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PARAGRAPHE II. L’INEXECUTION CONTRACTUELLE EN TANT QUE FAIT GENERATEUR PRIMORDIAL D’INDEMNISATION DANS LE CADRE D’UN

A. L’inexécution contractuelle par le débiteur : un fait générateur justifiant l’allocation d’une indemnisation intégrale par les arbitres

2. La mise en application par les arbitres du commerce international

139. – On exposera, dans ce qui suit, la pratique arbitrale (a) avant d’apporter notre

analyse critique en la matière (b). a. La pratique arbitrale

140. – Tant que le principe de bonne foi régit tout le cadre juridique des engagements

contractuels de chacun des contractants, les arbitres du commerce international peuvent toujours sanctionner fermement le dénouement intentionnel de l’une des parties de ses obligations contractuelles. Autrement dit, la mauvaise foi ici est de nature à intensifier la sanction de la simple inexécution contractuelle, ce qui permet aux arbitres de prononcer la résolution même du contrat. Il s’agit là de ce qu’on appelle l’« inexécution essentielle »209. La convention de Vienne a adopté une solution similaire en admettant la résolution du contrat en cas d’ « une contravention essentielle ». Prenons, par exemple, l’article 49 al. 1 (a)210 de la convention qui a donné à l’acheteur le droit de déclarer le contrat résolu si la violation contractuelle commise par

208

V. Philippe Rémy, Observations sur le cumul de la résolution et des dommages et intérêts en cas d’inexécution du contrat, Mélange 137, in Mélanges offerts à P. Couvrat, La sanction du droit, PUF, N˚ 16, Paris, 2001, p. 122.

209 Mireille Taok, La résolution des contrats dans l’arbitrage commercial international, thèse précitée, 2009, op.

cit., n˚ 266, p. 175.

210 L’article 49 al. 1 de la convention de Vienne dispose que « L’acheteur peut déclarer le contrat résolu : (a) Si

l’inexécution par le vendeur de l’une quelconque des obligations résultant pour lui du contrat ou de la présente convention constitue une contravention essentielle au contrat (…) ».

le vendeur constitue une contravention essentielle au contrat. Pareillement, le même droit a été reconnu pour le vendeur dans l’article 64 al. 1 (a)211 de ladite convention.

141. – La sentence arbitrale n˚ 76/1998 rendue en 1999, sous l’égide de l’Association

italienne de l’arbitrage,212 présente une illustration sur l’allocation d’indemnisation en cas d’inexécution contractuelle en décidant simultanément la résolution du contrat objet du litige. Il s’agissait d’un contrat de distribution exclusive conclu en 1995, alors que le distributeur, en 1998, a fait recours à l’arbitrage afin de résoudre le contrat pour inexécution et d’être indemnisé des préjudices subis. Afin de justifier sa demande, le demandeur a invoqué tous les éléments du manquement contractuel de la part de son cocontractant depuis 1997 comme les livraisons tardives, l’échec de la protection de la marque concédée et la récusation de recevoir les marchandises défectueuses rendues. Notons que le Tribunal arbitral s’est basé sur le fait de l’inexécution intentionnelle, ou la mauvaise foi dans l’exécution du contrat, en accueillant le seul argument de la non protection de la marque ouvrant la possibilité de la résolution dudit contrat conformément au droit italien applicable en l’espèce213. Et cela parce que le débiteur est supposé coopérer avec son cocontractant dans le but de la protection de la marque concédée214.

142. – Dans la même logique juridique, la sentence n˚ 273/1995 rendue en 1996, sous

l’égide de la Chambre de commerce de Zurich215 a adopté une position similaire. Il s’agissait, cette fois, d’un fournisseur russe (le défendeur dans l’arbitrage) engagé à fournir de la matière première aux deux entreprises demanderesses, hongroise et argentine, dont il est détenteur d’actions. En 1994, le défendeur a été privatisé, et le second demandeur et son partenaire coréen l’ont repris lors des enchères. Ensuite, le défendeur ne livrait plus de matière première aux demandeurs. Par conséquent, les demandeurs ont fait recours à l’arbitrage en demandant

211

L’article 64 al. 1 de la convention de Vienne dispose que « Le vendeur peut déclarer le contrat résolu : (a) Si l’inexécution par l’acheteur de l’une quelconque des obligations résultant pour lui du contrat ou de la présente convention constitue une contravention essentielle au contrat (…) ».

212 Sentence n˚ 76/1998 rendue le 28 novembre 1999, Italian Arbitration Association, Yearbook Commercial

Arbitration “YBCA”, 2000, p. 368.

213 Le Tribunal arbitral s’est basé sur l’article 1375 du Code civil italien qui exige l’exécution de bonne foi des

contrats.

214 Mireille Taok, La résolution des contrats dans l’arbitrage commercial international, 2009, op. cit., n˚ 279, p.

180.

215

Sentence n˚ 273/1995 rendue le 31 mai 1996, Zurich Chamber of Commerce- Switzerland, Yearbook Commercial Arbitration “YBCA”, 1998, p. 128.

l’exécution en nature du contrat et subsidiairement des indemnisations des préjudices subis en raison de l’inexécution de l’obligation contractuelle en l’espèce. Le Tribunal arbitral a refusé l’exécution en nature, par contre, il a décidé de mettre fin au contrat en accueillant la demande d’indemnisation du préjudice216.

b. Analyse critique

143. – D’après l’illustration précédente sur l’inexécution des obligations contractuelles en

tant que fait générateur d’indemnisation du préjudice dans l’arbitrage commercial international, il est important de relever ce qui suit :

144. – Dans une première hypothèse, où il s’agit d’une simple inexécution contractuelle,

la réponse ne serait pas compliquée. L’allocation des dommages-intérêts en tant que contrepartie de cette faute contractuelle paraît être une solution évidente.

145. – Alors que dans une deuxième hypothèse, où il s’agit d’une inexécution essentielle,

le problème s’accentue. Là, on se trouve dans une situation d’une inexécution grave ou intentionnelle avec laquelle le sort de l’engagement contractuel sera en danger. Dans ce cas, il est très important d’envisager les deux solutions juridiques suivantes :

La première solution consiste en l’exécution forcée du contrat par le Tribunal arbitral, comme ce fut le cas dans l’affaire 273/1995 précitée217, afin de maintenir l’engagement contractuel existant en prenant en compte toutes les mesures nécessaires pour réparer les préjudices de la partie lésée en vertu de l’inexécution contractuelle.

D’un coté, cette solution paraît, de prime abord, juste et adéquate tant sur le plan juridique qu’économique. Sur le plan juridique, cette solution pourrait être satisfaisante pour les parties contractantes aux litiges, notamment parce qu’elle est prise, en principe, dans l’intérêt de la partie lésée de poursuivre le contrat tout en respectant les engagements contractuels prévus.

216

Mireille Taok, 2009, op. cit., n˚ 280, pp. 180-181.

Sur le plan économique, une telle solution s’avère intéressante puisqu’elle encourage la stabilité des relations contractuelles, ce qui influence positivement l’économie du marché et rend fiable les transactions du commerce international afin de ne pas les rendre inintéressantes pour les agents du commerce.

De l’autre coté, cette solution s’avère toutefois difficile à adopter. D’une part, quand l’inexécution contractuelle atteint un certain degré de gravité, il ne sera pratiquement pas possible de maintenir le contrat, notamment quand il s’agit d’un défaut de loyauté ou de confiance entre les parties contractantes. D’autre part, les arbitres de commerce international se méfient souvent de prononcer l’exécution forcée du contrat puisqu’une telle solution risque de voir la sentence arbitrale ne pas être exécutée dans le pays de l’exécution de ladite sentence. Ce qui fait de l’exécution forcée du contrat une solution rarement prévue par les arbitres218. Donc, le sujet de l’exécution de la sentence arbitrale préoccupe les arbitres en premier lieu afin de rendre une sentence efficace219, ce qui rend les arbitres plus favorables envers l’allocation des dommages-intérêts avec la résolution du contrat.

La seconde solution consiste en la prononciation par le Tribunal arbitral de la résolution du contrat ou l’approbation de la résolution effectuée par la partie lésée de l’inexécution, en considérant que la rupture du contrat a été bien fondée. Dans ce cas, comme déjà indiqué, rien n’empêche l’allocation des dommages-intérêts avec la résolution contractuelle.

218 Pour un exemple pratique de la non prononciation de l’exécution forcée par les arbitres de commerce

international, v. la l’affaire 273/1995 précitée. Dans laquelle le Tribunal n’a pas décidé l’exécution forcée du contrat malgré qu’elle était la demande principale de la partie demanderesse, et, plus particulièrement, nonobstant la tendance arbitrale en faveur de la sauvegarde de la relation contractuelle d’un coté, et la possibilité juridique de décider l’exécution forcée du contrat en l’espèce puisque le droit russe applicable le permet en vertu de la Convention de Vienne, faisant partie dudit droit, qui permet au Tribunal d’imposer l’exécution forcée du contrat. A ce propos, l’article 46 de la Convention de Vienne prévoit que : « l’acheteur peut exiger du vendeur l’exécution de ses obligations, à moins qu’il ne soit prévalu d’un moyen incompatible avec cette exigence ». V. dans ce sens, Mireille Taok, 2009, op. cit., n˚ 281, p. 181.

219 V. par exemple les sentences : CCI n˚ 8365/1996, JDI, 1997, p. 1078, obs. J.-J. Arnaldez ; CCI n˚ 8501/1996,

JDI, 2001, pp. 1164-1171, spéc. pp. 1170-1171, obs. E. Jolivet ; Sentence n˚ 2455, rendue le 9 février 1988, Society of Maritime Arbitrators, Yearbook Commercial Arbitration “YBCA”, 1990, p. 103 ; CCI n˚ 4761/1987, Recueil des sentences arbitrales de la CCI, Vol. II, pp. 302, 519, JDI, 1987, p. 1012, obs. S. Jarvin.

146. – De tout ce qui précède, il est ainsi clair que l’inexécution contractuelle est un fait

générateur principal d’indemnisation du préjudice, quelle que soit la gravité de l’inexécution établie.

147. – Conclusion. – Il était important de soulever le fait de la résolution du contrat par

la partie lésée puisqu’il est bien attaché au sujet de l’indemnisation du préjudice dans le cas de l’inexécution contractuelle. Plus particulièrement, parce que la résolution du contrat mal exécutée nous conduira à mettre la lumière sur d’autres règles à respecter par ailleurs, de la part de la partie lésée mettant fin au contrat, et dont le non respect affecterait l’indemnisation intégrale de ses préjudices.

B. Les incidences restreignant l’allocation d’une indemnisation intégrale en cas

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