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Paragraphe I. Les techniques participatives

C) La licéité de l’investissement

181. Le système islamique soumet les activités économiques et financières à des restrictions

prévues par le Coran. Le livre saint placé au sommet de la hiérarchie des normes et qui contient à la fois des recommandations et des interdictions applicables dans les sociétés musulmanes. De plus, comme il a déjà été dit précédemment, le Coran est aussi un code de conduite, une collection de principes moraux, éthiques et religieux.358

Il faut aussi rappeler que le Coran a érigé certains de ces principes en règles claires, autorisant ou interdisant tel ou tel acte ou activité : comme l’interdiction d’investir dans les secteurs illicites359. Tous les financements islamiques adossés à des actifs supposent que ceux-ci soient halal, c'est-à-dire licites d’un point de vue islamique. Ils ne peuvent pas porter sur des actifs ou des secteurs d’activité nuisibles à l’homme et à l’environnement (alcool, porc, pornographie, jeux de hasard, armement, activité polluante, etc.).360 Parmi ces interdictions, nous constatons qu’il y en a deux sortes, les premières d’ordre moral et les secondes d’ordre

357Ibid.

358 F. Gueranger, La finance islamique une Illustration de la finance éthique, op. cit. p . 12. 359 L. Sbai El Idrissi, La rémunération du capital en islam, op. cit. p.17

360 I. Zeyyad Cekici, « La prohibition islamique de l’intérêt et des opérations de crédits islamique en France » op.

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religieux. Cette délimitation du périmètre de l’activité financière islamique, s’intéresse à la licéité de l’objet (1) et les interdits moraux (2).

1) La licéité de l’objet

182. La plupart des actes prohibés par la religion sont fixées par le Coran ou la Sunna du

prophète. C’est ce qui fait que l’Islam a une physionomie particulière par rapport aux autres systèmes de droit et du reste, en Islam tout ce qui n’est pas interdit est permis. En droit français, l’article 1121-2 de l’avant projet de réforme du droit des obligations361, rappelle que « La chose qui forme la matière de l’engagement doit être licite », codifié dans l’article 1131 du Code civil, « L’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou une cause illicite, ne peut pas avoir aucun effet 362». De même, l’article 1128 du Code civil dispose qu’ « il n y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des conventions ». Cet article délimite le domaine du commerce et constitue un obstacle au principe de la liberté contractuelle.

183. Les choses dont le commerce est interdit sont nombreuses pour diverses raisons soit

pour la protection de l’intérêt général, les res nullius en raison de leur nature, les biens du domaine public qui sont inaliénables, certains droits déclarés tels par la loi comme le droit d’usage et le droit d’habitation363. Certaines choses sont interdites dans le but de protéger la santé des personnes, tels que la drogue, les médicaments ne bénéficiant pas d’une autorisation de mise sur le marché ou en raison d’une contre façon. De même ne peuvent pas faire l’objet d’une convention l’état et la capacité des personnes ce qui interdit les pactes de séparation amiable entre époux. De même, la personne humaine ne peut faire l’objet de conventions ce qui prohibe les contrats portant atteinte à l’intégrité de la personne physique sauf si cela est justifié par l’intérêt légitime de celui qui consent364.

184. La cession de la clientèle civile des professions libérales a été pendant longtemps

considérée par la jurisprudence comme hors commerce au motif que le lien entre le professionnel et sa clientèle repose sur la confiance personnelle et ne saurait donc faire l’objet

362 Cass. Com. 7 avril 2009, n° 08-12.192 : Bul. Civ. IV. n° 54, La cour annule un prêt bancaire pour absence de cause.

363 Les articles 631 et 634 du Code civil, « le droit d’habitation ne peut être ni cédé ni loué ». 364 L’article 1211-1 du Code de la santé publique.

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d’une transmission. On sait qu’aujourd’hui un revirement de la jurisprudence a été opéré par la première chambre civile, la cour ayant précisé, à propos d’un litige relatif à la liquidation des biens entre des époux dont l’un était médecin, que le « fonds d’exercice libéral » comprend la clientèle, les matériels et les locaux ».365 Les choses prohibées en droit musulman sont aussi bien posées par la religion que par la morale, compte tenu de l’implication de la morale dans les règles religieuses. Ce qui rejoint les dispositions du Code civil dans son article 6, posant le principe de la conformité des contrats aux bonnes mœurs366. Mais le Code civil reste loin du droit musulman qui fait de la morale et de l’éthique des principes de base de toutes transactions financières et commerciales. Il convient donc d’examiner le périmètre du licite et de l’illicite avant d’aborder le principe de conformité aux bonnes mœurs et à l’ordre public.

le domaine religieux est bien encadré par des principes et des règles émanant du Coran, de la sunna et des autres sources que nous avons déjà examinées plus haut. De cette délimitation découlent deux sphères diamétralement opposées, d’un côté le périmètre du licite ou halal et de l’autre celui de l’illicite ou haram. Cette distinction trouve son sens et sa portée lors de l’élaboration des contrats. En effet, parmi les conditions de formation il en a une qui touche plus au contenu du contrat que sa forme. En droit musulman, les penseurs distinguent les choses prohibées par la religion musulmane et les choses prohibées pas la morale.

185. La plupart des écoles et des courants de pensées sont d’accord sur la liste des interdits

en droit musulman. Il s’agit par exemple de l’interdiction de consommer des animaux morts ou qui n’ont pas été égorgés selon la loi islamique367.Toutes ces écoles mentionnent également que la vente des boissons alcoolisées est nulle, d’une nullité absolue368 . La viande de porc est également prohibée369. Donc nous pouvons noter en plus du riba, que l’Islam

365 Cass. civ 1. 2 mai 2001 : JCP. 2002, II, 10062, note O. Barret. 366 CE, 27 oct. 1995, Dalloz, 1996, 177, note Lebreton.

367 Cf. A. Hassoun, « La finance islamique dans le système financier international et dans la mondialisation : la

finance islamique globale connait une croissance vertigineuse mais fragmentée », in La finance islamique à la

française, un moteur pour l’économie une alternative éthique (dir.) de J.P. Laramée, Secure finance éditions

Bruno Leprince, 2009, p. 91..

368Coran Sourate V, verset 90 :« O croyants ne vous disposez pas à la prière, si vous êtes ivres, ou encore : ils t’interrogent sur le vin et les jeux de hasard. Dis leur que dans les deux il y a grand péché et quelques avantages pour les gens, mais dans les deux le péché y est plus grand que l’utilité. O croyants, le vin, les jeux de hasard sont une abomination due à l’œuvre de Satan ; évitez-les pour votre salut ».

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classe dans le périmètre du haram, la viande de porc, les boisons alcoolisées et des animaux égorgés selon des procédés autres que ceux prescrits dans la loi islamique. Mais, par ailleurs, le droit musulman fait de la morale et de l’éthique un de ses principes de bases et ainsi d’autres prohibitions ont été posées sur la morale.

2) LES INTERDITS MORAUX

186. La morale et l’éthique sont des principes de base de la religion musulmane. Toute

transaction quelle soit commerciale, financière, ou économique doit non seulement obéir aux recommandations religieuses, c'est-à-dire aux règles édictées par le Coran et la sunna, mais aussi aux exigences morales. Cette imbrication entre morale et religion, fait apparaître des principes nouveaux prenant leur source dans le domaine moral et éthique. Cette idée rejoint le principe de la conformité aux bonnes mœurs et de l’ordre public.

187. L’exigence de la pureté de l’objet du contrat dans le droit musulman renforce la

protection du cocontractant et permet aussi de respecter le haram et le hallal. Pour être licite, l’objet doit aussi être utile soit pour le contractant ou pour la société370. Le principe de l’exigence de l’utilité de l’acte impose la réalisation de l’objet du contrat, en d’autres termes, si l’objectif fixé au départ n’est pas réalisé, le contrat ou l’acte en question est réputé nul. Cet objet de l’acte est nul lorsqu’il empêche cet acte de développer tous les effets qu’il doit normalement produire371.

188. Ce principe d’utilité de l’acte rejoint et renforce en même temps le principe de

l’interdiction de l’aléa ou du gharar en droit musulman, principe que nous aurons l’occasion de voir plus amplement dans la section suivante. Même si la réalisation de l’acte et son utilité demeure des éléments phares dans l’élaboration et l’exécution des contrats en droit musulman, il n’en demeure pas moins que d’autres produits doivent être pris en compte pour sa validité. Ces derniers font appel à des techniques de rémunération différentes des précédant.

370 L. de bellefonds, Traité de droit musulman comparé, la théorie de l’acte juridique, Paris, éd. Mouton et Cie, 1985, pp. 195 s.

371 A. Zahra, Al mulkiyawa-wanazariyyal al-aqd, le Caire, 1939, p. 255. ;Ce principe qui cherche à donner une finalité précise à l’acte objet du contrat, est loin d’être rationnel, car la chose qui n’a pas de finalité est assimilée à la chose inexistante (ibid., p.257 s.) et à ce niveau le droit musulman rejoint le droit français, en ce sens où en droit français, certaines choses ne peuvent pas faire l’objet d’une obligation juridique, du fait de leur inutilité. Il en est ainsi de l’air, de la mer, des fleuves, des lacs, de l’herbe

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