• Aucun résultat trouvé

L’étendue et la portée du standard du « traitement juste et équitable »

PARAGRAPHE I. LE STANDARD DU « TRAITEMENT JUSTE ET EQUITABLE »

B. L’étendue et la portée du standard du « traitement juste et équitable »

76. – On étudiera, dans ce qui suit, l’étendue du standard du traitement tel qu’il doit être

invoqué, en principe, dans un cadre conventionnel (1). La portée de ce standard est d’ailleurs importante à relever, en mettant la lumière sur son caractère indécis (2).

1. L’invocation de l’obligation du traitement sur une base strictement conventionnelle

77. – Dans le cadre de l’arbitrage d’investissement il faut distinguer entre la faute

conventionnelle du fait du manquement au traitement juste et équitable de l’Etat, en tant que fait générateur d’indemnisation, et la faute contractuelle qui n’aura pas lieu à ce stade. Par conséquent, l’examen du traitement ne peut pas être admissible sur une base contractuelle.

78. – Dans l’affaire RFCC contre le Maroc, les sociétés demanderesses ont réclamé des

indemnisations d’une somme de 72 186 174,35 euros, y inclus les intérêts moratoires en relevant la violation de la Société Nationale des Autoroutes du Maroc dans le cadre de la formation et l’exécution du contrat conclu en l’espèce, en alléguant une telle violation au TBI applicable113.

113

Consortium RFCC c. Royaume du Maroc, CIRDI, Affaire précitée n˚ ARB/00/6, sentence rendue le 22 décembre 2003, para. 20.

Le Tribunal a refusé l’argument avancé par le demandeur en déclarant que « contrairement à ce

que soutient le demandeur, cette stipulation n’impose pas une obligation d’assurer le maintien, l’utilisation et la jouissance des droits nés du contrat à la charge de l’Etat sur le territoire duquel se réalise un investissement de cette nature114 ».

Par conséquent, le Tribunal a refusé les réclamations de la partie demanderesse en raison que la violation contractuelle ne constitue pas un fait générateur d’indemnisation en matière d’arbitrage. Les énoncés de la sentence à ce propos étaient clairs en constatant que « Il résulte de

la décision sur la compétence qu’il n’entre dans la compétence du Tribunal de statuer sur les manquements au contrat liant le demandeur à ADM que si ces manquements sont constitutifs de violations de l’Accord bilatéral italo- marocain. Or, l’examen auquel s’est livré le Tribunal a montré que les faits allégués par le demandeur, à les supposer établis, ne constituent pas des manquements à l’Accord bilatéral à la charge du défendeur115 ».

79. – Le fait que la violation des obligations contractuelles ne constitue pas un fait

générateur d’indemnisation, sur la base du mauvais traitement, dans l’arbitrage d’investissement, est, d’ailleurs, un principe établi en la matière. Le Tribunal arbitral, dans l’affaire Waste

management, en 2004, a pu relever le même principe en déclarant que la violation du contrat

n’est pas un argument suffisant pour invoquer le mauvais traitement de l’Etat sur la base du TBI applicable116. La même position juridique a été adoptée dans l’affaire MTD contre le Chili, dont la sentence a été rendue le 25 mai 2004117.

114 Ibid., para. 40. 115 Ibid., para. 110. 116

Waste Management Inc. c. Mexique, Alena/CIRDI, Affaire n˚ ARB (AF)/00/3, sentence précitée rendue le 30 avril 2004, publiée au site officiel de ITA (version anglaise), v. para. 73 “(…) it is still necessary to prove that this conduct was a breach of the substantive standards embodied in Article 1105. Showing that it was a breach of contract is not enough”.

117 MTD Equity Sdn. Bhd. Et MTD Chili SA c. Chili, CIRDI, Affaire n˚ ARB/01/7, sentence précitée rendue le 25

mai 2004, publiée au site officiel d’ITA, para. 187 “ (…) The Tribunal notes the statement of the Respondent that under international law the breach of a contractual obligation is not ipso facto a breach of a treaty (…)”.

2. La portée indécise du principe : vision critique

80. – Afin d’amener jusqu’au bout l’étude du standard du traitement juste et équitable, en

tant que fait générateur d’indemnisation, il est important de relever son caractère flou118. Un tel caractère aura des impacts, certes, sur le champ d’application dudit standard.

81. – Il existe deux lectures possibles quant à la portée de l’obligation du traitement, ce

qui aura des effets juridiques importants sur son application. La première lecture rattache le fait générateur d’indemnisation due à l’investisseur étranger à une obligation de traitement qui s’appuie sur les standards minimums reconnus au droit international. Alors que selon la seconde lecture, la portée du principe du traitement juste et équitable, qui reste toujours objective, renverse aux notions de justice et d’équité par rapport aux circonstances de fait et en se référant au Traité international applicable en l’espèce. Or, la première lecture octroie une portée plus objective et prédéterminée à l’obligation du traitement, alors que la deuxième lecture est plus subjective puisque l’application dépendra surtout des dispositions du Traité applicable et des propres faits de l’espèce119.

82. – La portée plus subjective de l’obligation du traitement nous paraît plus opportune et

moins ambiguë. Une portée que les arbitres ont adoptée à plusieurs reprises. La sentence MTD contre le Chili en fait exemple en affirmant que ladite obligation doit être poursuivie conformément à l’objet indiqué au TBI applicable120. La même position a été adoptée par la sentence RFCC contre le Maroc en relevant aussi que la portée de l’obligation du traitement dépend des circonstances de fait ainsi que du TBI applicable121. Sachant que même en adoptant un aspect subjectif pour déterminer l’existence ou non d’une atteinte à l’obligation du traitement juste et équitable, l’indemnisation du préjudice n’est pas toujours garantie puisqu’elle est

118 V. par exemple, Enron Corporation Ponderosa Assets, L.P. c. République d’Argentine, CIRDI, affaire n˚

ARB/01/3, sentence rendue le 22 mai 2007, publiée au site officiel de ITA (version anglaise), para. 256 affirme que “ The Tribunal notes that the Respondent is right in arguing that fair and equitable treatment is a standard none too clear and precise (…)”.

119 V. Axelle Lemaire, Les Cahiers de l’Arbitrage, n˚ 2004/2, 2e partie, op. cit., pp. 39-40.

120 MTD Equity Sdn. Bhd. Et MTD Chili SA c. Chili, CIRDI, Affaire précitée n˚ ARB/01/7, sentence rendue le 25

mai 2004, para. 104.

121

Consortium RFCC c. Royaume du Maroc, CIRDI, Affaire précitée n˚ ARB/00/6, sentence rendue le 22 décembre 2003, para. 51, publiée au site officiel du CIRDI.

soumise, en tout cas au pouvoir discrétionnaire de l’arbitre. Dès lors, le caractère flou de l’obligation du traitement juste et équitable paraît clair122, avec, dans certains cas, une répercussion négative sur l’allocation d’indemnisation. On peut citer un exemple qui incarne ce cas en invoquant l’affaire récente de Vannessa123, dont la sentence a été rendue le 16 janvier 2013. Dans l’espèce, le Tribunal a refusé d’indemniser l’investisseur (le demandeur dans l’arbitrage) sur la base de la violation du principe du traitement juste et équitable en justifiant sa décision sur le fait que les actes commis par l’Etat ne remontaient pas au degré d’une telle violation conformément aux dispositions du TBI applicable.

PARAGRAPHE II. LE STANDARD DE L’EXPROPRIATION

83. – Les formes les plus courantes de l’expropriation procédée par l’Etat hôte contre les

investissements étrangers, consistent soit dans la prononciation d’une décision exécutive rendue par celui-ci (A), soit d’une décision judiciaire appartenant à cet Etat (B).

A. L’expropriation du fait d’une décision émanant de l’Etat hôte contractant

84. – On abordera d’abord, à ce stade, les effets négatifs émanant d’une telle décision

exécutive remontant au degré d’expropriation, qui consiste dans le fait de porter atteinte au contrat concerné (1). Ensuite, on mettra la lumière sur le caractère toujours conventionnel sur lequel une telle obligation d’expropriation peut être invoquée (2).

122 V. Roland Kläger, ‘Fair and equitable treatment’ in international investment law, UK : Cambridge University

Press, 2011, op. cit., pp. 45-47.

123

Vannessa Ventures Ltd c. la République de Venezuela, CIRDI, Affaire n˚ ARB (AF)/04/6, résumé de la sentence est disponible sur www.internationalarbitrationcaselaw.com, (consulté le 5 mars 2013), le site officiel de IACL.

Outline

Documents relatifs