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Paragraphe II : Les techniques non participatives

II) La conformité de l’acte aux bonnes mœurs

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193. La notion de bonnes mœurs concerne deux sphères de la vie des musulmans : d’un côté

elle s’intéresse au volet religieux et de l’autre côté elle veille à la vie en société ce qui élargit son champ d’action374. A cela il faut aussi ajouter son implication dans le domaine juridique. Il permet de juger de la moralité ou de l’immoralité d’un acte juridique et éventuellement d’une société à un moment donné de son histoire. Il est difficile de trouver un consensus sur ce principe des bonnes mœurs car on sait que les différentes écoles de droit islamique ne prônent pas les mêmes idéologies375 . La morale et l’éthique sont des principes de base de la religion musulmane et du droit qui le sous-tend. Ainsi, cette morale pose des règles de bonnes mœurs (A) et de l’ordre public (B).

A) Bonnes mœurs

194. L’obligation qu'elle soit une dation, une tradition, ne peut avoir pour objet qu'une chose

constituant un bien. Ainsi l’air, l'homme libre ne sont pas des biens. La chose n'est pas un bien si, en raison de certaines considérations, l'utilité qu'elle présente est illicite376. Le jeu et le pari sont illicites en principe. L'objet doit toujours présenter une utilité quelconque377.Ce principe impose la réalisation de l’acte, objet du contrat. En d’autre termes, si l’objectif fixé au départ n’est pas réalisé, le contrat ou l’acte en question est réputé nul. Ce principe, qui cherche à donner une finalité précise à l’acte objet du contrat, est loin d’être rationnel, car la chose qui n’a pas de finalité est assimilée à la chose inexistante378 et à ce niveau, le droit musulman rejoint le droit français. Dans la mesure où, en droit français, certaines choses ne peuvent pas faire l’objet d’une obligation juridique, du fait de leur inutilité.

195. Cette divergence a fait évoluer le droit musulman, en autorisant des actes qui ne

l’étaient pas avant. C’est le cas de l’interdiction de recevoir de la rémunération pour l’enseignement du Coran qui est aujourd’hui admise379. La raison de la règle primitive est qu’au début de l’Islam le trésor accordait une subvention aux personnes qui enseignaient le

374 L’exemple du prêt qui a pour objet d’achat d’une clientèle hors commerce : Cass. Civ. 1er, 1er oct. 1996, JCP. G. 96, IV, 2247.

375 Zayla’itabbyine al-haqa’aiq, V, p. 124 : il n est pas permis, chez les hanafites, en vertu de nombreux hadith d être rémunéré pour enseigner le coran)

376 Cass. Ass. Plen. 29 oct. 2004, Bull. Civ., n° 12, R. p. 203 et 208

377 Ch. Chehata, Essai d'une théorie générale de l'obligation en droit musulman, Dalloz 2008, p. 68 378 Ibid.

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Coran et qui veillait à la censure des mœurs380.C’est le respect des règles qui régissent la morale des personnes vivant dans une société déterminée et soumis à un droit religieux, qui gouverne leur vie sur tous les plans381 . C’est surtout la question du profit illicite ou riba qui découle de toutes ces opérations qui fait que ces actes sont juridiquement annulés ou moralement réprouvés 382.Quant aux bonnes mœurs, elles constituent une morale sociale conçue comme le fondement d’une société, au travers d’institutions telles que le mariage. Ainsi l’article 6 du Code civil interdit « de déroger, par conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et aux bonnes mœurs »383.

196. Le système islamique diffère du droit français par le fait qu’il n’a pas distingué entre les

bonnes mœurs et l’ordre public, même si une partie de la doctrine française considère que les bonnes mœurs sont un aspect de l’ordre public, relatif à la morale et notamment à la morale sexuelle. Si nous prenons en compte l’ordre public textuel et législatif en droit français, il serait juste de conclure que tous les versets coraniques sont d’ordre public car ils sont d’application immédiates et aucun croyant n’a ni le droit ni le pouvoir d’interpréter les versets coraniques outre le sens qui lui a été attribué par Dieu.

197. Le droit musulman est plutôt marqué par le respect des règles morales. Bien qu’il

n’ignore pas le respect de l’ordre public dans la mesure où le but de tout ordre public est de défendre l’intérêt général. L’ordre public économique est plus adapté pour rétablir le déséquilibre entre les parties aux contrats, car cet ordre public s’intéresse à la fois à la distribution, à la consommation et à la gestion des produits du marché. Alors que l’ordre public politique reste plutôt une affaire d'Etat. Nous constatons que la préoccupation essentielle du droit musulman est de maintenir l'équilibre entre les parties surtout pour les parties dont l’expérience, les connaissances et le savoir faire ne sont pas du même niveau, que celui de leur cocontractant. En droit français, c'est l'ordre économique de protection qui permet d’éviter un tel déséquilibre et protège la partie faible du contrat. Le droit musulman n'a

380 E. Tyran, Histoire de l’organisation judiciaire en pays d’islam, Beyrouth, éd. 1943

381 Sanhoury, op. cit., t. III, pp. 42 s. 382 Ibid.

383 L’article 1133 du Code civil qui traite les conditions de validité des contrats, édicte que « la cause est illicite,

quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonne mœurs ou à l’ordre public ». Ces deux

articles du Code civil ne contredisent pas les règles de la loi islamique, qui interdisent des investissements dans des secteurs jugés illicites, tels que les boisons alcoolisées, de la viande de porc…

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pas pris expressément en compte l'ordre public dans ces principes, il convient de noter qu'il ne l'ignore pas dans la mesure où il prône les mêmes objectifs de défense et de protection des intérêts des particuliers afin d'établir un équilibre et une justice sociale.

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