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Étude historique et théorique du système islamique

30. L’Islam signifie au sens propre « abandon à Dieu »72, et désigne la religion formée par la communauté des croyants. L’Islam est la dernière des religions monothéistes, révélée au 7e siècle après J.C., après le christianisme et le Judaïsme. Le porteur de son message, son prophète, est Mohamed, qui a reçu le coran, parole de Dieu, par révélations régulières et disparates à partir de l’âge de 40 ans jusqu’à sa mort.

Comme toutes les religions monothéistes, l’Islam se base sur des règles et des principes qui constituent la règle de droit dans les sociétés de tradition musulmane73. Les banques, quant à elles, constituent des institutions financières, qui sont des acteurs indispensables dans la vie économique et sociale. Elles assurent le rôle d’intermédiaire entre les personnes qui possèdent de l’argent et celles qui en ont besoin74. Ce dernier rôle leurs confèrent des missions importantes, de gestionnaire de fonds, de refinancement de l’économie, voire même de commerçant75.

31. Les termes « banques et banquiers », recouvrent juridiquement tous les établissements soumis à la loi bancaire, c'est-à-dire les « personnes morales dont l’activité consiste, pour son propre compte et à titre de profession habituelle, à recevoir des fonds remboursables du public (..) et octroyer des crédits (…) 76».

72 H. Algabid, Les banques islamiques, Economica, 1990 p., 1 ; J. Charbonnier, Islam, Finance et Assurance, op.

cit. 8 ; l’auteur distingue (L’islam et l’Islam), « Un usage apparu il y a quelque temps et qui a tendance à se

répandre dans certaines disciplines, notamment dans les médias écrits, consiste à écrire islam dans tous les cas. Pour notre part, et conformément à une tradition bien établie, nous écrivons islam (i minuscule) quand il s’agit de religion, et Islam (i majuscule) quand nous évoquons la civilisation qui en émane ».

73 G. Brayer, « La finance islamique, une autre finance », in la finance islamique: l’autre Finance, Société de législation comparée, 2008 .p . 12

74 S. Dhafer, La finance islamique à l’heure de la mondialisation, 2e éd. 2011, p. 89.

75 L’article L. 110 al. 7 et 8 du Code de commerce, même si elles sont des personnes morales de statut civil : com. 17 juil. 2001, n° 98-18.435., Dalloz, 2001, AJ. 2409, obs. P. Leclercq. Cette même disposition considère toutes opérations de banque comme étant un acte de commerce : Cour d’Appel de Paris, 1er avril 2005, Dalloz, AJ. 1148, obs. Ph. Delpech.

76 la nouvelle lecture de l’article L. 511.1 du Code monétaire et financier issue de l’ordonnance n° 2013-544, 27 juin 2013, JO 28 juin , note de X. Delpech. cet article pose la distinction entre les établissement de crédit et des sociétes de financement en se fondant sur la notion de fonds public.

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Le vocable « Banque islamique » sonne comme un oxymore pour certains77, puisque selon ces derniers, la notion de banque ne rime par avec l’Islam. Avoir une telle idée c’est méconnaître le rôle de l’Islam, qui est à la fois religion et système juridique qui englobe tous les domaines de la vie du musulman : le droit, l’économie, la finance et l’éthique forment un tout indissociable78. Cette unité au sein des différents domaines, nous permet de rapprocher les règles religieuses de celles de bonne conduite, qui régissent à la fois le spirituel et le temporel79. Cette uniformatisation des différents domaines en Islam, fait du commerce une activité légale, mais seul le prêt à intérêt est prohibé 80 « On pourrait dire tout aussi bien que l’Islam est à la fois une religion et une communauté temporelle, mieux encore, une composante qui prend en charge, en un seul et indissociable élan, les relations de chaque croyants les uns avec les autres sur le plan moral et politique »81. Le rôle de la banque en général est de contribuer au financement de l’économie, d’assurer le fonctionnement du système de paiement et apparaît comme celui d’un commerçant qui spécule sur l’argent et le crédit82. Cette mission se fait sous la forme d’opérations de banques qui sont énumérées par l’article L 311-1 du Code monétaire et financier83. Elles concernent la réception de fonds du public, les opérations de crédit et la mise à disposition de la clientèle ou la gestion des services de paiement. L’intérêt joue un rôle important dans chacune de ces opérations. En plus

77 M. Ruimy., « Quelle vocation pour la finance islamique? », Revue Échanges juin 2009, p. 12.

78 G. Causse-Broquet., La finance islamique, Revue Banque, France 2009, p.1 ; François Guéranger, Finance

islamique-une illustration de la finance éthique, Ed. Dunod 2009, p. ; A. Toussi, La banque dans le système financier islamique, Ed. L’harmattan 2010, p. 15. Selon l’expression de Weber « l’islam est plus qu’une religion,

puisqu’il a vocation à intervenir également et de manière la plus directe dans la gestion des biens matériels. Cité par G. Beauge (dir.), Capitaux de l’islam, C.N.R.S., 1990, p. 11.

79 I. Kariche, Le système bancaire en islam, De la religion à la banque, Ed. Larcier Bruxelles 2002, p. 3. 80 K. Malika, Une banque originale la banque Islamique, imprimerie Najah El-Jadidah, Casablanca, 2002, pp. 68-72. Selon, l’auteur seul un taux fixe et prédéterminé est interdit, V. aussi, A. Toussi, Le taux d’intérêt dans le

système financier islamique, l’Harmattan 2010, p. 8.

81 L. Gardet, « Islam religion et communauté »,. Revue de l’histoire des religions 1969. V. aussi, A. Abderraziq,

L’Islam et les fondements du pouvoir, La découverte Paris 1998, p. 38.

82G. Ripert et R. Roblot par Ph. Delebecque et M. Germain, Traité de droit commercial, t. II, 16e éd., LGDJ, 2000, n° 2216. Cf I. Karich., Le système bancaire islamique, de la religion à la banque, Larcier, Bruxelles 2002, p .1 ; G. Causse- Broquet, « La finance islamique les principes et les principales opérations », in La finance

islamique: une autre finance, op.cit. p. 22. Selon l’auteur, la finance islamique est souvent présentée comme un

ensemble de techniques permettant d’exercer une activité bancaire sans taux d’intérêt. En réalité elle constitue un système à part entière, s’appuyant sur une théorie économique elle-même construite sur des principes et règles de la charia.

83 Si ce n’est que l’ordonnance du 15 juillet 2009 n° 2009-866, qui a modifié la référence aux instruments de paiements devenant des services bancaires de paiement.

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il permet de rémunérer le banquier en répondant aux coûts de refinancement et assure la couverture des risques. La question s’est donc posée de savoir comment exercer une activité bancaire sans promouvoir d’intérêts ? Autrement dit par quel mécanisme le système bancaire islamique supporte-il, les risques et rémunère ses employés ? Y a-t-il une différence entre le profit et l’intérêt ? Bénéfice est-il synonyme d’intérêt ? Quel est le véritable sens du mot riba, intérêt ou usure ? L’intérêt est-il une condition de validité d’une opération de crédit ?

Pour répondre à ces questions, et avant même d’examiner les fondements de ces banques islamiques. Il serait nécessaire de relater l’évolution historique de l’intérêt à travers l’histoire des différentes religions monothéistes dans un chapitre premier, puisque l’islam n’est ni la seule, ni la première religion a prohibé la pratique de l’intérêt, avant d’aborder les principes des banques islamiques dans un second chapitre.

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Chapitre I : L’évolution de l’interdiction de l’intérêt à travers les

différentes religions monothéistes

32. L’intérêt est au cœur de l’activité économique, plus particulièrement dans celle du banquier, il est aussi vieux que le monde84. Le banquier est un commerçant qui spécule sur la monnaie et le crédit85. En plus de sa place dans le secteur bancaire, l’intérêt joue un rôle indispensable, dans le maintient de l’emploi, car c’est à travers l’intérêt que le banquier sera rémunéré et c’est avec l’intérêt qu’il assure un certains nombres de risques liés à son activité. Bien qu’il soit remplacé dans le système bancaire islamique par le principe de partage des pertes et des profits, l’intérêt reste bien connu dans toutes les sociétés, et si primitive ou si ancienne soit-elle, on en retrouve des traces. Cette universalité du phénomène se manifeste par le fait qu’il a fait l’objet d’études et de réflexions non seulement dans toutes les religions monothéistes mais aussi chez les grands philosophes86.

Les moralistes, les docteurs religieux et même certains États ont lutté de toutes les manières, avec tous les moyens possibles, qu’ils soient politiques, économiques voire même juridiques, afin de condamner la pratique de l’intérêt. Cette prohibition de l’intérêt trouve ses justificatifs dans divers pays selon l’époque et la conception religieuse dominante. Cette interdiction a évolué au fil du temps, avant d’être légalisée par le droit positif dans certains pays, ou encadrée par d’autres par le mécanisme de l’usure. L’intérêt et le prêt à intérêt sont considérés

84 P. Gruson, Les taux d’intérêt : Comprendre la valeur et le rendement d’un titre financier, Dunod, Paris 1992, pp. 42 et s. En absence de stipulation d’intérêt conventionnels, le prêt est consenti à titre gratuit…Civ. 1er, 26 nov. 1991, Bul. Civ. I, n° 335.

85 G. Ripert et R. Roblot par Ph. Delebecque et M. Germain, Traité de droit commercial, t. II, 16e éd., LGDJ, 2000, n° 2216. Cf R. Routier, Obligations et Responsabilités, Dalloz, 2008 pp. 40-41, l’auteur pose, le principe en matière de crédit, c’est précisément qu’il n’y a pas de droit au crédit. Nul ne peut donc en vertu de ce principe forcer un banquier à accorder son concours contre son gré. Cette solution est logique du point de vue économique car le banquier à qui on a confié des fonds ne doit pas les gérer à la légère : si la solvabilité n’est pas jugée suffisante, le banquier doit pouvoir librement décider de ne pas apporter son concours, et cette appréciation du risque client doit lui appartenir. Cass .Ass. plen. 9 octobre 2006, Dalloz.06 Jur. p. 2933, note D. Houtcieff;

JCP G. 2006 II, 10175, note Th. Bonneau « hors le cas ou il est tenu par son engagement antérieur, le banquier

est toujours libre, sans savoir à justifier sa décision qui est discrétionnaire, de proposer ou consentir un crédit quelle qu’en soit la forme, de s’abstenir ou de refuser de faire »

86 Aristote, K. Marx. Cette similitude sur l’interdiction à travers les religions se justifie par la racine du mot riba et ribbit, désignant également l’intérêt dans la loi talmudique : rb indique, dans les deux cas d’espèce et signifie « beaucoup », « trop », voir I. Chapelliére., Ethique et Finance en Islam, op. cit. p. 92 ; Cf. A. Toussi, Le taux

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parmi les phénomènes économiques de la société les plus étudiés87. Cette prohibition de l’intérêt trouve ses justificatifs dans divers pays selon l’époque et la conception religieuse dominante du pays. Il y a lieu, dans ce chapitre, d'examiner la raison d'être d’une telle interdiction à travers ces religions (section I), avant de s’intéresser aux fondements (section II).