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La professionnalisation des enseignants et le contexte d’exercice

Introduction de la problématique théorique

2. Le développement professionnel des enseignants

2.2. La professionnalisation des enseignants et le contexte d’exercice

Nous questionnerons la notion de développement professionnel en relation avec le contexte d’exercice dans lequel l’activité se déroule. Nous considérons que l’individu et l’espace social, dans lequel il évolue, se construisent simultanément et de matière interactive. Dans le cadre de l’activité professionnelle, les processus de réflexion, d’apprentissage et de mise en action dans le travail sont des données qui ne peuvent être envisagées séparément et se produisent de façon synchrone (Feyfant, 2013, p. 4). La place des formateurs et leur rôle, dans le cadre d’une démarche systémique, se retrouve classiquement dans la classe, de façon plus large au sein de l’établissement et dans l’organisation sous toutes ses formes (Altet, 2010, p. 14; Audran, 2001, p. 12). L’enseignant aborde sa pratique à l’aide de son expérience et de sa formation initiale

122 dont les prescriptions apparaissent souvent inadaptées (Altet & Guilbert, 2014, p. 81). Ce constat oblige les enseignants à adapter leurs pratiques au contexte de travail réel et d’en faire des prescriptions circonstanciées. Cette analyse réflexive de l’activité génère des compromis opératoires entre le travail prescrit et le travail réalisé. La transformation de l’espace professionnel amène depuis de nombreuses années à une rupture avec l’image d’isolement associée à l’activité en salle de classe et la nécessaire ouverture qui élargit les différentes marges d’autonomie offertes par les évolutions organisationnelles (Marcel, 2005, p. 598). Un certain nombre de dispositifs de formation favorisent l’accès progressif des novices dans une culture professionnelle en organisant des espaces et des moments de dialogue et de collaboration avec des collègues expérimentés (Daele, 2013, p. 15). Ces personnes ont développé des compétences expertes du point de vue disciplinaire mais aussi des savoirs organisationnels, des méta-savoirs et des savoirs propres à l’activité collective, ces compétences étant propres à la gestion de projets, au travail collectif et à la réflexion sur leur pratique en vue de l’améliorer de façon continue avec une pratique réflexive (Desrosiers, Gervais, & Nolin, 2000; Tardif & Lessard, 2004).

L’influence du contexte de travail est importante comme le souligne Daele (2013, p. 27) dans ses travaux, en s’appuyant une riche revue de littérature (Day, 1999; Donnay & Charlier, 2008; Hargreaves & Fullan, 1992). Il nous semble opportun de considérer le processus de développement professionnel comme orienté par la définition des objectifs retenus ainsi que la démarche projet qui occupe une position centrale dans notre travail. Ce processus se nourrit des interactions entre l’altérité au travers des échanges et des discussions et autres formes de débats. Il est situé dans un contexte spécifique en raison de son histoire et des éléments de tension qui s’y rattachent. Le développement professionnel n’est que partiellement planifiable car imprévisible, dynamique, continu et entretenu par récursivité. La dimension personnelle intervient également dans le développement professionnel des individus. Cette notion sera reprise plus loin lorsque nous reprendrons, à l’instar de Marcel, le lien existant entre le sentiment d’efficacité professionnelle et personnelle. Ce développement se déroule selon le rythme de l’individu, en accord avec ses valeurs individuelles et s’appuie sur ses capacités mobilisables. Nous replaçons également ce processus par la construction et l’évolution de l’identité professionnelle des enseignants en ce qui concerne les relations qu’ils entretiennent avec les autres et la prégnance qu’ils accordent aux missions confiées. Nous considérons également que ce processus ne

123 se fait pas de manière linéaire et synchrone pour l’ensemble des individus et pour chacun des membres d’un collectif (Day, 1999). Cette évolution de la professionnalisation constitue un processus de changement en lien avec l’évolution de l’identité professionnelle qui engage la responsabilité de l’enseignant et nécessite un contexte favorable pour se réaliser.

Au sein des communautés, les processus ont besoin de précédents pour se réaliser et se construire. Ils sont favorisés par les différents échanges et la notion de partage qui sont inter-reliés et s’entretiennent au quotidien (Daele, 2013, p. 41). La notion de communauté est complexe et spécifique lorsqu’on entend celle-ci dans le cadre d’un établissement scolaire en raison des contraintes liées aux aspects statutaires et institutionnels. Nous pouvons concevoir le fonctionnement des groupes en fonction des contraintes institutionnelles et d’en percevoir un engagement actif de ses membres selon trois niveaux : le fonctionnement du groupe en lui-même, le produit du travail partagé et la sphère implicite qu’il sous-tend (Marcel & Murillo, 2014, p. 3). Cette démarche d’engagement est liée au contexte en raison de la diversité des enseignants (leur histoire et leur ancienneté) du processus d’autonomisation qui se construit au travers fonctionnement du groupe et de l’auto-prescription qui s’installe entre les membres pour atteindre les buts fixés. Cet espace d’autonomie et de partage de responsabilité, dans le cadre professionnel, permet de générer une démarche de pratique réflexive qui participe au développement professionnel de l’enseignant (Roquet & Wittorski, 2013b, p. 77). La place octroyée ou accordée aux enseignants dans le contexte auquel il participe, sous diverses formes, est essentielle pour favoriser engagement et motivation. L’interaction entre croyance d’efficacité et réceptivité de l’environnement rappelle, dans le cadre des travaux de Bandura, l’importance accordée à la notion d’efficacité collective (Lecomte, 2004, p. 63). Almudever et Marcel reprennent également la dimension systémique qu’ils attribuent à l’ensemble des pratiques professionnelles des enseignants. Ils considèrent qu’il existe une relation entre les pratiques individuelles de l’enseignant dans la classe et les pratiques collectives dans l’établissement scolaire (il s’agit d’une école dans le cadre proposée) (Almudever & Marcel, 2004, p. 13).

Lecomte propose un regard à travers de l’influence combinée des croyances d’efficacité et des performances attendues au sein des organisations, qui correspond à ce que l’on peut rencontrer au travers de l’engagement aux différentes « éducation à » et en particulier autour du numérique responsable (Tableau 5 ci-dessous).

124 Faibles attentes de résultat Fortes attentes de résultat Sentiment élevé d’efficacité personnelle Revendications Reproches Activisme social Changement de milieu Engagement productif Aspirations Satisfaction personnelle Faible sentiment d’efficacité personnelle Résignation Apathie Auto-dévalorisation Découragement Tableau 5: Interaction entre les croyances d'efficacité et la réceptivité de l'environnement d'après

Lecomte (2004,p.63).