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Le rôle des chefs d’établissement face à l’autonomie et l’engagement du pilotage des projets

9. L’établissement scolaire

9.4. Le rôle des chefs d’établissement face à l’autonomie et l’engagement du pilotage des projets

Il nous semble nécessaire en ouverture de cette courte partie de préciser que celle-ci concerne mon activité professionnelle. Nous nous efforcerons de conserver un regard objectif sur le métier en général afin de ne pas obérer notre posture de chercheur par une vision personnelle de « faire le métier ».

Une évolution des responsabilités liées au numérique

L’évolution de la fonction a nécessairement imposé un changement de posture des chefs d’établissement vis-à-vis du numérique. Même si différentes formes d’organisation sont encore possibles, il n’est plus concevable de ne pas s’en préoccuper. La solution d’évitement du numérique scolaire pour les personnels de direction n’en est plus une car, aujourd’hui, le numérique s’impose à l’organisation et toute forme d’évitement augmente la notion de contrainte. Il nous semble préférable d’agir et d’anticiper plutôt que de subir une telle situation.

La position du chef d’établissement face au projet de formation au numérique responsable est caractérisée par une approche systémique de l’organisation scolaire. La notion de pilotage de ce projet sera identique, si cela est souhaité, aux autres formes de projets variés qui viennent constituer le projet d’établissement. Nombreux sont les chefs d’établissements qui déclarent avoir comme source de motivation, à l’entrée dans le métier (Barrère, 2006b, p. 65), de vouloir faire évoluer leur établissement. Ils rencontrent de réelles difficultés à disposer d’un temps de réflexion et d’analyse suffisants pour une mise en œuvre plus facile, concertée et déconnectée de toute urgence, voire précipitation. Les directives institutionnelles ne tiennent pas compte des contraintes temporelles et organisationnelles rencontrées quotidiennement par les personnels de direction (Ducros, 2013). Certains écrits institutionnels des inspections conjointes évoquaient déjà en 2008 la nécessité de

68 refonder la politique de développement des TICE et le rôle des personnels de direction y est spécifiquement évoqué. Le qualificatif de quatrième dimension accordé au TICE en renforce la prégnance (Inspection Générale de l’Education Nationale & Inspection Générale de l’Administration de l’Education Nationale, 2008)

Les responsabilités dans la mise en œuvre des actions renvoient bien évidemment au bon déroulement des curricula au sein des différentes disciplines. Cette action collective a pour but d’en faciliter les usages, les apprentissages et d’améliorer les acquis visés par les programmes d’enseignement. Cet ensemble devrait permettre l’acquisition et le développement de compétences nécessaires pour une utilisation autonome, responsable et efficace des TIC. Cette responsabilité est transférée progressivement aux collectifs qui agissent au sein des différents conseils d’enseignement et autres commissions de concertation (Letor & Garant, 2014, p. 16) ainsi que dans la validation des B2i et compétences 4,6 et 7 du socle(Ducros, 2013) Nous savons que les choix opérés par les équipes ne sont pas neutres pour la réussite des élèves. Ainsi, le rapport des inspections préconise l’organisation de la concertation pour couvrir l’intégralité des compétences du B2i en sollicitant plusieurs disciplines, plusieurs enseignants et niveaux de classes (Inspection Générale de l’Education Nationale & Inspection Générale de l’Administration de l’Education Nationale, 2008, p. 145).

Le rôle pédagogique du chef d’établissement, difficilement reconnu par certaines équipes (Barrère, 2006a), est également très limité par l’organisation matérielle qui résulte des affectations de moyens alloués (Dotation Globale Horaire par exemple). Les établissements dits « favorisés » sont contraints de fonctionner avec une autonomie plus réduite et rencontrent des difficultés à faire évoluer les choses qui sont plus poussives car la notion d’urgence du projet ne fait pas sens de façon évidente. Des pratiques et des habitus d’alerte sont souvent dissimulés dans des pratiques sociales insidieuses et pourtant largement répandus des élèves.

La démarche systémique permet, selon nous, d’augmenter l’efficacité des actions pédagogiques liées au numérique responsable en tenant compte de l’apport de chaque élément du système (l’établissement) et des relations entre ces membres afin de s’organiser et de s’autoréguler.

L’autonomie accordée aux établissements dans le cadre des projets d’établissements permet également de décliner localement des grandes orientations nationales et académiques. Ces orientations aident à l’élaboration des projets annuels de

69 performance de l’établissement (PAPEt) et contrats d’objectifs (C.O.) (Ducros, 2013; Inspection Générale de l’Education Nationale & Inspection Générale de l’Administration de l’Education Nationale, 2008, p. 43). La logique de professionnalisation du personnel d’encadrement s’inscrit dans un développement de l’autonomie mais contrebalancé par une responsabilisation de celui-ci par rapport aux résultats obtenus (Pelletier, 2010, p. 32). Les différents plans d’actions liés spécifiquement au numérique, le travail autour de l’amélioration de la notion de « Vivre ensemble » et le climat scolaire sont des domaines dans lesquels la place de la formation des cyber-citoyens trouve toute sa place. Nous rappelons l’évolution du lien avec la collectivité territoriale dans l’élaboration du contrat d’objectif. Ainsi, cet ensemble d’actions permet au personnel de direction de jouer un rôle de contributeur et d’acteur dans la mise en place de politiques locales (Barrère, 2006b, p. 21;56). Nous ne pouvons que convenir de l’évolution des différentes facettes du métier de personnels de direction mais le terme de « manager » employé par Barrère (2006b) est fortement teinté d’une dimension entrepreneuriale dérangeante qui demanderait une autre étude , voire une autre thèse.

Le leadership, l’engagement du chef d’établissement, et plus largement de l’équipe de direction, sont des éléments significatifs pour la réussite de nombreuses actions liées au numérique. Tout d’abord car ils ont la capacité et certaines compétences, au moins fonctionnelles, de travailler sur les points de blocage, dits sensibles, des projets. La pédagogie de projet est un rouage essentiel dans le travail d’élaboration des projets d’établissements car elle apporte un aspect très positif à la réflexion (Reverdy, 2013). Ce type de démarche nécessite d’octroyer certaines délégations aux équipes qui illustrent une forme de leadership distribué. Ce qui amène et incite le collectif à s’interroger sur la démarche de projet, permet de convaincre et de susciter l’adhésion des équipes (Progin Romanato & Gather-Thurler, 2012, p. 52). Les chefs d’établissement doivent se placer en retrait et peuvent favoriser une démarche participative, pour laisser place aux propositions des enseignants et des équipes afin de profiter des ressources disponibles de manière adaptée et pertinente (Barrère, 2006b, p. 111)

L’organisation et la prise de décision (Barrère, 2006b, p. 57) constituent le cœur de l’activité quotidienne des personnels de direction. Les travaux inter- et pluri- disciplinaires sont de très bons vecteurs de collaboration, connus et appréciés des équipes enseignantes, tels que les itinéraires de découverte (IDD) qui favorisent un

70 dialogue et des temps d’échanges dans un espace pédagogique intermédiaire (Barrère, 2006a). Ces éléments de pilotage, nécessaires à la démarche de projet, éprouvent les compétences professionnelles des personnels de direction dans ce qui relève d’une forme de leadership pédagogique. Malgré cette volonté de développer le travail collaboratif, le travail enseignant reste encore trop souvent limité par la forme cellulaire liée à la structure de la classe et contraint par certains cloisonnements disciplinaires ( Barrère, 2006a; Ducros, 2013 cite Tardif & Lessard, 1999). La posture bienveillante des personnels de direction est un incontournable pour construire les conditions favorables au développement des usages (Bertrand & Metzger, 2009). Ce travail collectif demande d’aménager des temps de travail et de discussion, ce qui entretient des paradoxes de nature organisationnelle avec les professeurs et la hiérarchie (Progin Romanato & Gather-Thurler, 2012, p. 31). Au travers de ce type de démarche, le personnel de direction s’engage dans une démarche de « co-construction » des identités professionnelles pour lui-même ainsi que pour l’ensemble des membres de la cité (au sens grec) éducative (Pelletier, 2010, p. 37).

Les dernières évolutions liées aux fonctions spécifiques apparaissent dans les établissements en lien avec le développement des usages numériques. La responsabilité des personnels de direction se joue au travers des délégations données, des missions confiées, du suivi du bon déroulement des actions et des atteintes des objectifs conjointement définis. Cette responsabilité s’accroit à l’horizon de la rentrée scolaire 2015 et l’attribution d’indemnités pour mission particulière (IMP)43 adossées à des lettres de mission présentées en conseil d’administration. Le travail du chef d’établissement (et plus largement celui des équipes de direction) a un impact significatif sur la réussite des projets d’éducation à la citoyenneté numérique. Nous travaillerons cet aspect au travers de la deuxième partie de la méthodologie de recherche.