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Les éléments de politique générale au sein des collectivités territoriales

Il nous paraît inutile de repréciser et de développer dans ce paragraphe, les obligations d’entretien et d’équipement qui pèsent sur les collectivités territoriales de rattachement36. Le domaine de l’informatisation des établissements est un domaine important en matière d’enveloppe budgétaire et très complexe en ce qui concerne le déploiement et la mise en œuvre des projets. Le dernier projet mené, issu du programme « Faire entrer l’Ecole dans l’ère du numérique » et présenté le 10 juin 2013 par Vincent Peillon, traduit la mise en œuvre d’une politique conjointe, Ministère et collectivités territoriales, liée aux développements des usages numériques.

Un nouveau projet entre collectivités territoriales et Ministère

Ce projet des collèges connectés37 a concerné dans sa première tranche vingt-trois collèges répartis sur vingt-deux académies. Ledit projet a été étendu à soixante et douze collèges38 sur vingt-sept académies dans sa seconde tranche, en date 21/11/2014. Les établissements retenus proposent une diversité d’implantation, et ont fait preuve d’une réelle motivation pour le développement des usages numériques dans l’établissement qui disposaient d’une infrastructure performante pour permettre de déployer une telle expérimentation (notamment une connexion internet par fibre optique). Cette opération propose une dotation supplémentaire pour développer des usages numériques enrichis à destination de tous les usagers. Le projet pédagogique numérique est partagé par tous les acteurs et s’inscrit dans une logique de gestion, organisationnelle et communicationnelle. Les éléments de pédagogie sont enrichis grâce au numérique, de nombreux services sont déployés et permettent la mise en réseau d’acteurs et de partenaires. Les projets transversaux sont favorisés par une mobilisation quotidienne du numérique par tous les enseignants et tous les élèves. L’élément le plus significatif au regard de notre travail de recherche reste l’engagement des équipes précisé, dans la présentation du projet des collèges connectés, sous la forme : (« Collèges connectés - Ministère de l’éducation nationale,

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Les conseils généraux sont les collectivités territoriales en charge de l’entretien et de l’équipement des collèges.

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Le programme des collèges connectés est accessible sur le site du Ministère à la référence bibliographique l’adresse (Ministère de l’Education Nationale, 2013b)

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Nous observons que l’un des établissements dans lequel nous avons effectué nos observations de pratiques (méthodologie n°2) a été retenu dans cette seconde phase de l’expérimentation.

56 de l’enseignement supérieur et de la recherche », 2013; Ministère de l’Education Nationale, 2013b, p. 2)

« Les collèges connectés : comment ?

Les équipes s’investissent dans l’éducation aux médias, à l’information, aux usages responsables d’Internet. »

Cette préconisation permettra, très certainement à court terme, d’accéder à des terrains d’étude en ce qui concerne les effets de la sensibilisation autour des usages responsables du numérique.

Des expériences nombreuses, variées et variables

Nous revenons un instant sur les quelques expérimentations liées à des dotations de matériel numérique proposées par certaines collectivités territoriales. Ces précédents projets liés au développement des pratiques numériques étaient dédiés à la réduction de la fracture numérique ainsi que, dans certains cas, à la politique d’allégement des cartables. De nombreuses opérations massives d’équipement et de dons se sont succédées, à différents endroits du territoire national, avec une certaine variabilité en ce qui concerne l’atteinte des objectifs fixés à ces dispositifs. Nous citerons quelques actions entreprises sur la période de 2000 à nos jours qui ont permis la réalisation de travaux universitaires et proposent des projections qui soient utiles pour le développement de notre étude. Khaneboubi (2009a) propose dans son article un panorama de cinq projets départementaux39 de dons (Landes, Bouches du Rhône, Ille-et-Vilaine, Oise et Corrèze) dont les objectifs diffèrent et fait état des degrés divers de réussite. L’objectif politique premier assigné à ces opérations concourt à la réduction de la fracture numérique40. Les objectifs à destination des enseignants n’étaient pas toujours clairement identifiés et explicités (Khaneboubi, 2009a). Il apparait que l’entrée du « développement des usages numériques au sein des collèges » au travers de l’arrivée massive de matériel n’ait pu atteindre les objectifs fixés en matière de développement et de diffusion des pratiques pédagogiques. Les usages développés et déclarés par les enseignants sont souvent « assez banals » (Rinaudo & Poyet, 2009). Le manque de formation des enseignants est avancé

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Les opérations de don se déroulent au niveau du collège et concerne exclusivement des conseils généraux.

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Ces opérations de dons s’inscrivent, pour certains départements, dans des projets d’équipement et de déploiement qui sont plus globaux. Le fait de réduire l’action de la collectivité à une opération de don serait très réducteur.

57 comme l’une des raisons possibles de non-usage et de mésusage liés à l’intégration de l’ordinateur dans les pratiques pédagogiques des enseignants aux pratiques numériques. Cela se retrouve dans de multiples études universitaires, au-delà des opérations massives de dons de matériel aux élèves pour lesquels les observations sont plus réduites mais permettent de dégager une tendance au développement des usages de types adolescents (et non liés aux activités du collège). Khaneboubi propose des éléments comparatifs en matière de dispositifs techniques proposés (environnements et suites logicielles) et quelques dispositifs d’accompagnements associés (formations des enseignants et personnels techniques). Les observations liées au déploiement dans l’Oise et les Landes ont confirmé que les enseignants qui utilisent le plus l’ordinateur ne sont pas les plus compétents d’un point de vue des savoir-faire techniques et ne sont pas les plus jeunes mais plutôt ceux qui ont une expérience d’enseignement plus conséquente (Khaneboubi, 2009a).

Un accueil mitigé par les enseignants

Nous considérons comme éléments de réflexion à ce propos que les enseignants les plus jeunes ont d’autres priorités en matière de gestion de classe et que leur style pédagogique n’est pas encore affirmé. Khaneboubi (2009b) retient la théorie de Bourdieu qui considère que les éléments d’actions se fondent, d’un point de vue anthropologique, sur la rencontre des habitus. Cadre que nous retiendrons également dans nos fondements méthodologiques lors des observations de pratique au sein de temps de concertation entre pairs qui pourraient être, selon nous, le cadre propice pour favoriser et développer ce type de rencontres. Les éléments issus des travaux de Khaneboubi (2009b) permettent de conclure à une non-influence des variables de genre et de statuts des enseignants dans la fréquence d’intégration des usages numériques aux pratiques enseignantes, tout comme les pratiques culturelles qui ne semblent pas avoir d’impact sur l’intégration des usages numérique en classe.

Un accompagnement des cadres mis en avant

Un élément significatif, pour le travail que nous proposons et selon le modèle théorique que nous développerons, réside dans l’analyse de l’influence du positionnement des cadres intermédiaires vis-à-vis des pratiques liées au numérique. L’image positive que diffuse les corps d’inspection est un facteur corrélé à une meilleure diffusion des usages ainsi que tout le travail qui consiste à intégrer parmi

58 leurs pairs, au travers de projets, les enseignants ayant le plus développé ces usages. Ces éléments favorisent une socialisation propre et une structuration des pratiques professionnelles des enseignants. L’habitus professionnel semble un facteur déterminant en ce qui concerne le développement des compétences numériques.

Des diversités d’objectifs qui sonnent comme des divergences

Autour de ce dispositif de don, il a été observé la mise en œuvre de politique d’équipements ainsi que des politiques organisationnelles déployées. La réussite dans certains établissements a été plus importante lorsque le projet tient compte des éléments du contexte et des éléments institutionnels sensibles afin de trouver un modus operandi efficient dans le cadre d’une action et synchronisée entre les parties techniques et pédagogiques du dispositif. Les travaux de Rinaudo et Ohana (2009) pointent de façon assez significative la complexité de mise en œuvre dans le quotidien des établissements scolaires. Les chercheurs ont pu observer le décalage entre les intentions des politiques et leur réception dans le contexte scolaire. Cette problématique des pressions, accueillies par les enseignants et les obligations qui en découlent, de la part des différents prescripteurs ministères et collectivités territoriales, avait déjà été observée par Daguet (2009) dans le cadre de l’opération landaise. On peut relever la difficulté pour les enseignants de recevoir une commande technologique qu’ils vivent parfois comme une injonction ne provenant pas de leur autorité de tutelle. Les discours enseignants sont marqués par une certaine résistance au dispositif qu’ils accueillent comme une contrainte. Les plus réticents au dispositif réduisent l’opération Ordi35 au seul don, en occultant toute la réflexion pédagogique qui a été pensée dans le cadre du déploiement. Même les enseignants les plus engagés dans le dispositif ne se privent pas d’émettre de vives critiques qui demeurent toutefois constructives.

La rencontre des politiques s’impose

Pour revenir sur les éléments de pilotage des dispositifs, il apparait nécessaire au travers de ces travaux que l’accompagnement de la mise en place de ces opérations trouve un accueil plus favorable lorsque les enseignants perçoivent un pilotage organisé autour de la mise en place de nouvelles réflexions pédagogiques. Cela permettrait d’intégrer des contraintes technologiques à la fois individuelle et collective qui trouveraient leur sens dans les pratiques quotidiennes des enseignants (Bertrand

59 & Metzger, 2009). Les pratiques pédagogiques proposées autour de ce dispositif de don démontrent la prétendue maîtrise des élèves autour du numérique qui ne se retrouve pas au travers des activités pédagogiques proposées par les enseignants. D’autres travaux ont pu mettre en exergue les difficultés rencontrées lorsque l’injonction de mise en œuvre était adressée par le Ministère de l’Education Nationale (Collet, Anselm, Narvor, & Terepa, 2007). Le sujet de l’évolution des pratiques numériques dans l’activité d’enseignement a été traité comme un allant de soi et la notion d’acceptabilité n’a pas été suffisamment abordée lors du déploiement de l’opération « cartable numérique ». Ce type d’opération met également en évidence les difficultés rencontrées par les services engagés dans une telle mise en œuvre ayant trait à l’infrastructure technique (du point de vue matériel et humain) et en ce qui concerne les dispositifs d’accompagnement des personnels dans la démarche (Bertrand & Metzger, 2009). Nous retiendrons de façon significative la place essentielle des enseignants dans un tel projet pour lequel la prétendue « plus-value pédagogique » est mise en avant sans avoir été réellement débattue au regard des objectifs dudit projet et des attentes des institutions vis-à-vis de celui-ci. L’engagement des enseignants, l’implication des équipes de direction et l’accompagnement des corps d’inspection apparait comme un élément crucial pour favoriser la contextualisation d’un projet issu d’une orientation de politique générale à chaque établissement scolaire. Ces éléments prépondérants à la conduite de projet nécessitent une définition claire et connue de tous les acteurs engagés dans le travail de planification. Ainsi nous espérons et émettons l’hypothèse que le dispositif collèges connectés soit construit en tenant compte des expériences précédentes en matière d’actions conjointes menées entre le ministère et les différents départements.

La seconde partie de notre travail de recherche consacrée au travail collaboratif au sein des établissements trouve son terrain d’enquête dans l’académie d’Aix-Marseille (Méthodologie de recherche n°2 : observations de séances de régulation. au paragraphe 0 en page 196, où se déroule l’opération Ordina13 dans le département des Bouches du Rhône. Ce département effectue le don d’un ordinateur portable à tous les élèves de quatrième ainsi qu’une clé USB. La forme initiale proposait un temps d’accès à internet au domicile mais cet aspect du don a été abandonné. Nous avons pu constater que le volet de prévention et de sensibilisation aux usages responsables a été pensé depuis la rentrée 2011 sous la forme d’un livret

60 d’accompagnement, réalisé par l’ADEJ, remis aux élèves et à leur famille41 (« Site du Conseil général des Bouches-du-Rhône - Livret don Ordina13 », 2011, p. 13). Cela traduit une prise en considération de notre problématique d’étude dans le cadre de la politique de prévention du Conseil Général des Bouches du Rhône. Ce livret est très accessible pour les élèves et leur famille, il propose des quizz, des rappels juridiques et des liens vers différentes ressources utiles. L’association qui a réalisé cette plaquette propose également des animations pour les jeunes dont le contenu est accessible sur leur site http://www.adej.org/ autour du thème droit et internet.