la part du débiteur par rapport à ces attentes légitimes du créancier.

196. – Analyse critique sur la notion de l’attente. – L’attente représente une

perspective interne propre à la partie lésée. Ainsi, il est difficile d’admettre, tant au niveau pratique que juridique, de justifier l’engagement de la responsabilité sur la base d’un état psychologique. C’est la raison pour laquelle il est plus exact d’aborder, au niveau juridique, le terme de l’« attente légitime »284.

Ici, il est utile de relever la signification du terme « légitime ». En effet, on entend par légitime tout ce qui est prévu par le droit. De ce fait, la notion des attentes légitimes des parties ne peut être interprétée in abstracto, et doit être considérée plutôt en tant que notion-cadre dont les bornes peuvent être fournies par la loi applicable et la jurisprudence285.

282 H. Aubry, L’influence du droit communautaire sur le droit français des contrats, 2002, op. cit., n˚ 227. 283 Ibid.

284 Ibid., n˚ 224. 285

V. sur les notions-cadre, J. Ghestin et G. Goubeaux avec le concours de Fabre-Magnan, Traité de droit civil, Introduction générale, LGDJ, 1994, n˚ 469.

197. – La détermination de l’aspect légitime des attentes. – Il faut rappeler alors, tout

d’abord, qu’on entend par le terme légitime tout ce qui est disposé par la loi. Par conséquent, il est vain, tout du moins peu pratique, de chercher les caractéristiques nécessaires pour interpréter le terme légitime parce que, tout simplement, il est constaté qu’il signifie tout ce qui est prescrit par la loi applicable ou la jurisprudence. Or, la bonne application du terme légitime concerne « tout acte, toute attitude, tout sentiment, toute parole, (toute attente) dont le sujet est considéré comme étant à cet égard dans son bon droit »286. L’attente légitime est ainsi reconnue, non seulement aux pays de droit civil, mais aussi dans le système de common law et les instruments internationaux de droit uniforme.

b. La consécration de la notion d’ « attente légitime »

198. – La consécration de la notion d’attente légitime ou “raisonnable” en droit comparé. – Un des piliers sur lesquels le droit anglais s’est basé est le concept de la raison et la

nécessité du caractère raisonnable dans tous les actes juridiques. Or, ce caractère du raisonnable est cristallisé en droit anglais dans différentes notions juridiques comme la notion de reasonable

expectations du créancier ou de reasonable man. On peut relever une similarité entre la notion

des attentes légitimes et celle de reasonable expectations ou de la reliance en droit anglais. On peut entendre par la première notion de reasonable expectations « l’espérance de profit qu’une partie compte retirer du contrat », alors que la notion de la reliance « correspond au comportement du créancier qui a agi sur la foi du contrat »287. Il est important à préciser, à ce stade, que l’illustration précitée du Common Law montre l’aspect objectif de l’attente raisonnable des parties. Les résultats attendus du contrat dépendent alors de ce que les parties avaient raisonnablement prévu, as fair and reasonable men, en cas de conflits288.

Le système juridique de common law a prévu cette règle, comme dans le système juridique de droit civil, dans le but de respecter le principe de l’indemnisation intégrale du préjudice, vu que « l’indemnisation dans ce cas, consistera selon le droit américain et le droit

286 Dictionnaire Larousse, 2012 : est légitime “Qui est fondé en raison, en droit, en justice”.

287 J. Ghestin, P. Atiyah et autres, Le contrat aujourd’hui : Comparaison Franco-Anglaises, sous la direction de D.

Tallon et D. Harris, LGDJ, Paris, 1987, p. 24.

anglais, à remettre cette partie dans l’état où elle se serait trouvée si le contrat n’avait pas été conclu »289.

199. – La consécration d’attente légitime par les instruments internationaux du droit uniforme. – Il est à noter, tout d’abord, que le concept des attentes légitimes du créancier

est bien consacré en droit international des contrats290. Une telle consécration s’avère explicite en constatant qu’ « il est bien évident que seule l’attente légitime des parties sera prise en compte. Pour être estimée comme telle, cette attente devra être raisonnable et non frauduleuse »291.

Or, ce qui va être pris en compte afin de décider sur la responsabilité c’est l’attitude du débiteur qu’on pouvait attendre. Dans ce sens, on constate que l’article 79.1 de la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises292 a reconnu, comme dans le cas de la force majeure, la notion de l’attente raisonnable ainsi que les conséquences qui en découlent. Une telle consécration a été pareillement empruntée par les Principes du droit européen des contrats dans son article 3.108 (1) en employant le même terme de l’attente raisonnable. Notant qu’il est affirmé le fait que le caractère légitime ou raisonnable de l’attente est toujours apprécié conformément à la loi applicable293.

289

Ibid.

290 V. Fortier, Le contrat du commerce international à l’aune du raisonnable, JDI, 1996, p. 315. Des recours à la

notion des attentes légitimes ont été fait, à plusieurs reprises, afin de déterminer le droit applicable au fond dans une affaire d’arbitrage international ; Y. Derains, Attente légitime des parties et droit applicable au fond en matière d’arbitrage commercial international, Droit international privé, Travaux du comité français de droit international privé, 1984-1985, Édition Centre National de la Recherche Scientifique, 1987, p. 81.

291 C. Ferry, La validité des contrats en droit international privé France - U.S.A., 1989, thèse, dir. Bernard Teyssie,

LGDJ, n˚ 60 et s., v. aussi sur l’étude du respect de l’attente légitime des parties, n˚ 252 et s.

292 L’article 79.1 de la Convention de Vienne sur la vente international de marchandises dispose que : « Une partie

n'est pas responsable de l'inexécution de l'une quelconque de ses obligations si elle prouve que cette inexécution est due à un empêchement indépendant de sa volonté et que l'on ne pouvait raisonnablement attendre d'elle qu'elle le prenne en considération au moment de la conclusion du contrat, qu'elle le prévienne ou le surmonte ou qu'elle en prévienne ou surmonte les conséquences ».

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