• Aucun résultat trouvé

Dans les asiles, les soldats sont par ailleurs confrontés au décès de certains de leurs camarades internés. Le taux de mortalité de la population totale traitée augmente sensiblement pendant la guerre. Il passe de 8 % en moyenne pendant les cinq années qui précèdent le conflit à 10 % entre 1914 et 1917306. Pour faire face à cette situation dramatique, l’asile de Bron doit agrandir son cimetière dès l’automne 1917. Les travaux, entièrement réalisés par des prisonniers allemands, sont achevés au mois de décembre. Les tombes occupent désormais plus de 4 700 mètres carrés et on envisage de planter de nouveaux arbres pour en

masquer la vue307.

Figure 5 : Carte postale du cimetière de l'asile de Bron vers 1900 (collection personnelle)

En 1918, la situation s’aggrave encore et le taux de mortalité atteint 18 %308. À

l’échelle de la France, ce chiffre n’est plus jamais atteint par la suite, sauf pendant la Seconde

Guerre mondiale309.

306

Statistique annuelle des institutions d’assistance, années 1914 à 1919, Paris, Imprimerie nationale, 1922, p. 54.

307

AD du Rhône, fonds du Centre hospitalier Le Vinatier, délibérations de la commission de surveillance, séance du 7 février 1918, H-Dépôt Vinatier L 9.

308Statistique des institutions d’assistance, années 1914 à 1919, Paris, Imprimerie nationale, 1922, p. 54. Ces données concernent 70 asiles seulement. Elles ne prennent pas en compte le cas des asiles

189

Faut-il en conclure qu’entre 1914 et 1918 les asiles d’aliénés connaissent, comme sous l’Occupation, une famine meurtrière ? Il est certain que les restrictions alimentaires jouent un rôle dans l’augmentation de la mortalité. En novembre 1916, les médecins de l’asile Saint-Pierre s’opposent à une nouvelle diminution des rations de viande distribuées aux malades

indigents, craignant pour leur santé310. Dans la Seine, le docteur Henri Colin alerte en mars

1918 la commission de surveillance, graphiques à l’appui (voir l’annexe 12) : le poids des malades a fortement diminué depuis février 1918, alors que la ration de pain a été réduite à 300 grammes par jour à la fin du mois de janvier. Amaigris, les malades réclament des repas

plus nourrissants311. Henri Colin évoque même « des velléités de révolte, des menaces de tout

briser » et n’hésite pas à rappeler les évènements survenus à Bicêtre en 1890 pour convaincre ses interlocuteurs de la gravité de la situation : six aliénés étaient alors parvenus à sortir de

leurs cellules et à libérer d’autres malades, nécessitant l’intervention de l’armée312. En

conséquence, la commission de surveillance de la Seine accepte de revoir la ration alimentaire distribuée aux malades. Le risque est-il réel ou bien Henri Colin utilise-t-il cet argument pour faire fléchir les membres de la commission en attisant leurs craintes ? Difficile à dire. Des incidents surviennent bien dans certains établissements, comme à l’asile de Bron où des aliénées travailleuses protestent contre la suppression du café servi le matin, ou à l’asile Sainte-Catherine (Allier) où l’économe est rappelé à l’ordre en novembre 1917 par le directeur alors qu’il entend appliquer des restrictions si sévères qu’elles suscitent les

protestations des malades comme du personnel313. À l’asile du Mans, Hervé Guillemain et

Stéphane Tison signalent un « mouvement de fronde des patients »314. Quant à l’asile

Saint-Robert, si les archives ne mentionnent aucune rébellion, le texte de la « chansonnelle

situés en Alsace-Lorraine, c’est-à-dire en territoire annexé. On sait cependant que le taux de mortalité a été très élevé dans ces établissements, comme dans l’ensemble des asiles allemands. Voir Hans FAULSTICH, Hungersterben in der Psychiatrie 1914-1949, Freisburg-in-Breisgau, Lambertus Verlag, 1998. La situation des aliénés internés dans les asiles d’Alsace-Lorraine a été rapportée par le docteur Anatole Prince en 1921 : « Note sur la mortalité et la “maladie des oedèmes” à l’asile de Hoerdt (Bas-Rhin) pendant la guerre », L’Encéphale. Journal de neurologie et de psychiatrie, 1921, p. 526-532. 309

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le taux de mortalité est de 17,8 % en moyenne dans les asiles d’aliénés en 1942, soit l’année où il est le plus élevé. À l’hôpital du Vinatier, ancien asile de Bron, il atteint 25,1 %. Il s’agit du taux de mortalité calculé en fonction de la population totale traitée. Voir Isabelle von BUELTZINGSLOEWEN, L’Hécatombe des fous, op. cit.

310

AD des Bouches-du-Rhône, fonds de l’asile d’aliénés de Marseille, commission de surveillance de l’asile Saint-Pierre de Marseille, séance du 22 novembre 1916, 13 HD 8.

311

Archives de Paris, commission de surveillance des asiles publics d’aliénés de la Seine, séance du 12 mars 1918, D 1 X 3.

312

Voir Aude FAUVEL, Bastilles modernes et témoins aliénés, t. 3, op. cit., p. 54. 313

AD de l’Allier, commission de surveillance l’asile Sainte-Catherine, séance du 12 novembre 1917, 1 X 3.

314

190

comique » composée pendant la guerre par Joseph T., insoumis interné en décembre 1914,

donne à penser que la situation a pu être particulièrement tendue315 :

Figure 6 : « Chansonnelle comique » composée par Joseph T. pendant la guerre à l'asile Saint-Robert

Tous les aliénés internés ne sont toutefois pas touchés de la même manière par les restrictions. Deux catégories sont privilégiées : les travailleurs, qui reçoivent de petites collations en plus des repas habituels, et les militaires. Les graphiques présentés par le docteur Henri Colin ne concernent malheureusement pas ces derniers. Il est donc impossible de comparer l’évolution de leur poids à celui des malades civils. Mais on sait que les soldats bénéficient des colis envoyés par leur famille, ainsi que d’un régime alimentaire spécial, partie prenante de la thérapeutique qui vise à les remettre rapidement sur pied. Sa nature exacte varie selon les établissements, en fonction des suppléments qu’il est possible de se procurer à un moment donné. À l’été 1915, les militaires internés à l’asile Saint-Pierre de Marseille reçoivent par exemple du café au petit-déjeuner en supplément de la soupe, ainsi

315

Je reproduis seulement le texte de la chanson : le dossier comporte également une partition que je n’ai pas été autorisée à photographier. Archives du Centre hospitalier Alpes-Isère, dossier de Joseph T., non côté.

« Les fous pendant la guerre »

1er couplet :

Ils commencent à brailler À cinq heures du matin L’on n’peut les en empêcher C’est toujours l’même refrain Ils réclament un morceau de pain Ils disent qu’ils crèvent tous de faim Refrain

Les voilà, ils sont là À travers la cour

Assis d’bout par ci par là À faire des discours À gueuler, à chanter C’est un vrai concours Tellement qu’ils sont affamés

2e couplet :

De suite qu’ils sont levés Ils voudraient déjà bouloter Avant qu’la soupe soit trempée Ils voudraient l’avoir mangée Mais pour faire la corvée Ils ne sont pas pressés 3e couplet :

La visite va passer Comme chaque matin De suite ils vont réclamer

Que toujours ils manquent de pain Le chef de service dit c’est embêtant Voulez-vous me fiche le camp 4e couplet :

Le soir quand ils sont couchés Quelque fois ils continuent d’gueuler Les camarades disent c’est embêtant Il n’y a pas moyen de roupiller Ils appellent les infirmiers Pour qu’ils cessent de brailler

191

que deux œufs ou un morceau de rôti aux repas alors que les malades indigents n’ont pas de viande. À la même époque à l’asile du Vaucluse, les parents du soldat Jacques T. obtiennent

qu’il reçoive des œufs le matin et des pommes de terre frites le soir316

. En 1916 à l’asile de

Bron, du vin est servi aux soldats alors qu’il a été supprimé pour les autres malades317. Les

militaires qui sont transférés d’un établissement à l’autre constatent des différences. Dans une lettre écrite à l’asile de Villejuif en juillet 1916, le soldat Jacques N. estime par exemple qu’il était mieux nourri lorsqu’il se trouvait la Maison nationale de Charenton et en conclut avec humour que « le Sage qui détient la Balance des rations alimentaires doit croire que les soins

de l’âme passent avant ceux du corps »318

. Le soldat Pierre T., interné à l’asile Saint-Robert, ne se montre pas plus satisfait : accusant l’asile de servir « une sorte de nourriture boche », il se plaint au médecin en janvier 1916 :

« des choux et de la soupe qui est immangeable et je ne mange presque rien du tout il n’y a pas souvent de la viande du vin c’est de l’eau comment voulez-vous prendre des forces avec cette nourriture c’est impossible je resterai bien pendant 10

ans ici ça serai toujours la même chose. »319

Ce type de protestation témoigne des difficultés à maintenir un régime privilégié pour les militaires. Les prix de journée fixés par les conventions établies avant la guerre ne correspondent plus du tout au coût réel de l’entretien des malades dans les circonstances exceptionnelles imposées par la guerre. La plupart des établissements décident donc de revoir leurs tarifs à la hausse pour les civils et souhaitent faire de même pour les militaires mais se heurtent aux refus répétés du Service de santé. C’est ce qui se produit dans le quartier

d’aliénés de l’hospice général de Tours320. En juillet 1918, à la suite d’une plainte émanant

d’un soldat, l’autorité militaire diligente une enquête qui conclut à l’insuffisance de la nourriture servie aux internés. Les soldats ne mangent en effet ni viande ni dessert au repas du soir, comme tous les malades de la dernière classe. Mais les membres de la commission administrative affirment ne pas pouvoir améliorer leur régime tant que le Service de santé

316

Archives du Centre hospitalier de Montfavet, dossier du soldat Jacques T., non coté. Je remercie le Musée Les Arcades du Centre hospitalier de Montfavet, en particulier Noémie Gruère, de m’avoir communiqué les informations portées au dossier du soldat Jacques T.

317

AD du Rhône, fonds du Centre hospitalier Le Vinatier, lettre de l’économe au directeur de l’asile de Bron, 21 mars 1916, H-Dépôt Vinatier L 60.

318

AD du Val-de-Marne, fonds de l’hôpital Esquirol, dossier du soldat Jacques N., 4 X 989. 319

Archives du Centre hospitalier Alpes-Isère, dossier du soldat Robert T., non coté. 320

L’Indre-et-Loire fait partie des départements qui se sont contentés, après l’entrée en vigueur de la loi de 1838, de créer un quartier réservé aux aliénés internés au sein d’un hôpital général.

192

refusera d’envisager une augmentation du prix de journée321

. L’accueil des militaires ne représente donc pas pour les asiles une aubaine économique mais plutôt un casse-tête financier. La situation se complique encore lorsque le ministère de la Guerre s’avère mauvais payeur : à l’asile Sainte-Catherine (Allier), où les tarifs en vigueur sont toujours ceux qui figuraient dans la convention établie en 1889, le directeur signale au préfet, en juillet 1916, que les frais de séjour des militaires internés dans son établissement n’ont pas été réglés

depuis sept mois322.

Si l’augmentation du taux de mortalité est liée aux restrictions alimentaires, celles-ci sont combinées à d’autres facteurs : une alimentation moins riche et moins équilibrée fragilise les organismes et rend donc les malades plus vulnérables face aux maladies, d’autant que ces derniers sont placés dans des conditions d’hygiène dégradées. Lorsque la guerre éclate, les installations de nombreux asiles sont défectueuses, mal entretenues ou inadaptées. Ainsi, il

faut attendre 1915 pour que des toilettes soient construites dans les 1ère et 2e divisions

hommes et femmes de l’asile de Bron. La même année, on décide ne plus entreposer balais et brouettes dans les couloirs et un lavabo est installé dans l’infirmerie réservée aux malades gâteux. Auparavant, s’il fallait nettoyer un malade, « on était obligé de [le] laver dans un

réduit d’escalier »323

. En dépit de ces améliorations, la situation est par moments très critique, notamment lors des arrivées soudaines et massives de prisonniers rapatriés. Le 17 juillet 1917, lorsqu’une quarantaine de militaires aliénés en provenance de Constance sont internés, une

dizaine d’entre eux doit dormir par terre324

. Quand bien même on trouve de la place pour installer de nouveaux lits, ceux-ci sont difficiles à se procurer, en particulier les matelas en

varech spécialement conçus pour les malades gâteux325. D’autre part, si le conseil général du

Rhône décide de faire réaliser des travaux à l’asile de Bron pendant la guerre, ce cas de figure est tout à fait exceptionnel. Dans la plupart des établissements, c’est chose impossible en raison du manque de crédits mais aussi à cause de l’encombrement. À l’asile Saint-Pierre, le

321

AD d’Indre-et-Loire, lettre des membres de la commission administrative de l’Hospice de Tours au maire de Tours, 9 juillet 1918, X Tours 56. Je remercie Romaric Nouat de m’avoir signalé l’existence de ce document.

322

AD de l’Allier, lettre du directeur de l’asile Sainte-Catherine au préfet de l’Allier, 28 juillet 1916, 1 X 3.

323

Rapports et délibérations du Conseil général du Rhône, séance du 24 août 1915, Lyon, Imprimeries réunies, 1915, p. 1018.

324

ASSM, centre de documentation du Val-de-Grâce, lettre de Jean Lépine au directeur du Service de santé de la 14e région militaire, 17 juillet 1917, A 230.

325

AD du Rhône, fonds du Centre hospitalier Le Vinatier, lettre de Jean Lépine au directeur du Service de santé de la 14e région militaire, 18 janvier 1917, H-Dépôt Vinatier L 60.

193

plancher du dortoir de la 3e division des hommes a pourri par suite d’une d’infiltration d’eau.

La situation est préoccupante mais pour intervenir, il faudrait pouvoir évacuer les malades. Or tous les espaces disponibles sont déjà occupés. Un salon du pensionnat des hommes a été transformé en infirmerie en janvier 1916, tandis que le théâtre est devenu un dortoir à la fin de la même année.

La promiscuité imposée aux malades n’est pas seulement désagréable. Elle est aussi dangereuse puisqu’elle rend leur surveillance difficile et favorise la propagation des maladies. Le risque d’épidémie est d’autant plus important que les restrictions alimentaires et le manque de chauffage affaiblissent les organismes. C’est pourquoi l’administration de l’asile de Bron décide, en décembre 1915, de prendre des précautions spéciales. Tous les malades doivent être baignés dans de l’eau sulfureuse à leur arrivée, puis les hommes sont tondus tandis que

les cheveux des femmes sont lavés avec du vinaigre chaud326. Les vêtements sont quant à eux

placés dans une étuve de désinfection. Mais l’efficacité de ces mesures est remise en cause par les capacités limitées du service des bains, dépassé par le nombre de malades ainsi que par les pénuries de charbon et de savon. En février 1917, la commission de surveillance décide donc de réduire la fréquence des bains, soulevant les protestations du professeur Jean Lépine. Au mois de mars, ce dernier signale au directeur le cas de militaires serbes rapatriés d’Allemagne et internés sans avoir été lavés, alors qu’ils en « auraient eu le plus pressant

besoin »327. Le nettoyage des vêtements, qui pose les mêmes difficultés, oblige à changer les

malades moins régulièrement. Enfin, les pénuries rendent difficile le chauffage durant l’hiver. À partir de février 1917, celui-ci est interrompu à certains moments de la journée dans les

quartiers des aliénés tranquilles à l’asile Saint-Pierre328. La même décision est prise à l’asile

Saint-Robert. Dans le rapport sur la division des hommes qu’il rédige en 1917, le docteur Payre signale qu’un certain nombre de décès est dû aux « variations brusques de

température » et « au chauffage insuffisant par suite de la pénurie »329. Les psychiatres

mentionnent la multiplication des cas de typhoïde et de tuberculose, qu’on repère également

dans les registres de décès. Si ces maladies parviennent à être endiguées330, elles font des

326

AD du Rhône, fonds du Centre hospitalier Le Vinatier, note de service, 16 décembre 1915, H-Dépôt Vinatier L 60.

327

AD du Rhône, fonds du Centre hospitalier Le Vinatier, lettre de Jean Lépine au directeur de l’asile de Bron, 2 mars 1917, H-Dépôt Vinatier L 60.

328

AD des Bouches-du-Rhône, fonds de l’asile d’aliénés de Marseille, délibérations de la commission de surveillance de l’asile Saint-Pierre, séance du 3 janvier 1917, 13 HD 8.

329

Archives du Centre hospitalier Alpes-Isère, rapport du docteur Payre sur la division des hommes de l’asile Saint-Robert en 1917, non coté.

330

En décembre 1915, le docteur Roger Mignot signale à l’un de ses confrères la recrudescence des cas de paratyphoïde B à l’asile de Charenton. AD du Val-de-Marne, 4 X 736.

194

ravages dans certaines catégories de la population, en particulier les vieillards et les chroniques. Chez les militaires, les malades « indigènes » comptent parmi les plus fragiles. À l’asile Saint-Pierre, 41,2 % des tirailleurs internés pendant la guerre trouvent la mort durant

leur séjour331 et c’est la tuberculose pulmonaire qui est à l’origine de leur décès dans près de

trois quarts des cas332. Cette situation n’est cependant pas liée à la guerre puisque les

médecins des asiles d’Aix-en-Provence et de Marseille observaient déjà le même phénomène

chez les malades originaires des colonies en temps de paix333. Les prisonniers rapatriés et

internés à Bron ne sont par contre pas plus exposés que le reste de la population militaire. 13 % d’entre eux meurent dans l’établissement, alors que le taux de mortalité de l’ensemble des soldats entrés pendant la guerre s’élève à 14,5 %. Quant aux mobilisés des armées ennemies, en attente d’un rapatriement, ils sont seulement 7,2 % à mourir à l’asile. La durée

de leur séjour, très courte, explique en grande partie ce chiffre peu élevé334.

À partir du mois de septembre 1918, les asiles sont touchés par la grippe espagnole335.

L’épidémie est alors à son paroxysme dans l’ensemble du pays. Extrêmement contagieuse, la maladie se répand très vite et entraîne des complications pulmonaires graves. Pour empêcher sa propagation, il faut trouver des locaux disponibles, alors que les bâtiments sont déjà très encombrés. Les taux de mortalité les plus élevés sont enregistrés dans les établissements qui ne parviennent pas à isoler les grippés, comme à Saint-Robert où le docteur Payre soulignait

déjà en 1916 les dangers liés à l’absence d’un service pour malades contagieux336. En 1918,

les trois salles complémentaires d’infirmerie mises en place pour faire face à l’épidémie se révèlent tout à fait insuffisantes. Dans la seule division des hommes, on déplore 80 décès dont

ceux de deux infirmiers entre octobre et novembre 1918337. Dans les asiles où les rangs

s’éclaircissent à mesure que médecins, infirmiers et employés tombent malades, la

331

126 tirailleurs sont internés à l’asile Saint-Pierre entre 1914 et 1918 (un tirailleur tunisien, 2 Somalis, 5 Marocains, 5 Malgaches, 7 Indochinois, 9 Algériens, 67 Sénégalais et 7 « indigènes » dont l’origine n’est pas précisée).

332

Le registre d’entrée des militaires mentionne la cause des décès. AD des Bouches-du-Rhône, fonds de l’asile d’aliénés de Marseille, population militaire : registres matricules, 1914-1920, 13 HD 510. 333

Sur ce point voir par exemple Louis LIVET, Les aliénés algériens et leur hospitalisation, Alger, F. Montégut et A. Deguili, 1911, p. 58-60.

334

41 % des prisonniers internés à l’asile de Bron en l’attente d’un rapatriement restent moins d’un mois dans l’établissement. 63 % quittent l’asile sans y avoir passé plus de trois mois.

335

La maladie est ainsi baptisée car on pense d’abord qu’elle vient d’Espagne. Cette hypothèse est rapidement écartée. Voir Anne RASMUSSEN, « Dans l'urgence et le secret », art. cit., p. 171-190. 336

Archives du Centre hospitalier Alpes-Isère, rapport du docteur Payre sur la division des hommes de l’asile Saint-Robert en 1916, non coté.

337

On ne sait pas combien de malades étaient traités dans cette division. À titre de comparaison, il y a eu 105 décès chez les hommes pour toute l’année 1917.

195

désorganisation favorise la propagation de l’épidémie. S’appuyant sur les archives de l’asile de Sainte-Gemmes-sur-Loire (Maine-et-Loire), Vincent Guérin a parfaitement décrit la situation : la pharmacie cesse de fonctionner faute d’employé en état d’assurer le service, les ateliers sont fermés, plus d’un infirmier sur deux doit garder le lit, tandis que sur les trois

médecins, seul le docteur Jacques Baruk ne tombe pas malade338. Les cas similaires sont

nombreux. À l’asile de Ville-Évrard (Seine), 227 personnes sont atteintes par la maladie entre