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La professionnalisation et les théories de l’apprentissage

Introduction de la problématique théorique

2. Le développement professionnel des enseignants

2.5. La professionnalisation et les théories de l’apprentissage

Nous compléterons notre approche théorique par un rappel des différentes notions liées aux théories de l’apprentissage qui nous ont été utiles dans le cadre du développement professionnel des enseignants.

136 Les premiers apprentissages dits professionnels des enseignants se construisent au sein du dispositif de formation initiale. Cette formation dispensée dans les ESPE profite d’une expérience construite depuis la mise en place des anciennes Ecoles Normales puis des IUFM qui ont précédé la structure actuelle. Nous porterons un regard sur les différents dispositifs de formation initiale et continue des enseignants et la nature des apprentissages qu’il est possible d’observer en établissement scolaire car les enseignants ont bénéficié et bénéficient de leur droit à la formation. Les modalités d’organisation de la formation initiale dans les ESPE et la formation continue tentent d’ancrer ces dispositifs dans la pratique quotidienne. Les enseignants actuels ont été formés majoritairement à l’IUFM créés en 1991 dont la transmission était essentiellement didactique et dont la part de transversalité était réduite. La mise en place des ESPE tente de proposer le développement d’une culture de coopération entre pairs susceptible de s’adresser à des formateurs en charge de mêmes élèves au sein des équipes pédagogiques, lors de la mise en œuvre de projets communs afin de conserver de la cohérence et du sens. Cette démarche s’appuie tout d’abord sur l’évolution des référentiels du métier d’enseignant et la validation de celui-ci pour les enseignants stagiaires dont l’ESPE à la charge (Altet, 2010, p. 13̻15; Marcel, 2005, p. 590). Les ESPE disposent de formateurs expérimentés, dont certains enseignaient déjà en IUFM, de statuts différents et qui s’impliquent dans la formation initiale en proposant des apports variés en raison de la diversité des statuts, des origines professionnelles et des expériences individuelles. Ces formateurs d’enseignants sont bénéfiques pour articuler des postures différentes, intégrer des savoirs et savoir-faire d’origine diverses afin de provoquer la rencontre entre théorie et pratique. Cependant dans les faits, la coopération professionnelle entre enseignants de statuts variés est difficile. Dans le champ des activités de formation, les logiques se basant sur la seule offre externe de savoir et la valorisation des activités in situ comme outil de formation (direct ou indirect) via la notion de compétence par exemple qui s’appuie sur un paradigme constructiviste et rapproche les champs du travail et de la formation (Roquet & Wittorski, 2013b, p. 73).

Nous avons pu présenter les éléments positifs que nous accordons aux pratiques de collaboration et la participation aux groupes de discussion afin d’échanger et de se confronter au regard des pairs. Ces pratiques réflexives en groupe se diffusent dans les dispositifs de formation continue pour permettre de déboucher sur des pistes d’actions transposables et exploitables directement en établissement scolaire (Daele,

137 2013, p. 14; Donnay & Charlier, 2008). Ces dispositifs permettent en général, et plus spécifiquement autour du projet de formation au numérique responsable, d’être transposés dans les établissements sous la forme d’actions de formation interne qui contribuent au développement des compétences dans un environnement proche. La nature contextualisée de l’apprentissage est importante, tout comme les ancrages culturels variés et sociaux des apprenants qui permettent une appropriation différenciée des savoirs (Lahire, 2007, p. 73)

Il nous parait intéressant d’évoquer et de situer les différents types d’apprentissages qui nous semblent essentiels dans le cadre de notre approche conceptuelle, en ce qui concerne le développement professionnel des enseignants relatif à la pratique pédagogique liée aux objets de formation au numérique responsable.

Les enseignants construisent et développent leurs pratiques professionnelles en construisant des savoirs d’action, en construisant du sens et en développant un processus de changement. Les théories cognitivistes défendent l’apprentissage par l’activité du sujet apprenant (enseignants) qui impliquent des processus internes avec le milieu environnant. Les approches sociocognitives et interactionnistes se complètent à propos du développement professionnel des enseignants (Marcel, 2005, p. 167). La notion d’apprentissage au sein de divers groupes sociaux et dans un contexte professionnel nous conduit à évoquer les théories de l’apprentissage social lorsque ces apprentissages sont construits en situation de travail partagé avec d’autres enseignants puis remobilisés dans d’autres situations d’enseignement (Marcel, 2007, p. 129). Cet apprentissage conduit à intégrer, au travers de pratiques de la vie en société, des savoir-faire ou connaissances liés aux conduites et pratiques qui découlent d’un élément d’influence sociale, comme c’est le cas pour l’intégration des pratiques numériques sociales. Nous faisons référence aux travaux de Bandura, de Vygotski et de Bruner.

La base de l’apprentissage social pour Bandura (1995) se situe dans une forme d’apprentissage par imitation des individus, dans une situation spécifique qui occupe la fonction de modèle. Le facteur d’interaction sociale est déterminant par la déstabilisation cognitive qu’elle engendre chez le sujet apprenant (Winnykamen, 1990).Les travaux de Vygotski contribuent à marquer la prégnance du langage dans le développement social des individus et dans le développement des fonctions psychologiques supérieures. Vygotski considère lui aussi que l’imitation est vecteur d’un apprentissage qui contribue au développement. Pour Vygotski, l’imitation est

138 indissociable du concept de zone proximale de développement (ZPD) (Vygotski, 1997, p. 270) qui caractérise l’apprentissage acquis par l’action d’un tiers médiateur. La possibilité de développement d’un individu est augmentée si un tiers lui vient en aide. Cette marge de progression est atteinte dans notre étude lorsqu’il y a une pratique collaborative et de coaction vers un stade supérieur dans lequel il se situe individuellement. Le tiers joue le rôle de médiateur qui doit donner la capacité au formé à accéder à un stade supérieur « proche » de son état en mettant en œuvre des situations appropriées et adaptées (Ibid, p. 273). A l’instar de Collin et Karsenti (2011, p. 575), nous considérons que le langage contribue au développement d’une dimension collective dans les pratiques réflexives. La mise en commun d’informations de façon empirique autour des situations d’apprentissage organisées permet de développer un processus social au sein du groupe de formateurs qui peut être considéré dans certains cas comme une communauté. Ainsi le fait d’échanger sur les pratiques permet de développer une pratique réflexive au travers des interactions verbales entre pairs. Un tel dispositif nécessite un certain degré de collaboration entre les acteurs. Une part du phénomène de développement professionnel relève de l’ordre d’une dimension interne aux individus (intrapsychological level). Comme nous pouvons le voir sur le processus proposé (ci-dessous Figure 11), lorsque les éléments sont questionnés de façon interne par les enseignants, ils apparaissent parallèlement dans les relations interpersonnelles. Ce processus réflexif se développe dans une zone proximale de développement et permet l’intégration progressive de ces éléments, qui réapparaitront ensuite dans les pratiques, à travers de la manifestation de l’autonomie dans la pratique professionnelle (Collin & Karsenti, 2011, p. 575).

139 Figure 11: Relation entre la pratique réflexive et les interactions verbales sous une approche

Vygostkienne proposée par Collin et Karsenti,( 2011, p. 576)

Cet apport des interactions langagières dans la pratique réflexive est complété par l’accès à un apprentissage par imitation et aux apprentissages sociaux lors des observations de pratiques et toutes les formes de mutualisation d’expériences. Cet apprentissage par imitation est central dans les situations de développement des individus au travers des situations d’apprentissage parents/enfant et maitre/élève par exemple. Cette forme d’apprentissage se produit lorsqu’il y a un engagement volontaire pour acquérir des traits comportementaux spécifiques adaptés à une nouvelle conduite. Nous pensons que les apprentissages des jeunes autour des réseaux sociaux se développent entre pairs pour les amener à une périmaitrise (Abernot, 1993, p. 327) de ces types d’usages et que l’accès aux pratiques de formation autour du numérique responsable pourra se diffuser progressivement également au sein des pratiques enseignantes par imitation de pratiques spécifiques. La volonté de s’inscrire dans une posture de modèle n’est pas forcément présente dans les échanges entre enseignants. Dans ce cas, l’apprentissage se fait sous une forme vicariante, le sujet qui fait référence met en œuvre le comportement qui est le but de l’apprentissage en tant que comportement à acquérir dans ses pratiques (Bandura, 2003, p. 28). Nous reprenons la position de Winnykammen (ci-dessous)

140 que nous reconsidérons dans la perspective d’échanges entre enseignants experts et novices ou avec plus ou moins d’ancienneté dans la fonction :

«Ainsi, l’imitation s’avère présenter surtout une valeur fonctionnelle de communication entre pairs et d’acquisition dans les relations avec les ainés et les adultes » (Winnykamen, 1990, p. 330).

Notre position dans la prise en compte des éléments de langage comme vecteur d’interactions est également soutenue au travers des travaux de Goffman (1974, p. 34) dans lesquels il précise la part de rituels établis. Les individus engagés dans une interaction langagière devraient avoir conscience des enjeux liés à la posture qu’ils proposent et décident à chaque moment des attitudes à adopter de manière consciente et dirigée. Dès lors, la communication ne se limite plus qu’à l’expression verbale et s’accompagne d’une forme de communication liée aux expressions physiques, gestuelles et comportementales.

Le sentiment d’efficacité professionnelle est un élément essentiel dans le cadre de notre approche du développement professionnel des enseignants. Ce concept est issu des travaux de Bandura et a été repris puis prolongé par Marcel dans le cadre des travaux qu’il propose sur le développement professionnel des enseignants du primaire et de l’enseignement agricole. Lorsque Marcel aborde la notion de développement professionnel, il considère le sentiment d’efficacité professionnelle comme un indicateur de ce développement (Marcel, 2009b, p. 162). Les travaux de Bandura (2003, in Lecomte 2004, p. 67) présentent le fondement de la croyance d’efficacité à partir de quatre principales sources d’informations : les expériences actives de maîtrise, l’apprentissage social qui se développe par observation d’autres personnes, la persuasion par autrui de cette capacité et l’état physiologique et émotionnel dans lequel se trouve l’individu. Effectivement tous ces éléments physiologiques, psychologiques participent à la prédisposition de chacun pour s’engager dans une action. Nous nous appuyons sur la définition donnée par Marcel (Marcel, 2009b, p. 164 ) sur le sentiment d’efficacité professionnelle (SEP) dont l’origine provient des travaux de Bandura :

« L’efficacité personnelle perçue concerne la croyance de l’individu en sa capacité d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités. » Bandura (2003, p. 12)

Nous tenterons de saisir, dans notre approche de la formation au numérique responsable, les éléments qui traduisent les convictions des enseignants en leurs

141 capacités de formation. Comme nous l’avons évoqué précédemment, une dimension personnelle de l’individu contribue à définir ce sentiment. Pour Marcel le sentiment d’efficacité professionnelle est un sous-ensemble du sentiment d’efficacité personnelle. La dimension personnelle est également soulignée par cet auteur au moment de l’entrée dans le métier des enseignants. Lors de cette étape, Marcel évoque la notion de creuset des valeurs identitaires qui participe à la construction identitaire professionnelle. Les valeurs individuelles liées à l’éducation, le rapport au métier « rêvé » et les contributions familiales font partie de l’approche psychologique et philosophique avec lesquelles l’enseignant intègre sa fonction. Cette démarche d’entrée dans la fonction demande une accommodation au métier qui se fait au prix de déceptions diverses. Le moi enseignant s’installe dans sa différence aux autres. La participation aux échanges entre pairs est libérée après l’inspection de validation et une certaine évolution de la relation au tuteur (Marcel, 2005, p. 19). Au travers des travaux menés en coaction et en animation pluridisciplinaire, intégrant des enseignants débutants, novices et expérimentés, s’opère la construction de savoirs professionnels diversifiés et le développement du sentiment d’efficacité personnelle (Marcel, 2009c, p. 143). Les enseignants s’engagent dans ces pratiques collectives en se considérant capables de réussir une tache et osent la mettre en œuvre pour la réussir avec succès (Marcel & Murillo, 2014, p. 3). Pour Lecomte (2004, p. 67), un sentiment d’efficacité élevé se perçoit au niveau de la croyance qu’ont les enseignants de faire apprendre aux élèves des notions difficiles avec l’appui de la famille. En revanche un faible sentiment d’efficacité se caractérise par une croyance réduite en la motivation des élèves, ces enseignants se sentent impuissants face au contexte et abandonnent rapidement face aux difficultés. Les indicateurs liés à un faible sentiment d’efficacité sont relatifs aux difficultés de gestion de classe, l’apparition de stress et de nervosité dans les attitudes. Afin de contourner ces difficultés individuelles, il est important de faire percevoir aux enseignants qu’ils ne sont pas isolés dans l’établissement. L’organisation dans son ensemble est concernée par le développement pédagogique qui contribue à l’amélioration du sentiment d’efficacité. L’importance de ce sentiment d’efficacité professionnelle est observable dans le cadre de la construction de l’identité professionnelle de l’enseignant, de la motivation à s’engager dans l’action et dans sa participation aux prises de décisions. Le concept de motivation qui découle du sentiment d’efficacité professionnelle s’inscrit dans l’approche socio cognitiviste de Bandura. Dans cette dynamique d’organisation, la

142 place du leadership est significative lorsque l’objectif visé est d’améliorer l’enseignement et de construire le sentiment d’efficacité pédagogique des enseignants, contrairement aux directions qui adoptent un fonctionnement de type administrateur (Lecomte, 2004, p. 67). Ces éléments confortent notre logique d’approche systémique et de dynamique collective. Lorsque l’objectif des actions des enseignants trouve de la cohérence et du sens en matière de résultats attendus, de nombreux travaux recensés par Galand et Vanlede (2004, p. 6-7, in Marcel, 2009b, p. 164) soulignent la convergence des résultats « existence d’une relation entre le sentiment d’efficacité professionnelle, la performance et la persévérance ». La notion de performance effective n’est pas forcément liée aux compétences « objectives » mais également en la confiance en la maitrise de celles-ci, ce qui rejoint les travaux de Marcel sur la notion de développement perçu qui renvoie à ce que l’individu pense maitriser et cette perception joue un rôle dans son engagement dans la tâche. D’une façon différente, Daele évoque la notion de confiance et de sécurité perçues qui favorisent l’engagement dans la tâche. Cette considération participe de la même logique d’environnement perçu favorablement et propice au développement des professionnels. La perception du bien-être et les sentiments de réussite apparaissent surévalués dans certaines études puisque les difficultés qui sont présentes dans les différentes situations sont souvent minorées. Ces difficultés augmentent dans certains cas la part de doute sur soi et en ses capacités à faire face aux situations. Ainsi une évaluation optimiste des capacités personnelles accroit et soutient la motivation de telle façon que les personnes peuvent tirer le meilleur parti de leurs talents.

Face à la difficulté qui s’annonce, par rapport au projet de formation au numérique responsable, il semble important de considérer la notion de persévérance qui est associée au sentiment d’efficacité professionnelle. Nous savons que dans la mesure où les enseignants se pensent capables d’atteindre l’objectif fixé et disposent d’une bonne estime de leur efficacité professionnelle, ils sauront faire preuve de persévérance pour la mise en place des actions. Inversement, les enseignants les moins confiants auront tendance à se démobiliser plus facilement et à abandonner les actions de formation dans lesquelles ils s’engageraient. Il apparait dans ce cas très important de renforcer cette estime par un étayage collectif et une forme d’accompagnement.

Pour considérer le développement professionnel des enseignants autour du numérique responsable, nous considérons les variables de types individuelles,

143 situationnelles et relationnelles comme des entrées importantes pour provoquer l’évolution des pratiques au travers des échanges entre pairs. L’évolution de cet apprentissage envisage donc d’apprendre par les autres mais aussi aux autres et bien entendu avec une constante interactivité des individus (Marcel, 2007, p. 131).

3. La déprofessionnalisation

Peu de travaux abordent la notion de déprofessionnalisation. En première approche cette notion, que nous qualifierons de nouvelle, peut s’entendre comme une perte effective ou ressentie de professionnalité. Son fondement peut provenir d’une réaction de la profession à des évolutions sociales plus larges, voire à certaines attentes sociales liées au domaine de l’éducation. Les récentes évolutions de référentiels des compétences des enseignants, les modalités d’évaluation des élèves au travers de la notion de compétences et la multiplication des activités hors la classe et détachées de la discipline scolaire sont à l’origine d’une remise en cause de l’identité professionnelle enseignante. Les recherches de Perrenoud (2010, p. 121) et Roquet et Wittorski (2013b) abordent cette notion, de déprofessionnalisation, selon une approche consubstantielle de la professionnalisation. Dans notre système éducatif, l’évolution professionnelle des enseignants est organisée dans une logique de développement des compétences des professionnels sans s’intéresser à l’autre face de la réalité qui concerne le processus de déprofessionnalisation (Roquet & Wittorski, 2013a, p. 9). Dans le cadre de la professionnalisation des enseignants que nous entendons au sens de Roquet et Wittorski (2013b, p. 74) comme une professionnalisation–formation, rappelons que cette forme s’intéresse au développement de savoirs et des compétences des individus dans leur travail, la déprofesionnalisation est perçue comme la perte de compétences individuelles au travers d’acquis de terrain non reconnus. Cette situation développe le sentiment d’être employé en dessous de son niveau d’expertise et l’engagement en formation a pour but d’amener l’individu à occuper un emploi jugé moins valorisé et détourné de son identité professionnelle. La déprofessionnalisation s’appréhende également au niveau collectif comme un affaiblissement ou une perte de repères professionnels (identitaires, culturels, éthiques et déontologiques). Un tel processus remet en cause les gestes professionnels ordinaires et se traduit par une perte de confiance dans l’activité. Certains formateurs (enseignants ou non) ressentent une forme de

144 déprofessionnalisation du fait de l’appel à de nouvelles compétences qui participent à une remise en cause de la professionnalité collective existante. Ces situations ont un impact négatif d’un point de vue psychologique et sont susceptible de provoquer une diminution du Sentiment d’Efficacité Professionnelle, notion proposée par Bandura puis reprise et développée par Marcel dans différentes recherches. Les travaux de Roquet et Wittorski (2013a, p. 9) tentent de définir les frontières entre les processus de professionnalisation et déprofessionnalisation. Les professions, de façon générale, sont enclines à vivre des cycles successifs de construction et de déconstruction. Ces boucles d’apprentissage génèrent des logiques de professionnalisation articulées à des logiques de déprofessionnalisation. Une question semble requérir notre attention : la formation déprofessionnalise-t-elle ? Ce qui signifierait que les dispositifs de formation sont employés à contre-courant des objectifs assignés dès lors qu’ils n’intègrent pas explicitement cette composante ou la prend en considération. Les dynamiques de professionnalisation organisées au sein des établissements scolaires visent le développement des compétences transversales en vue d’accroître l’efficacité du travail. Mais l’évolution de la place accordée aux compétences transversales a en réalité des effets déprofessionnalisants, dus à la remise en cause de compétences spécifiques à certaines professions. Une illustration significative d’une forme de déprofessionnalisation pourrait être consécutive à une instruction imposée d’autorité à la profession sans qu’elle ne fasse sens. Une telle situation rappelle aux enseignants leur position de subordination alors que la tendance actuelle de la gouvernance s’inspire d’une dynamique d’adhésion. Ce genre de situation est d’autant plus négativement vécu qu’il illustre la notion de perte d’autonomie professionnelle (Roquet & Wittorski, 2013a, p. 11). Les formes de déprofessionnalisation ressenties et effectives sont induites par les nouvelles pratiques organisationnelles au travers des modes de promotion, les sollicitations d’adaptabilité et le développement de compétences transversales. Cette évolution s’accompagne de l’inconfort d’une « conversion » identitaire collective promue par les changements prescrits (Ibid, p. 74). Les travaux de Maroy et Cattonar (2002) in (Roquet & Wittorski, 2013b, p. 78) apportent des indices de déprofesionnalisation des enseignants : nouveaux modes de prescription et de contrôle de l’activité enseignante, l’introduction de nouveaux standards s’imposant à tous (évaluation par compétences, épreuves étalonnées et de nouveaux acteurs ayant droit de regard sur l’activité enseignante : parents, élèves et collectivités territoriales). L’activité enseignante n’est plus stabilisée par des processus