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Le courant juridique minoritaire accueillant le fait de l’allocation d’indemnisation en l’absence du préjudice

PARAGRAPHE I. LE CAS DE L’INEXECUTION DU CONTRAT

A. La position juridique adoptée en droit français

2. Le courant juridique minoritaire accueillant le fait de l’allocation d’indemnisation en l’absence du préjudice

177. – On présentera d’abord une démonstration de la controverse illustrant la position de

ce courant minoritaire (a), avant d’apporter une analyse critique sur cette controverse existante (b).

a. La démonstration de la controverse

178. – L’indemnisation en l’absence du préjudice en droit français. – Selon un

deuxième courant doctrinal, la responsabilité peut s’établir par le seul fait de l’inexécution contractuelle par le débiteur. Il ne sera pas nécessaire d’établir en plus l’existence du préjudice, du fait que l’élément du préjudice se considère déjà inclus dans l’inexécution252.

250

V. J. Flour, J.-L. Aubert et E. Savaux, Droit civil, Les obligations, 3. Le rapport d’obligation, 7eme éd. Dalloz, 2011, op. cit., p. 198.

251 Cass. Civ. 3e, 5 juin 1973, Bull. civ. III, n˚ 406 ; Cass. Civ. 3e, 5 mai 1976, JCP, IV, 211 ; Cass. Civ. 1ere, 26

février 2002, Bull. civ. I, n˚ 68 ; RTD civ., 2002, p. 809, obs. J. Mestre, B. Fages.

252 J. Carbonnier, Droit civil, Paris : PUF, 2004, p. 2187 ; Ch. Radé, Droit à réparation, Conditions de la

responsabilité contractuelle, Dommage, Juris-cl. Responsabilité civile, op. cit., para. 7 ; Marianne Faure Abbad, Le fait générateur de la responsabilité contractuelle, 2003, op. cit., p. 203.

Par ailleurs, le Code civil français n’as pas fait une référence explicite à l’exigence du préjudice pour l’allocation des dommages-intérêts. L’article 1147 du Code civil253 ne prévoit pas la survenance d’un préjudice comme condition de la réparation dans le cadre de sa disposition concernant les dommages-intérêts résultant de l’inexécution de l’obligation. En outre, la doctrine en faveur de la non exigence du préjudice pour l’allocation des dommages-intérêts se prévaut aussi des dispositions de l’article 1145 du Code civil qui aborde l’obligation de ne pas faire, en disposant que : « Si l'obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages et intérêts par le seul fait de la contravention »254.

179. – La jurisprudence favorable à l’allocation d’indemnisation en l’absence du préjudice. – L’arrêt Balmont fait un exemple exprès de la non exigence du préjudice pour

octroyer indemnisation. L’inexécution contractuelle est suffisante en elle même pour justifier le droit à la partie lésée d’être indemnisée. Dans cet arrêt, le propriétaire a formé une demande reconventionnelle contre ses locataires pour l’inexécution de leurs obligations contractuelles consistant dans le fait des réparations locatives. La Cour de cassation lui a donné droit de sa demande malgré la constatation d’aucun préjudice subi de ce fait, notamment après la vente de l’immeuble, en disposant que : « l’indemnisation du bailleur en raison de l’inexécution par le preneur des réparations locatives prévues au bail n’est subordonnée ni à l’exécution de ces réparations, ni à la justification d’un préjudice »255. Il est patent alors, d’après cet arrêt remarquable de la Cour de cassation, que le préjudice n’est pas exigé afin de décider sur les dommages-intérêts.

La Cour de cassation a réaffirmé la même position dans un arrêt rendu en 2005 en constatant que « si l’obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages- intérêts par le seul fait de la contravention »256. Encore suivant la même logique juridique, l’arrêt

253 L’article 1147 du Code civil français dispose que : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de

dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ».

254 Ch. Radé, Droit à réparation, Conditions de la responsabilité contractuelle, Dommage, Juris-cl. Responsabilité

civile, op. cit., para. 7.

255 Civ. 3eme, 30 janvier 2002, Bull. civ. III, n˚ 17 ; Les Petites Affiches, 18 novembre 2002, n˚ 230, p. 10 ; RTD Civ.,

2002, p. 321, obs. P.-Y. Gautier, et 816, obs. Jourdain, Dr. et patrimoine, 2003, n˚ 111, obs. F. Chabas.

256

Civ. 1re, 10 mai 2005, Bull. civ. I, n˚ 201, RTD civ. 2005, 594, obs. Mestre et Fages, 600, obs. Jourdain, JCP, 2006, I, 111, obs. Stoffel-Munck. Par contre, il est à noter que la même chambre civile avait adopté une position

rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation en 2007257 vient casser un arrêt rendu par la Cour d’appel qui a constaté l’existence de faute, mais elle a refusé l’allocation des dommages-intérêts, en violation de l’article 1145 du Code civil, en raison que la faute commise n’avait pas engendré un préjudice en l’espèce. De ce fait, la Cour de cassation a cassé cette décision258. Dans le même ordre d’idées, la première chambre civile de la Cour de cassation, dans l’arrêt rendu le 3 juin 2010, a pu constater que « le manquement au devoir d’information médicale cause un préjudice qui doit être réparé »259. Une telle position juridique a été néanmoins critiquée pour éviter une allocation des dommages-intérêts automatiques en cas d’une obligation de ne pas faire. Selon cette opinion juridique, il est important d’appliquer les règles de la responsabilité civile avec souplesse. Pourtant, l’exclusion de la condition de l’exigence du préjudice pour la réparation doit être examinée selon divers facteurs, comme la gravité de la faute du débiteur ou la difficulté d’établir le préjudice par la partie lésée260.

b. Analyse critique sur la controverse existant

180. – La résidence de la controverse dans l’élément de preuve. – Il est important de

noter que la divergence sur l’exigence du préjudice afin de procéder à l’indemnisation est, d’après certains auteurs, une question de forme et non pas de fond. Dans cette logique, la controverse consiste alors dans le fait soit d’apporter la preuve du préjudice en sus de l’inexécution contractuelle pour les auteurs qui sont favorables à l’exigence du préjudice pour la réparation261, soit de considérer le préjudice comme étant déjà impliqué dans l’inexécution selon leurs adversaires. Ce qui a amené certains auteurs à constater que la vérité de la controverse consiste dans l’élément de preuve. En somme, le préjudice reste alors un élément essentiel de

contraire sur la même question dans un arrêt rendu trois ans plus tôt : Civ. 1re, 26 février 2002, Bull. civ. I, n˚ 68, RTD civ. 2002, 809, obs. Gautier.

257 Civ. 1re, 31 mai 2007, Bull. civ. I, n˚ 212, D. 2007, 2784, note Lisanti et Pan, 2974, obs. Fauvarque-Cosson, RTD

civ. 568, obs. Fages, et 776, obs. Jourdain, JCP 2007, I, 185, obs. Stoffel-Munck.

258

V. J. Flour, J.-L. Aubert et E. Savaux, Droit civil, Les obligations, Le rapport d’obligation, 7eme éd. Dalloz, 2011, op. cit., p. 197.

259 Cass civ. 1re, 3 juin 2010, n˚ 09-13.591, Bull. Civ. 2010 I, n˚ 128 ; RTD Civ. 2010, pp. 571-575, obs. Patrice

Jourdain ; D. 2010, pp. 1522 et s., note Pierre Sargos.

260 Suzanne Carval, Contrats et responsabilité. Violation d’une obligation de ne pas faire et dommages-intérêts

“automatiques” – Cass. 1re civ., 14 oct. 2010, n˚ 09-69928, RDC, 2011/2, pp. 452-454.

l’indemnisation, peu importe qu’il soit présumé par l’inexécution ou qu’il ait besoin d’être prouvé séparément262.

181. – Vision critique. – Après l’illustration des positions discordantes adoptées par la

jurisprudence française concernant le sujet de l’exigence ou non du préjudice pour l’allocation d’indemnisation, on peut relever ce qui suit :

En partageant la logique juridique suivie par la jurisprudence accueillante de l’allocation d’indemnisation en l’absence du préjudice, notamment la position du célèbre arrêt Balmont263, il nous parait que cette décision démonte la solution adoptée par certains auteurs qui constatent que le préjudice est exigé dans tous les cas. Nous pensons qu’il est toujours important de sanctionner la violation contractuelle dans le but de défendre le droit, et cela sans entrer dans le débat vif tentant de justifier l’exigence ou non du préjudice pour l’indemnisation sur le fondement de l’article 1145 du Code civil264. De ce fait, la partie lésée de l’inexécution du contrat de la part de son cocontractant ou du manquement de ce dernier à ses obligations contractuelles aura toujours le droit d’être indemnisée de la perte de certains droits qui leurs étaient acquis.

Pour conclure, la responsabilité peut s’établir, en principe, par la faute du débiteur qui avait causé un préjudice à son cocontractant. Toutefois, dans le cas de l’inexécution contractuelle le préjudice subi peut toujours être présumé du fait de la violation du droit de la partie lésée.

262 V. parmi autres, Marianne Faure Abbad, Le fait générateur de la responsabilité contractuelle, 2003, op. cit.,

p.°203.

263 Arrêt précité. 264

En ce qui concerne le sujet de l’exigence du préjudice pour l’allocation des dommages-intérêts, le conflit peut être résolu en se référant à l’article 1145 du Code civil qui aborde l’obligation de ne pas faire. A cela, s’il s’agit d’une obligation de ne pas faire conformément à l’article 1145 précitée, la partie lésée de l’inexécution contractuelle peut être indemnisée du seul fait de l’inexécution. (Par exemple, Civ. 1re, 14 octobre 2010, RTD civ. 2010, 781, obs. Fages) En revanche, s’il ne s’agit pas d’une obligation de ne pas faire, la partie lésée ne peut être indemnisée qu’en prouvant un préjudice subi. V. en ce sens, J. Flour, J.-L. Aubert et E. Savaux, Droit civil, Les obligations, Le rapport d’obligation, 7eme éd. Dalloz, 2011, op. cit., p. 198.

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