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La coparentalité remise en question par le changement familial

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 77-80)

I NTRODUCTION DE LA PREMIERE PARTIE

NOUVELLE CATEGORIE FAMILIALE

4. L’ ACTION PUBLIQUE A L ’ EGARD DES FAMILLES MONOPARENTALES

4.2. Un aperçu du cadre juridique des familles monoparentales

4.2.1. La coparentalité remise en question par le changement familial

La loi du 4 mars 2002 autorise la résidence alternée qui consiste en une résidence partagée des enfants au domicile de chacun des parents à l’issue d’une séparation. Elle consacre la parité de l’homme et de la femme dans l’exercice de l’autorité parentale : « la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’entre eux » (article 372-2-9). Autrefois, le divorce impliquait nécessairement de désigner le foyer où allait résider l'enfant après le divorce. Dans l’intérêt de l’enfant, le juge aux affaires familiales peut parfois confier l’autorité à un seul des deux parents. L’autre parent conserve néanmoins différents droits : droit de visite et d’hébergement, droit de correspondance. Le rythme de cette alternance est variable tout comme l’est le recours à une

décision de justice pour les parents non mariés. Bien souvent, en cas d’accord à l’amiable, le juge fixe la résidence de l’enfant selon le bon vouloir des parents. Toutefois, celui-ci reste libre de ne pas ordonner la résidence alternée si l’intérêt de l’enfant n’est pas assuré. En cas de désaccord, le juge décide de l’imposer ou non après une mesure d’investigation.

La part des enfants faisant l’objet d’une résidence alternée par décision judiciaire est de 11,7% des cas en 2005. Dans 80% des cas, les demandes de résidence en alternance sont réalisées conjointement par les parents. Les enfants concernés par une résidence en alternance sont en majorité de jeunes enfants : trois sur quatre ont moins de 10 ans en 2005 (Sénat, 2007). La résidence des enfants est fixée chez la mère dans 78% cas. Cela concerne surtout les enfants en bas âge : 95,1% des enfants âgés de moins d’un an et seulement 72%

des enfants de quinze ans et plus. La résidence des enfants est fixée chez le père dans 10,3%

des cas. Cette proportion augmente fortement avec l’âge. Elle passe de 6% lorsque les enfants ont moins de cinq ans à environ 20% pour les enfants âgés de seize ans et plus (figure 11).

Figure 11 – Répartition des enfants selon le mode de résidence à chaque âge en 2005 (en %)

Source : Sénat, « La résidence alternée : une journée d'auditions publiques pour évaluer la loi du 4 mars 2002 », Rapport d'information, n° 349, déposé le 26 juin 2007, 129 p.

Les difficultés inhérentes à l’exercice de la coparentalité alimentent le débat sur les conséquences de la résidence alternée sur l’équilibre de l’enfant. A la fin des années 1990, Françoise Dolto écrivait : « lorsqu’il est petit, un enfant ne peut pas supporter la garde alternée sans rester flou dans sa structure, jusqu’à, éventuellement, se dissocier au gré de la sensibilité de chacun » (Dolto, 1988, p.70). La délégation du Sénat aux droits des femmes de

2006 (Gautier, 2006, p.132) évoque les inconvénients de la résidence alternée dans son rapport sur les « nouvelles » familles. Le risque de déstabilisation de l’état psychologique des enfants, surtout ceux en bas âge, est important, notamment à cause du doublement du lieu de résidence et du cadre de vie. Or, aucune condition d’âge n’est instaurée à l’heure actuelle.

De plus, le choix à l’amiable d’un tel mode de fonctionnement malgré la poursuite du conflit parental favorise les risques de troubles psychologiques de l’enfant. Selon la sociologue Sylvie Cadolle, il semble que la résidence alternée soit une solution provisoire « pour faire transition avec la famille antérieure mais qu’elle soit abandonnée par les parents au fil des années soit parce que l’un des deux veut s’éloigner géographiquement ou veut revivre en couple, soit que les enfants se plaignent de l’inconfort des allers-retours » (Cadolle, 2005, p.143). En effet, elle condamne souvent l’un des deux parents à rester sous la dépendance de l’autre, ce qui peut user physiquement et psychiquement les parents et leur enfant.

Cependant, la résidence alternée est aussi perçue comme un moyen de sauvegarder les liens entre l’enfant et ses deux parents : elle est le meilleur moyen pour assurer un

« rééquilibrage» entre l’ancien couple parental. La séparation des parents engendre un traumatisme inévitable. Si les relations sont saines et consolidées, le risque de troubles psychologiques chez les enfants s’en trouve réduit.

De nombreux travaux de recherche explorent les conséquences néfastes d’une désunion sur le devenir de l’enfant (Kot, Shoemaker, 1999 ; Mucchielli, 2001). La résidence alternée est ainsi au centre du débat social de ces dernières années et notamment parce qu’une garde alternée suppose une parfaite entente du couple. Ainsi, une enquête récente de la Caisse Nationale des Allocations Familiales (CNAF) réalisée entre Septembre 2007 et Juillet 2008 définit l’organisation pratique de la garde alternée selon trois types de coparentalité bien différents (Brunet, Malsan, Kertudo, 2008) :

• la « coparentalité associative » : un accord et une entente sont recherchées par les deux parents et ce, à tous les niveaux d’éducation de leur(s) enfant(s) (règles usuelles, choix importants). L’enfant est au centre des préoccupations. Les relations sont amicales et se caractérisent par une grande flexibilité de la garde, des rencontres fréquentes, de l’entraide.

• la « coparentalité tolérante » : les relations sont essentiellement centrées sur les enfants.

Elles sont moins fréquentes, de circonstance. L’entente est recherchée uniquement sur les décisions importantes. Cela n’empêche pas une relative souplesse de la garde et

une entraide, si celle-ci elle est occasionnelle. Les désaccords se font de manières ponctuelles et concernent essentiellement le partage des frais.

• la « biparentalité » : la coparentalité est inexistante. Les contacts entre les deux parents sont évités car sources de conflits. Les règles éducatives des enfants sont différentes.

L’entente concerne uniquement les modalités de circulation des enfants.

Le sociologue Gérard Neyrand a bien conscience des inconvénients de la résidence alternée, davantage pour les parents que pour les enfants (maintien des liens avec l’ancien conjoint, difficultés matérielles). Malgré tout, pratiquée dans de bonnes conditions, « elle permet de réaliser pour certains parents une gestion optimale des tensions pouvant exister entre leur parentalité, leur conjugalité et leur individualité, en évitant que ces tensions n’en arrivent à se retrouver en positions contradictoires et produisent – en supplément aux conflits conjugaux – des conflits intra-psychiques, qu’une autre solution rendraient insolubles et amènerait à refouler » (Neyrand, 2005, p.56). La notion d’égalité est le principe clé dans la mise en œuvre d’une résidence alternée. C’est pourquoi la grande majorité des parents choisissent un rythme d’alternance hebdomadaire sans vraiment prendre en compte l’organisation pratique que suppose un tel rythme de vie pour eux-mêmes et leur(s) enfant(s) : « les parents qui ont opté pour la résidence en alternance de leurs enfants semblent vouloir se rapprocher d’un idéal de partage égalitaire et d’équilibre en tous points.

Et c’est ce modèle de parité qui tend à gouverner la plupart de leurs décisions » (Brunet, Kertudo, Malsan, 2008, p.86). Cependant, la représentation de ce que doit être une garde partagée ainsi que les impératifs pratiques font que la résidence alternée n’est pas vécue par tous les parents isolés de la même manière. Il s’agit d’un équilibre fragile pouvant être remis en question par l’avancée en âge des enfants et l’évolution de la vie affective des deux parents.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 77-80)