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Une démarche participative qui tend vers une organisation apprenante

Introduction de la problématique théorique

1. Une approche systémique pour favoriser l’organisation apprenante

1.4. Une démarche participative qui tend vers une organisation apprenante

Nous avons précédemment évoqué les notions de systémique, d’auto-organisation et de démarche de projets afin de préciser leurs apports dans le domaine des nouvelles technologies et plus spécifiquement en ce qui concerne la formation au numérique responsable. Nous nous attacherons dans cette partie à établir l’apport de la démarche participative et de la dynamique de projets qui tendrait à faire évoluer une auto-organisation vers une organisation apprenante.

De nombreux écrits vont dans le sens de notre propos et sont fondés sur les travaux de Le Moigne (1990) en ce qui concerne les théories des organisations et les approches systémiques. Le développement de celles-ci vers la notion d’organisation apprenante est également soutenu par les théories de la complexité (Argyris & Schön, 2002; Morin, 2005) et des actions de nature réflexive qui peuvent être conduite en établissement (Perrenoud, 2001; Schön, 1994). La dimension réflexive est prégnante afin de favoriser la prise en compte de l’influence du contexte sur les usages et les diverses formes de régulation d’actions. Nous pouvons considérer que la démarche de projet, qui relie les éléments de formation citoyenne en lien avec des usages numériques sociaux, est à interpréter au sens de Mallet (2008, p. 126). Le rappel des principes de dialogie, de récursivité et d’hologramme propose une conception théorique de l’établissement scolaire sous la forme d’un « système ouvert auto-éco-organisé » qui mobilise l’intégralité de l’équipe et la communauté dans son ensemble.

103 Ces notions d’organisations et d’équipes apprenantes permettent de solliciter une forme d’intelligence collective (Boutte, 2007). La structure organisationnelle, propre à l’autonomie d’un établissement, est selon nous un cadre privilégié dont il est utile de se saisir afin de développer le principe hologramatique au niveau des acteurs et au sein des actions, afin de développer une culture commune. Cette démarche de communauté de sens permet le développement des apprentissages aux différents niveaux de l’organisation. Nous remarquons que la formation au numérique responsable pourrait être propice à l’émergence d’une forme d’interdisciplinarité (par approche transversale) dans laquelle les formateurs pourraient partager des objets et des intentions communes (Charlier & Peraya, 2007, p. 241).

La notion d’ « établissement apprenant » a été développée par Gather-Thurler (citée in (Marcel & Garcia, 2010)) et présentée comme le cadre le plus propice et adapté au développement professionnel des enseignants. Cette notion de développement est favorisée par une prise en considération du local, du contexte et la mise en œuvre du projet d’établissement qui contribue de façon réflexive au développement de l’autonomie de l’établissement (Ibid, 2010, p. 16). Ces mêmes éléments de contexte favorisent, dans le cadre d’un travail partagé, au développement professionnel des enseignants et aux apprentissages des différents individus (Bonami et al., 2010, p. 48). Nous savons que la mise en place de modalités de travail partagé choisi favorise, également, les apprentissages sociaux. Ces types de pilotage se caractérisent par une absence de prescription et une hétérogénéité des groupes constitués. Nous constatons ainsi au sein des différents groupes, la notion de légitimité qui autorise l’énonciation de règles et de pratiques reconnues et validées par les pairs (Durat & Mohib, 2008, p. 29). Ces usages ou pratiques (formels ou informels) reçoivent de la part du collectif un sens et une autorisation (au sens de l’accord entre les parties) de se diffuser et s’accomplir.

Nous revenons sur la notion de sens accordé aux projets par le collectif. Il apparait au travers des travaux de Coburn (2001) que les enseignants accordent peu de temps de travail à la réflexion sur la nécessité, l’importance et l’intérêt du travail en équipe également évoqué dans les travaux de Marcel (2005). Nous considérons que la notion de sens partagé et de représentations partagées sont vecteurs de cohésion et favorisent les apprentissages individuels et collectifs. Il est important pour le pilotage des organisations d’accorder un regard compréhensif sur les éléments de fonctionnement afin de décoder le processus par lequel le travail collectif entre

104 enseignants peut être associé à l’émergence de représentations partagées de l’activité éducative (Dumay & Dupriez, 2010, p. 80). Par ailleurs nous revenons aux précédents travaux qui montrent l’impact sur les apprentissages sociaux de la réflexion et la diffusion d’éléments qui appartiennent au collectif socialement constitué (Fernandez G., 2010). Il est donc important selon nous de créer un espace d’échange et de dialogue entre pairs afin de créer du sens au travers de situations qui échappent initialement aux attentes et aux cadres d’interprétations des individus et du collectif. Ce type de dispositifs assure une organisation du travail dont les répercussions se font sur la création du sens et le processus de cadrage, bien qu’ils n’échappent pas aux regroupements affinitaires et aux enjeux d’interactions locales (Barrère, 2002, p. 489). Ce type de pratiques doit pouvoir proposer une construction sociale, issue de pratiques interprétatives et communicationnelles du collectif, qui favorise la construction d’une action auto-organisée plutôt que de s’imposer un modèle d’organisation donné.

Nous pourrions proposer la dénomination de communauté de sens au travers de notre approche en raison du sens commun accordé par l’ensemble des membres du groupe après concertation et définition de l’objectif du projet de formation. Cette expression pourrait apparaitre excessive pour qualifier l’action du collectif. Cela impliquerait de définir la notion de sens accordé au projet comme l’opérateur collectif réifié au sens de Wittorski (1997) (Fernandez G., 2013).

Nous complétons notre propos notant l’évolution de la structuration identitaire des enseignants qui provient du développement de la porosité des frontières de l’établissement avec le contexte d’exercice (Raulin et al., 2005). Cette situation risque d’amener une évolution dans la relation de l’établissement scolaire avec son environnement social et économique proche. Nous employons le terme de risque car il nous semble que la contrainte d’intégration de la culture environnante et de ses diverses composantes (normes, valeurs, instruments, outils, concrets ou symboliques) est corrélée à la notion de développement de l’établissement scolaire vers une organisation apprenante (Feyfant, 2013, p. 2). Cette démarche permet aux formateurs de profiter de leurs expériences acquises et de développer des compétences grâce à une réflexion dialogique, au sens de Morin (2005), entre les éléments du contexte organisationnel, du collectif de travail et des environnements social et institutionnel. Cette circularité entre le comprendre et le faire est consécutive du développement des compétences individuelles et collectives des enseignants. La posture réflexive des

105 formateurs permet de mettre en relation leur culture propre et l’environnement, qui constituent pour nous un axe de développement. La réflexivité entre l’expérience et la pratique enseignante est un acte formateur selon Marcel (2005, p. 3). La professionnalisation des enseignants est d’autant plus importante que ceux-ci se retrouvent en position d’acteurs du changement au sein de ladite organisation. Cette considération est une spécificité française qui semble liée à l’autonomie de l’établissement, à la différence des certaines expérimentations nord-européennes qui établissent un lien entre la notion d’organisation apprenante et une certaine culture communautaire professionnelle (Feyfant, 2013, p. 3; Karsenti, 2007, p. 203).

Nous fondons notre travail de recherche autour de la place accordée à l’établissement scolaire comme milieu de professionnalisation, espace de formation dans lequel il est possible de créer des conditions favorables et propices aux pratiques collaboratives. Ainsi, nous considérons le collectif et l’établissement comme en interaction, cette approche a pour but de permettre à chacun de ses membres d’exploiter au mieux sa capacité d’apprendre, de développer les connaissances et de faire croître les ressources (Lanaris & Savoie-Zajc, 2010, p. 112) pour lui permettre de progresser et de construire des compétences individuelles et collectives (Karsenti, 2007, p. 203). Par ailleurs, le changement d’échelle qui découle de l’articulation entre l’activité individuelle et l’activité collective permet d’interroger les pratiques concernant le travail informel qui se saisit du quotidien de l’établissement. Le travail collectif formalisé favorise l’émergence d’un processus d’apprentissage « organisationnel » (Feyfant, 2013, p. 7) qui rejaillit sur le développement individuel de la réflexivité des processus d’apprentissage ainsi que les interrelations existantes.