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Les fraudes et la lutte antifraude sous le prisme de la législation

Chapitre 1 : les tentatives d’influence des électeurs interdites par la législation

1. Les sollicitations de vote

1.2. Les mesures préventives

1.2.1. Interdiction mais quelques concessions

Au moins depuis 1417, il était interdit de recourir aux sollicitations339. Elles furent toutefois autorisées auprès de trois ou quatre personnes au maximum au XVe siècle340. Dans le cadre des élections du Sénat, les patriciens ne pouvaient même pas adresser la parole à toute

335

A.S.V., Senato, deliberazioni, terra, registre 40, 1555-56, fol. 45‑46(65‑66).

336

Loi du 27 juin 1604. A.S.V., Consiglio di Dieci, deliberazioni, comuni, registre 54, 1604, fol. 41‑42(91‑92).

337

« Per essere esse pratiche in colmo più che mai, ogni giorno che è ridotto il Maggior Conseglio, à pena sono serrate le elettioni, che non solo gli eletti, ma li suoi parenti, et fautori ancora, vanno per li banchi, pregando, et intercedendo voti, senza lasciar ne luogo, ne soggeto intatto. » Loi du 13 août 1603. A.S.V., Consiglio di Dieci,

deliberazioni, comuni, registre 53, 1603, fol. 79‑80(129‑130).

338

Lois du 29 avril et du 20 juin 1611. A.S.V., Consiglio di Dieci, deliberazioni, comuni, registre 61, 1611, fol. 32‑33(86‑87) et 60‑61(114‑115).

339

E. Queller, The Venetian Patriciate, op. cit. n. 15, p. 67.

340

Queller signale qu’un patricien était jugé coupable de sollicitations à partir de quatre personnes sollicitées en 1480. Mais il n’est pas fait état de cette tolérance dans la législation du XVIe siècle. D. E. Queller, The Venetian

personne y ayant droit de vote afin d’obtenir une charge politique341. Cette interdiction fut complétée par l’arrêt complet de la distribution de bulletins par les aspirants – ou leurs partisans – aux charges de sénateur, de la Zonta et de la Quarantie ordinaire342. En 1555, un décret rappela l’interdiction des sollicitations dans toutes les élections, que ce soit par l’intermédiaire d’amis ou de parents, dans le palais des doges, dans la cour ou aux portes de celui-ci, sur les places de Saint-Marc et de Rialto, mais n’évoque pas la possibilité de solliciter les voix de trois à quatre personnes tout au plus343. Lorsque cette interdiction fut répétée en 1580344, il fut clairement indiqué qu’elle était valable entre huit heures trente et neuf heures, pendant les réunions du conseil et après leur dissolution. Les espaces concernés englobaient les escaliers du Sénat, de la Quarantie, les portes du conseil, du « scrutinio », et le quartier de Rialto depuis les « naranzeri » jusqu’à la petite place des « camerlenghi ». À partir de 1630, les patriciens ne pouvaient pas non plus s’arrêter dans l’allée couverte du palais des doges qui surplombait la place du « broglio »345. En outre, quelques magistratures eurent l’interdiction formelle et complète de se rendre sur les places publiques. Par exemple, les conseillers de la Seigneurie ne pouvaient aller ni en ville, ni à l'église, ni sur la place de Saint-Marc, ni à Rialto ni dans aucun négoce ou autre lieu public où se réunissait la noblesse pour « broglio » ou pour toute autre chose346.

Quelques concessions furent cependant accordées pour les élections qui se déroulaient dans le Sénat et dans le « scrutinio » du Sénat. Tout d’abord, tout aspirant à une charge pouvait faire connaître son intérêt aux membres de sa famille qui étaient automatiquement exclus des élections pour lien de parenté. De plus, le gouvernement mit en place une inscription pré-électorale. Les patriciens purent transmettre au chancelier un bulletin contenant leur nom, leur titre et la charge qui les intéressait, puis les bulletins étaient confrontés avec la liste des candidats proposés par les électeurs du Sénat. Si leur nom ne figurait pas sur cette liste, le chancelier l’ajoutait et le mettait aux voix au même titre que les autres candidats347. Il n’est pas du tout certain que cette procédure ait été employée par les patriciens car je n’ai jamais

341

Le 31 janvier 1525. A.S.V., Senato, deliberazioni, terra, registre 23, op. cit., fol. 158‑159(173‑174).

342

Cette interdiction fut répétée dans une loi du 21 juin 1621. A.S.V., Consiglio di Dieci, deliberazioni, comuni,

registre 61, op. cit., fol. 60‑61(114‑115).

343

« L’andera parte, che salva, et riservata ogn’altra leze sopra ciò disponente et alla presente non repugnante del tutto sii prohibito a quelli che pretendessero alcuno officio, magistrato o altra dignità publica, di pregar, procurar, o far alcuna pratica con adunation de parenti o amici et in schiera cosi per si come per altri in Chiesa di San Marco che è con offesa del nostro signor Idio benedetto né in corte di palazzo, né alle porte di quello, né nelle piazze di San Marco et di Rialto ». A.S.V., Senato, deliberazioni, terra, registre 40, 1555-56, fol. 45‑46(65‑66).

344

Le 15 août 1580. A.S.V., Maggior Consiglio, deliberazioni, registre 31, frigerius, op. cit., fol. 103.

345

Loi du 9 juin 1630. A.S.V., Maggior consiglio, deliberazioni, registre 38 padavinus, 1631-39, fol. 19(39).

346

Le 3 octobre 1611. A.S.V., Maggior Consiglio, Libro verde 3, fol. 36.

347

retrouvé d’allusions à un tel type de candidature. Le gouvernement pourtant élargit cette mesure à d’autres élections. Depuis 1533, les prétendants à la dignité de procurateur de Saint-Marc pouvaient légalement faire savoir au chancelier ou au vice-chancelier leur intérêt pour la dignité348. Leurs noms étaient alors pris en note, puis la liste de tous les prétendants à la charge de procurateur était lue, par le grand chancelier ou son remplaçant, aux membres de la quatrième commission électorale sans toutefois qu’ils ne soient obligés de nommer l’un d’entre eux. En revanche, cette liste n’était pas lue aux membres des première, seconde et troisième commissions électorales. En contre-partie, aucun autre moyen, « procure ne pratiche » n'était toléré pour être élu.

1.2.2. Le « bossolo delle preghiere »

Dans l’espoir de déceler les fraudeurs, la République obligea ses électeurs à signaler au moment du vote le candidat qui les avait sollicités. Elle créa ainsi le « bossolo delle preghiere » dans lequel les patriciens devaient insérer leur ballotte s’ils avaient été sollicités. Le « bossolo delle preghiere » fit probablement son apparition peu avant 1533349.Mais cette urne n’a pas eu l’effet escompté et disparut complètement en 1626.

Deux types d’urne des « sollicitations » alternèrent entre 1533 et 1626. L’une d’entre elles fut décrite par Milledonne dans son dialogue : il s’agissait d’urnes triples constituées d’un tube blanc, un second vert et un dernier de couleur rouge. Sur le tube blanc était inscrit « de si », sur le tube vert « de no », et sur le rouge « non sincier » ; ce dernier étant habituellement utilisé lorsqu'un noble trouvait une loi peu claire350. Lors des élections, il était en revanche utilisé comme « bossolo delle preghiere ». Les trois tubes étaient fermés par un couvercle et contenaient une ouverture où l’on pouvait passer le bras pour placer la ballotte sans être vu. Chaque tube aboutissait dans un compartiment amovible où tombaient les ballottes.

Le second type de « bossolo delle preghiere » était une urne composée en premier d’un compartiment blanc et en second d’un vert351. Le blanc signifiait que le candidat avait enfreint l’interdiction des sollicitations. Le vert symbolisait le respect de l’interdiction. Ainsi, tous les patriciens étaient obligés de mettre la main dans cette urne et ne pouvaient deviner qui

348

Loi du 10 mai 1533. A.S.V., Senato, terra, deliberazioni, registre 27, fol. 118‑120(139‑141).

349

Dans une loi du 10 et 11 mai 1533 concernant les élections des procurateurs, il est évoqué son emploi pour les « ballotation di prociederi » qui désignent sans doute le vote des lois. A.S.V., Senato, terra, deliberazioni,

registre 27, fol. 118‑120(139‑141).

350

B.N.M., A. Milledonne, Dialoghi, op. cit. n. , fol. 10v.

351

dénonçait un candidat. Ce type d’urne circulait en parallèle à celles destinées à recueillir les votes positifs et négatifs, obligeant les électeurs à voter deux fois lors de la mise aux voix d’un candidat : d’une part, en cas de recommandation ou non, et d’autre part, en faveur ou contre le candidat.

Si une certaine quantité de ballottes était retrouvée dans cette urne, le candidat concerné était jugé coupable de sollicitations ou de recommandations. Cette quantité évolua au fil du temps. Lorsque l’urne fut introduite pour les élections des procurateurs de Saint-Marc, des conseillers, des avocats de la Commune, des censeurs, des « savi » du Conseil et de ceux de Terre ferme, cette quantité de ballottes fut fixée à un cinquième du nombre total d’électeurs352. En 1535, elle fut diminuée pour les élections dans le Sénat à un sixième du nombre total de balles afin d’augmenter la probabilité de condamnation des contrevenants353. Ce changement survint à la suite du constat que, « par expérience manifeste, beaucoup, ne craignant pas une peine si faible, n'arrêtent pas de faire des sollicitations et d’utiliser divers moyens illicites d'ambition »354. La quantité revint au cinquième le 7 décembre 1540 dans tous les conseils où s’utilisait l’urne des sollicitations, avant d’être de nouveau fixée au sixième du nombre d’électeurs en 1583355 à cause de l'augmentation des « pratiques ambitieuses »356.

Loin d’être évident, le décompte des ballottes de sollicitations causa parfois plusieurs désordres. Afin de connaître la quantité exacte de ballottes correspondant au cinquième du total des balles utilisées, il fallait d’abord connaître le nombre d’électeurs. Ce résultat s’obtenait en additionnant les ballottes positives à celles négatives, à condition que l’urne des sollicitations soit utilisée séparément des deux autres. Or, les magistrats constatèrent, en 1540, qu’il manquait un nombre considérable de ballottes dans les urnes positives et négatives, rendant inutile l’urne des sollicitations357. Aucune explication n’est donnée à ce fait. La solution trouvée consista à changer l’ordre d’utilisation des urnes. Jusqu’en 1540, les urnes des sollicitations circulaient après celles ordinaires. Dorénavant, les candidats seraient d’abord mis aux voix avec le « bossolo » des recommandations ; puis au second tour, les

352

Loi du 11 mai 1533. Ibid.

353

A.S.V., Maggior Consiglio, deliberazioni, registre 26, diana, 1522-1536, fol. 187v‑188(200v‑201).

354

« Perche si vede per manifesta esperienza, molti, non temendo così poca pena non restar di procurar e usar diversi illiciti modi di ambizione ». Ibid., fol. 187v‑188(200v‑201).

355

A.S.V., Maggior Consiglio, deliberazioni, registre 31, frigerius, fol. 100.

356

« […] ambitiose prattiche ». Cela concerne les élections du Sénat qui utilisent l’urne des sollicitations. Loi du 22 mai 1583. Ibid.

357

patriciens voteraient les candidats avec les urnes ordinaires (celles positives et négatives à la fois). Cette mesure fut accompagnée de l’obligation de montrer, en public que la main était bien insérée dans cette urne pour y déposer la ballotte et une fois retirée, elle devait être exhibée vide. Enfin, si un patricien n’introduisait pas de ballotte dans l’urne des recommandations, il n’avait pas le droit de voter avec les urnes ordinaires.

Néanmoins, cette mesure se serait révélée infructueuse pour deux raisons. D’une part, en procédant avec deux types d’urnes différentes, les élections auraient pris trop de temps358. D’autre part, les patriciens seraient parvenus à éviter le vote sur les recommandations. Ils seraient sortis des salles électorales afin de ne pas prêter serment de voter avec l’urne des recommandations et ne seraient revenus qu’au moment du vote avec les urnes ordinaires359. Ainsi, ils ne votaient sur les candidats qu’avec ces dernières. À l’inverse, si les patriciens n’avaient pas quitté la salle des élections, ils auraient voté tout simplement la main vide malgré l’obligation d’exhiber la ballotte avant de l’insérer dans l’urne. Le Sénat décida en conséquence, six ans après le décret précédent360, d’utiliser les « bossoli » triples (« no », « sì », « non sincier »). Cette mesure ne concernait que les élections qui recouraient déjà au vote sur les recommandations. Puis, quelques mois plus tard, elle fut étendue à toutes les élections du Sénat et du Grand Conseil361.

Le retour à l’utilisation simultanée des urnes triples ne porta pas ses fruits. Un an plus tard, le Sénat jugea que les recommandations avaient lieu désormais de manière très « insolente et sans aucun respect »362. Non seulement les prétendants aux charges et leurs amis ou parents auraient sollicité les votes de leurs compatriotes, mais ils auraient également eu recours à « divers autres moyens indirects et pernicieux » dont nous ne connaissons pas la teneur afin de contourner les lois363. En outre, les nouvelles mesures n’auraient pas permis de démasquer des transgresseurs alors que l’utilisation séparée des urnes des sollicitations et ordinaires, malgré ses quelques défaillances, aurait dévoilé de nombreux contrevenants364. Le Sénat

358

Le 23 septembre 1546. A.S.V., Senato, deliberazioni, terra, registre 34, fol. 147(107).

359

Le 23 septembre 1546. Ibid.

360

Le 23 septembre 1546. Ibid.

361

Le 2 janvier 1547. Ibid., fol. 176‑177(200‑201).

362

Loi du 7 décembre 1548. Ibid., fol. 42‑43(63‑64).

363

« […] per il che le preghiere sono fatte si insolente et senza alcun rispetto nel predetto Consiglio di Pregadi che non solum per quelli dimandano li onori, et magistrati si prega ma etiam essi fanno pregar per diversi altri mezzi indiretti et perniciosi con offensione della giustizia e del nostro signor Dio, et tamen per questo non si ha visto alcun esser cascato alle preghiere dopo il prender della ditta parte ». Loi du 7 décembre 1548. Ibid., fol. 42‑43(63‑64).

364

« […] perché se ben quando il bossolo si mandava separato si occultavano nelli scrutini per non ballottar le preghiere et ballotavano senza ballotta come vien narrato nella predetta parte del 1546; pur si vedeva molti

abrogea en conséquence les dernières réformes concernant les élections dans le Sénat et dans le « scrutinio » du Grand Conseil365. Désormais, le grand chancelier ou un secrétaire devait rappeler aux électeurs du Sénat, en début de procédure, l’obligation de donner leur voix. Les candidats et leurs familles étaient sommés, quant à eux, de se retirer de la salle des élections afin qu’ils n’utilisent pas l’urne de recommandations pour disqualifier leurs adversaires et avantager indirectement le candidat de la famille. La porte de la salle des élections était, de surcroît, fermée afin d’empêcher toute intrusion et dérangement pendant les élections. Puis, une fois les candidats et leurs familles sortis, leur nombre était ajouté au total d’électeurs dénombrés dans la salle afin de calculer plus précisément la quantité maximale de ballottes de recommandations autorisées. Les électeurs votaient en premier avec l’urne des recommandations et ensuite avec les urnes ordinaires, comme avant les réformes de 1546. En outre, les « ballottini » devaient vérifier que chaque patricien passe bien la main dans le « bossolo » avec la ballotte et la retire vide. De plus, tout électeur en retard n’avait plus le droit d’entrer dans la salle et ne pouvait donc inventer aucune excuse pour éviter de voter avec le « bossolo delle preghiere ».

Ce retour à la « normale » subit des modifications en 1561366 car la séparation du vote entre sollicitations et choix ordinaire engendra de nouveau une perte de temps, en particulier pour l’élection de certaines charges. Se plaignant qu’il ne parvenait à traiter les affaires d’État, le Sénat revint à l’emploi d’une urne triple en 1596 pour les élections des membres du Collège, des ambassadeurs, des gouverneurs et des magistrats élus dans le Sénat et par le « scrutinio » du Sénat dans le Grand Conseil367. Une fois les bulletins apportés dans le Grand Conseil, ses membres comptés et le nom des nominés proclamé, le grand chancelier rappelait à voix haute qu’ils devaient prêter serment de ne pas frauder. Puis le vote avait lieu avec les trois « bossoli » mis ensemble.

Dans le Grand Conseil, les urnes triples étaient restées d’usage depuis 1547368 bien qu’elles aient causé plusieurs inconvénients d’après les législateurs. Les « ballotini » auraient oublié de vider certains « bossoli » dans les « capelli » avant que les ballottes ne soient comptées ; parfois ils mélangeaient les ballottes des différents candidats ou bien ils vidaient ensemble les

cazere alle preghiere per il che stavano con maggior rispetto et in maggior timore di quello. » A.S.V., Senato,

deliberazioni, terra, registro 36, fol. 42‑43(63‑64).

365

Loi du 7 décembre 1548. A.S.V., Maggior Consiglio, deliberazioni, registre 27 novus, 1537-1551, fol. 36.

366

Loi du 22 juin 1561. A.S.V., Maggior Consiglio, deliberazioni, registre 28 Rocca, fol. 116.

367

Loi du 10 juillet 1596. A.S.V., Consiglio di Dieci, deliberazioni, comune, registre 46, fol. 43‑44(87‑88).

368

balles positives et négatives entraînant bien sûr de nombreuses confusions et une perte de temps considérable369. En 1585, le Grand Conseil décida de se débarrasser complètement de l’urne des recommandations. Seuls les « bossoli » ordinaires seraient encore utilisés avec l’obligation de déposer la ballotte dans le « bossolo » négatif en cas de sollicitation370. Cependant, le Grand Conseil revint tout de même à l’emploi du « bossolo delle preghiere »en 1597371. L’urne fut réintroduite mais elle fut tenue séparée de celle ordinaire.

Ce n’est que près de vingt ans plus tard que l’urne des sollicitations fut complètement abolie aussi bien dans le Sénat que dans le Grand Conseil, sur ordre du Conseil des Dix372. Ce sont les censeurs qui supplièrent le Conseil des Dix de supprimer cette urne car elle était, selon eux, mal utilisée. Au lieu de servir à sanctionner de véritables transgresseurs, elle était détournée par les patriciens afin d’exclure du jeu politique des adversaires. En effet, à plusieurs reprises récemment, des candidats se retrouvèrent en infraction à la loi des « preghiere » après le décompte des ballottes alors qu’ils n’étaient pas des personnes ambitieuses, aux yeux des censeurs, au point d’agresser ou faire jurer leurs compatriotes de voter pour eux373.

Sous une forme ou sous une autre, le « bossolo delle preghiere » n’eut pas l’effet escompté. Alors qu’il devait être une arme du gouvernement contre les fraudes électorales, les patriciens surent le contourner et même le manipuler en leur faveur. Il est probable que l’obligation qui leur était faite de voter sur un candidat avec cette urne, sous serment, pour indiquer s’il avait sollicité le vote de l’électeur, les ait poussés à l’éviter pour se soustraire à un éventuel parjure. Peu importe la quantité de ballottes fixées, cette mesure sembla inefficace au point de contraindre le gouvernement à se reposer sur d’autres précautions.

1.2.3. Exclure les électeurs intéressés

369

Loi du 4 août 1585. A.S.V., Maggior Consiglio, deliberazioni, registre 31, frigerius, fol. 131.

370

Loi du 4 août 1585. Ibid.

371

Le 24 mars 1597. A.S.V., Consiglio di Dieci, Deliberazioni, comuni, registre 47, fol. 8‑9(48‑49).

372

L’urne ne pouvait être réemployée que si quatre cinquièmes du Grand Conseil votaient en sa faveur. Loi du 17 juin 1626. A.S.V., Consiglio di Dieci, deliberazioni, comuni, registre 76, fol. 92‑93(158‑159).

373

« Ciò si comproba manifestamente nelle ballottationi d’un solo che addimanda in qualche carico, ove non è da supporre che violenti, o stimoli d’esser voluto o a giurarli, e pur è vero che viene mandato alle preghiere, e gli esempii sono freschi e recenti nelle menti dell’eccelenze vostre questi effetti à chi tocca così ammaramente a provare partoriscono nell’animo loro contaminatione rabbia e passione così veemente, che formando, e cavando conseguenze molto cative argomentano ciò provenire da emuli, da mal affetti, e da nemici. L’odio cresce, il mal animo sempre più si fa maggiore, alcuni non possono intepidire il bollor del sangue in modo che facilmente ne può seguir qualche tragico avenimento. » A.S.V., Consiglio di Dieci, deliberazioni, comuni, filze 367. A.S.V.,

Consiglio di Dieci, deliberazioni, comuni, filze 367 ; B.M.C., Archivio Morosini-Grimani, N 253, raccolti di decreti, pareri in materia di broglio e giuramenti, fol. 25., fol. 25.

La plupart des mesures concernant le vote final consistaient à exclure de la salle les électeurs intéressés : les candidats et les membres de leur famille devaient sortir du Grand Conseil pour éviter qu’ils ne sollicitent des votes. Pour garantir le respect de cette interdiction, dès 1555, les électeurs apparentés aux candidats devaient se rendre avec eux dans les salles des commissions électorales les plus proches. En outre, ils ne devaient pas s’approcher de la salle du Grand Conseil et encore moins des bancs374. L’exclusion fut étendue en 1597 aux patriciens qui avaient été sollicités par un candidat. Au lieu de voter avec l’urne des sollicitations comme cela était le cas auparavant, les électeurs sollicités devaient sortir de la salle électorale375. Cette exclusion ne sembla pas suffire à empêcher les « preghiere ». Au