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La mise en œuvre de l’indemnisation compensatoire par les arbitres internationau

PARAGRAPHE I. LES FORMES D’INDEMNISATIONS RETENUES DANS LA JURISPRUDENCE ARBITRALE INTERNATIONALE

B. L’indemnisation compensatoire

1. La mise en œuvre de l’indemnisation compensatoire par les arbitres internationau

360. – Il est utile de souligner comment l’indemnisation compensatoire constitue un

mode privilégié de réparation (a), avant d’aborder, techniquement, comment le système de

discounted cash flow peut constituer une méthode appropriée pour l’évaluation de

l’indemnisation (b).

a. L’indemnisation compensatoire en tant que mode privilégié de réparation

361. – L’indemnisation pour violation contractuelle est fréquemment effectuée sous

forme compensatoire ou pécuniaire. Cette solution apparaît dans la plupart des législations nationales sur les contrats, ainsi que selon la codification des articles de la Commission de droit international “CDI”568. On peut trouver alors que l’indemnisation compensatoire est le mode de réparation couramment utilisé par les arbitres internationaux. Dans le domaine des litiges arbitraux d’investissement l’importance de la réparation indemnitaire s’accentue en raison de la grande difficulté pratique de remettre les choses en l’état569.

567 V. Franck Latty, Arbitrage transnational et droit international général, AFDI, Paris, 2008, p. 499. 568

V. M. Ball, Assessing damages in claims by investors against States, ICSID Rev., Vol. 16, 2001, p. 408.

362. – Dès lors, une indemnisation pécuniaire sera la bonne solution dans ce cas.

L’affaire National Grid570, dont la sentence a été rendue en 2008, nous montre un exemple fréquent concernant la méthode d'évaluation des quantum de l’indemnisation due. En l’espèce, le Tribunal arbitral devait évaluer le montant d’indemnisation dans le cadre du manquement du demandeur de son obligation du traitement juste et équitable, ainsi que de celle de sécuriser et de protéger l’opération d’investissement objet du litige, et cela en prenant en compte l’effet de la situation de la crise économique pendant cette période en Argentine571. Le choix de la méthode qui devait être employée pour le calcul de l’indemnisation du préjudice n’était pas simple, en raison, notamment, de l’existence de plusieurs méthodes d’évaluation valables. Le Tribunal devait choisir une méthode d’évaluation parmi le « book value », « asset value or replacement

cost », « comparable transaction value », « opinion valuation » et le « discounted cash flow “DCF” » 572. Il a fait prévaloir l’adoption de cette dernière méthode d’évaluation qui représente l’actualisation des fonds de trésorerie. Cette méthode de calcul ayant pour effet d’aboutir à une évaluation réaliste de la valeur économique de l’opération d’investissement objet du litige, et cela en s’appuyant sur le flux de valeur qu’une telle opération peut générer dans le temps d’une manière opérationnelle573. Sachant que d’après cette méthode de DCF, les arbitres internationaux peuvent prendre en considération tant les pertes effectivement subies au moment de la survenance de l’acte illicite que le manque à gagner consistant dans l’atteinte à l’opération d’investissement objet du litige574. De cette manière, l’indemnisation du préjudice peut effectivement inclure le damnum emergens et le lucrum cessans conformément à l’application classique du principe général de l’indemnisation intégrale du préjudice. Ainsi, le Tribunal en l’espèce a pu accorder au demandeur une indemnisation de ces chefs de préjudices d’une somme de 53 592 439,25 dollars américains.

570 National Grid P.L.C. c. Argentine, CNUDCI, sentence rendue le 3 novembre 2008, (version anglaise) publiée au

site officiel de ITA, (consulté le 8 avril 2013).

571 Ibid., para. 274. 572 Ibid., para. 275.

573 Ibid., para. 276 « The DCF method, while not without its drawbacks, has the advantage of realistically assessing

the economic value of a going concern by relying on the stream of value that it can generate over its operative life (…) ».

b. Le « discounted cash flow » en tant que méthode appropriée pour l’évaluation de l’indemnisation

363. – En effet, la méthode DCF est jugée appropriée pour évaluer la juste valeur du

marché « the fair market value ». Il est important à souligner, d’après l’illustration précédente, que la bonne application de la méthode de calcul DCF exige que l’opération d’investissement, objet du litige, ait une histoire de succès efficace afin de bien évaluer le préjudice réel subi.

364. – Il s’avère clairement que les arbitres internationaux recourent souvent à la

méthode du DCF, bien qu’elle ne soit pas dotée d’une application générale dans la jurisprudence arbitrale internationale, pour le calcul des dommages-intérêts dus à la partie lésée. On peut en trouver un exemple dans l’affaire Rumeli575, dont la sentence a été rendue en 2008, dans laquelle le Tribunal a fait prévaloir la méthode de DCF dans le cadre de l’évaluation des quantum du préjudice subi dans le cas en l’espèce, où il s’agissait d’une expropriation d’actions dans le cadre d’investissement consenti. Afin de justifier le recours à une telle méthode de calcul, le Tribunal a relevé les directives de la Banque mondiale concernant le traitement de l’investissement étranger direct. D’après ces directives, l’indemnisation sera jugée adéquate lorsqu'elle est basée sur la juste valeur du marché du bien exproprié576. Il est important de noter que le Tribunal, en l’occurrence, a fait prévaloir les dispositions des directives de la Banque mondiale en se référant à la juste valeur du marché « fair market value » pour procéder à l’évaluation du préjudice résultant de l’expropriation établie, et cela malgré que le TBI applicable exprime, pour la même fin, l’expression de la valeur réelle du marché « real value »577. En suivant cette méthodologie de l’évaluation du préjudice, le Tribunal a accordé au demandeur en l’espèce une indemnisation d’une somme de 125 000 000 de dollars américains. Une telle indemnisation a été considérée par le Tribunal comme adéquate pour réparer le préjudice résultant de l’expropriation, et que celle-ci a pour effet de réparer intégralement le préjudice causé par les faits internationalement illicites

575 Rumeli Telekom A.S. et Telsim Mobil Telekomunikasyon Hizmetleri A.S. c. Kazakhstan, CIRDI, affaire n°

ARB/05/16, sentence rendue le 29 juillet 2008, (consulté le 10 avril 2013), publiée au site officiel du CIRDI.

576 Ibid., para. 801 (version anglaise) « The Tribunal has considered in this connection the World Bank Guidelines

on the Treatment of the Foreign Direct Investment, 1992. Guideline IV contains the followings remarks: « “(…) 3. Compensation will be deemed adequate if it is based on the full market value of the taken asset (…)” ».

commis par l’Etat contractant578. En somme, on peut relever la pratique fréquente de la méthode

DCF dans l’arbitrage commercial international dans le cadre du calcul de l’indemnisation du

préjudice579.

365. – On peut déduire aussi le recours des arbitres transnationaux à la méthode de calcul

de DCF en tant que mode privilégié de l’évaluation d’indemnisation, en prenant en considération la référence au prix du marché dans le cadre de ce processus d’évaluation580.

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