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b) L’évolution de la place des asiles dans la chaîne d’évacuation

Ce sont donc des asiles très encombrés, pour la plupart déjà sollicités pour accueillir des malades de la Seine et privés d’une partie de leurs bâtiments réquisitionnés, qui accueillent durant toute la guerre les militaires aliénés. Cette situation révèle la double erreur commise par le Service de santé, dont l’organisation est bousculée à la fois par l’afflux des militaires atteints de troubles mentaux et par le nombre de civils qui doivent être internés. Les asiles ne peuvent supporter à eux seuls la prise en charge de ces deux types de population. Ils sont progressivement secondés dans leur tâche par l’apparition de nouvelles formations sanitaires. Leur rôle et leur place dans la chaîne d’évacuation sont ainsi entièrement repensés.

b) L’évolution de la place des asiles dans la chaîne d’évacuation

Lorsque la France entre en guerre, l’organisation du Service de santé militaire en

campagne est définie par le règlement promulgué en 1910184. Pour les soldats atteints de

troubles mentaux, comme pour l’ensemble des militaires, qu’ils soient blessés ou malades, la procédure réglementaire donne la priorité à l’évacuation. Ce principe repose sur l’idée d’une guerre courte, dominée par l’offensive : dans ce schéma, l’idée de traiter les blessés et les

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Les malades femmes qui étaient installées dans cette division doivent être réparties dans le reste de l’établissement. L’hôpital militaire est d’abord dénommé « hôpital temporaire numéro 3 », puis « hôpital complémentaire numéro 12 ». Pour éviter une réquisition, l’asile a accepté de signer une convention avec le Service de santé militaire.

181

Rapports et délibérations du Conseil général du Rhône, séance du 24 août 1915, Lyon, Imprimeries réunies, 1915, p. 1008.

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Ibid., p. 1137. À l’origine, la convention signée avec le Service de santé militaire prévoyait d’y installer des officiers aliénés. Mais celui-ci, après une visite des locaux, a estimé qu’ils ne pouvaient pas convenir, sans qu’on sache exactement pourquoi. Lorsqu’il envisage de revenir sur sa décision, les enfants rémois sont déjà installés dans les pensionnats. Les officiers aliénés sont donc finalement placés à la maison de santé privée de Champvert.

183

G. MARGUERY, Histoire de l’hôpital psychiatrique de Fains, C.H.S. de Fains, 1995. 184

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malades à proximité de la zone des combats est inconcevable. Par conséquent, quels que soient leur état et la nature de leur pathologie, le transfert des blessés et des malades vers les hôpitaux de l’intérieur est la solution privilégiée. Pour les soldats qui présentent des troubles mentaux, la prise en charge est particulièrement aléatoire et largement improvisée. Le médecin-major Henri Damaye raconte comment, durant les premiers mois de la guerre, « commotionnés, mentaux et névropathes se rencontraient un peu partout […] dans les

ambulances de toute catégorie, dans les infirmeries de gare, les dépôts d’éclopés […] »185. En

effet, en l’absence de formations sanitaires spécialisées, ces hommes sont mélangés aux autres blessés et malades, puis évacués avec eux vers les hôpitaux de l’intérieur. Ces derniers, vite surchargés, n’ont d’autre choix que de les transférer au plus vite dans les asiles d’aliénés les plus proches. On peut ainsi lire dans le compte moral de l’hôpital civil de Reims établi pour l’année 1914 :

« […] Nous avons reçu, en effet, dès les premiers jours d’août, des soldats malades dans beaucoup de salles et surtout, chose qui n’était pas prévue, un si grand nombre d’aliénés en observation que, non seulement nos cellules étaient au complet, mais même les salles Navier et St Maurice en étaient remplies. Ce nombre anormal d’aliénés à l’hôpital demandant une organisation qu’il nous était difficile de créer en quelques jours, le Service de Santé décida de les envoyer directement en observation à l’Asile départemental de Châlons, après un séjour de 48 heures seulement à l’hôpital. »186

Dans certaines régions militaires, grâce aux initiatives de quelques médecins, la prise en charge s’améliore. Ils organisent le regroupement de ces soldats non pas dans les asiles mais au sein de plusieurs hôpitaux, dans des services dédiés. C’est le cas dès le 15 août 1914 à l’hôpital du Val-de-Grâce où Marcel Briand, médecin-chef à l’asile Sainte-Anne, est affecté comme médecin-major à la direction d’un service de psychiatrie installé dans la division habituellement réservée aux malades fiévreux. À l’hôpital militaire de Bordeaux, sous l’égide

du professeur Régis, les militaires sont placés dans des salles spéciales à partir du 20 août187.

Au même moment, un dispositif similaire est mis en place par le docteur Louis Spillmann à l’hôpital militaire de Nancy. À cette date ces services constituent encore des exceptions.

Cette situation n’est pas propre à la psychiatrie. Il n’existe pas, lorsque la guerre éclate, de centres spécialisés dans le traitement de tel ou tel type de militaires malades et

185

Henri DAMAYE, Le médecin devant l’assistance et l’enseignement psychiatriques, Paris, Maloine, 1922, p. 97.

186

Archives municipales (AM) de Reims, compte rendu moral de l’hôpital civil en 1914, FM3Q. 187

Emmanuel RÉGIS, « Les troubles psychiques et neuro-psychiques de la guerre », Revue philosophique de la France et de l’étranger, t. 80, 1915, p. 106.

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blessés188. La neurologie fait en la matière figure de discipline pionnière. En effet, à la

demande de la Société de neurologie de Paris, la direction du Service de santé militaire décide par une circulaire du 9 octobre 1914 la création de services « destinés à l’observation et au traitement des malades présentant des lésions du système nerveux central et périphérique ou

des manifestations psychonévropathiques » dans chaque chef-lieu de corps d’armée189. Cette

circulaire, souvent considérée comme l’acte de naissance des centres de psychiatrie des régions militaires, crée en fait des centres neurologiques au sein desquels on hospitalise à la fois des malades présentant des accidents nerveux et des malades atteints de troubles mentaux. Dans certains cas, les seconds sont réunis au sein d’une sous-section dont la direction peut être confiée à un psychiatre, alors que le centre est placé sous l’autorité d’un

neurologue190. Mais la création de centres de psychiatrie autonomes n’a pas été prévue :

lorsque le médecin-principal Paul Chavigny rédige, au début de l’année 1915, un long article sur la psychiatrie dans l’armée, il mentionne la création de services de neurologie dans la zone

de l’intérieur mais insiste sur le fait que la psychiatrie a été totalement négligée191

.

Cette situation témoigne de l’essor pris depuis le début du siècle par la neurologie.

Cette nouvelle spécialité a non seulement fait des névroses son domaine réservé192 mais elle a

aussi imposé sa domination en s’emparant des principales positions universitaires et en particulier de la chaire des maladies mentales et de l’encéphale de la faculté de médecine de

Paris193. Sans doute ne faut-il pas trop exagérer l’opposition entre les deux disciplines dont la

parenté reste étroite et qui sont associées tous les ans lors des congrès des médecins aliénistes

188

Paul CHAVIGNY, « Psychiatrie et médecine légale aux armées », Paris médical, n° 17, 1915, p. 184. 189

Henri CLAUDE, « L’organisation des centres neurologiques régionaux », Paris médical, 1915, p. 61-65. À titre de comparaison, les premiers services de radiologie et ceux de mécanothérapie sont créés les 17 et 24 octobre, les centres d’ophtalmologie sont créés le 31 octobre, les centres de chirurgie maxillo-faciale le 10 novembre.

190

C’est le cas au sein du centre neurologique de la 15e région militaire, dirigé par le professeur Jean Sicard et qui possède une section réservée aux soldats atteints de psychoses, confiée à un psychiatre, le docteur Louis Boudon. Sur l’histoire de ce centre, voir Jean-Jacques FERRANDIS, « Les collections anatomo-clinique réalisées à Marseille durant la guerre 14-18 », Histoire des sciences médicales, n° 1, 2011, p. 29-37.

191

Paul CHAVIGNY, « Psychiatrie et médecine légale aux armées », art. cit. 192

Dans la leçon inaugurale qu’il prononce en 1911, Jules Déjerine n’hésite pas à affirmer que « par ses études sur l’hystérie, Charcot sut soustraire aux psychiatres un domaine que ceux-ci tenteront vainement de reconquérir ». Voir Jules DÉJERINE, Clinique des maladies du système nerveux, leçon inaugurale, Paris, Masson, 1911, p. 19. Sur la question de l’hystérie et de ses rapports avec la psychiatrie et la neurologie, voir Nicole EDELMAN, Les métamorphoses de l’hystérique, op. cit.

193

Voir Jean GARRABÉ, « Les chaires de clinique des maladies mentales et des maladies nerveuses à Paris », L’Information psychiatrique, 2012/7, p. 549-557 ; Patrice PINELL, « Champ médical et processus de spécialisation », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 156-157, 2005/1-2, p. 4-36. Sur le rôle joué par Jean-Martin Charcot dans la séparation entre psychiatrie et neurologie voir aussi Toby GELFAND, « Neurologist or psychiatrist ? The public and private domains of Jean-Martin Charcot », Journal of the History of the Behavioral Sciences, vol. 26, 2000, p. 216-229.

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et neurologistes de France. Nombreux sont les médecins à revendiquer des compétences dans les deux spécialités voire à prôner leur fusion au sein d’une seule discipline neuropsychiatrique. En 1914, la Société de neurologie et la Société médico-psychologique ont

d’ailleurs une douzaine de membres en commun194

. Gilbert Ballet, membre honoraire de chacune de ces deux sociétés, s’élève en 1911 contre la « séparation irrationnelle et pratiquement fâcheuse » des deux disciplines et s’émeut que certaines neurologues limitent le domaine de la psychiatrie « aux malades qui ont perdu la conscience de leur état ou pour

lesquels il est nécessaire de recourir aux formalités de la loi de 1838 »195. De fait, les tensions

sont fortes entre les psychiatres, cantonnés pour la plupart dans les asiles, et les neurologues, qui occupent des postes plus prestigieux dans les facultés de médecine. Pour les premiers, la guerre est l’occasion de démontrer que leur champ de compétences ne se limite pas aux aliénés incurables. Mais dès le début du conflit, l’ascendant pris par la neurologie permet à ses représentants de peser sur les décisions du Service de santé militaire. À partir d’octobre 1915, la Société de neurologie organise des séances exceptionnelles consacrées à l’étude des questions soulevées par la guerre que Justin Godart préside à plusieurs reprises. Elle obtient en outre l’autorisation d’y faire participer des représentants des centres de neurologies de l’avant et de l’arrière196

. Les membres de la Société de neurologie semblent eux-mêmes

agréablement surpris de leur influence. Comme le souligne un avis publié dans la Revue

neurologique en 1916, « le mouvement neurologique a pris en France une importance

imprévue »197. En comparaison, le retard avec lequel la Société médico-psychologique tente

d’intervenir dans les débats est frappant. Ce n’est qu’en avril 1916 que cette dernière s’occupe d’examiner « les moyens les plus propres à obtenir des pouvoirs publics l’utilisation des compétences dans le domaine de la médecine mentale militaire ». Sans surprise, ses membres constatent « qu’il serait utile de créer non loin du front des formations destinées à recevoir les malades appelés à guérir dans un temps relativement court, déprimés, confus, etc., en même

194

Il s’agit de Gilbert Ballet, Ernest Dupré, Ernest Huet, Maxime Laignel-Lavastine, Jean Lépine, Maurice Dide, Albert Mairet, André Barbé, Emmanuel Régis, Albert Pitres, Albert Devaux et Marc Trénel. À l’exception de ce dernier, médecin-chef de l’asile de Ville-Évrard, de Maurice Dide, médecin-directeur de l’asile de Braqueville et d’André Barbé, médecin suppléant à l’hospice de Bicêtre, tous occupent des fonctions universitaires. Voir Revue neurologique, vol. 1, 1914, p. 127-131 ; Annales médico-psychologiques, n° 5, 1914, p. 223-240.

195

Gilbert BALLET, « Le domaine de la psychiatrie », La Presse médicale, n° 37, 1911, p. 377. 196

Société de neurologie de Paris, séance du 21 octobre 1915, Revue neurologique, 1914-1915, p. 1244.

197

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temps que les aliénés plus gravement atteints, et de mettre ces formations sous la direction

médicale de [leurs] collègues »198.

Le manque de réactivité de la Société médico-psychologique est sans doute lié à sa

désorganisation profonde du fait de la mobilisation. Pour preuve, les Annales cessent de

paraître jusqu’en juillet 1915 tandis que les séances de la société ne reprennent qu’en mars

1916. À cette date, de nombreux membres ont rejoint les rangs de l’armée199 et cinq sont

décédés depuis le début du conflit dont le très influent Gilbert Ballet. L’un des secrétaires annuels de la société, Paul Juquelier, médecin-directeur de l’asile de Moisselles (Seine), est

mobilisé dès le 4 août 1914 comme médecin-chef de la place de Senlis200 puis au centre

neurologique de Tours. Il ne regagne la capitale qu’en 1917, mis à la disposition du préfet de la Seine et désigné pour occuper la fonction de médecin-chef à l’asile de Ville-Évrard

(Seine)201. Le président, Auguste Vigouroux, médecin-chef de l’asile de Vaucluse, est affecté

à sa demande au centre neurologique de Bourges en tant que collaborateur d’Henri Claude, neurologue placé à la tête cette formation. Il assiste rarement aux réunions de la Société

médico-psychologique202. À l’inverse, la Revue neurologique n’a jamais cessé de paraître203 et

la Société de neurologie a continué de se réunir quand même bien la moitié de ses membres

sont mobilisés lorsque le pays entre en guerre204. Celle-ci n’est cependant pas privée de son

président puisque c’est une femme, Augusta Déjerine, qui a été élue à cette fonction en

janvier 1914205. De plus, quatre de ses membres les plus éminents ont été affectés dans les

services de neurologie de la capitale : Pierre Marie et Jules Déjerine dirigent le service des « lésions traumatiques du système nerveux » à l’hôpital de la Salpêtrière, Joseph Babinski est responsable de deux formations installées à l’hospice de Bicêtre et à la Pitié. Quant à Achille

198

Société médico-psychologique, séance du 17 avril 1916, Annales médico-psychologiques, n° 7, 1916, p. 398.

199

La Société médico-psychologique n’indique malheureusement pas combien. 200

« Le médecin chef de la place, placé sous l’autorité et la responsabilité du commandement d’arme, est l’agent centralisateur de tous les renseignements d’ordre sanitaire provenant de l’autorité civile et des médecins chefs de service des corps de troupes et établissements ». Voir Frédéric QUÉGUINEUR, Ministère de la Guerre, Direction du Service de santé, sous-série GR9 NN7, répertoire détaillé, p. 5. 201

Ces informations sont tirées de la nécrologie du docteur Paul Juquelier publiée dans Le Petit Parisien : « Un médecin tué par sa femme jalouse », Le Petit Parisien, 15 avril 1921.

202

Voir la nécrologie d’Auguste Vigouroux : Annales médico-psychologiques, n° 11, 1919, p. 71. 203

Sa périodicité n’a toutefois pas pu être parfaitement respectée entre 1914 et 1916. 204

C’est du moins ce qu’affirme Augusta Déjerine dans l’allocution qu’elle prononce à l’occasion de la séance du 5 novembre 1914. Voir Société de neurologie de Paris, séance du 5 novembre 1914, Revue neurologique, 1914-1915, p. 199.

205

Augusta Déjerine fut la première femme diplômée de l’internat des hôpitaux de Paris. Elle est l’épouse de Jules Déjerine, lui aussi neurologue. Son parcours a jusqu’à présent peu retenu l’attention des historiens. Un fonds réunissant ses papiers personnels est conservé à la bibliothèque de l’Académie de médecine.

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Souques, il est d’abord affecté dans ce dernier hôpital puis remplace Déjerine à sa mort en 1917.

Ainsi, comme le constate tardivement la Société médico-psychologique, les psychiatres ont plus de difficultés que leurs collègues neurologues à faire reconnaître leurs compétences pour être affectés dans des formations où ils pourraient se rendre utiles. À la fin de la guerre, les services de psychiatrie sont annexés aux centres de neurologie dans plusieurs

régions militaires206. Des centres de psychiatrie indépendants voient néanmoins le jour, en

particulier lorsque le nombre de malades à accueillir est particulièrement important comme

dans le gouvernement militaire de Paris par exemple207, mais aussi là où une collaboration

ancienne s’est établie entre neurologues et psychiatres comme à Bordeaux où Albert Pitres dirige le centre de neurologie et Emmanuel Régis celui de psychiatrie. Ce cas de figure se rencontre également lorsqu’une même région militaire est convoitée par un neurologue et un psychiatre influents. La concurrence entre les deux spécialités est parfois rude. C’est le cas dans la 14e région militaire où le professeur Jean Lépine, titulaire de la chaire des maladies mentales et nerveuses de la faculté de médecine de Lyon, semble tout désigné pour prendre la tête du centre de neurologie créé en application de la circulaire du 9 octobre 1914. Réformé en raison de rhumatismes et d’une faiblesse cardiaque, il souhaite depuis longtemps investir le champ de la psychiatrie militaire. En 1912 déjà, il n’hésitait pas à proposer ses services à Jules Simonin et se portait volontaire pour former les futurs médecins de l’armée destinés à

devenir experts en psychiatrie208. Pourtant, en décembre 1914, le centre de neurologie est dans

un premier temps placé sous la responsabilité des docteurs Étienne Martin, titulaire de la chaire de médecine légale de Lyon, Louis Bériel, qui a été l’élève de Lépine, et Paul Sollier,

médecin d’un sanatorium de Boulogne-Billancourt209

. Seuls les cas de psychoses doivent être dirigés sur le service de Jean Lépine à l’asile de Bron. Les malades dont il est autorisé à s’occuper doivent donc obligatoirement être internés. Très contrarié par cette décision, il

206

C’est le cas dans les 3e, 7e, 8e, 12e, 13e, 17e, 19e, 20e et 21e régions militaires. Pour situer ces régions, voir la carte en annexe 3. Une liste des centres de neuropsychiatrie de l’avant et de l’arrière a été établie par Paul Marquis : Paul MARQUIS, 1914-1918, une « guerre des nerfs ». Médecins et combattants français face aux troubles « psychiques » et « nerveux » de la Grande Guerre (1914-1924), op. cit., p. 292-293.

207

Marcel Briand, médecin-chef de l’asile Sainte-Anne, est placé à la tête du service de psychiatrie. 208

SHD, lettre de Jean Lépine au médecin-major Jules Simonin, 1er novembre 1912, GR NN 9 7 1202. 209

Depuis 1897, Paul Sollier reçoit des patients dans un « établissement hydrothérapique » qu’il a fondé avec son épouse Alice Dubois à Boulogne-Billancourt. Parmi ses malades, on compte quelques célébrités dont Marcel Proust qui y séjourne entre novembre 1905 et janvier 1906. Voir Edward BIZUB, Proust et le moi divisé. La Recherche, creuset de la psychologie expérimentale, Genève, Droz, 2006.

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réclame au directeur du Service de santé de la région d’être désigné officiellement pour le traitement des « cas de neurologie » :

« Le ministre jugera peut-être qu’en dehors des garanties que lui présentent […] mes fonctions universitaires, mes titres personnels justifient qu’un tel service me soit confié. Il y a quatorze ans que j’ai été honoré d’un prix de l’Institut pour des

recherches sur la commotion des centres nerveux210, qui est justement un des

problèmes du présent. Je suis membre de la Société de neurologie de Paris211, je suis

actuellement chargé de travaux de neurologie pure – et non de psychiatrie – dans

divers traités classiques en cours de publication […] »212

.

Il est clair que Jean Lépine, qui a soutenu en 1899 une thèse sur les hématomyélies213,

s’estime aussi compétent en neurologie qu’en psychiatrie. En 1912, Le Correspondant

médical le décrit d’ailleurs comme ayant été « élevé dans le culte de la biologie, neurologiste,

puis aliéniste »214. En février 1915, il est finalement nommé chef du service de psychiatrie de

la 14e région militaire mais se trouve de fait cantonné contre son gré au traitement des

maladies mentales. Le service de neurologie est quant à lui placé sous la direction de Paul

Sollier à partir d’avril 1915215. De quinze ans le cadet de Jean Lépine, il n’occupe aucune

position universitaire en France mais il a été l’élève de Jean-Martin Charcot et bénéficie peut-être de soutiens en haut lieu. En juillet 1914, il a été promu officier de la Légion d’honneur et a reçu ses insignes des mains du professeur Louis Landouzy, doyen de la faculté de médecine

de Paris216. On peut estimer que la direction du service de neurologie de Lyon constitue pour

lui un véritable accélérateur de carrière : la Section photographique et cinématographique de

210

Jean LÉPINE, « Quelques travaux récents sur la pathogénie de la commotion cérébrale », Revue de médecine, n° 1, 1900, p. 84.

211

Jean Lépine est membre de la Société de neurologie de Paris au titre de correspondant national