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nouvelles lois

3. Les lois : un outil au service du mythe vénitien ?

Dans un livre qui tient aujourd’hui lieu de référence en matière d’histoire vénitienne, Filippo de Vivo a souligné que les lois étaient les seules communications écrites qui sortaient officiellement du Palais des Doges pour être publiées sur la place publique et constituaient donc le seul moyen officiel par lequel le peuple avait connaissance des décisions politiques des patriciens662. En effet, non seulement elles véhiculaient des mesures concrètes, effrayaient par l’énumération des moyens répressifs parfois appliqués démonstrativement, mais diffusaient également les valeurs que Venise disait défendre et les contre-valeurs qu’elle disait pourfendre. Les lois participaient donc à la diffusion du mythe, tout d’abord au sein du patriciat lui-même censé être à la fois l’incarnation même de ce mythe et son vecteur, et ensuite auprès des « cittadini » et des « popolari ». De plus, leur publication était selon lui un « un acte communicatif prudemment réglementé » et nécessaire pour faire exécuter les lois car la République ne disposait d’aucune force de police ou de contrôle apte à les faire respecter au quotidien663.

Malgré la remise en question de l’efficacité des lois, ces dernières jouaient un rôle central dans le mythe vénitien. Contarini estimait qu’elles représentaient le fruit divin issu des délibérations humaines et les comparait à des esprits sans passion ( mens motionum animi

immunis ) reprenant ainsi un concept déjà présent chez Aristote ( mens sine appetitu ). Si on

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F. de Vivo, Information and communication in Venice: rethinking early modern politics, op. cit. n. 114, p. 8.

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« […] the publication of laws was a carefully regulated communicative act which was necessary to the laws’ validity ». Ibid., p. 7‑8.

ne peut reconnaître avec certitude aux lois une fonction répressive, elles pouvaient servir deux autres objectifs : la représentation à l’extérieur (donner une bonne image de soi) et la représentation interne (envers les propres membres de la communauté). Ces deux derniers étaient déterminés par la fréquence des répétitions des lois, les modalités de leur publication et le public visé. En outre, fréquence et modalité de ces publications étaient étroitement liés à la mémoire des décrets dont la validité pouvait traverser les siècles de la République.

Une fois promulguée, la validité d’une loi ne s’arrêtait qu’avec son abrogation. Or, selon un proverbe vénitien, une loi vénitienne ne durait qu’une semaine664. Dans l’espoir de prolonger cette durée éphémère, le rappel régulier et fréquent des décrets antifraudes devait éviter qu’ils ne sombrent dans l’oubli. Aucune règle générale n’existait. Les rappels pouvaient concerner une loi récemment votée, ou bien une ou des lois plus anciennes (par exemple dans le cas de la vénalité, des échanges de voix et de l’interdiction d’entrer en contact avec les électeurs)665. Ils pouvaient également concerner la loi jugée la plus appropriée666 ou une obligation sans allusion précise à une loi comme par exemple la contrainte d’insérer sa ballotte dans le « bossolo » vert ou l’urne des sollicitations en cas de recommandation667. Le tableau en annexe 26 illustre le nombre de répétitions de lois anciennes enregistrées dans les registres du Grand Conseil.

Il est probable que certains décrets ne furent prononcés qu’une seule fois devant l’assemblée patricienne, sans jamais avoir été relus, car certains textes ne font pas référence à un rappel régulier. En revanche, d’autres lois furent répétées régulièrement. Si ces décrets ne concernaient pas des élections particulières, ils étaient lus à certains moments de l’année indifféremment des charges mises aux voix. S’ils étaient strictement liés à un type de charge, ils étaient annoncés le jour de ces élections ; c’était le cas pour la mise aux voix des membres du Conseil des Dix, du Sénat et de sa « Zonta », des procurateurs de Saint-Marc, du doge, et des postes élus par le Sénat. Dans le cas des décrets qui ne concernaient pas des élections

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R. Finlay, Politics in Renaissance Venice, op. cit. n. 106, p. 37.

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Par exemple, le 20 mars 1531, lors d’un décret contre la vénalité des charges, il fut décidé qu’une ancienne loi, celle du 26 novembre 1519 devait être régulièrement publiée.

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Par exemple, le 18 août 1604, pour remédier aux problèmes des « barati de suffragii » pendant les élections de procurateur de Saint-Marc et d’autres charges et dignités distribuées par le Sénat et le « scrutinio » dans le Grand Conseil, les chefs des Dix devaient y entrer et lire la loi qu’ils estimeraient « la plus appropriée et de majeur service public ». A.S.V., Consiglio di Dieci, deliberazioni, comuni, registre 54, fol. 62‑64(112‑114).

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C’était le cas avec la loi du 2 janvier 1547. A.S.V., Senato, deliberazioni, terra, registre 34, fol. 176‑177(200‑201) ; mais aussi l’interdiction de rendre public le nom des candidats avant le vote final (loi du 30 juin 1626), A.S.V., Consiglio di Dieci, deliberazioni, comuni, registre 76, op. cit., fol. 102‑103(168‑169) ; l’interdiction de se déplacer avant la fin du vote (loi du 11 août 1507), A.S.V., Consiglio di Dieci, deliberazioni,

misto, registre 31, fol. 142(189) ; et le rappel que les membres des commissions électorales qui ne venaient pas

prêter serment devant les censeurs seraient déclarés débiteurs du palais (loi du 15 août 1580), A.S.V., Maggior

particulières, la fréquence pouvait être mensuelle ou variait d’une à deux fois par an. Lorsqu’une loi était répétée annuellement, elle était lue en règle générale dans le premier Grand Conseil de l’année, qui se réunissait soit en septembre, soit au mois d’août. Enfin, certains rappels concernaient un moment précis de la procédure électorale.

Les modalités de diffusion et répétition des lois variaient amplement. Les textes étaient prononcés à voix haute dans le Grand Conseil ou le Sénat, dans les commissions électorales ou dans la salle du « scrutinio ». Ils étaient parfois affichés sur les murs intérieurs du palais des doges ou dans les salles des commissions électorales. Parfois, certaines lois étaient imprimées à part et distribuées aux patriciens. Celle du 21 décembre 1697 devait à la fois être imprimée, mais aussi ajoutée à la « promissione ducale » et au « capitolare » des conseillers chargés de surveiller les élections. Puis, après avoir promulgué cette loi, les nobles recevaient la version imprimée du texte au moment de prêter serment. Cette distribution se répétait à chaque fois qu’ils allaient prêter serment, soit trois fois par an. Les lois pouvaient donc être imprimées et distribuées indépendamment du « capitolare ». Ainsi, les censeurs estimèrent plus rapide de distribuer la loi contre les échanges de votes du 17 juin 1626 à tous les patriciens se rendant au tirage au sort le premier jour de réunion du Grand Conseil au mois de juillet suivant. Cette mesure semblait convenir, puisqu’elle fut réitérée pour le décret contre les échanges de votes de 1632, mais cette fois-ci sans le préambule668 et, effectivement, le 20 juin 1632, elle fut lue à voix haute et distribuée à chaque noble participant au tirage au sort dans le Grand Conseil. Même les rappels de lois publiés régulièrement par les censeurs dans le Grand Conseil pouvaient parfois être imprimés et distribués aux patriciens669.

Pour encore mieux marquer les esprits des patriciens, d’autres méthodes furent employées. Par exemple, tous les prétendants et leurs parents aux charges mises aux voix dans le Sénat et le « scrutinio » devaient jurer en présence des censeurs et promettre de leur propre main dans un registre d’observer le « capitolo » contre les échanges de votes670. Une autre méthode consistait à donner aux membres du Sénat un bulletin signé par un censeur attestant que la loi leur avait été lue. S’ils avaient droit de vote dans le Sénat, ils devaient montrer ce bulletin au « Segretario alle Voci ». Sinon, ils n’étaient pas autorisés à entrer dans le Sénat671.

Le dénominateur commun des lois électorales était leur diffusion strictement limitée à l’enceinte du palais des doges et aux seuls patriciens alors que, d’ordinaire, les lois étaient annoncées sur les deux places publiques les plus fréquentées de Venise : sur la « piazzetta »

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Loi du 16 juin 1632. A.S.V., Consiglio di Dieci, deliberazioni, comuni, registre 82, fol. 70‑71(132‑133).

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Loi du 30 avril 1730. A.S.V., Compilazione delle leggi, prima seria, busta 18 ambito, fol. 724‑726.

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Loi du 24 mai 1621. A.S.V., Consiglio di Dieci, deliberazioni, comuni, registre 71, fol. 68‑69(148‑149).

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de Saint-Marc et sur la place de Rialto. L’unique exception à la règle concernait l’interdiction de repas entre nobles, car, non seulement les patriciens, mais aussi les « cittadini » et les autres habitants de Venise, étaient visés de près par les sanctions et par la possibilité d’obtenir une récompense pour leur délation. Cette singularité ne choque pas à première vue. Il semble logique que des décrets contre les fraudes électorales aient été rendus publics seulement dans l’enceinte du palais des doges, là où avaient lieu les élections. Pourtant, les interdictions ne se limitaient pas à la période électorale elle-même ni à l’enceinte du palais puisque les patriciens n’avaient pas le droit de pratiquer les sollicitations hors du palais, sur les places publiques ou même dans leur domicile. Annoncer ces interdictions là où tout autre décret était rendu public aurait alors permis de rappeler aux patriciens ces interdictions et d’inciter tout témoin (nobles comme non-nobles) à les dénoncer.

L’absence de diffusion des autres lois sur ces deux places publiques invite à s’interroger sur la restriction spatiale du rappel des décrets. La réponse est sans doute liée au souci de protéger le mythe de Venise. La République voulait prendre soin de son image extérieure aussi bien vis-à-vis des étrangers que de ses sujets en ne diffusant pas l’image d’une élite corrompue qui obtenait par des moyens illicites les charges mises aux voix, et non par leurs mérites. Si la République avait diffusé une image aussi dévoyée de ses patriciens, elle aurait remis peu à peu en cause leur légitimité à gouverner, aurait donné une raison à d’éventuels soulèvements populaires et aurait perdu ainsi sa réputation de « sérénissime ». La diffusion des lois limitée à la stricte enceinte du palais des doges visait donc aussi bien à préserver la représentation de la République vers l’extérieur que vers l’intérieur. En ne proclamant pas en dehors du palais des doges les décrets antifraudes, la République tentait de contrôler son auto-représentation vers l’extérieur en tant qu’État au patriciat exemplaire. Et en limitant la diffusion des décrets aux seuls patriciens et au seul palais des doges, la République tentait de s’auto-représenter en tant qu’État juste et impartial auprès de son cercle dirigeant tout en revêtant un rôle pédagogique de diffusion, d’imprégnation et d’assimilation du mythe vénitien et des valeurs républicaines au sein du patriciat.

Répétées régulièrement à l’oral ou à l’écrit, les valeurs que leurs préambules contiennent étaient ainsi rabâchées à l’infini dans un objectif d’assimilation totale même si, force est de constater qu’il existait toujours des fraudeurs. Ainsi, à travers la répétition orale et écrite des lois, les normes et valeurs vénitiennes étaient diffusées auprès du plus grand nombre de patriciens. Quel était donc exactement le ou les messages ainsi diffusés ?

Le message transmis était principalement le suivant : la République a été conservée par Dieu pendant si longtemps grâce à sa justice distributive, c’est-à-dire la juste distribution des

charges entre les patriciens. Cette expression renvoyait au concept aristotélicien d’une justice particulière qui distribue, non pas en parts égales, mais proportionnellement au mérite de chacun. Tant que cette justice distributive perdurait, la République bénéficierait de la protection divine, mais si elle venait à s’interrompre, alors la survie de Venise était incertaine. Les auteurs des troubles pointés du doigt sont toujours des individus. Le système général des élections n’est jamais remis en question. Bien au contraire, les magistrats tentèrent de l’affiner jusqu’à la perfection en comblant ses lacunes mais il n’est jamais annoncé que la procédure était défaillante, ni qu’elle favorisait les cliques, par exemple par le système du « pieggio », alors qu’elle était censée favoriser l’élection du meilleur indépendamment de tous liens familiaux ou clientélaires. Les responsables des dysfonctionnements étaient plutôt des individus malsains. Il ne s’agit jamais cependant d’un groupe particulier de personnes au sein du patriciat car cela détruirait l’idée d’un patriciat homogène et harmonieux. Ainsi, il n’était jamais fait allusion aux jeunes alors que c’est un topos répandu à Venise qu’ils ne pouvaient de par leur jeune âge se comporter correctement672. Les lois ne mentionnaient pas non plus les « barnaboti » ou « svizzeroti »673 que Sanudo évoqua quelques fois ; ces patriciens pauvres qui vendaient leurs voix en bloc. Les patriciens agrégés à partir du XVIIe siècle n’apparaissent pas non plus alors que les anciennes familles les accusèrent parfois de tous les maux de la République674. Filippo de Vivo mentionne un exemple qui illustre parfaitement bien cet état d’esprit : lorsqu’en 1607, un testament d’un patricien décédé tomba entre les mains du Conseil des Dix, ce dernier fit supprimer un passage du texte qui stipulait que sa fille hériterait de sa fortune si elle épousait un « nouveau » patricien675. Lorsque « giovani » et « vecchi » se disputèrent le pouvoir entre le XVIe et le XVIIe siècle, aucun des deux groupes n’est jamais officiellement mentionné. Les coupables, selon les lois, étaient toujours des brebis galeuses égarées qui avaient pour caractéristique principale et point commun leur ambition ou leur avarice. La réputation internationale de Venise reposait en effet sur l’absence de conflit entre groupes sociaux d’où son surnom de Sérénissime. Pour cette raison, les débats n’étaient jamais pris en note dans des protocoles et ils ne devaient pas être publiés à

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R. Finlay, Politics in Renaissance Venice, op. cit. n. 106, p. 182.

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Les termes « barnabotti » e « svizzeri » désignent les nobles pauvres qui vendaient leur vote. « Barnaboti » fait référence aux nobles pauvres qui se logeaient dans la paroisse de « San Barnabà » à Venise en raison des loyers abordables. « Svizeri » (« Suisses ») est une métaphore comparant ces nobles aux mercenaires étrangers vendant leur force physique. O.T. Domzalski, Politische Karrieren, op. cit. n. 6, p. 14 et 94.

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Voir le chapitre 6 à ce propos.

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l’extérieur pour éviter que les sujets de dispute ne donnent lieu à un débat public en dehors du Palais des doges676.

Grâce à un tableau dans lequel ont été enregistrées les valeurs et contre-valeurs liées aux élections et aux acteurs électoraux, il est possible de se faire une idée précise de ce que devait être une élection idéale, un électeur, un candidat et un élu parfait aux yeux de la République (annexe 27). Le tableau rassemble les lois déjà mentionnées dans le premier chapitre de cette partie à propos des diverses fraudes visées. Cependant, toutes les lois ne se prêtent pas à une analyse lexicale car elles ne disposent pas toutes d’un préambule. Le tableau contient donc quelques lois en moins.

Grâce à ce tableau, il est possible de savoir quelles sont les valeurs et les contre-valeurs avec lesquelles la République identifiait les élections. À chaque fois qu’un des termes nommés dans le tableau apparaît en relation aux élections, une croix a été insérée. Le nombre de croix ne correspond donc pas au nombre de lois.

Sans grande surprise, parmi les valeurs liées aux élections, la justice arrive en tête avec 44 occurrences, suivie de la liberté (28) et de la sincérité (20). Très rarement, il est dit que les élections devaient être pures (3 fois) et seulement une fois qu’elles devaient être égales. Ce dernier cas de figure s’explique très probablement par la nature même de la justice distributive puisqu’elle ne doit pas avoir lieu en parts égales mais en proportion aux mérites de chacun. Par liberté, Venise sous-entendait que le patricien devait être libéré de toute contrainte psychologique parfois exercée sur lui par les parents, les amis ou les relations clientélaires. Il ne devait pas voter en fonction de ses intérêts particuliers, ceux de ses amis ou de sa famille mais uniquement dans l’intérêt de sa patrie et du bien commun. Le vote secret était censé lui permettre un vote libre677. De plus, Venise attendait de lui qu’il vote sincèrement.

En toute logique, les élections ne devaient pas être injustes, un terme qui n’apparaît que deux fois puisqu’on lui préfère sa version affirmative. Les préambules préfèrent recourir au champ lexical de la corruption pour préciser comment les élections ne devaient pas se dérouler. Je me suis concentrée sur les termes proches de la corruption et de la décadence morale (« corruptela », « perversione », etc.). Je n’ai pas mentionné les termes négatifs qui désignent les délits (abus, désordres, moyens indirects, etc.) parce que j’estime qu’ils ne sont pas aussi chargés moralement que ceux liés à la corruption. Le choix lexical de la corruption contient une teneur morale absente ou moins présente dans les termes d’abus et de désordre mais en

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Ibid., p. 19.

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particulier, ce terme renvoie à l’idée aristotélicienne de transformation de la république en tyrannie par le pourrissement interne et la désagrégation. La chute des plus grandes républiques, telle que Rome, était mise sur le compte de la corruption des mœurs de sa société. C’est un topos que l’on retrouve parfois dans les écrits vénitiens678.

Qu’attend-on en conséquence des acteurs électoraux pour un déroulement juste, sincère et libre des élections ? La première valeur positive est le mérite (26 occurrences) suivi de la vertu (16). Ces deux notions correspondent plutôt aux candidats potentiels. Y est également attachée la civilité (2). En revanche, lorsque les patriciens devaient jurer d’élire le meilleur candidat, la République préférait employer les termes de capacité (« il più sufficiente » dans 10 cas), le meilleur (9 fois) et le plus loyal envers la patrie (4 fois). Les deux valeurs de la bonté (5) et de la modestie (9) sont plutôt liées aux patriciens qui n’osaient aspirer aux charges à cause des manœuvres ambitieuses de certains concurrents. Voici ainsi dépeint les patriciens à privilégier au moment du choix électoral.

Comment l’électeur devait-il se comporter au juste ? La République attendait de lui qu’il vote avec conscience ou avec jugement (15 fois), libéré de toute passion ou affection (deux fois) et sa conscience ne devait pas être violée ou violentée (16 occurrences).

Enfin, le vice le plus craint chez les candidats était l’ambition : il apparaît 36 fois dans les lois. L’ambition était selon la République la cause de l’offense à Dieu et aux lois (19 occurrences) et signifiait que le patricien recherchait les charges dans l’indignité ou le déshonneur le plus total pour son rang (2 fois). Cette mise en exergue entre ambition et offense à Dieu peut être interprétée comme une tentative d’impliquer Dieu dans la lutte contre la corruption électorale et comme un appel à la crainte des patriciens pour le salut de leur âme.

Il est difficile de savoir à quel point les patriciens crurent en ces menaces. Lorsqu’en 1697, la République interdit les manœuvres liées au « broglio » par un serment, les patriciens semblèrent sentir leur âme véritablement menacée par le risque de parjure et tentèrent de faire modifier la loi comme je le présenterai dans le chapitre qui y est consacré.

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Tous les éléments présentés dans les chapitres précédents soulignent la difficulté de lutter efficacement contre les fraudes. Il est vrai que le respect de ces dernières est douteux; les sources manquent à l’appel et le droit vénitien laisse une marge de manœuvre interprétative. Si l’on veut trouver de véritables exemples de sanction, il faut aller les chercher dans les archives de deux instances considérées redoutables par les patriciens : le Conseil des Dix et