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Dès août 1914 les asiles français comme la plupart des structures hospitalières sont confrontés à un grave manque de personnel, la mobilisation ayant entraîné le départ massif des hommes. Infirmiers, employés, ouvriers de la ferme et des ateliers ont quitté leurs postes pour rejoindre le front. La situation est particulièrement problématique en ce qui concerne le personnel médical puisque de nombreux psychiatres sont envoyés sur le front ou affectés dans des hôpitaux militaires. Seuls les médecins-directeurs sont automatiquement maintenus dans leurs fonctions, sauf s’ils demandent à partir. À la Maison nationale de Charenton, le

médecin-chef Ludovic Marchand est affecté comme aide-major de 1ère classe dans un hôpital

temporaire, avant d’être capturé par les Allemands. À l’asile de Bron, le médecin-chef Paul

Dodero, est mobilisé comme médecin-major de 2ème classe181. Le docteur Viallon assure donc

180

Paul SÉRIEUX, L’assistance aux aliénés en France, en Allemagne, en Italie et en Suisse, Paris, Imprimerie municipale, 1903, p. 974.

181

AN, Pierrefitte-sur-Seine, dossier de Légion d’honneur, Paul Victor André Dodero, 19800035/461/61654.

164

seul la direction du service des femmes, ainsi que celle de l’hôpital militaire installé dans l’asile. Le service des hommes est quant à lui dirigé par le docteur Papillon, trop âgé pour être

appelé sous les drapeaux182, tandis que le professeur Lépine s’occupe des malades placés à la

clinique183. À l’asile Saint-Pierre, le docteur Journiac est privé de son médecin-adjoint et,

pendant toute la guerre, c’est un médecin réfugié qui le seconde184. Dans certains

établissements, il faut même faire appel à des médecins retraités. C’est ainsi que le docteur Max Dubuisson, ancien médecin-directeur de l’asile de Braqueville (Haute-Garonne), est

appelé à reprendre du service à l’asile de Saint-Alban (Lozère)185

. Les remplaçants se succèdent souvent à un même poste en fonction des besoins des autorités militaires et civiles. À l’asile Saint-Robert, lorsque le médecin-chef Castin est affecté à l’hôpital militaire de Briançon, la direction du service des hommes est assurée par le docteur Payre, un médecin-suppléant. Puis, après un bref retour dans l’établissement en décembre 1914 pendant lequel il prend la tête du service des femmes, le docteur Castin est finalement appelé à la direction de l’asile de Dijon. On envoie alors pour lui succéder le docteur Briche, médecin-chef de l’asile

d’Armentières (Nord) désormais évacué186

.

La mobilisation des hommes permet aux femmes et aux étrangers d’accéder à des responsabilités nouvelles. Léocardie Krongold, étudiante russe, est recrutée comme interne à

l’asile du Mans (Mayenne)187

, Marguerite Jannin devient médecin-adjoint par intérim à l’asile de Maréville (Meurthe-et-Moselle). Quant au docteur Constance Pascal, première femme à

avoir occupé la fonction de médecin-adjoint dans un asile d’aliénés en France188, elle signale

dans son journal intime avoir présidé « une commission militaire, fait unique dans les annales

182

Le docteur Papillon décède au mois de mai 1917 après une longue maladie. 183

La clinique des maladies mentales est construite au sein de l’asile de Bron en 1876 à la suite d’un accord passé entre le docteur Arthaud et le doyen de la faculté de médecine de Lyon. Il s’agit d’un « asile spécial » destiné à permettre l’étude des cas de folie considérés comme les plus intéressants. Il est dirigé par un médecin dépendant de la faculté de médecine. Pour la période qui nous intéresse, il s’agit de Jean Lépine. Voir Florence BEAUME, Isabelle FLATTOT, Le centre hospitalier Le Vinatier 1869-1967 (sous-série H-Dépôt), op. cit., p. 27.

184

« Statistique des militaires aliénés placés à l’asile Saint-Pierre à Marseille pendant la guerre 1914-18 », art. cit., p. 375.

185

« Les médecins aliénistes et la guerre », Annales médico-psychologiques, n° 6, 1914, p. 382. 186

Archives du Centre hospitalier Alpes-Isère, commission de surveillance de l’asile Saint-Robert, séance du 23 mars 1915, non coté.

187

Stéphane TISON, « Des soldats à l’asile : étude prospective de la 4e région militaire (Alençon, Le Mans, Mayenne) », in Laurence GUIGNARD, Hervé GUILLEMAIN, Stéphane TISON (dir.), Expériences de la folie, op. cit., p. 107.

188

Constance Pascal est médecin-adjoint à l’asile de Clermont de 1908 à 1917 puis à l’asile de Charenton jusqu’en 1919. Voir Felicia GORDON, Constance Pascal (1877-1937). Authority, Femininity and Feminism in French Psychiatry, University of London, Institute of Germanic & Romance Studies, vol. 8, 2013.

165

féministes […] »189. En dépit de toutes ces mesures, il devient rapidement indispensable de

renvoyer à leur poste certains médecins mobilisés. C’est le cas du médecin-chef de l’asile de Chezal-Benoît. En son absence, qui n’aura duré qu’une dizaine de jours, un médecin-assistant a été chargé d’occuper ses fonctions. Antony Rodiet le juge sévèrement :

« 12 août : asile de Chezal-Benoît. Le médecin-assistant, un homme de 50 ans qui n’a jamais pu terminer ses études et s’est arrêté à 12 inscriptions, est effondré. Il appartient au type « gémisseur ». Il passe son temps à me prédire les catastrophes les plus épouvantables. Le nombre des gardiens étant insuffisant, les aliénés vont s’évader. Ils se feront tuer à l’entrée des villages, car les gens sont armés. Le personnel trop peu nombreux, ne pourra pas résister au surmenage : de là, épidémie, etc. Les malades sont terribles en ce moment ; la guerre les bouleverse ; une émeute est

probable […] »190

Si Antony Rodiet se montre peu compréhensif envers le manque de sang-froid de son collègue, force est de constater que les craintes de ce dernier ne sont pas totalement infondées, notamment en ce qui concerne la question des gardiens. Partout, la mobilisation prélève un grand nombre des infirmiers employés dans les asiles d’aliénés. Les établissements qui reçoivent des aliénés évacués du département de la Seine peuvent certes maintenir à leur service les infirmiers qui ont accompagné les malades durant leur transfert. Mais beaucoup souffrent de cet « exil » forcé et s’accommodent mal de leurs nouvelles conditions de travail, d’autant que les asiles de province n’offrent pas la même rémunération que ceux de la région

parisienne191. Le 22 octobre 1914, le directeur de l’asile de Cadillac annonce au préfet de la

Gironde qu’il ne souhaite pas garder les infirmiers des asiles de Vaucluse et de Villejuif qui se trouvent dans son établissement : pour justifier sa décision, il affirme que ces derniers menacent la discipline intérieure en cherchant à associer l’ensemble du personnel à leurs

revendications192.

Il faut donc trouver ailleurs un nombre important de remplaçants. À l’asile de Bron par exemple, 71 infirmiers sur 85 sont appelés sous les drapeaux dès les premiers mois de la

guerre193. Pour faire face à la situation, le directeur demande dans un premier temps l’aide de

la police, réclamant des agents cyclistes pour assurer des rondes dans l’établissement. Il tente également de recourir à des infirmières retraitées, avant d’y renoncer, ces femmes n’ayant

189

Jeanne REES, « À propos de Constance Pascal, première femme aliéniste en France », L’Information psychiatrique, n° 2, 2001, p. 178.

190

Anthony RODIET, L’assistance familiale aux aliénés, op. cit., p. 44. 191

Ibid., p. 262. 192

Archives du Centre hospitalier de Cadillac, lettre du directeur de l’asile de Cadillac au préfet de la Gironde, 22 octobre 1914, non coté.

193

AD du Rhône, fonds du Centre Hospitalier Le Vinatier, lettre du directeur de l’asile de Bron au préfet du Rhône, 5 décembre 1914, H-Dépôt Vinatier K 113.

166

plus l’énergie nécessaire pour accomplir un travail difficile194

. Faute de mieux, il faut embaucher les premiers venus, c’est-à-dire ceux dont l’armée n’a pas voulu – bien souvent

des invalides, des vieillards ou de jeunes gens195 – ou encore des étrangers, comme l’explique

le directeur de l’asile de Bron en janvier 1915 au préfet du Rhône :

« Je n’ai eu aucune satisfaction de leurs services parce que forains, camelots, ils s’adaptent mal à une profession sédentaire et il faut le dire peu gaie. Les Italiens auxquels j’ai pu m’adresser ne m’ont pas satisfait davantage et j’ai du procéder à des révocations quotidiennes pour brutalité ou indélicatesse. Je suis forcé d’accepter celui

qui se présente sans pouvoir contrôler sa moralité. »196

Si les asiles pouvaient se montrer un peu plus sélectifs avant la guerre, le recrutement était déjà très difficile et les infirmiers ne disposaient la plupart du temps d’aucune formation

particulière197. Seuls quelques établissements disposaient d’une école pour l’éducation du

personnel qui, pour la plupart, cesse de fonctionner pendant la guerre198. Le personnel n’était

donc pas choisi en fonction des compétences des candidats mais selon des critères de bonne moralité. C’est sur ce point qu’il faut accepter de transiger pendant le conflit, d’autant que la désorganisation des asiles provoque un certain relâchement de la discipline. C’est ce que sous-entend le directeur de l’asile Sainte-Catherine (Allier) en signalant à la commission de

surveillance la révocation de trois infirmières, surprises à boire le lait réservé aux malades199.

De même, plusieurs notes de service laissent supposer que le directeur de l’asile de l’asile de Bron juge nécessaire de renforcer la surveillance du personnel. Dès novembre 1914, il rappelle l’interdiction de faire visiter l’asile à qui que ce soit. En janvier 1915, il est décidé d’établir régulièrement un inventaire du linge et de réaliser des contrôles à l’improviste, puis,

194

Rapports et délibérations du Conseil général du Rhône, séance du 24 août 1915, Lyon, Imprimeries réunies, 1915, p. 1009.

195

AD de l’Allier, fonds de l’asile Catherine, commission de surveillance de l’asile Sainte-Catherine, séance du 21 septembre 1914, 1 X 9.

196

AD du Rhône, fonds du Centre hospitalier Le Vinatier, lettre du directeur de l’asile de Bron au préfet du Rhône, 31 janvier 1915, H-Dépôt Vinatier L 13.

197

Sur les difficultés du recrutement avant la guerre, voir par exemple Antony RODIET, Les auxiliaires du médecin d’asile, Paris, Giard et Brière, 1910.

198

Voir Georges DAUMÉZON, Considérations statistiques sur la situation du personnel infirmier des asiles d’aliénés, thèse soutenue devant la faculté de médecine de Paris, 1935, p. 38-39. Rappelons que la création d’un diplôme d’État d’infirmière date de 1922 et que la réglementation qui détermine son obtention n’est précisément fixée qu’en 1930.

199

AD de l’Allier, fonds de l’asile Catherine, commission de surveillance de l’asile Sainte-Catherine, séance du 21 septembre 1914, 1 X 9. Les pénuries sont moins graves que lors de la Seconde Guerre mondiale et les abus signalés à l’asile Sainte-Catherine n’ont ni l’ampleur ni les conséquences du « coulage » qui sévit dans les hôpitaux psychiatriques français pendant l’Occupation. Voir Isabelle von BUELTZINGSLOEWEN, L’Hécatombe des fous, op. cit.

167

en mai, la direction réclame l’établissement de feuilles journalières de présence afin de

pouvoir décompter toutes les absences200.

Mais même pour la direction, la guerre rend impossible l’observation stricte du règlement. Face aux circonstances, certains aménagements s’imposent. Ainsi, alors que le règlement-modèle du service intérieur des asiles d’aliénés institue une stricte séparation des sexes, la pénurie de personnel masculin pousse les administrateurs des asiles à affecter des infirmières dans les services d’hommes. Le caractère exceptionnel de cette mesure ne doit toutefois pas être surévalué : autorisée par un décret du conseil d’État le 12 mai 1914, soit deux mois avant le début de la guerre, elle était à l’étude de plusieurs années. Cette pratique, déjà courante dans de nombreux établissements d’aliénés à l’étranger et adoptée dans deux

asiles français en 1913201, permet de réaliser des économies, les femmes étant moins bien

payées que les hommes. Les psychiatres y trouvent également des avantages. Dès 1912, Valentin Magnan, médecin-chef de l’asile Sainte-Anne, se prononce devant l’Académie de médecine en faveur de la substitution du personnel féminin au personnel masculin, auquel il reproche de considérer que « le malade est un désagréable fardeau qui ne lui inspire ni charité

ni pitié »202. Malheureusement, les archives fournissent peu d’informations sur l’entrée en

vigueur de ce décret et ses conséquences pratiques pendant la guerre203. Certains asiles

semblent l’avoir appliqué plutôt timidement, du moins dans un premier temps, en réservant par exemple l’emploi des femmes aux services de malades tranquilles, de crainte qu’elles ne

soient pas capables d’affronter des aliénés agités. C’est le cas à Clermont de l’Oise204, mais

200

Rapports et délibérations du Conseil général du Rhône, séance du 24 août 1915, Lyon, Imprimeries réunies, 1915, p. 1029-1030.

201

Les tentatives d’introduction des femmes dans les services d’hommes sont fréquentes dans les pays étrangers, notamment anglo-saxons. Ces expériences sont rapportées dans les Annales médico-psychologiques depuis le début du XXe siècle. En 1913, selon Georges Daumézon, deux asiles en France emploient déjà des femmes dans les services d’hommes. Il n’indique malheureusement pas leur nom. Voir Georges DAUMÉZON, Considérations statistiques sur la situation du personnel infirmier des asiles d’aliénés, op. cit., p. 22.

202

Cité dans le rapport présenté au Ministre de l’Intérieur par le Directeur de l’Assistance et de l’Hygiène publiques, partiellement reproduit dans Georges DAUMÉZON, Considérations statistiques sur la situation du personnel infirmier des asiles d’aliénés, op. cit., p. 22-23.

203

On remarque toutefois que la féminisation du personnel des asiles d’aliénés a poussé ces derniers à mettre en place des services qui n’existaient pas auparavant. En mars 1918, une crèche est par exemple installée à l’asile de Charenton pour les infirmières qui allaitent. AD du Val-de-Marne, fonds de l’hôpital Esquirol, 4 X 229. Il est fait de même à l’asile de Bron dès le mois de mars 1916. AD du Rhône, fonds du Centre hospitalier Le Vinatier, H-Dépôt Vinatier L 7.

204

168

aussi à Bron, où la direction estime également impossible, « par décence », de leur confier des

malades gâteux205.

Il n’existe pas de témoignage concernant la manière dont cette mesure a été perçue par les principales intéressées. Néanmoins, certaines sources indiquent que les femmes n’ont pas accepté de travailler dans les quartiers réservés aux hommes sans afficher des exigences. Alors que la main-d’œuvre féminine est partout recherchée, le salaire versé dans les usines est

souvent supérieur à celui prévu pour les infirmières des asiles d’aliénés206. Conscientes de se

trouver en position de force, les femmes employées dans les services d’hommes réclament dans plusieurs asiles d’être payées comme leurs homologues masculins et obtiennent gain de

cause207. Quant aux malades, ils ne semblent pas s’étonner de la présence d’infirmières. Pour

les militaires, il n’y a là rien d’étonnant puisque celles-ci sont très nombreuses dans les

formations sanitaires de l’armée où ils ont été pris en charge avant leur arrivée à l’asile208

. Le soldat Cyrille X. possède par exemple une photographie prise pendant son séjour au

Val-de-Grâce le représentant en compagnie de deux infirmières209.

205

Rapports et délibérations, Conseil général du Rhône, séance du 23 août 1915, Lyon, Imprimeries réunies, 1915, p. 1009.

206

C’est le cas à Lyon, d’après le directeur de l’asile de Bron. Voir AD du Rhône, fonds du Centre hospitalier Le Vinatier, lettre du directeur de l’asile de Bron au préfet, 5 décembre 1914, H-Dépôt Vinatier K 113.

207

AD de l’Allier, commission de surveillance de l’asile Sainte-Catherine, séance du 14 mai 1915, 1 X 3. À l’asile de Bron, les infirmières employées dans les services d’hommes ont droit à un supplément de traitement. Voir Rapports et délibérations du Conseil général du Rhône, séance du 24 août 1915, Lyon, Imprimeries réunies, 1915, p. 1009.

208

Ces formations sanitaires font d’ailleurs concurrence aux asiles en matière de recrutement. Des infirmières de l’asile de Clermont de l’Oise sont par exemple démarchées pour travailler dans des hôpitaux militaires.

209

169

Figure 3 : Carte postale et photographie conservées dans le dossier du soldat Cyrille X., interné à la Maison nationale de Charenton le 30 avril 1917210

Certains militaires peuvent néanmoins se sentir gênés à l’idée d’être examinés en présence de femmes ou d’évoquer devant elles des questions intimes. C’est le cas du sous-lieutenant René L. par exemple, interné à la Maison nationale de Charenton le 2 novembre 1917. Quelques jours après son arrivée, il adresse une lettre au docteur indiquant être syphilitique depuis 1910 et précise : « j’écris pour ne pas causer devant toutes ces infirmières qui sont là

[…] »211

.

Pour leur part, les administrateurs expriment généralement leur satisfaction, à l’image du directeur de l’asile de Cadillac, qui déclare en juin 1918 devant la commission de surveillance que « les malades sont beaucoup mieux tenus, la propreté et l’entretien des

quartiers bien mieux assurés que par des hommes »212. C’est également l’opinion des

psychiatres, tel Jean Lépine qui affirme devoir aux « infirmières volontaires ou professionnelles de l’Asile de Bron d’avoir vu [ses] malades matériellement bien soignés, avec ces attentions et cette propreté de détails que l’on obtiendra jamais du personnel

210

AD du Val-de-Marne, fonds de l’hôpital Esquirol, dossier du soldat Cyrille X., 4 X 992. 211

AD du Val-de-Marne, fonds de l’hôpital Esquirol, dossier de René L., 4 X 992. 212

Archives du Centre hospitalier de Cadillac, registre des délibérations de la commission de surveillance, séance du 15 juin 1918, non coté.

170

masculin »213. Personne ne semble donc considérer, comme c’est parfois le cas dans les

formations de l’avant, que la présence des femmes freine la guérison des malades214

.

Il n’en reste pas moins que le recours à la main-d’œuvre féminine ne suffit pas toujours à pallier le manque de personnel. C’est pour cette raison qu’à partir du mois de mai 1915, l’envoi de militaires du service auxiliaire dans les asiles d’aliénés les plus en difficulté

est autorisé. Près d’une quarantaine d’hommes du 144e

régiment d’infanterie, du 58e régiment

d’artillerie et de la 18e

section d’infirmiers militaires sont ainsi affectés à l’asile de Cadillac (Garonne). Leur présence est indispensable et lorsque le ministère de la guerre décide, en janvier 1916, de rappeler à leurs corps tous les militaires qui ont été affectés dans les administrations et les services civils, le directeur s’oppose à leur départ. Des protestations semblent parvenir depuis plusieurs établissements jusqu’au sous-secrétariat d’État du Service de santé militaire, qui ordonne rapidement des sursis d’appel pour tous ceux dont les asiles ne

peuvent se séparer215. Les sursis sont néanmoins accordés très parcimonieusement : en mars

1918 à l’asile Saint-Pierre, seuls 10 infirmiers en bénéficient alors que l’établissement

accueille plus de 300 malades militaires216.

Mais l’emploi de militaires ne donne pas toujours entière satisfaction. À l’asile de Bron, les soldats détachés comme infirmiers dans l’établissement supportent mal leur sort, en dépit des tentatives du directeur pour leur donner satisfaction : en juin 1915 par exemple, ce dernier fait installer pour eux « une salle de correspondance » avec « tout ce qu’il faut pour

écrire, ainsi que des livres et des jeux divers »217. Mais, peu dociles, certains n’observent pas

le règlement et ne surveillent pas suffisamment les malades. Le directeur déplore une augmentation du nombre d’évasions, des absences répétées, des retours tardifs de permission,

la brutalité de certains d’entre eux envers des malades218

. Le climat est visiblement tendu : en septembre 1916, protestant contre les punitions qui leur ont été infligées, plusieurs militaires

213

Jean LÉPINE, Troubles mentaux de guerre, op. cit., p. 171. 214

Paul Courbon et Maxime Laignel-Lavastine estiment par exemple que la présence des femmes « est nuisible dans les services de psychonévroses ». Voir Paul COURBON, Maxime LAIGNEL-LAVASTINE, Les Accidentés de guerre, leur esprit, leurs réactions, leur traitement, Paris, J.-B. Baillière, 1919, p. 17.

215

Archives du Centre hospitalier de Cadillac, circulaire N 41 Ci/7 du sous-secrétariat d’État du Service de santé militaire aux généraux commandant les régions, 15 mars 1916, non coté.

216

AD des Bouches-du-Rhône, fonds de l’asile d’aliénés de Marseille, commission de surveillance de l’asile Saint-Pierre, séance du 12 mars 1919, 13 HD 8.

217

Note de service du 7 juin 1915, cité dans les Rapports et délibérations du Conseil général du Rhône, séance du 24 août 1915, Lyon, Imprimeries réunies, 1915, p. 1030.

218

Le directeur évoque 14 évasions et 14 tentatives d’évasion : AD du Rhône, fonds du Centre hospitalier Le Vinatier, L 7.

171

de la 14e section d’infirmiers détachés à l’asile adressent des plaintes au médecin-chef de la