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Face aux exigences sociales : l’élaboration du « broglio onesto »

2. Créer, affirmer et délimiter l’espace du « broglio onesto »

2.2. L’ambition : la limite à ne pas franchir

2.2.1. Les conséquences de l’ambition

Tout comme dans le discours officiel, l’excès principal en politique, selon Sansovino et Colluraffi, était incarné par l’ambition. Ce vice était à éviter car il portait selon eux à trois conséquences néfastes. La première touchait l’honneur personnel de la personne ambitieuse

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« Che se negato ci venga l’onore, che brogliavasi, soffrir conviene il rifiuto con virtuosa sommissione alle sovrane deliberazioni, e non dimostrare nè un animo risentito, nè un contegno dispregiatore. » B. Scardua,

Saggio d’instruzioni aristocratiche, Venise, 1785, p. 30.

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Grillo est issu d’une famille noble génoise (1557-1629). Bénédictin mais aussi poète, sa correspondance fut publiée en plusieurs volumes à partir de 1602, puis en 1608, 1612 et 1616 à Venise. Elle contient des informations biographiques mais traite également de questions littéraires et linguistiques. Grillo connaissait bien la République de Venise puisqu’il habita à Padoue en 1609, puis dans le monastère de San Nicolò del Lido à Venise entre 1612 et 1616. Il fut un membre de l’Accademia degli Incogniti de Venise. Cela explique probablement la célébrité de ses écrits à Venise. L. Matt, GRILLO, Angelo,

http://www.treccani.it/enciclopedia/angelo-grillo_(Dizionario_Biografico)/, (consulté le 13 janvier 2016).

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« E per ultimo quelle parole di Donn’Angelo Grillo nel suo petto scolpisca : che per haver testa da Repubblica, bisogna havere stomaco da struzzo. » A. Colluraffi, Il nobile veneto, op. cit. n. 64, p. 233.

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Ottobon prévient son fils que lorsque les charges les plus dispendieuses lui seront octroyées, il devra quand même « remercier la main qui, en t’aggravant, prétendra t’honorer. » A. Ottobon, Lettere d’un nobile, op. cit. n. 694, p. 6.

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L’Accademico Imperfetto, Ricordi etici, op. cit. n. 722, p. 70.

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car ce vice l’affaiblissait intérieurement. Sansovino explique à travers l’enseignement de Trifone Gabriel que l’ambition était un « vice qui infecte la candeur de cet honneur que chacun est tenu de conserver le plus pur et le plus net qu’il peut »730. L’ambition entraînait également une autre série de conséquences néfastes pour la personne ambitieuse elle-même. Selon Sansovino et Scardua, la personne devenait nécessairement avare parce que les dépenses effectuées pour obtenir les honneurs engendraient la pauvreté et des remords pour avoir dépensé l’argent. Erizzo tente de véhiculer le même enseignement à son fils lorsqu’il lui dépeint un tableau peu reluisant de la décadence de familles illustres qui s’étaient laissées déborder par les passions, le jeu et l’ambition des honneurs731. En outre, selon Sansovino, l’ambitieux devait être prudent parce que l’honneur avait été recherché non par la vertu mais par les faveurs si bien qu’il (l’honneur) « risque à tout moment de tomber par terre »732. La seconde conséquence néfaste serait la mauvaise image du patricien. Les auteurs préviennent leurs lecteurs que l’ambitieux renvoie une image d’arrogance ou d’avarice auprès de ses pairs qui cessaient en conséquence de lui accorder crédit ou honneur733.

Les premières conséquences de l’ambition ne se manifestaient qu’au niveau de l’individu mais ce vice pouvait atteindre toute la communauté politique selon les auteurs des manuels. Sansovino, Colluraffi et Scardua l’expriment clairement : l’utilisation non réfrénée de ce vice n’était rien d’autre qu’une « échelle menant aux tyrannies et prenant racine chez les magistrats orgueilleux et assoiffés »734. L’opinion des auteurs recoupe ici le discours officiel

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F. Sansovino, Dialogo del gentilhuomo vinitiano, op. cit. n. 703, p. 21.

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« A questo proposito, ti voglio a riflettere sopra la fatalità di tante famiglie illustri, agiate e facoltose. Internandoti in queste, ritroverai o che da esse non son pagati i legati pij di messe ed altri lasciati da’ suoi progenitori, o che sono defraudate le dovute mercedi agl’operari, mercenari, artisti, mercanti, o iscoperti i prò de’ capitali da essi o da’ loro antenati presi a censo: tutto ciò infonde in una viziosa e volontaria negligenza, e quasi vorrei dire maliziosa superiorità, volendo questi tali che tenga la prelazione, nelle loro indigenze, o il vizio del gioco o le passioni effeminate o la vanità de’ trattamenti o l’ambizione degl’onori, il che vale poi a portar loro le domestiche vessazioni e molestie o nella scostumata lor figliolanza, o nella scarsa raccolta delle lor rendite, o coll’attaccamento di fastidiose e sfortunate liti, o coll’aversamento delle loro persone dagl’onori del nostro governo, oppure con fare una infelice figura nelle loro cariche o nelle loro ballottazioni. » G. Gullino, « Istruzione morale », art. cit. n. 679, p. 355.

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« Similmente l’ambitioso è timido, perche lo honor conseguito non per virtù, ma per favore, sta sempre in pericolo di cadere a terra » F. Sansovino, Dialogo del gentilhuomo vinitiano, op. cit. n. 703, p. 21.

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Olcinio exprima clairement la conséquence de ce comportement : le patricien finissait par perdre son crédit auprès des autres. G. Olcinio, Ritratto del gentilhuomo venetiano, nel quale con precetti et ammaestramenti

notabili si discorre, et gli si mostra, ciò che dee fare, et da che guardarsi, per farsi degno di conseguire à suoi tempi gli honori, et gradi nella sua republica, Venise, 1610, sans pagination.

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« Ella fa ben conoscer lo huomo superbo, et vano, che poco si confida nella virtù, alla quale, (come l’ombra al corpo) seguita per se stessa la riputazione, anzi la sfrenata ambitione non è altro ch’una scala che guida alla tirannide, la quale mette le prime radici dall’esser troppo gonfio, et sitibundo, de Magistrati». F. Sansovino,

Dialogo del gentilhuomo vinitiano, op. cit. n. 703, p. 21 ; Une image véhiculée à son tour par Colluraffi : « Anzi

la sfrenata ambitione altro non è, che una Tiranna de gli animi, ed una scala, che guidò alla tirannide sempre mai le Repubbliche.» A. Colluraffi, Il nobile veneto, op. cit. n. 64, p. 211 ; Scardua partage l’avis que l’ambition mène les républiques à la tyrannie, ce dernier auteur commence son chapitre en en énumérant plusieurs des

sur la mise en péril de la République par l’ambition735. Colluraffi pointe du doigt en particulier la corruption d’autrui qui selon lui était de « conséquence si pernicieuse » qu’elle provoquait toujours la perte des villes libres736. Il explique que c’était la raison pour laquelle Rome adopta des lois très sévères737. Scardua préfère citer en exemple les propres lois vénitiennes expliquant que les avocats et les chefs des Dix à Venise étaient chargés depuis longtemps de combattre l’ambition et tout autre comportement qui la renforçait et de vérifier que « personne ne corrompe la loi par ambition et ne cherche à obtenir une magistrature en échange de ses richesses ou de faveurs particulières »738.

L’ambition était donc un vice qui affaiblissait intérieurement le patricien, puis se répercutait sur son comportement avec autrui, et enfin mettait en péril la société entière. Ce sont ces trois risques qui poussèrent non seulement les Romains mais aussi les Vénitiens à tenter de l’endiguer par des mesures sévères. Mais avant que l’intervention des magistrats ne soit nécessaire, Colluraffi et Sansovino exhortent leurs lecteurs à ne jamais franchir cette limite lors du « broglio ».

2.2.2. Les formes de manifestation de l’ambition

Afin que les patriciens sachent détecter en eux-mêmes ou auprès des autres le vice de l’ambition, Colluraffi et Sansovino décrirent ses formes de manifestations externes. Certaines ont déjà été évoquées telles que la corruption et l’arrogance ; mais d’autres formes de comportement sont également liées à ce vice.

Une des premières caractéristiques des personnes ambitieuses était leur comportement exagéré lorsqu’elles recherchaient des charges. Sansovino explique que les ambitieux s’humiliaient publiquement lorsqu’ils sollicitaient des votes parce que « pour parvenir à quelque dignité qui dépend de l’arbitre de beaucoup d’autres, [ils devaient] prier chacun,

mesures prises par les magistrats vénitiens contre les pratiques ambitieuses. B. Scardua, Saggio d’instruzioni

aristocratiche, op. cit. n. 723, p. 17.

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Par exemple dans la loi du 26 novembre 1519, il est dit : « La conservatione del stato nostro za’ tanti anni per la divina benignità mantenuto, et amplificato in primis è proceduta dalla giustizia con la qual sono stà di tempo in tempo destribuidi li magistrati, et officii alli zentil’homeni nostri virtuosi, et benemeriti, et non per ambition, et premii […] ». A.S.V., Consiglio di Dieci, deliberazioni, Miste, Registre 43, 1518, fol. 90.

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« Parlerei qui del corrompere altrui, e del procurare co’ conviti, non co’l merito; co’ danari, non con le vertù gli honori: effetto di tanta consideratione, e di così perniciosa conseguenza, che ne cagionò sempre mai la perdizione, e l’interino delle prime città libere. » A. Colluraffi, Il nobile veneto, op. cit. n. 64, p. 212.

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La loi Calpurnia statufiait que les coupables d’ambito n’étaient plus éligibiles, ne pouvaient plus venir dans le Sénat et qu’ils devaient soit payer une très forte amende soit être banni à jamais de leur patrie. Il mentionna plusieurs autres décrets existant à Rome sans en préciser leur contenu afin de souligner son propos (la loi Giulia, la Calcinia, l’Emilia et beaucoup d’autres). Ibid.

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« […] che niuno con l’ambizione sua corrompesse le leggi ; e per via di ricchezze, e d’altri favori estraordinari cercasse di ottenere alcuno magistrato : e tostochè i magistrati erano creati, prima che il Consiglio fosse licenziato, investigavano, se alcuno di quelli, che gli avessero ottenuti, avesse commesso cosa alcuna, per la quale egli meritasse punizione ; e trovando alcuno in peccato, gli procedevano contro, come corruttorre delle leggi ». B. Scardua, Saggio d’instruzioni aristocratiche, op. cit. n. 723, p. 17.

s’humilier outre mesure, saluer, s’incliner, faire des révérences exagérément, et finalement faire mille gestes avec une affection apparente ».739

Colluraffi déconseille également de trop solliciter ses pairs car cela correspondait à un comportement de parasite740. De plus, adopter un comportement extrême tel que des salutations exagérées diminuait le mérite et portait atteinte à l’honneur et à la réputation741. Les interlocuteurs risquaient de considérer cette personne comme quelqu’un de vain, qui ne recherchait pas la vertu742. Scardua lance le même message à ses lecteurs ; plus la personne faisait preuve d’ambition, plus elle était dépréciée par ses pairs et en devenait la risée :

« combien de fois lors des rencontres allègres, vous entendez les moqueries de ceux qui imitent les profondes révérences, les expressions libérales, les offres héroïques et toutes les manières affectées de ceux qui veulent obtenir de l’autre ce qu’ils demandent »743.

Il était inutile également de chercher à rattraper de telles indélicatesses ou son arrogance par des marques d’affection encore plus obséquieuses car un tel comportement était avilissant744. Ceroni délivre le même conseil, encourageant le patricien à ne pas imiter chez les autres ce qui ne leur avait pas plus tels que les excès pendant le « broglio »745.

Il existait également d’autres formes de manifestation externe de l’ambition qui furent présentées par certains auteurs comme les barrières à ne jamais franchir : les serments, les insultes, les blasphèmes ou l’hérésie et la corruption. Les serments selon Colluraffi,

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« Con tutte queste cose s’aggiunge, che l’ambitioso vedendosi alle volte ingrandire et alzarsi, si utene di modo a deprimere, che utilissimo è riputato. Ch’essendo lo huomo sforzato, per conseguir qualche dignità che dipenda dall’arbitrio di molti, pregare ogniuno, humiliarsi fuor di tempo, et fuori d’ogni debita misura salutare, inchinare, riverire, et finalmente far mille gesti con apparente affettatione, pare ch’egli venga pur troppo a diminuire la sua conditione. » F. Sansovino, Dialogo del gentilhuomo vinitiano, op. cit. n. 703, p. 21-22.

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A. Colluraffi, Il nobile veneto, op. cit. n. 64, p. 196.

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Colluraffi aussi recommandait de fuir les excès et les signes évidents d’ambition comme la peste lorsque le patricien recourait aux « pratiques ». Ibid., p. 210-211.

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« Ella fa ben conoscer lo huomo superbo, et vano, che poco si confida nella virtù, alla quale, (come l’ombra al corpo) seguita per se stessa la riputazione, anzi la sfrenata ambitione non è altro ch’una scala che guida alla tirannide, la quale mette le prime radici dall’esser troppo gonfio, et sitibundo, de Magistrati. » F. Sansovino,

Dialogo del gentilhuomo vinitiano, op. cit. n. 703, p. 21 ; Colluraffi partage cet avis. Selon lui, l’ambition

provoque chez les partenaires une impression de superficialité et de simulation des sentiments. A. Colluraffi, Il

nobile veneto, op. cit. n. 64, p. 209. Or, il était très important de véhiculer une image vertueuse selon Colluraffi

qui utilisa la métaphore du poète italien Le Tasse dans sa tragédie du Roi Torrismonde publié en 1587 selon laquelle l’honneur était toujours accompagné de la vertu comme l’ombre au corps. T. Tasso, Il Re Torrismondo:

tragedia, Pisa, 1821, p. 34. Il faut ajouter que l’influence de Castiglione sur Tasso est fort probable. P. Burke, The fortunes of the Courtier. The European Reception of Castiglione’s Cortegiano, op. cit. n. 700, p. 47.

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« Quante volte nelle allegre adunanze non odesi imitare scherzando i profondi inchini, le liberali espressioni, l’eroiche offerte, e tutte le affettate maniere di coloro, che desiderosi di quello ottenere, che domandano, in quella vece sono all’altrui presenza scherniti ; siccome credesi, ch’eglino stessi con quelle strane umiliazioni s’adoperino d’imporre algi altri : credenza, che tanto più sembra appoggiata al vero, quanto che per usato loro costume mostrano di non curare chicchessia ; e non solo sono avari di questi profondi ossegui, ma ancora degli uffici più comuni della vita civile. » B. Scardua, Saggio d’instruzioni aristocratiche, op. cit. n. 723, p. 23.

744

Ibid.

745

dévoilaient une âme menteuse et non pure746. Il déconseille de croire en ceux qui y recouraient et encore plus en ceux qui commettaient ce grave péché et juraient aussi de ne pas l’avoir commis. Il estime que « ceux qui péchent contre la république en favorisant par le vote les non-méritants, pécheront aussi contre leur âme en la falsifiant par le serment » 747. Plutôt que le serment, Colluraffi estime que les simples promesses avaient déjà une valeur de « sacrement » d’après une affirmation du poète Solon748. L’Accademico Imperfetto se positionne également contre les faux serments car il estime que c’était non seulement un péché contre Dieu mais aussi indigne d’un noble et que cela aurait des conséquences sur la réputation personnelle et à long terme sur l’obtention des charges politiques749. Ce conseil sera partiellement répété par Antonio Ottobon qui décourage son fils à recourir aux serments « équivoques » car la foi ne pourrait pas être traitée ainsi750.

Les insultes et les blasphèmes étaient une autre barrière à ne pas franchir. D’après Colluraffi, les premières étaient le signe d’une âme dissolue et de mœurs dépravés tandis que les seconds trahissaient ces deux caractéristiques précédentes couplées à celles d’un esprit dépravé et retors 751. Colluraffi explique que les serments, les insultes et les blasphèmes allaient contre l’honneur mais il choisit de ne pas poursuivre sa démonstration dans son livre car il juge que Venise se montrait déjà très sévère et rigoureuse à ce propos752.

Enfin, la corruption était moralement répréhensible753. Sansovino incite ses lecteurs à gagner une bonne réputation vertueusement et non en corrompant les autres avec l’argent. Il fut le premier à dire que « corrompre autrui par des dons et des prix (preghi) aux amis » était une «violence manifeste aux lois et à la justice » 754. Colluraffi est du même avis que Sansovino. Il

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A. Colluraffi, Il nobile veneto, op. cit. n. 64, p. 207-208.

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« Voglio inferire, chi pecca contro la repubblica, favorendo gli immeritevoli co’l voto, peccarà anco contro l’animo, falsandolo co’l giuramento. Chi è d’integramente, d’ingenui costumi, e d’animo nobile, e candido, non hà bisogno, dice Solone, che co’l giuramento si leghi. » Pour insister sur ce point, l’auteur reprenait l’enseignement de Solon qui déclarait qu’une personne « de mœurs intègres et ingénus, d’âme noble et candide » n’avait pas besoin de se lier à autrui par serment. Ibid., p. 208.

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« Per la vil plebe è fatto il giuramento: ma tra gli spriti [sic!] più elevati sono le semplici promesse un sagramento. » Colluraffi cita également l’exemple du législateur de Sparte Lycurgue qui encourageait les citoyens de sa république à s’entre-aider mais qui leur défendait de s’obliger les uns les autres par le serment.

Ibid.

749

L’Accademico Imperfetto, Ricordi etici, op. cit. n. 722, p. 61.

750

« […] ne ti servirai di sensi, o giuramenti equivoci ne tuoi brogli ». A. Ottobon, Lettere d’un nobile, op. cit. n. 694, p. 8.

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« Le bestemmie sono inditio d’animo dissoluto, di costumi pravi, e di mente vitiata, e maligna. » A. Colluraffi, Il nobile veneto, op. cit. n. 64, p. 208.

752

Ibid.

753

Dans le De Officiis, Cicéron critique les largitiones distribuées indifféremment au peuple même s’il est possible que son avis ne soit pas partagé par tous ses contemporains. A. Yakobson, Elections and Electioneering

in Rome, op. cit. n. 710, p. 36.

754

« Resta ora ch’io dica alcune poche parole dell’ambitione, et del corromper della giustitia. Questi vitti sono ugualmente da esser fuggiti da voi, ma non per ugual ragione, che se l’ambitione come vitio, infetta la

évoque le fait de « corrompre autrui et de rechercher les honneurs par des repas et non par le mérite, par l’argent et non par les vertus » comme la cause de la chute des villes libres755. De même qu’Aristote, Colluraffi partage l’avis que « les dignités [...] doivent se procurer avec les vertus, non avec l’argent et d’autres moyens indirects »756. En effet, il met en évidence que le patricien ambitieux ne serait pas seulement puni par les lois mais aussi par l’impiété de ses propres concitoyens qui « restent déçus et faussés par ces derniers qui cherchent par des dons à vicier et corrompre »757.En outre, la corruption ne pouvait être fructueuse selon Colluraffi qui estime qu’il ne fallait « jamais considérer fidèle quelqu’un qui est obligé avec violence par l’intérêt et non qui est persuadé de servir par l’amour »758. Après avoir dépeint le comportement à ne pas adopter, Colluraffi enjoint à ses jeunes élèves de marcher « sur la route qui conduit aux dignités par la lumière de l’intégrité et du mérite, et non par le moyen d’argent et de largesses, par les actions généreuses et non par des dons corrupteurs […] »759. En quelques mots, les auteurs conseillent d’éviter l’ambition et toutes ses formes de manifestation concrètes qui représentaient la zone noire dans laquelle le patricien ne devait jamais pénétrer.