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Les mots pour définir la famille

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 29-32)

I NTRODUCTION DE LA PREMIERE PARTIE

1. D E LA FAMILLE TRADITIONNELLE A LA FAMILLE CONTEMPORAINE

1.1. La famille, une institution en évolution

1.1.3. Les mots pour définir la famille

« La « famille » est objet de controverses » (David, Quintin, Séchet, 2002, p.250). Il est difficile de définir la famille tant ses transformations depuis les années 1970 sont profondes. La sociologue canadienne Renée B. Dandurand (Dandurand, 1990b, p.49) pose ainsi la question :

« peut-on encore définir la famille ? » Puisqu’il s’agit d’un concept évolutif qui ne saurait être cerné par une seule approche scientifique, comment en délimiter précisément les contours ?

La notion de famille n’est pas définie par le Code civil5 en France et elle recouvre des réalités différentes selon les pays, les catégories statistiques et les institutions. Néanmoins, la volonté d’une « harmonisation » des statistiques autorise une certaine cohérence des définitions, notamment à l’échelle européenne. Le service statistique de la Commission européenne (Eurostat) encourage l’adoption de définitions de la famille aussi proches que possible de celles proposées par l’ONU en 1978 : « pour le recensement, la famille sera définie au sens étroit de noyau familial » (David, Eydoux, Ouallet, Séchet, 2003, p.6). Toutes les définitions statistiques de la famille, au sens restrictif de noyau familial et non au sens large de parenté, s’accordent sur le fait qu’une famille peut être formée d’un couple sans enfant, d’un couple avec enfant(s) ou d’un parent sans conjoint et de son(ses) enfant(s) (famille monoparentale).

C’est l’idée de famille nucléaire, composée de parents et d'enfants, qui aide à définir le concept statistique de famille.

La définition de la « famille » adoptée dans la présente thèse est celle de l’Institut national de la statistique et des études économiques6, soit « la partie d'un ménage comprenant au moins deux personnes et constituée, soit d'un couple marié ou non, avec ou sans enfants, soit d'un adulte avec un ou plusieurs enfants. Les enfants doivent résider avec leur(s) parent(s), être célibataires, ne pas vivre eux-mêmes en famille, c’est-à-dire n’avoir ni conjoint, ni enfant dans le ménage » (Insee, définitions). Dans le cas des familles nombreuses et des familles monoparentales, une limite d’âge est parfois fixée. En effet, jusqu'au recensement de 1982, les enfants devaient être âgés de moins de 25 ans. Depuis, les « enfants » sont comptabilisés sans limite d'âge. Selon l’Insee, la famille est un concept multiforme qui prend en compte la conjugalité, la fraternité et la filiation. Au contraire, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ne prend pas en référence la parentalité. La famille est définie comme « tout foyer comportant un ou plusieurs adultes et assumant la responsabilité de la garde et de l’entretien d’un ou de plusieurs enfants » (OCDE, 2009).

Les théories durkheimiennes basées sur l’atomisation des groupes familiaux expliquent l’augmentation des situations d'isolés qui légitiment le déclin de l'institution familiale comme instance d'intégration. La logique qui préside à la fondation des familles est alors la recherche de la satisfaction des besoins psychologiques pour chaque membre du couple. La qualité des relations interpersonnelles est plus valorisée que la pérennité du groupe familial.

Dès lors, s’impose une définition de la famille plus en phase avec le contexte contemporain

5 L’article 213 affirme seulement que « les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l’éducation des enfants et préparent leur avenir » (Code civil, Art. 213).

6 La notion de « famille » fut introduite à partir du recensement de 1968, remplaçant les notions de « noyau familial principal» et de « noyau familial secondaire » utilisées depuis 1954 (Insee, définitions).

et l’évolution des sociétés occidentales : « la famille, d’un ensemble de droits et devoirs collectifs, devient plus, dans une conception dite post-matérialiste, un environnement pour la promotion des droits individuels et de l’autonomie personnelle. La priorité est moins mise sur la sécurité matérielle du foyer que sur l’expression de soi, le sentiment de bien-être et la qualité de la vie » (Damon, 2006, p.8). De cette manière, l’espace familial est considéré comme le lieu d'expression privilégié du repli individualiste.

Cependant, l’individualisation croissante n’est pas non plus synonyme de fin des solidarités.

Les familles ne sont pas « mortes » comme certains sociologues l’ont laissé pressentir. Il suffit d’observer les échanges et les solidarités intergénérationnelles qui se déploient sur les plans affectif, matériel et financier pour se persuader de leur vitalité7. La famille demeure fortement valorisée en tant que lieu d’échange, de confiance réciproque et d’espace identitaire. La famille a une fonction affective d’autant plus forte que c’est la seule dimension que l’on lui attribue réellement : « s’il est vrai que la famille tend à se décliner en une constellation de mots et de qualificatifs (famille éclatée, famille incertaine, familles monoparentales, familles recomposées), elle reste néanmoins un référent puissant » (Hantrais, Letablier, 1996, p.46). Les fonctions affectives et économiques de la famille demeurent importantes malgré ces changements structurels et conjoncturels considérables (Dandurand, 1990b).

Les redéfinitions de la structure familiale n’ont jamais cessé, parallèlement à l’avènement d’un pluralisme de modèles familiaux. La réduction de la taille moyenne des familles traduit cette évolution récente du cadre familial en France, c’est à dire l’éclatement des groupes domestiques complexes en plusieurs ménages. Exposer avec excès cette diversité stigmatise inutilement les crises de la famille contemporaine. L’utilisation du vocable « famille » induit alors une prise en compte globale de la vie familiale, des bouleversements qu’elle subit, et ce, au sein de temporalités de plus en plus courtes. En effet, la sociologie de la famille considère que le couple cesse d'être essentiel à la définition de la famille. C’est maintenant moins le mariage que les enfants qui marquent la fondation d'une famille (Dandurand, 1990a). Face aux transformations de la vie familiale, l’enfant apparaît comme la seule réalité pérenne : alors que « naguère, c’était le mariage qui était un préalable nécessaire à la constitution de la famille, c’est aujourd’hui essentiellement la présence d’enfants qui remplit cette fonction » (Bloche, 2006, p.42). Au plan des concepts, cela signifie que la notion de

« famille » s’étend à l’ensemble du réseau familial issu du passé conjugal des parents. Par

7 En 2006, 92% des Français affirment que l'entraide familiale est importante, 82% entre frères et sœurs, 81% entre grands-parents et petits-enfants - Enquête IPSOS pour la délégation interministérielle à la famille, avril 2006

exemple, la famille « recomposée » ne se définit pas exclusivement en fonction du noyau résidentiel, mais inclut les enfants nés d’unions antérieures vivant ailleurs, dont les parents qui recréent une nouvelle famille « intacte » demeurent responsables et avec lesquels ils entretiennent des liens.

Aujourd’hui, les chercheurs et théoriciens se sont affranchis du modèle fonctionnaliste et proposent de nouvelles conceptualisations de la famille prenant en compte la diversité des formes familiales. La famille est de plus en plus un choix et de moins en moins une figure imposée, il n'en existe pas de modèle unique mais des configurations différentes. Entre la

« famille souche », qui prédominait naguère et la « famille incertaine », la pluralité des formes intermédiaires qui s’observent aujourd’hui se traduit par une grande diversité des structures familiales. Les familles dites « alternatives » (recomposées, monoparentales, homosexuelles) aspirent à être des familles comme les autres, ce que beaucoup contestent

« au nom de leur propre conception de ce qu’est et doit être une famille » (Déchaux, 2007, p.3). Au cours de cette étude, nous montrerons en substance pourquoi les familles monoparentales doivent être pensées comme les autres.

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