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Partie I : Cadre théorique

Chapitre 6 Méthodologie de recueil et d’analyse des données

Les données de la partie qualitative ont été recueillies à l’aide d’entretiens cliniques de recherche semi-directifs, afin de rester au plus près de la parole des sujets et d’être en mesure d’en analyser leur expérience vécue et les processus psychiques qui la sous-tend.

L’entretien semi-directif va permettre aux chercheurs et aux participants d’engager un dialogue à propos de la question initiale, un entretien guidé par le canevas de questions que le chercheur va pouvoir utiliser plutôt de manière souple et adaptée en fonction du discours de l’interviewé, plutôt que dicté par ce dernier (Smith & Osborn, 2008). Aussi, le chercheur a l’intention d’explorer le monde social et psychologique de l’individu, au travers de cette relation au travers de laquelle l’interviewé est considéré comme l’expert de l’expérience relative au sujet et va être amené au maximum à parler de son sujet (Smith & Osborn, 2008). Les thèmes et sous- thèmes des guides sont utilisés librement par le chercheur, sans qu’il ne soit obligé d’aborder l’ensemble des thèmes durant l’entretien.

Il est à noter que les grilles d’entretien ont évolué progressivement durant la recherche en fonction des réponses des individus, une dynamique de co-construction permanente avec les objets du terrain.

Le guide d’entretien des neurologues a été élaboré suite à la passation et l’analyse de 3 entretiens exploratoires de recherche non-directifs ; le guide d’entretien des patients a quant à lui été construit à partir des résultats de l’analyse de 5 entretiens de recherche non-directifs, complété par certains items issus de l’échelle de croissance post-traumatique de Tedeschi & Calhoun (1996), afin de mieux saisir ces conséquences psychiques singulières inhérentes à l’impact traumatique de l’annonce et du vécu de la maladie pour les patients.

En ce qui concerne les neurologues, nous avons décidé d’explorer initialement 4 thèmes. Il s’agit d’explorer l’expérience vécue des annonces de mauvaises nouvelles, d’obtenir des informations relatives au dispositif d’annonce afin d’explorer la posture de chaque neurologue à ce sujet, d’approcher la notion d’intersubjectivité dans la relation que le neurologue entretient avec ses patients et avec ses collègues, mais également les conséquences perçues des annonces de mauvaises nouvelles et des réactions émotionnelles, cognitives et comportementales du neurologue dans l’après-coup de cette tâche. Les premières analyses ont permis d’enrichir le guide de deux dimensions supplémentaires qui ont une importance essentielle dans la médiation entre le médecin et son patient, à savoir le rapport entretenu par le neurologue à l’égard des traitements proposés ainsi que de l’alliance thérapeutique, ainsi que l’importance octroyée par les neurologues aux considérations juridiques en lien à l’annonce du diagnostic de la pathologie.

Si l’on s’intéresse à présent à la construction du guide d’entretien destiné aux patients, il comprenait initialement 5 thèmes également : 1. Expérience vécue de l’annonce de mauvaises nouvelles ; 2. Description du dispositif d’annonce ; 3. Intersubjectivité (famille, personnel soignant, collègues de travail) ; 4. Impact de la maladie sur la sphère professionnelle ; 5. Croissance post-traumatique. Les premières analyses ont permis également d’enrichir le guide de 3 dimensions supplémentaires : 6. Relation médecin-patient et empathie perçue ; 7. Rapport à l’objet médicament, et médecine alternative et complémentaire.

Deux guides d’entretien ont été élaborés, un guide destiné aux neurologues de la recherche (Annexes), afin d’appréhender le vécu de l’annonce du diagnostic et de la relation au patient, et un guide d’entretien à destination des patients de l’étude (Annexes), tous deux permettant au chercheur de se concentrer avant tout sur le contenu de l’échange, et ainsi de passer avec fluidité d’un thème à l’autre en suivant la pensée du sujet, et d’explorer éventuellement un thème encore non abordé spontanément par ce dernier afin de répondre aux objectifs de la recherche (Blanchet & Gotman, 2007).

La consigne initiale a été élaborée pour répondre aux impératifs de la recherche, et amener les participants à s’en saisir librement, en favorisant alors le processus de libre association. La consigne énoncée pour les patients était la suivante : « Pouvez-vous me parler de la façon dont vous avez vécu l’annonce du diagnostic dans la sclérose en plaques ? » Quant à la consigne destinée aux neurologues, elle était sensiblement la même : « Pouvez-vous me parler de la façon dont vous vivez l’annonce du diagnostic de la sclérose en plaques ? » Ces questions sont destinées à approcher au plus près de la réalité du sujet, de saisir son expérience vécue de l’annonce des mauvaises nouvelles, mais aussi de favoriser l’émergence, pour les neurologues, de descriptions de situations cliniques potentiellement éprouvantes ou singulières, sources de souffrance, d’interrogation, ou de rejet.

Les entretiens semi-directifs de recherche menés auprès des patients et des neurologues ont été menés jusqu’à obtenir une saturation des données (Côté & Turgeon, 2005; Rowan & Huston, 1997). On entend par saturation de données dans l’Interpretative Phenomenological Analysis le moment où l’on dispose d’assez d’informations pour développer un modèle (Creswell, 2013).La saturation contribue à la validation de la recherche selon Santiago-Delefosse et al. (2015). Il n’existe donc pas de taille d’échantillon standard pour obtenir une saturation des données (Fusch & Ness, 2015), aussi selon cet auteur, le nombre d’entretiens à mener peut varier de 20 à 60, Creswell (2013) recommandant par ailleurs une taille d’échantillon de 20 à 30 individus, ce nombre pouvant être bien entendu plus conséquent, ou au contraire moins important (Fusch & Ness, 2015) : il n’existe pas de méthode unique, de guide pragmatique pour favoriser la saturation des données, ces chercheurs soulignant par ailleurs que « plus n’est pas nécessairement meilleur que moins et vice et versa » (p.1413). C’est pourquoi il vaut mieux considérer les données sur un plan qualitatif – richesse, profondeur des données – et non quantitatif (Burmeister & Aitken, 2012).

L’Interpretative Phenomenological Analysis (Smith, 2004; Smith & Osborn, 2008) est une approche de recherche qualitative qui étudie la manière dont les personnes vont donner du sens à leurs expériences de vie ; cette posture de recherche permet d'explorer et de donner du sens aux significations subjectives des expériences vécues par les participants. L’analyse interprétative phénoménologique est issue de la phénoménologie de Husserl, Heidegger et Merleau-Ponty, de l'herméneutique et de la science idiographique (science du singulier).

Etapes de l’analyse IPA (Smith, 2009)

Etapes Description

Etape 1 Codification : étiqueter l’ensemble des éléments présents dans le corpus initial

Etape 2 Catégorisation : les aspects les plus importants du phénomène à l’étude commencent à être nommés

Etape 3 Mise en relation : mettre en relation des catégories qui étaient relativement indépendantes les unes des autres jusqu’à ce que leur lien soit explicité - recours possible à la schématisation

Etape 4 Intégration : délimitation de l’objet précis de la recherche, dont découlera l’analyse Etape 5 Modélisation : on tente de reproduire la dynamique du phénomène analysé

Etape 6 Théorisation : tentative de construction minutieuse et exhaustive de la « multidimensionnalité » et de la « multicausalité » du phénomène étudié

Les deux premières étapes de l’analyse IPA ont été effectuées par l'utilisation du logiciel NVivo (Bazaley, 2011). Ce logiciel n'est en aucun cas un logiciel automatique d'analyse de données qualitatives ; il s'agit avant tout d'un programme informatique permettant au chercheur d'organiser avec plus de clarté les thèmes et sous-thèmes d'un corpus d'entretiens, que le chercheur aura de lui-même déterminés au fur et à mesure de l'analyse des verbatims.

Aussi, le chercheur principal de cette étude a effectué l’ensemble des analyses IPA des entretiens du corpus des entretiens des neurologues et des analyses du corpus des entretiens des patients à l’aide du logiciel NVivo, afin d’élaborer une grille d’analyse (thèmes et sous-thèmes qui ont émergé lors de cette première phase d’analyse), soumise alors à deux autres chercheurs, étudiants de master 1 formés pour l’occasion à l’analyse IPA. Les deux étudiants ont alors analysé 20 entretiens de patients (10 entretiens par étudiant), et 10 entretiens de neurologues (5 entretiens par étudiant) à l’aide de la grille préalablement établie, afin de vérifier les résultats préliminaires issus de l’analyse du premier chercheur, afin de satisfaire le critère de triangulation des observateurs ou triangulation des résultats (Côté & Turgeon, 2005; Marie Santiago- Delefosse et al., 2015). En effet, les résultats initiaux obtenus ont fait l’objet d’une confrontation et de discussions constantes entre les 3 chercheurs au fur et à mesure de l’avancée des analyses des étudiants, pour affiner la détermination des thèmes et sous-thèmes, et vérifier la pertinence du choix d’attribution par le chercheur principal des citations aux thèmes et sous-thèmes ainsi définis, et ainsi vérifier si les extraits issus des entretiens traduisent bien la même idée pour l’ensemble des chercheurs. Ces différentes cotations ont permis de déterminer un coefficient Kappa pour chacune des citations classées, lors de la cotation par les étudiants (voir Annexes),

et après discussion avec le doctorant (voir Annexes) ; le coefficient Kappa étant proche de 1 pour l’ensemble des cotations effectuées, on peut aisément affirmer que les thèmes et sous- thèmes présentés ont fait l’objet d’un consensus parmi les trois chercheurs.

L’analyse IPA a été complétée par une analyse qualitative d’approche psychodynamique, qui s’est centrée sur certains mécanismes psychiques à l’œuvre chez l’individu. Cette approche a été choisie pour approcher au plus près de la subjectivité de l’individu, et tenter d’appréhender l’influence de facteurs psychologiques propres à l’individu dans la mise en place et la conduite de ce comportement de santé. En ce qui concerne la subjectivité, elle désigne « the personal perspectives brought by individuals to the ways in which they view their world » (Frost, 2011). Seuls certains processus psychiques ont été analysés, pertinents au regard de notre objet d’étude : mécanismes de défense, angoisses, relations interpersonnels, relation d’objet, conflits internes (ambivalence dans les sentiments/opinions, …) et conflits entre l’individu et son environnement (Pedinielli & Fernandez, 2005).

Chaque entretien a été précédé par la consultation pour les individus (neurologues et patients) d’une fiche de présentation de la recherche (voir Annexes), de la signature d’un formulaire de consentement éclairé (voir Annexes), et du remplissage d’une fiche signalétique propre aux médecins (voir Annexes) et aux patients (voir Annexes). Il est important de souligner que la recherche a obtenu un avis favorable pour un comité d’éthique local (Hôpital d’Instruction des Armées Legouest) (voir Annexes).

Echantillon des patients atteints de sclérose en plaques • nombre de sujets inclus : 35

• critère d'inclusion : >18 ans, être atteint de la sclérose en plaques

• critère d'exclusion : <18 ans, présenter un trouble mental (dépression, ...), présenter un trouble cognitif majeur, présenter une dysarthrie prononcée.

Echantillon des neurologues

• nombre de sujets inclus : 20

• critère d'inclusion : neurologue en activité ou à la retraite spécialisé dans les maladies inflammatoires / ayant une activité > 1 annonce de sclérose en plaques par mois.

• critère d'exclusion : si le neurologue n'a effectué aucune annonce de diagnostic à un patient atteint de sclérose en plaques

Une attention particulière a été portée à l’inclusion de jeunes patients, ayant ainsi bénéficié des dispositifs d’annonce les plus récents, et à la passation de deux entretiens avec l’ensemble des patients, soit 63 entretiens (5 entretiens exploratoires et 30 patients rencontrés à deux reprises ; à noter, 2 refus non expliqués lors de la demande d’une seconde demande). L’objectif étant de s’inscrire dans une démarche singulière de recueil des données, dans une perspective de co-construction. En effet, après la passation d’un premier entretien, le chercheur avait comme tâche de synthétiser les données issues de l’analyse de ce premier échange, afin de confronter l’individu avec les données issues du processus subjectif d’analyse du chercheur. L’individu était alors en mesure de réfuter ou compléter les représentations et le vécu ainsi relaté, voire d’entreprendre à partir de ce matériel une nouvelle élaboration de sa pensée, au travers de ce feed-back, ce retour sur soi source de réflexion voire de symbolisation. Cette technique permettait alors également de satisfaire un autre critère de qualité scientifique inhérent à l’interprétation des données - réduire la part de subjectivité dans l’interprétation des données par une discussion des résultats obtenus avec les participants afin d’être au plus près de leur parole. Un exemple d’un feed-back a été mis en Annexes pour mieux en saisir le contenu. Les entretiens se sont déroulés principalement au bureau des neurologues (hôpital ou cabinet libéral), et au domicile des patients, hormis pour 6 patients pour lesquels l’entretien s’est déroulé au bureau du doctorant au sein de l’HIA Legouest. Les

Tableau 6 Caractéristiques socio-démographiques des patients de la recherche

Variables n (%) M (σ) Sexe Homme 13 (37,1%) Femme 22 (62,9%) Age (années) Homme 44,7 (4,9) Femme 42,2 (4,1) Ensemble de l’échantillon 43,4 (4,4) Niveau d’étude I-II 4 (11,4%) III-IV 16 (45,7%) V-VI 15 (42,9%) Statut marital Marié(e) 19 (54,3%) Divorcé(e) 6 (17,1%) Célibataire 8 (22,9%) Veuf/veuve 2 (5,7%) 135

données socio-démographiques recueillies (données complètes et anonymisées en Annexes) ont été synthétisées ci-dessous (voir

Tableaux 6-7-8-9).

Situation professionnelle

Salarié(e) (avec ou sans congé longue maladie,

et non étudiant(e)) 14 (40%) Chômage 10 (25,7%) Retraite ou pré-retraite 8 (28,6%) Etudiant(e) 8,7% (3) Type de SEP Rémittente récurrente 25 (71,5%) Secondairement progressive 4 (11,4%) Primaire progressive 6 (17,1%)

Nombre d’années depuis les premiers symptômes de la SEP ≤ 5 10 (28,6%) 6-10 6 (17,1%) 11-15 4 (11,4%) 16-20 3 (8,6%) 21-25 5 (14,3%) >25 7 (20%) Ensemble de l’échantillon 15,1 (3,1)

Nombre d’années depuis l’annonce du diagnostic de SEP ≤ 5 11 (31,4%) 6-10 7 (20%) 11-15 5 (14,3%) 16-20 1 (2,9%) 21-25 5 (14,3%) >25 6 (17,1%) Ensemble de l’échantillon 13,6 (3,6)

Durée des entretiens (mn’sec) 48’16 (4,6)

Tableau 7 Caractéristiques socio-démographiques des neurologues de la recherche Variables % (n) M (σ) Sexe Homme 16 (80%) Femme 4 (20%) Age (années) ≤ 35 3 (15%) 36-40 2 (5,7%) 41-45 3 (15%) 46-50 3 (15%) 51-55 4 (20%) >55 5 (25%) Ensemble de l’échantillon 48,7 (3,5)

Nombre d’années d’expérience en tant que docteur en médecine ≤ 5 3 (15%) 6-10 3 (15%) 11-15 3 (15%) 16-20 2 (5,7%) 21-25 4 (20%) > 25 5 (25%) Ensemble de l’échantillon 18,9 (4,3)

Estimation du nombre d’annonces du diagnostic de SEP par mois

<5 15 (75%)

5-10 4 (20%)

>10 1 (5%)

Participation à une formation aux annonces de mauvaises nouvelles ou à la communication

Oui 6 (30%)

Non 14 (70%)

Durée des entretiens (mn’sec) 40’52 (3,9)

Tableau 8 Liste anonymisée des neurologues

Dénominations

anonymisées Sexe Âge d’expérience Années Pseudonyme Docteur A. M 45 13 N1 Docteur B. F 51 24 N2 Docteur C. M 46 15 N3 Docteur D. M 57 28 N4 Docteur E. M 50 19 N5 Docteur F. M 65 34 N6 Docteur G. M 39 9 N7 Docteur H. M 33 1 N8 Docteur I. M 61 31 N9 Docteur J. M 55 26 N10 Docteur K. M 50 21 N11 Docteur L. F 48 19 N12 Docteur M. F 33 1 N13 Docteur N. M 54 25 N14 Docteur O. M 65 36 N15 Docteur P. M 41 12 N16 Docteur Q. F 36 7 N17 Docteur R. M 62 33 N18 Docteur S. M 30 1 N19 Docteur T. M 52 23 N20 137

Tableau 9 Liste anonymisée des patients

Participants

anonymisées Sexe Âge Nombre d’années depuis l’annonce du diagnostic Type de SEP Pseudonyme

Albertine F 72 37 SP P1 Aurélie F 55 25 RR P2 Audrey F 59 7 RR P3 Gaël M 61 11 RR P4 Vincent M 50 5 PP P5 Eve F 35 5 RR P6 Caroline F 49 9 RR P7 Yolaine F 58 19 RR P8 Pauline F 21 1 RR P9 Mesut M 54 23 SP P10 Micheline F 64 31 SP P11 Joël M 54 9 RR P12 Justine F 35 8 RR P13 Laura F 24 < 1 RR P14 Bernard M 46 6 PP P15 Rémy M 41 13 RR P16 Anaïck F 50 8 PP P17 Jérôme M 45 27 SP P18 Emilie F 36 8 RR P19 Julia F 69 47 RR P20 Cindy F 36 < 1 RR P21 Marie F 20 1 RR P22 Jocelyne F 53 34 RR P23 Alfred M 59 13 PP P24 Fabrice M 43 26 RR P25 Alexandre M 37 13 RR P26 Jean M 59 10 PP P27 Véronique F 40 < 1 RR P28 Mélanie F 50 22 RR P29 Gabrielle F 39 1 RR P30 Thomas M 22 < 1 RR P31 Armelle F 62 25 RR P32 Sarah F 36 2 RR P33 Claire F 21 3 RR P34 Olivier M 52 22 PP P35 138