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Première partie Revue de littérature

1. Définition des concepts constitutifs de notre question question

1.1 La déresponsabilisation du manager

1.1.2 Le manager responsable .1 Définition du manager .1 Définition du manager

1.1.2.2. Les contraintes du manager

1.1.2.2.1 Le culte de l’urgence, de la réactivité et de l’efficacité

D’après Mintzberg (2011, p. 31), le manager travaille à un rythme de travail rapide, il doit agir, être réactif : « De nombreuses études ont montré que : a) le manager travaille à un

rythme fébrile ; b) ses activités se caractérisent par la brièveté, la fragmentation et la discontinuité ; c) ses activités sont fortement orientées vers l’Action ». Glée et Mispelblom Beyer évoquent dans ce sens, en référence à Aubert21, un « culte de l’urgence » caractéristique des grandes entreprises, qualifiées dans ce texte, d’organisations

« hypermodernes, et un « mot d’ordre de la réactivité extrême » pour l’ensemble des salariés

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de ces entreprises, dont font partie les managers (Glée et Mispelblom 2012, p. 258). Ces caractéristiques semblent être plutôt liées à la grande entreprise, dans l’article précédemment cité, ce qui n’est pas précisé par Minzberg. De même, Jorda évoque des « organisations de

plus en plus chronophages où le travail se fait dans l’urgence ». (Jorda, 2009, p. 165).

De ce fait, le manager semble toujours à la recherche de l’efficacité et de gain de temps, ce qui ne lui laisse guère la possibilité de réfléchir, et de penser. Comme le soulignent Dubouloy et Harribey, « Penser nécessite de douter et prend du temps. Deux notions insupportables

dans l’entreprise. » (2008, p.53). C’est aussi ce que Mintzberg évoque, lorsqu’il énonce, parmi « les paradoxes du management », « les paradoxes de la réflexion », avec « le

syndrome de la superficialité ». En effet, se demande-t-il, comment, dans le cadre d’un travail dans l’urgence, à un rythme effréné, le manager peut-il réussir à réfléchir, voire prévoir ou planifier, comme le nécessite sa fonction (Mintzberg, 2011, p. 184).

1.1.2.2.2 Le culte de la performance et la pression du résultat

Vincent de Gaulejac évoque quant à chaque individu, une triple obligation, celle « d’être

productif, d’être performant et d’être rentable ». Cette triple obligation, débutant très jeune, à l’école, par « une lutte des places », implique pour les élèves, à priori futurs managers, d’être dans les meilleurs lycées, puis dans les meilleures classes préparatoires, pour obtenir les meilleures écoles et enfin les meilleures places dans les organisations. (De Gaulejac, 2006, p. 34-35). De même, Mintzberg évoque pour les managers « une obsession pour le « bas de

tableau », (les résultats financiers) et la « valeur actionnariale » (2011, p. 65) et ajoute, dans le cadre des paradoxes évoqués plus haut « comment approfondir quand la pression pour

obtenir des résultats est omniprésente ? ». Cette pression de l’atteinte des résultats, pour les dirigeants d’entreprises, est confirmée par Magnan et Cormier, dans un article sur la fraude :

« Toute annonce de bénéfices qui ne répond pas aux attentes du marché boursier, ne

serait-ce que de un ou deux cents par action, se traduit immanquablement par une chute brutale de la cote, les investisseurs révisant à la baisse les projections de bénéfices futurs de l’entreprise. »

Ce qui, d’après les auteurs, peut amener les dirigeants à transmettre ces pressions sur l’ensemble de l’organisation et influer sur les comportements. (Magnan et Cormier, 2010, p. 65).

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De ce fait, affirment Dubouloy et Harribey, à propos des managers, « Entre excellence et

compétition, les tentations d’instrumentalisation de l’autre, comme de soi-même, sont nombreuses ». (2008, p. 52). La tentation est grande, pour le manager, de se mettre exclusivement, ainsi que le reste de l’entreprise, au service de cet objectif de résultat et de performance.

Outre cette pression du résultat, qui se traduit dans les grandes entreprises, par la pression de l’actionnariat, les managers et plus particulièrement les managers intermédiaires, se retrouvent coincés entre les exigences de leurs supérieurs, et les salariés amenés à subir les directives qui en découlent. Ainsi Glée et Mispelblom Beyer (2012, p. 256) comparent la réalité du travail du manager à celle de la stratégie militaire « au cœur des conflits et des

luttes. Il s’agit de « tenir » une position, par définition « coincée » entre la pression du haut et celle du bas22. » D’après Cherré, « Leur situation est délicate parce qu’ils se retrouvent

placés entre l’arbre et l’écorce, c’est à dire entre les directives à appliquer et les personnes qui les subissent » (Cherré, 2011, p. 99), il va même plus loin en affirmant (p. 101) « Les

managers se sentent pris en tenailles entre la recherche de l’efficacité organisationnelle et financière de l’entreprise, et leurs propres valeurs ». Cette dernière pression s’apparente à ce que Boltanski définit comme étant une situation tragique, à savoir une « relation entre une

exigence morale et une nécessité extérieure, qui s’impose » (Boltanski, 2002, p. 286). Mintzberg, voit plutôt en raison de cette nécessité extérieure, qu’il nomme un « regain

d’insistance pour le bas du tableau et la « valeur actionnariale » d’une organisation », un « retour en force » du contrôle, issu de la perception classique du management du siècle dernier, qui avait eu tendance à disparaître, au profit du facteur humain de la fonction après 1960. Ainsi conclut-il à ce sujet, « et ceux qui occupent des postes de cadres dirigeants au

sein de grandes sociétés portent souvent plus d’attention au contrôle, particulièrement via des systèmes d’analyse de la performance. » (Mintzberg, 2011, p. 70 et 113).

1.1.2.2.3 Prise en compte de la complexité

Le manager doit donc être efficace, travailler vite, être réactif, et performant, à savoir faire en sorte que l’organisation obtienne les résultats attendus, ce qui peut passer par le contrôle, mais il doit aller au-delà. Selon Mintzberg, « il doit analyser ses objectifs, au point de réfléchir au

fonctionnement qui permettra de les atteindre » (2011, p. 76), il doit faire face à des situations

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évolutives, à l’imprévu, et savoir quand il est nécessaire d’agir ou bien d’attendre (2011, p. 219). En bref et selon l’expression de Cristol, il doit faire face à « la complexité » : « Au-delà

des compétences techniques, les entreprises sont en recherche de managers capables de s’adapter et de mettre en relation et en perspective ce qui appartient à la complexité. Ce savoir-relier est à la fois capacité de réflexion, sens de la synthèse et d’ouverture. » (Cristol, 2010, p. 347).

Outre ce « savoir relier », il est aussi souvent question, concernant le manager, de « savoir être », comme Boltanski et Chiapello l’évoquent clairement, en définissant ainsi le neo management, (c’est-à-dire le management des années 1990) :

« Plus généralement, en mettant l’accent sur la polyvalence, la flexibilité de

l’emploi, l’aptitude à apprendre et à s’adapter à de nouvelles fonctions plutôt que sur la possession d’un métier et sur les qualifications acquises, mais aussi sur les capacités d’engagement, de communication, sur les qualités relationnelles, le néomanagement se tourne vers ce que l’on appelle de plus en plus souvent le « savoir être », par opposition au « savoir » et au « savoir-faire ». » (1999, p. 151). En effet, le rôle des managers est central quant à la cohésion et aux bonnes relations de l’ensemble des parties-prenantes qui constituent l’entreprise. Eric-Jean Garcia l’exprime ainsi :

« Ils (les dirigeants et les managers) doivent aussi être mus par la volonté de créer

avec leurs équipes une communauté professionnelle motivée par le double désir de faire progresser humainement et professionnellement ses membres et de satisfaire les exigences des clients de l’entreprise à chaque fois que celles-ci sont moralement acceptables. Dans une telle communauté, le rôle des managers est central, car ils se situent à la croisée d’intérêts souvent divergents. Par exemple, concilier les impératifs du court terme avec les exigences du long terme, augmenter la productivité tout en cherchant de nouvelles méthodes plus écologiques, ou encore rester loyal envers la direction générale et préserver sa crédibilité auprès de ses collaborateurs en période de tension sociale. » (2012, p. 43).

Nous retrouvons ici la pression entre le haut et le bas et l’importance des qualités relationnelles et de l’aspect, management des hommes.

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« Un management efficace requiert un mélange judicieux d’art, d’artisanat et de

science, que ce soit chez le manager individuel ou au sein d’une équipe managériale soudée. En d’autres termes, bien que le management ne soit pas une science, il a besoin de la rigueur scientifique, mais aussi du côté concret de l’artisanat et du zeste de l’art. » (2011, p. 150).

Nous avons ainsi souligné rapidement la difficile tâche du manager, ses principales contraintes et ses paradoxes : il doit travailler vite, dans l’urgence, efficacement, en tenant compte des exigences de ses supérieurs, voire directement des actionnaires, mais aussi des exigences dues à la gestion des hommes avec qui il est amené à travailler. Il doit prendre en compte un environnement complexe, réfléchir à ses objectifs, et doit donc faire preuve, outre de « savoir-faire », de « savoir être » et de « savoir relier ».

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