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Partie I : Cadre théorique

Chapitre 2 : Expérience vécue de l’annonce de mauvaises nouvelles dans le cadre du parcours de

II. Quand les signifiants "sclérose en plaques" font trauma pour le patient

2. Evolution conceptuelle psychodynamique et phénoménologique du psychotraumatisme, et clinique du

La clinique du traumatisme psychique va être présentement déclinée au travers des considérations de figures importantes de la psychanalyse et de la psychiatrie française, qui ont fortement contribué à délimiter, façonner et définir cette notion essentielle dans le champ de la psychanalyse et de la psychologie.

a) Cheminement conceptuel du trauma chez Freud

C’est au travers des "Etudes sur l’hystérie" en 1895 que Freud élabore sa théorie de la séduction, à l’origine de l’apparition des névroses. A ce moment pour Freud, le trauma est la résultante de deux expériences à des temps psychiques distincts : dans un premier temps, l’enfant est immature et non préparé à la scène sexuelle à laquelle il est confronté, puis cette scène trouve son sens à la puberté, lors d’un deuxième événement qui vient raviver les traces mnésiques de la première expérience dont le souvenir avait été effacé. Le second événement, parfois anodin, qui ramène au premier, déclenche un afflux d’excitations sexuelles qui vont déborder les défenses du Moi. Cette configuration servira de socle à l’explication des notions d’"avant-coup" et d’"après-

coup" traumatique (Freud & Breuer, 1895), car le débordement des défenses du Moi n’a pas lieu

au moment du premier événement, mais bien du second. En 1896, dans "Nouvelles remarques

sur les psychonévroses de défense", il définit les contours théoriques de l’abréaction comme

méthode thérapeutique, mais aussi de la méthode dite cathartique que Freud et Breuer vont expérimenter et utiliser après avoir délaissé l’hypnose. Freud pensait alors que le simple fait d’accéder à l’événement traumatique par la remémoration permettrait au symptôme de disparaître. En 1897, dans sa "Lettre à Fliess", Freud manifeste explicitement ses réticences à propos de la neurotica, craignant que ces éléments psychiques ne soit au final qu’issus de la vie fantasmatique de l’individu.

Après avoir abandonné sa théorie de la séduction, Freud développe le concept de réalité psychique, composée des fantasmes et désirs inconscients du sujet. Il tient alors à désigner la réalité psychique comme dimension conceptuelle prédominante dans le processus de traumatisation. Les traumas seraient la résultante d’une articulation complexe entre des fantasmes, même non fondés sur des éléments réels, et une réalité qui s’impose à l’individu, des

« constructions complétées par le fantasme à partir d’éléments de réalité ». C’est à partir de l’introduction dans le champ clinique des névroses de guerre, ou névroses traumatiques, que Freud en arrive à sa véritable conception économique du trauma, décrite en 1919 dans la "Correspondance" avec Jones (Freud, 1919, p.249). Freud considère alors le traumatisme comme une « affection narcissique » ; l’angoisse est une protection du psychisme contre toute agression extérieure, or dans le contexte de la névrose traumatique, cette défense n’a pas pu être mobilisée par le psychisme contre un choc qu’il a subi sans avoir pu s’y préparer. Cette défense contre les stimuli extérieurs, appelée la Reizchutz, est alors débordée par toutes ces excitations.

Cette nouvelle conception du trauma représente un tournant théorique majeur dans son œuvre : elle lui permet d’introduire, outre la pulsion de mort, l’existence pour le sujet d’une protection psychique, la "Reizchutz", contre des stimuli externes. Dans Freud poursuit la conceptualisation du trauma dans son ouvrage "Au-delà du principe de plaisir" en 1920, par l’élaboration d’une métaphore de l’appareil psychique humain destinée à rendre compte des dynamiques libidinales alors en cours : « Représentons-nous l’organisme vivant sous la forme la

plus simplifiée qui soit, comme une vésicule indifférenciée de substance excitable » (Freud, 1920,

p.73), cette vésicule servant d’organe récepteur d’excitations externes et intérieures, mais également de barrière de protection, le pare-excitations. Le pare-excitations possède sa propre réserve d’énergie et doit veiller avant tout à ce que les transformations qui s’opèrent en lui ne soient pas soumises à une action égalisatrice, et donc destructrice des énergies, qui ne lui permettrait pas de le renseigner sur la nature des excitations externes. Dans ce contexte, Freud (1920) appelle « traumatiques » toutes les « excitations externes assez fortes pour faire

effraction dans le pare-excitations » (p.78), qui provoquent une perturbation très importante du

fonctionnement énergétique de l’organisme. Une fois les défenses moïques effractées, leur rôle n’est plus « d’empêcher l’appareil psychique d’être submergé par de grandes sommes

d’excitations, c’est bien plutôt une autre tâche qui apparait : maîtriser d’excitation, lier psychiquement les sommes d’excitations qui ont pénétré par effraction pour les amener ensuite à la liquidation » (p.79). Le principe de plaisir est mis hors-jeu par la violence et la soudaineté de

l’événement extérieur qui cause l’effroi. Les défenses névrotiques "ordinaires" ne pouvant contenir les excitations qui menacent l’intégrité du Moi, l’excès quantitatif doit alors être déchargé dans des agirs répétitifs, la "compulsion de répétition". Ce que visent avant tout la névrose et son symptôme, c’est éviter que le Moi ne s’effondre. L’auteur précise sa pensée et affirme que « tous les traumatismes appartiennent à la première enfance jusqu’à cinq ans à peu

près » (p.161), avec une préférence pour « l’époque où l’enfant commence à savoir parler »

(p.161), c’est-à-dire entre deux et quatre ans, période durant laquelle l’enfant est plus particulièrement réceptif selon Freud, avant que l’auteur ne nous donne quelques éléments cliniques complémentaires et nous expose une vision plus contemporaine du trauma : « les

traumatismes sont soit des expériences touchant le corps même du sujet, soit des perceptions sensorielles affectant le plus souvent la vue ou l’ouïe. Il s’agit donc d’expériences ou d’impressions » (p.161-162).

b) Avancées conceptuelles de Ferenczi et de Janin

Sandor Ferenczi (1934) théorise pour sa part que le trauma trouverait son origine dans une action survenue précocement, parfois avant l’acquisition du langage. L’origine en serait « une excitation sexuelle prématurée » (Bokanowski, 2005, p.894) qui agirait tel un "empiètement" sur le psychisme naissant de l’infans qui empêcherait la bonne structuration de sa psyché. Comme le rappelle Bokanowski (2005), il s’agit d’ « une configuration particulière où les besoins de l’adulte prévalent sur ceux de l’enfant qui se trouve ainsi méconnu, voire dénié » (p.895). Ce déni entraînerait la sidération du Moi ou l’agonie de la vie psychique. Le trauma traduit alors une absence de réponse adéquate de l’objet face à une situation de détresse primaire, "Hilflosigkeit" de Freud, qui pourra être réactivée à la moindre occasion. Cette expérience constituerait un choc, d’autant plus que le psychisme n’y est pas préparé, un événement inattendu, « écrasant », qui va avoir pour conséquence d’engendrer une anesthésie psychique et physique, une « paralysie » des capacités fonctionnelles de l’individu, dont un arrêt du système de perception et de pensée, un individu alors vulnérable aux nouvelles excitations provenant de l’extérieur (Ferenczi, 1934). Une réaction qui peut être éprouvée par le patient au moment de l’annonce d’une mauvaise nouvelle, et face à laquelle le neurologue peut se sentir particulièrement démuni. Aussi, l’outil élaboré au travers de cette recherche devrait lui permettre de saisir ses propres éprouvés, les mécanismes qu’il mobilise en réaction aux émotions, attitudes et comportements du patient afin de mieux faire face à ces expériences potentiellement éprouvantes pour lui.

Confronté à l’effet destructeur du trauma, le psychisme adopte différentes stratégies défensives, comme la « sidération de la pensée » ou encore la « fragmentation d’une partie du Moi », issue du processus d’ « auto-clivage narcissique » : une partie du psychisme de la

personne va poursuivre son développement, alors que l’autre partie est « enkystée », paralysée, « inactivée », « morte » (Ferenczi, 1934). Les visées de cette inactivée, cette « part morte, dématérialisée, a tendance à vouloir attirer à elle dans le non-être la partie non encore morte » (Ferenczi, 1930, p.55). Le clivage narcissique induit une impossibilité à penser et l’expulsion selon l’auteur d’une partie du Moi qui serait alors dénuée de tout affect et de plus en plus omnipotente dans la vie psychique de l’individu, et n’aurait de cesse d’attirer dans le « non-être » la partie restée intacte du Moi. Bokanowski (2005) souligne que le clivage narcissique, s’il advient à une période précoce du développement de l’individu, peut avoir pour répercussion d’engendrer des perturbations dans l’organisation du narcissisme, tout en maintenant un « terrorisme de la souffrance » (p.895) pouvant mener au désespoir, et comme nous l’avons vu auparavant et si l’on se réfère à Freud, le maintien d’une détresse primaire, qui sera éprouvée par l’individu à chaque bouleversement psychique prégnant, témoin de l’effondrement psychique en cours. Dans le cas contraire, « si la quantité et la nature de la souffrance dépassent la force

d’intégration de la personne »(Ferenczi, 1934, p.21), le psychisme est fragmenté, perd son unité,

cesse de subsister en tant que « Moi global ». La valeur des travaux de Ferenczi réside également dans le respect et l’écoute de la « vérité subjective » du patient (Bonomi, 2003, p.9).

Claude Janin (2004) reprend les théories fondamentales du traumatisme psychique selon Freud, sur lesquelles il va développer ses nouvelles conceptions. Au risque de réduire la pensée de l’auteur, nous ne retiendrons qu’une notion, à savoir la « détransitionnalisation de la réalité ». Selon l’auteur, un événement peut être traumatique dans le cas d’un manque d’excitation venant de l’extérieur, cause d’un afflux d’excitations internes non liées, ou au contraire dans la situation d’un excès d’excitation qui peut conduire à un « vécu de triomphe narcissique et libidinal » (p.42) Les excitations non symbolisables entraineraient quant à elles une « blessure narcissique

considérable » (Janin, 2004) inhérente l’impossible à lier, à symboliser, à la « non-qualification des vécus psychiques internes », à laquelle s’ajoute la « détransitionnalisation de la réalité ».

Pour introduire cette idée, il fait référence à Winnicott et à son concept d’objet transitionnel, qu’il va transposer au patient pour affirmer que la réalité évoquée par ce dernier est de nature transitionnelle, c’est-à-dire à la limite de l’intérieur et de l’extérieur. Si dans le contexte de rencontre traumatique, il y a détransitionnalisation de la réalité, car le sujet éprouve l’absence de limite entre le dedans et le dehors. Aussi, le sujet ne sait plus quelle est la source de cette excitation perturbante, à savoir si elle est d’origine externe ou interne. Janin (2004) précise que ces expériences sont génératrices d’une perte du sens de la réalité et affirme qu’il est possible de rattacher la détransitionnalisation de la réalité aux phénomènes de

dépersonnalisation. L’auteur rapproche cette notion de celle décrite par Freud lorsqu’il décrit le phénomène d’"inquiétante étrangeté" ou "Das Unheimliche", sentiment que Freud (1919) assimile à une sorte d’épouvante, ou encore angoisse, vécue par le sujet « lorsque les complexes infantiles refoulés sont ranimés par quelque expression extérieure, ou bien lorsque de primitives convictions dépassées semblent de nouveau confirmées » (p.25).

c) Phénoménologie du trauma

Dans une perspective phénoménologique, Barrois (1998) définit alors le trauma en tant que rupture des liens de l’individu avec son environnement, avec le monde, un envahissement du psychisme par une angoisse de néantisation, un individu dont l’unité est brisée ; le trauma engendre une cessation de sens. Comme nous l’avons énoncé à plusieurs reprises déjà, le traumatisme psychique résulte de la rencontre du sujet avec le « réel de la mort ». Crocq (1999) estime que l’apparition de l’effroi résulte de cette scène traumatique qui se situe entre le du dedans et du dehors, de ce trauma qui est un « moment propulsif dans sa temporalité, épiphanie dans son apparition subite, apocalypse dans sa révélation du néant, et prophétie dans sa proclamation de la mort comme vérité ultime » (p.11). Le sujet éprouve l’effroi, pressentiment de la mort de soi comme ultime vérité et perte de soi-même en totalité. Rejoignant alors Fischer (2013), Crocq (2007) affirme que l’expérience traumatique, bouleverse l’être, marque profondément la personnalité, altère la temporalité et la possibilité d’attribution du sens aux choses. Le trauma serait d’ailleurs une expérience de non-sens, un espace dénué de représentations, « monde du néant, ce néant dont nous sommes issus » (p.11), « néant,

mystérieux et redouté, (…) que nous avons toute notre vie nié passionnément. » (Crocq, 1999).

d) Scansions lacaniennes du trauma dans le courant psychanalytique de la psychiatrie française

La clinique du traumatisme trouve ses racines dans la théorie du Réel, ce concept proposé par Lacan qu’il distingue des autres registres, le symbolique et l’imaginaire. Le Réel échappe à la mise en forme symbolique et représentationnelle. On notera deux périodes fécondes chez Lacan

dans la détermination des expériences caractérisées comme traumatiques (Castanet, 2008) : le sexuel est dit traumatique en 1964 et en 1970, Lacan proposera une nouvelle considération du trauma selon laquelle c’est la langue qui est traumatique, la langue qui affecte le corps, le "parlêtre". C’est cette « mauvaise rencontre » du réel du sexe et de la mort qui caractérise le traumatisme en tant qu’impossible, inassimilable, pour paraphraser Lacan, « par et pour le

sujet ». Le traumatisme est une rencontre non manquée avec le réel, le sujet est alors confronté à

un indicible qui s’impose à lui (Lebigot, 2009). Il est légitime de se demander si le Réel apparu à l’instant traumatique peut se résorber dans le symbolique – en d’autres mots, si le trauma peut s’effacer – Briole (1994) affirme que ce ne peut être le cas. Pour lui, c’est l’événement lui-même qui est susceptible de faire l’objet d’un effacement. Quant au trauma, il revêt une face d’incurable. Comme l’affirme Bool (2001), « il y a dans le Réel quelque chose qui touche à la

pulsion et qui échappe à la symbolisation. En ce sens, on peut dire que le réel, c’est l’impossible à dire » (Bool, 2001, p.71), et Braunstein (1990) d’affirmer que le « tropmatisme », cet excès de

déplaisir qui est « trou » ("trou-matisme") du symbolique, va perturber le fonctionnement du principe de plaisir. C’est ce qui entraîne le sujet dans « le réel d’une Jouissance ineffable, hors la

loi et traumatisante » (Cabassut, 2004, p.227).

Lacan emprunta au vocabulaire d’Aristote les termes tuché et automaton. Pour ce dernier, la tuché désigne « la rencontre avec le réel » qui ne peut être qu’une « rencontre manquée avec

le Réel » du sexe ou de la mort, qui se présente sous la forme du traumatisme (Lacan, 1964).

L’automaton se caractérise par l’échec de la symbolisation d’un réel qui "se dérobe". Il s’en suit une répétition de ladite tentative. « L’automaton est donc cette insistance du signifiant à

symboliser ce qui n’a pu l’être » (Cabassut, 2004, p.229). Un réel qui se présente alors

fondamentalement inassimilable, par cette rencontre accidentelle, « en passant ». Ainsi, dans un esprit de synthèse, nous retiendrons trois éléments conceptuels essentiels pour tenter d’expliciter le trauma selon la pensée lacanienne : la psyché, le Réel et le signifiant. La psyché, en tant que système de signifiant de type homéostatique (l’automaton) ; le réel au-dehors, que le sujet rencontre (la tûché) comme inassimilable et le signifiant qui, pour reprendre les termes de Lacan, va "tamponner" cet inassimilable et le recouvrir. Le réel n’est plus délimité et envahit les autres registres que sont l’imaginaire et le symbolique. Il règne alors une mixité confuse entre les trois registres, ce qui fait dire à Cabassut (2004) que la souffrance propre à la névrose traumatique trouverait son origine dans la confrontation à la tuché, et induirait une tentative de symbolisation au Réel qui n’est plus cantonné à l’intérieur de ses propres limites. Pour Lacan, le trauma est là dès l’origine chez le sujet. Il introduit l’idée de la fonction écran du fantasme par rapport à la

division originaire du sujet : pour faire face à la détresse conséquente à cette division originaire, car « il est d’emblée nommé par l’autre, inséré dans le circuit langagier » (Duruz, 1995, p.69), le fantasme va tenter de recréer de façon imaginaire le lien à cet objet primaire perdu ; il vient voiler ce vide. Or les traumatismes d’origine externe engendrent une effraction du réel qui peut faire vaciller le fantasme. Si le fantasme ne protège plus le sujet, alors la question de l’Autre revient en force : « L’horreur du réel est là, omniprésente » (Bool, 2001, p.71). Comme le souligne Lebigot (2011), c’est le dévoilement brutal, cette traversée sauvage du fantasme avec un retour de ce qui est rattaché au refoulement originaire, associé à l’avènement d’une jouissance « là où il ne faudrait pas », qui fait trauma. La rencontre traumatique fait apparaître un réel jusqu’alors dissimulé par l’écran du fantasme, un réel mis à nu qui provoque de l’effroi. Le sujet est confronté à l’irreprésentable : « Masqué, le réel soutient le désir du sujet ; dévoilé, il provoque l’horreur d’une jouissance insoupçonnée » (Bool, 2001, p.71). L’effraction traumatique ne ferait que réactualiser le trauma initial jusque-là recouvert par l’écran du fantasme. Et ce trauma initial nous l’avons déjà approché : la séparation de l’objet primordial. « Une scène

traumatique ne peut pas s’inscrire dans l’inconscient et y nouer des associations » (Bool, 2001,

p.74). Ainsi, pour l’auteur, la scène traumatique où peut s’entrevoir « la mort est dans l’appareil psychique comme un rejeton de l’originaire, lieu où se retrouvent les premières expériences extrêmes du nourrisson : expériences de vide, d’anéantissement, de morcellement, de jouissance

sans limite ». Avec le pouvoir de fascination que lui confère alors une telle scène.

 L’effraction traumatique et la soudaine intimité à la mort

Notre rapport habituel au réel est fait de sensations et de perceptions qui vont trouver au fur et à mesure dans l’inconscient des représentations prêtes à les accueillir, liées elles-mêmes à d’autres représentations (Lebigot, 2005). Lebigot (2005) considère que l’instant présent sera toujours perçu à la lumière d’un passé et pris dans un réseau d’interprétations et de significations. Ceci explique notamment le fait que les témoins d’un même événement en feront des récits différents. L’expérience de néantisation inhérente à toute expérience traumatique renvoie à l’irreprésentable, à l’inassimilable. Pour Briole & Lebigot (1994), ce qui fait trauma, c’est la « confrontation inopinée avec le réel de la mort ». Dans son fonctionnement habituel, l’appareil psychique reçoit des perceptions de l’extérieur au niveau de ses représentations, où elles sont

modifiées, transformées, mises en sens. Ces représentations sont déjà là comme le fruit de perceptions antérieures et forment un réseau qui constitue l’appareil psychique singulier de l’individu. Le passage de la perception à la représentation résulte de la transformation du réel brut en une réalité. Cette réalité qui est un mixte des images reçues par l’appareil psychique et de la structure qui les accueille (Lebigot, 2005). Cette structure étant différente pour chaque individu, un même événement n’aura pas exactement le même impact d’une personne à une autre. Il en va différemment pour l’image de la mort qui, lorsqu’elle pénètre à l’intérieur de l’appareil psychique, n’a pas de représentation pour l’accueillir. Elle s’y enkystera comme « un corps étranger interne ». Bien que l’on sache que la mort est inéluctable, certaines expériences dramatiques survenant soudainement ne peuvent manquer de nous amener à une rencontre avec nous-même. Ainsi, pour Jankélévitch (1977) « L’homme est désemparé quand il se trouve

soudain nez à nez avec un avenir qui n’était pas fait pour advenir empiriquement. […] Notre désarroi tient ici à la brusque transformation de la mort en donnée immédiate. […] Mais Moi, je ne suis pas un cas, ni un exemple entre autres, et il m’en coûte d’échanger l’évidence transparente, mais non convaincante, de la mortalité impersonnelle contre l’évidence absurde, mais vécue, qui caractérise la mort propre » (p.19). Freud (1915) avait déjà insisté sur le

caractère abstrait de la mort pour l’appareil psychique : la mort intra-vitale est un fantasme. Pour lui : « c’est que notre propre mort ne nous est pas représentable et aussi souvent que nous

tentons de nous la représenter nous pouvons remarquer qu’en réalité nous continuons à être là en tant que spectateur. C’est pourquoi dans l’école psychanalytique on a pu oser cette déclaration : personne, au fond, ne croit à sa propre mort ou, ce qui revient au même : dans l’inconscient, chacun de nous est persuadé de son immortalité » (p.19). « Mais on peut dire que l’expérience de détresse constitue également un dévoilement » (Bool, 2001, p.76). En proie à la