• Aucun résultat trouvé

Méthodologie de recherche n°2 : observations de séances de régulation

Participation au PAF (Plan Académique de Formation)

5. Méthodologie de recherche n°2 : observations de séances de régulation

5.1. Introduction de la seconde partie de méthodologie

Nous avons présenté dans la première partie, La formation au numérique responsable comme logique (p.10) de ce travail, les éléments qui illustrent certains changements institutionnels liés à la formation au numérique responsable. Les différents référentiels observés traitent des compétences numériques nécessaires pour l’exercice du métier d’enseignant de nos jours et en tenant compte de l’impact du numérique dans les pratiques quotidiennes. D’autres éléments sont en lien avec les nouvelles fonctions induites et sont nées du développement du numérique au sein des établissements et de ses instances. Les conclusions émises dans la première partie méthodologique se retrouvent dans de nombreux résultats d’autres études universitaires et soulignent la difficulté de formation que rencontrent les enseignants face à ces nouveaux outils et les faibles pratiques collaboratives et collectives qui se développent autour du projet de formation au numérique responsable. Pour donner suite à notre première démarche exploratoire, nous avons observé le quotidien des établissements scolaires et participé à des séances de régulation autour de la mise en place d’un projet de formation au numérique responsable.

Nous traiterons dans cette seconde partie de la dimension collective et collaborative liée à ce même projet et de sa mise en œuvre quotidienne. Les éléments recueillis se veulent complémentaires des éléments déclaratifs recueillis à l’aide du questionnaire en ligne. Nous avons collecté des données empiriques lors d’un temps de concertation entre les différents types de personnels63 engagés dans une démarche de projet liée au numérique responsable. Nous avons eu l’opportunité d’assister à quelques réunions de régulation des comités numériques64 d’établissement lors de l’élaboration du projet de formation au numérique responsable. Nous avons pu, lors de ces

63

Lors de ces échanges, nous avons pu assister aux échanges entre des personnels d’éducation, d’enseignement, de documentation, des assistants d’éducation, des Agents Technique Informatique (A.T.I- personnels du conseil général des bouches du Rhône) et des personnels de direction.

64

L’appellation la plus courante et la plus fréquemment observée, pour ce genre de dispositif, est le « comité TICE » de l’établissement.

197 réunions, recueillir le point de vue des différents acteurs en la matière et les actions qui pourraient être proposées aux élèves.

Ce travail d’observation et d’analyse ne s’inscrit pas dans un courant de l’analyse de pratiques avec les multiples orientations et diversités que celles-ci comportent : les courants de socio-analyse, l’apport de l’analyse de l’activité, de l’ergonomie et autres courants issus du courant de la psychologie. (Altet, Bru, & Blanchard-Laville, 2012; Blanchard-Laville & Fablet, 2000; Etienne & Picques, 2003). Notre démarche d’observation s’inscrit dans la logique de deux recommandations du rapport « Jules Ferry 3.0 » : d’une part, la troisième recommandation qui évoque la nécessité d’observer les pratiques pour les faire progresser et percoler vers d’autres disciplines et d’autre part la sixième recommandation qui rappelle le rôle et l’implication des équipes de direction dans la mise en œuvre des actions liées au numérique (Conseil National du Numérique, 2014, p. 106-107).

Notre recueil de données a été effectué lors de réunions d’« échanges sur les pratiques ». Nous nous sommes intéressés au fonctionnement des comités TICE des établissements scolaires (appellation la plus fréquemment employée pour désigner l’instance de régulation des projets numériques). Nous avons émis le postulat que celui-ci pouvait permettre la coordination des projets et proposait une certaine impulsion des actions liées au numérique, faisant de cette instance un lieu privilégié d’échange entre pairs sur notre objet de recherche. Cette démarche s’inscrit davantage dans les perspectives ouvertes par les travaux de Bourbao (2008) dont le dispositif des « passeurs d’expérience » propose une réunion d’échanges entre pairs afin d’engager une discussion et une réflexion communes autour des gestes professionnels sur un thème donné. Notre réflexion se fonde sur la capacité offerte aux établissements de faire en sorte que certaines instances soient perçues comme des sphères de développement professionnel et l’établissement comme lieu de formation. A l’heure actuelle, ces pratiques se développent sans pour autant être considérées ni qualifiées véritablement de dispositif de formation. Ces moments de mise en commun de pratiques, marqués par le contexte local, pourraient permettre à chacun des participants, voire aux membres de la communauté scolaire, de considérer l’établissement comme un lieu de formation et d’identifier les autres acteurs locaux comme des ressources potentielles en ce qui concerne le champ de la formation au numérique responsable. La dimension interrelationnelle de cet espace d’échange nous apparait comme essentielle pour favoriser l’apparition d’un espace de

198 social construit, si toutefois il apparait aux yeux des participants comme légitime et sécurisé. Grâce à ce type d’échanges, nous pensons que les éléments de la politique d’établissement sont à même de se clarifier entre les membres du groupe et de se diffuser par la suite au sein de la communauté des formateurs. Cette démarche contribuerait donc au principe hologramatique.

5.2. Objectifs méthodologiques

Notre objectif, au travers de l’observation des échanges au sein de réunion, est de proposer dans un premier temps une réflexion sur ce qui est actuellement mis en œuvre dans les collèges en lien direct avec la démarche de formation au numérique responsable. Nous tenterons de saisir les éléments relatifs à la dimension collective qui s’est construite après quelques années de mise en œuvre de la commande institutionnelle. Nous avons observé des pratiques de mutualisation, des éléments de professionnalisation des enseignants autour du numérique responsable.

Dans un contexte d’exercice professionnel partagé, la dimension systémique est prégnante au regard d’une autonomie locale, de l’équipe de direction, sans oublier une déclinaison des instructions officielles soumises contraintes du quotidien.

Nous sommes conscients des limites d’une telle observation qui ne se veut pas une analyse des pratiques. Nos hypothèses d’interprétation des éléments collectifs et professionnalisants sont pour certains réfutables car marqués par les spécificités de notre positionnement théorique et du contexte spécifique de chaque établissement. Il est également nécessaire de signaler le caractère labile des propos contextualisés au regard des expériences qui se jouent et se constituent dans le quotidien de chaque établissement avec une dimension synchrone relative au moment de l’observation. Nous savons pertinemment que le simple fait de travailler sur le « dire » par rapport à son activité professionnelle modifie déjà le regard et le prochain engagement dans le « faire », au regard des différents travaux en lien avec la posture réflexive des enseignants (Perrenoud, 2001). Ainsi les axes de réinvestissements des impacts des pratiques collaboratives sont multiples, comme les dispositifs de formation, l’analyse de pratiques et de dispositifs de management. Certaines instances de concertation peuvent permettre d’analyser les dysfonctionnements constatés dans la mise en place de projet et d’échanger sur le positionnement de certains acteurs dans le cadre d’une non-adhésion. Toutes ces pratiques s’inscrivent dans les théories du développement

199 des organisations (Mallet, 1996, 2001; Morin, 2005) et permettent au quotidien de faire émerger des propositions de réajustement et de réorientations éventuels.

Ce dispositif nous semble répondre à la question pratique induite par notre recherche : Comment les enseignants répondent-ils à la prescription et s’engagent-ils dans le projet de formation au numérique responsable, qui n’appartient à aucun programme disciplinaire ?

L’objet de cette seconde partie du travail de recherche est de percevoir et de saisir au travers du déroulement des réunions observées et des pratiques enseignantes relatées, les différentes actions et les éléments de collaboration, de coopération entre les enseignants (Marcel, 2006, 2009c; Marcel & Piot, 2014; Marcel & Murillo, 2014) ainsi que les échanges de pratiques et de transmission de savoir-faire entre pairs au sein d’une instance officielle autour des apprentissage de la citoyenneté numérique. Quelques questions ont jalonné notre démarche exploratoire :

Comment les enseignants, les personnels d’éducation, de documentation et autres échangent-ils autour de leurs pratiques numériques ?

Prennent-ils en compte le travail d’autrui et ont-ils connaissance des initiatives existantes dans l’établissement ?

Quelles sont leurs préoccupations et quelles difficultés rencontrent-t-ils au travers de la formation au numérique responsable ?

Il nous semble que les enseignants sont confrontés à une double contrainte. Une tension existe en raison des prescriptions institutionnelles et des organisations retenues dans les établissements. Les enseignants se retrouvent face à une injonction paradoxale de validation des compétences, en raison des éléments certificatifs obligatoires pour le diplôme de fin de troisième, et de responsabilité de validation des actions réellement mises en œuvre dans l’établissement autour du numérique responsable et des compétences qui y sont rattachées.

Ainsi une nouvelle question s’impose : l’élève peut-il être sanctionné au travers de la validation des compétences par rapport à l’engagement ou le non-engagement dans le projet de formation au numérique responsable des enseignants, voire des établissements ?

5.3. Démarche méthodologique

5.3.1. Modalités et précautions

200 Nous avons obtenu l’autorisation d’accéder à notre terrain d’enquête (Annexe 1 et 2) par les services de la Direction Académique des Bouches du Rhône et sollicité une extension de celui-ci à un établissement des Hautes-Alpes.

Nous avons sollicité les chefs d’établissements qui nous avaient précédemment donné un accord de principe quant à la participation à notre enquête. Nous nous étions assurés qu’un comité de pilotage du numérique (comité TICE) y soit installé et en activité dans l’établissement. Son action était jugée pérenne et stable par l’équipe de direction. Nous souhaitions également nous assurer de la concordance chronologique de notre observation et du programme prévisionnel de l’établissement (bilan et/ou questionnement) en matière d’actions de prévention et de formation sur le numérique responsable. Toutes les observations se sont déroulées au cours du même mois (mai 2013) afin qu’il y ait une similitude opérationnelle vis-à-vis des directives institutionnelles liées au numérique, avec des éléments chronologiques similaires liés au déroulement de l’année scolaire ainsi que des échéances institutionnelles identiques liées aux impératifs de fin d’année scolaire et de certification des élèves de troisième par rapport au Diplôme National du Brevet.

Le comité de pilotage du numérique (TICE) propose une instance de concertation pluri-catégorielle et pluridisciplinaire qui correspond à la dimension systémique selon laquelle nous abordons notre sujet d’étude. Nous avons volontairement évité de participer à des conseils d’enseignement disciplinaire afin d’observer le fonctionnement de l’établissement pris dans sa dimension la plus large d’un point de vue systémique. L’ordre du jour était défini à l’avance et l’organisation était laissée totalement libre à l’équipe de direction afin d’observer une séance habituelle dudit comité. L’animation a été laissée à la direction de l’établissement comme lors des séances précédentes. Par conséquent, aucun dispositif de formation n’a été à prévoir pour les membres afin de mettre en œuvre notre dispositif de recherche. Un entretien avec le chef d’établissement a précédé l’observation afin de s’assurer de la bonne définition du sujet de recherche et des modalités d’organisation de la séance. Nous avons pu constater des différences de points de vue concernant la définition des actions de formation au numérique responsable : ces divergences portent sur les objectifs désignés, sur la mise en œuvre de cette politique éducative et sur les outils utilisés par les équipes. Cela traduit la prégnance du contexte sur l’organisation.