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Première partie Revue de littérature

1. Définition des concepts constitutifs de notre question question

1.1 La déresponsabilisation du manager

1.1.2 Le manager responsable .1 Définition du manager .1 Définition du manager

1.1.2.3 Le manager responsable

1.1.2.3.1 Un manager prioritairement responsable de la rentabilité financière

de l’organisation ?

Selon Aglietta et Rebérioux (2004), un certain nombre de chartes, dont la première et la plus célèbre est « the corporate governance principles » dont la version définitive date de 1993 aux Etats Unis, puis un certain nombre de rapports (dont notamment, en France, Vienot 1999 et Bouton 2002) et enfin au niveau international les « principes de gouvernance d’entreprise » de l’OCDE, véhiculent :

« une conception particulière de la responsabilité de la firme et de ses dirigeants,

qualifiée de « valeur actionnariale » ou de « souveraineté actionnariale » : une entreprise bien gérée est une entreprise au service de ses actionnaires, l’inflation du cours boursier s’imposant comme critère ultime de réussite » (2004, p. 23).

La responsabilité du dirigeant se limiterait donc, dans cette optique, à son obligation de performance et de résultat, en lien avec la notion de responsabilité d’entreprise selon Friedman : « Si l’entreprise est rentable, elle remplit pleinement son rôle social »23. Cette

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conception de la responsabilité, limitée à la responsabilité de rentabilité, plus particulièrement pour l’actionnaire, ne correspond pas à la définition que nous avons retenue de la responsabilité, dans le sens notamment où une responsabilité ne peut pas se limiter à une contrainte imposée par une partie prenante extérieure. Ce dernier point est exprimé clairement par De Gaulejac, qui estime que, si aujourd’hui, il est fait appel de façon grandissante à l’autonomie et à la responsabilité des individus dans les organisations, il s’agit d’une responsabilité limitée aux exigences de l’organisation :

« Le management d’aujourd’hui, celui que l’on voit se développer avec la «

révolution managériale », se situe tout à fait dans cette perspective. Il fait appel à la responsabilité, la créativité et l’autonomie du travailleur comme sujet, mais – et c’est l’un des paradoxes qu’il introduit – il cherche dans le même temps à instrumentaliser et formater ce sujet, en lui faisant intérioriser les exigences de l’entreprise pour qu’il y adhère comme s’il s’agissait des siennes. » (Arnaud et Bouillard, 2012, p. 267).

Dès lors qu’une instrumentalisation ou un formatage peuvent être évoqués, il ne s’agit plus de responsabilité au sens de Ricœur, cette responsabilité impliquant nécessairement la présence d’un agent responsable, libre de ses choix et lucide. De même, Dubouloy et Harribey évoquent à propos de la responsabilité en entreprise, un « prétexte d’autonomie et de

responsabilité individuelle mal comprise », qui renvoie chaque individu à lui-même. Enfin, Moriceau nous fournit un éclairage complémentaire, en mettant en avant les injonctions paradoxales que peut cacher le terme « responsabilité » : « il signifie parfois demander à se

conformer à une règle, à une norme ou à une autorité », « ou, à l’opposé, appeler à se révolter contre les règles, vouloir changer l’ordre des choses » ou encore, « il peut signifier

faire prendre conscience et faire agir pour accroître les bénéfices ou tout au contraire faire prendre conscience et agir pour la société au détriment des bénéfices » (Moriceau, 2008, p. 140), et en concluant que le problème de :

« la plupart des systèmes de responsabilisation est qu’il cherche à dicter aux acteurs

les comportements qu’il désigne comme « responsables ». Or, la responsabilité ne consiste pas à suivre les indications d’un système, elle demande plutôt de juger en situation. » (2008, p. 142).

Nous souhaitons par ailleurs partager, dans ce cadre, l’éthique sartrienne, telle que décrite par Benoît Cherré : « L’éthique sartrienne affirme que les individus sont des êtres doués de

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conscience et libres car ils ont toujours la possibilité de choisir et de déterminer librement leur rôle dans la vie. » (2011, p. 96).

Donc, si, parmi les obligations du manager, il y a la contribution à la performance financière de l’entreprise dans laquelle il évolue, ce qui, selon Mintzberg notamment, a tendance à prendre une place très importante, puisqu’il évoque « une obsession du bas de tableau » (Mintzberg, 2011, p. 65), cette obligation ne peut en aucun cas correspondre à la seule responsabilité du manager et des membres de l’organisation.

1.1.2.3.2 Une responsabilité élargie et toute autre

La conception de la responsabilité en entreprise, de Dubouloy et Harribey, qui n’est pas sans rappeler « Le principe responsabilité » de Jonas, est élargie, et plus conforme à notre approche :

« Etre globalement responsable pour un individu signifie être responsable de soi, de

son équipe, de la performance de son entreprise, de l’environnement dans lequel l’individu se trouve, dans le temps et l’espace, pour le présent comme pour l’avenir. Quant à l’entreprise, elle doit rendre des comptes à l’ensemble de ses parties prenantes sur ses décisions et leur impact sur l’environnement économique, social et environnemental à court et à long terme. » (2008, p. 50).

Selon Fimbel et al. (Juin 2011, p. 12), des managers responsables sont des managers « conscients de l’impact de leur métier et de leurs pratiques sur la société civile et disposés à

rendre des comptes auprès des différentes parties prenantes de leur organisation ». Cette manière de concevoir la responsabilité des managers va de pair selon Bessire, avec une remise en question de la façon de penser l’entreprise :

« Plus généralement, il s’agit de cesser de penser l’entreprise en termes de

face-à-face entre catégories d’acteurs, mais comme une communauté de sujets, parties prenantes à un projet partagé, tous également responsables, quel que soit leur statut : dirigeants, actionnaires, salariés, fournisseurs, clients… » (2005, p. 1). Et dans le cadre de cette conception, dans laquelle l’investisseur, ou l’actionnaire, n’est pas la seule partie prenante de l’entreprise, alors selon Bessire : « Etre responsable, c’est donner à

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C’est cette conception élargie à l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise, voire à la société dans son ensemble que nous retiendrons. Dans ce cadre, le manager responsable est un sujet ou un individu, libre de ses choix, qui assume les conséquences de ses actions et accepte d’en répondre, et qui, bien qu’il ne puisse pas nécessairement en prévoir tous les effets adjacents, ne les néglige pas pour autant.

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