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Partie I : Cadre théorique

Chapitre 1 : Considérations générales actuelles sur la sclérose en plaques

III. Approches thérapeutiques dans la prise en charge de la pathologie

1. Thérapeutiques actuelles dans le champ de la sclérose en plaques

La recherche thérapeutique dans la sclérose en plaques est en plein essor et semble très prometteuse. Cependant, bien que les traitements s’avèrent de plus en efficaces, la maladie reste pour le moment incurable, et ce qu’elle qu’en soit la forme.

Une action thérapeutique précoce est désormais possible et recommandée dans le traitement de la SEP. Les traitements vont avant tout prévenir les poussées dans la forme rémittente-récurrente, mais n’ont que très peu d’efficacité sur les formes progressives de la maladie. La cortisone est privilégiée lors des phases aiguës de la maladie, en cas de poussée inflammatoire, et le neurologue peut également mettre en place des traitements de fond centrés quant à eux sur l’activité du système immunitaire (Pillon, 2009). Il en existe deux types : les immunomodulateurs, un traitement dit de première ligne, comme les interférons et acétate de glatiramère par exemple, privilégiés dans le cas d’une SEP rémittente-récurrente, et les immunosuppresseurs, prescrits dans le cas de forme de SEP progressives ou sévères et dans le cas où le traitement par interférons se révèle inefficace. Leur utilisation est peu fréquente du fait notamment de la sévérité des effets indésirables.

L’interféron-bêta et l’acétate de glatiramère réduisent le risque de survenue d’une poussée et l’apparition de nouvelles lésions en IRM (Papeix, Lubetzki & Lyon-Caen, 2010). Une méta-analyse de Tolley et al. (2015) a par exemple démontré l’efficacité de l’interferon pégylé beta-1a (125 microgrammes une fois toutes les deux ou quatre semaines) et une réduction de 93% des injections par rapport aux autres traitements injectables usités dans la sclérose en plaques, ce qui en fait une alternative extrêmement pertinente aux autres traitements injectables de première ligne, alliant efficacité et un meilleur confort pour les patients.

Plus récemment, les essais en immunothérapie ont conduit à la proposition d’un arsenal thérapeutique de deuxième ligne, par l’utilisation d’un nouvel anticorps, le natalizumab (en 2007) qui agit sur les poussées et sur le risque de progression du handicap à court terme (Depaz, Aboab & Gout, 2013). Plusieurs essais thérapeutiques qui évaluent l’efficacité d’autres anticorps ou d’immuno-dépresseurs sont en cours, tout comme de nouvelles stratégies de remyélinisation et de neuro-protection. Toutefois, comme le rappellent Gout, Bensa, et Assouad (2010), ces nouveaux traitements ciblent principalement la phase rémittente ; les essais sur les SEP primaires progressives ou secondairement progressives ont été des échecs. D’autres formes de traitements ont été éprouvées durant les dernières années. L’injection intrathecale de Baclofen a par exemple montré des résultats très satisfaisant dans la réduction à long terme de la spasticité sévère pour les patients atteints de sclérose en plaques (Stampacchia, Mazzoleni & Gerini, 2016). La

Canadian Agency for Drugs and Technologies in Health (2016) a souligné les bénéfices

potentiels, évoqués par une étude randomisée contrôlée et une étude non randomisée, de la consommation de vitamine D dans la prévention de l’apparition de la SEP durant l’adolescence ou la réduction du risque d’une seconde poussée. Toutefois, l’effet de la vitamine D n’est pas significatif dans le traitement de la maladie.

La diversité et l’efficacité des traitements ont augmenté de façon remarquable au cours des dernières années pour le traitement de la phase inflammatoire de la SEP récurrente- rémittente. Ce qui fait défaut pour le moment, c’est un médicament qui agirait sur la remyélinisation, ou un agent protecteur de la dégénérescence axonale dans les formes progressives de la maladie. Face à ces constatations médicales et motivés par d’autres facteurs intra et interpersonnels, les patients n’hésitent pas à avoir recours à des médecins alternatives et complémentaires.

2. Médecines alternatives et complémentaires dans la sclérose en plaques

L’utilisation de médecines alternatives et complémentaires (MCA) par les patients atteints de sclérose en plaques est actuellement un objet de recherche et de réflexion important au niveau international. Largement répandue au travers de cette population, ces pratiques soulèvent toutefois un certain nombre d’interrogations comme l’efficacité ou l’inefficacité de ces dernières pour la SEP, voire leur caractère potentiellement dangereux pour la santé de son usager.

De nombreuses terminologies sont usitées dans le domaine de la "Médecine Complémentaire et Alternative" (MCA). Ainsi, la MCA aussi appelée médecine intégrative ou non-conventionnelle, est un terme général que Eisenberg et al. (1998) défini comme des interventions n’étant pas enseignées durant le cursus universitaire médical et non pratiquées dans les hôpitaux. Les termes « complémentaire » et « alternatif » rendent compte de la manière avec laquelle ces thérapies sont utilisées : les thérapies alternatives sont utilisées à la place des traitements conventionnels alors que les thérapies complémentaires sont utilisées en parallèle des traitements traditionnels (National Center for Complementary and Integrative Health). Il va de soi que les types de thérapies ou thérapeutique désignées par l’expression « médecine complémentaire et alternative » ne sont pas clairement définies et dépendent en grande partie de la culture et de l’époque dans lesquelles elles s’inscrivent. Holmberg, Brinkhaus & Witt (2012) ont mis en exergue un glissement sémantique important à relever concernant l’usage du terme MCA. Il semblerait en effet que les experts s’accordent à dire que cette terminologie pourrait être remplacée par celle de « médecine indicative », qui permet de mieux rendre compte de l’utilisation progressive de ces thérapies/thérapeutique au sein des institutions médicales conventionnelles, et par conséquent du choix laissé aux patients quant à leur usage éventuel.

Le "National Center for Complementary and Integrative Health" de l’Institut National de la Santé américain a listé les 10 approches complémentaires de la santé les plus usitées chez les adultes en 2012 : les produits naturels, la respiration profonde, le yoga/tai-chi/Qi Gong, les manipulations ostéopathique ou chiropractique, la méditation, le massage, les régimes spéciaux, l’homéopathie, la relaxation progressive, ou encore les techniques d’imagerie mentale. Il existe encore d’autres approches complémentaires dans la catégorie des pratiques du corps et de l’esprit encore non mentionnées comme, entre autres, l’acupuncture, le toucher thérapeutique, l’hypnose, la thérapie par le mouvement, ou dans un tout autre registre la naturopathie, la médecine traditionnelle chinoise, la médecine Ayurvedic, ou les guérisseurs traditionnels.

Le recours aux MCA se retrouve dans de nombreuses pathologies, qu’il s’agisse par exemple de l’HIV/SIDA (Ahmed et al., 2015), du cancer du sein (Moschen et al., 2001), ou encore des pathologies neuro-immunologiques (Apel, Greim & Zettl, 2007) comme le syndrome Guillain barré, la neurosarcoïdose, la sclérose latérale amyotrophique ou encore la sclérose en plaques (e.g., Apel-Neu & Zettl, 2008; Berkman et al., 1999; Loraschi et al., 2016; Marrie et al., 2003). L’utilisation des médecines alternatives et complémentaires se heurte encore actuellement à la rationalité affichée de la médecine moderne, selon laquelle tout phénomène physiologique ou dysfonctionnement serait explicable et prévisible. Or les traitements allopathiques souffrent

selon Maire (1998) d’une double déception : de ne pas toujours être en mesure de faire science, et d’autre part de trop faire science, et ainsi de favoriser un scientisme médical effréné. Ces deux constats antagonistes sont toutefois poussés à leur paroxysme dans le cas de la sclérose en plaques, marquant ainsi profondément la qualité de la relation médecin – patient, et les enjeux psychiques qui se jouent entre ces deux acteurs de la scène médicale.

Différentes études menées dans le cadre de la SEP ont établi que le recours aux MCA concernait jusqu’à 81% des patients atteints de cette pathologie neurologique (Apel et al., 2007). L’étude de Schwartz, Laitin, Brotman & LaRocca (1999) a ainsi démontré que 33% des 569 patients de l’échantillon avaient fait appel à un professionnel usant d’approches et de traitements non conventionnels au cours des 6 derniers mois (chiropracteur, magnétiseur, naturopathe, …). Des chercheurs ont également tenté de déterminer l’influence de certains facteurs socio- démographiques sur l’usage de MCA. Ainsi, un statut socio-économique élevé, le genre (femmes) ainsi qu’un haut niveau d’éducation seraient prédicteurs d’un usage plus important de ces type de médecines non conventionnelles selon Schwartz et al. (1999), des résultats contestés par une autre recherche qui a quant à elle souligné l’absence d’influence de facteurs socio- démographiques dans la mise en place de ces comportements de santé (Apel, Greim, Konig & Zettl, 2004). Les remèdes à base de plante sont également très sollicités par les patients atteints de SEP. L’étude de Loraschi et al. (2016) menée auprès de 2419 patients vient en effet étayer ce constat. Elle a rapporté l’usage de remèdes à base de plantes destinés à traiter la SEP par 15% des patients de l’échantillon au cours des 6 derniers mois.