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La place des « éducations à »

9. L’établissement scolaire

9.2. La place des « éducations à »

Le terme générique des « éducations à » s’est largement développé dans la sphère scolaire. Cela correspond à de nombreuses actions d’éducation dont le but est de répondre aux demandes et préoccupations sociales sur des thèmes qui ne trouvent pas suffisamment d’appuis dans les programmes disciplinaires (Audigier, 2010). Nous trouvons sous cette appellation les éducations à la santé, au développement durable, aux médias et à l’information, à l’orientation ou à la citoyenneté. La mise en place de cette démarche relève davantage de volonté individuelle de quelques enseignants ou personnels d’encadrement. L’objectif de ces « éducations à » est de contribuer au développement de compétences sociales, de contribuer à favoriser les attitudes citoyennes et civiques.

Des projets transversaux et pluridisciplinaires

Ces projets s’inscrivent dans une démarche transversale et interdisciplinaire qui permet de développer l’esprit critique dans un champ spécifique et favorise la mise à distance des savoirs et des connaissances. L’Ecole semble répondre au travers de ce type d’ « éducation à » la mission d’émancipation face à l’information et participe à la formation des futurs citoyens responsables capables de comprendre et de réfléchir sur les différentes problématiques de nos sociétés. Ces projets permettent de faire collaborer les disciplines et laissent également un espace à différents personnels de l’établissements comme les personnels de santé (infirmières et médecins), d’orientation (conseiller (e ) s d’orientation psychologues) et sociaux (assistant (e ) social(e ) ) qui apportent un autre éclairage lié à l’objet d’étude et un autre regard sur les élèves. Malheureusement, la forme scolaire (emploi du temps, organisation, évaluation, ...) et la structure des programmes ne laissent que peu de place à ce type d’éducation. Les références aux « éducations à » sont limitées à la fois dans les textes d’accompagnement des programmes et dans les rares exemples d’activités au sein des différentes disciplines. Ces « éducations à » devraient permettre de mettre en relation les disciplines, d’établir un trait d’union entre les situations d’apprentissage et les formateurs, car elles n’appartiennent à aucune en particulier. Comme le

63 soulignaient Fluckiger et Bart (2012) autour du B2i, qui constitue un pan de l’éducation à la citoyenneté numérique, le caractère non disciplinaire pose question autour de l’organisation ou de l’évaluation de ces compétences, ainsi que les confusions qui en découlent. Nous notons également que, de manière contradictoire au niveau institutionnel, les « éducations à » se multiplient et se développent alors qu’aucun horaire institutionnel n’y est affecté. Ainsi, ces pratiques au sein de quelques enseignements ou lors de quelques heures attribuées au gré des initiatives et opportunités locales sont liées aux démarches des enseignants et à l’engagement des équipes de direction. A force de considérer que cette formation appartient à toutes les disciplines, nous constatons que dans beaucoup de cas, elle ne s’inscrit dans l’action effective de peu d’entre elles, voire dans certains domaines, dans aucune. En revanche, nous pouvons nous interroger sur l’influence d’une problématique sociale dans les missions des enseignants et la fragilisation des disciplines scolaires que cela induit.

Quelle place pour la formation du cyber-citoyen ?

Le projet de formation au numérique responsable s’inscrit dans ce type d’ « éducation à » la citoyenneté, plus précisément sous sa forme numérique. L’éducation à la cyber-citoyenneté (digital citizenship) permet de présenter les droits et les devoirs de tout citoyen liés aux usages numériques. Ce type d’enseignement permet de faire prendre conscience des risques et dangers liés aux usages du numérique. Nous interrogeons la définition de la citoyenneté numérique proposée par (M. S. Ribble et al., 2004) (ci-dessous) qui s’appuie sur le développement de l’esprit critique, le rappel à la règle (ou la loi) et la compréhension des usages numériques et de leurs enjeux. Les auteurs ont défini une série de neufs éléments distincts qui jalonnent la citoyenneté numérique dans ces usages professionnels, familiaux et personnels.

« Digital citizenship can be defined as the norms of behavior with regard to technology use. As a way of understanding the complexity of digital

citizenship and the issues of technology use, abuse, and misuse, we have identified nine general areas of behavior that make up digital citizenship.” Les neuf éléments (Etiquette, Communication, Education, Access, Commerce, Responsibility, Rights, Safety and Security (Self-protection) semblent raisonnablement permettre une évaluation du degré de maitrise de la citoyenneté numérique (ou DCS

64 Digital Citizenship dans l’article) au regard des travaux menés par Isman et Canan Gurgoren (2014) qui ont appuyé la pertinence des éléments. Ribble (2014) propose dans le prolongement des précédents travaux, les éléments d’un programme d’enseignement à envisager pour donner les bases de la citoyenneté numérique aux élèves afin qu’ils se construisent et développent ces pratiques au gré de leurs usages quotidiens, mais cet ensemble reste très prescriptif. Cette projection se construit autour de nombreuses propositions d’applications en classe qui relèvent de différentes disciplines scolaires (Pagoni & Tutiaux-Guillon, 2012). Ribble relève également le caractère vicariant accordé à l’exemplarité des adultes auprès des jeunes en ce qui concerne les usages responsables. Lacombled (2013) évoque les nouveaux enjeux de la citoyenneté numérique en prenant le contre-pied des débats alarmistes qui fustigent le déploiement du numérique. Il soutient les démarches éducatives qui prônent la maitrise de ces nouveaux outils et la connaissance des risques sous-jacents. Il inscrit sa démarche dans un esprit d’apprentissage tout au long de la vie dont l’initiation serait élaborée sur un schéma du type « apprendre à apprendre ». Cette Ecole proposerait une organisation plus coopérative solidaire et créative autour du numérique en développant une démarche de questionnement plutôt que de la recherche de solutions existantes (Conseil National du Numérique, 2014). L’esprit de la formation à la citoyenneté numérique s’inscrit dans la logique des éléments déjà évoqués par Audigier, (2007) lorsqu’il parlait alors d’éducation à la citoyenneté. Il fondait son propos sur les mêmes influences des attentes sociales et la contradiction, toujours existante, de la contrainte issue de la forme scolaire d’un point de vue structurel, formel et disciplinaire (Vincent, Lahire, & Thin, 1994). Le projet de formation au numérique responsable devrait permettre de donner un sens plus large à la notion de connaissance et d’apprentissage ainsi que de favoriser l’affirmation de la complémentarité des disciplines scolaires.

L’amélioration de la perception du concept de « Vivre ensemble »

Cette extension numérique de la notion de citoyenneté est davantage une évolution sociétale que l’émergence d’une nouvelle notion. Cette connaissance des enjeux du numérique se définit comme la maitrise essentielle des outils indispensables aux citoyens du 21ème siècle. L’entrée la plus souvent utilisée, dans le cadre scolaire français, reste l’impact et l’influence du numérique sur la notion du « vivre ensemble ». Son impact sur les attitudes et les comportements nous renvoie vers des

65 problématiques de vie scolaire dont certains enseignants ont toujours du mal à s’emparer alors que les approches transversales sont fortement recommandées (Audigier, 2007) et le sens de la culture commune s’en trouve ainsi renforcé par un minimum d’accord dans les pratiques collectives (Fernandez G., 2012a; Tardif, 2007, p. 176).

La place d’Internet dans les pratiques scolaires

L’utilisation d’Internet est répandue dans les pratiques pédagogiques enseignantes avec diverses postures et approches (Ladage & Ravestein, 2013; Ravestein, Ladage, & Johsua, 2007). La prise en considération de la culture numérique extra-scolaire est remise en cause, voire rejetée, par les enseignants. La difficulté éprouvée par les élèves d’analyser, d’interpréter leur pratique numérique courante semble au cœur de la réflexion sur leur place au sein des enseignements. Par contre, nous pensons que le questionnement éducatif et professionnel sur les mésusages des jeunes reste une source pertinente dans une démarche de formation du cyber-citoyen et de contribution au développement de l’esprit critique et du libre arbitre de ceux-ci. Notre positionnement est fondé sur la théorie des situations qui s’inscrit dans une action de prévention et de formation.

Nous questionnerons dans notre première partie l’engagement des différentes disciplines dans la formation à la citoyenneté numérique. Il nous semble évident que les conseillers d’éducation, les professeurs documentalistes, les enseignants d’éducation civique seront principalement impliqués dans cette formation. Par contre, nous pensons que toutes les disciplines sont à même d’y contribuer de façon à mettre en œuvre des orientations des programmes disciplinaires qui s’inscriraient dans le sens des apprentissages sociaux voulus par le socle commun, certainement au prix de quelques transpositions didactiques, voire de pertinentes et inventives catachrèses (Ravestein, 2010), afin d’accéder au compétences souhaitées.

Les récents attentats du 7 janvier perpétrés en France ont relancé le débat autour de la place centrale des valeurs attachées au service public d’Education. Ce travail essentiel d’éducation peut trouver au travers du numérique un excellent support. Un tel contexte renforce la nécessité de développer l’esprit critique des élèves et d’éduquer aux médias (Drot-Delange, 2012). Le numérique et le projet de formation au numérique responsable constituent des éléments favorables à la mise en œuvre d’actions liées à la laïcité, la liberté d’opinion et la critique de l’information. Aujourd’hui,

66 l’afflux d’informations par des sources numériques est important et il apparait crucial d’éduquer sur la nature des informations reçues, de donner à tous une instruction et un niveau de réflexion nécessaires pour lutter contre toute forme d’obscurantisme. Pour les enseignants et les formateurs, cela renvoie également au référentiel de compétences des agents du service public (paragraphe 9.6) et des missions confiées auprès de notre jeunesse.

9.3. La formation au numérique responsable dans les instances de