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Les simplistes, les decroissantistes, les zéro déchets

CHAPITRE III L’utopie comme lieu des manifestations contemporaines de l’engagement écologique

3.7. Les formes de l’engagement écologique

3.7.3. Les simplistes, les decroissantistes, les zéro déchets

Ces initiatives collectives et communautaires ne représentent pas les seules formes prises par l’engagement écologique. Une autre forme très présente relevée est celle qui fait écho aux transformations de l’action politique décrites par Laurent Thévenot.

Dans l’absence d’appartenance à un groupe et une communauté établie, l’engagement écologique prend aussi des formes plus individuelles, autonomes qui s’appuient sur des ressources et informations de plus en plus présentes [...]. Le défaut de collectivité peut être ainsi retourné en revendication d’engagement personnel (Thévenot 2006, p. 214).

Ce phénomène a été également soulevé par Malcolm Miles (2008), qui distingue les initiatives utopiques communautaires de celles personnelles. La multitude et la di- versité de blogues et de manuels en ligne pour promouvoir des pratiques plus respon- sables font preuve de cette écologie de pratique qui s’organise et s’entraide. Ces mé- diums conscientisent, sensibilisent et outillent les personnes en leur permettant d’agir individuellement. Deux types de communautés de pratique se distinguent en ligne : la première est celle soutenue par des mouvements écologiques comme les mouve- ments de la simplicité volontaire, de la sobriété heureuse, de l’austérité joyeuse, de la décroissance, de la décroissance conviviale et du zéro déchet. Ces mouvements sont liés historiquement aux mouvements écologiques. Mais aujourd’hui, selon les pays, ils ont des communautés et associations plus ou moins actives. Ils sont souvent por- tés par des auteurs et auteures. C’est le cas par exemple de Pierre Rahbi en France, de Serge Mongeau au Québec, de Mark A. Burch au Canada anglais ou de Duane Elgin et Vicki Robin aux États-Unis (Boisvert, 2007). Mais aussi, certains mouve- ments sont devenus mondialement connus grâce aux médias et réseaux sociaux. La Famille Zéro déchet en Californie, devenue célèbre en 2012, en est un bon exemple

18 Le Commun est le nom fictif du lieu et du groupe d’individus qui a participé à cette enquête. J’explique plus tard la raison de cet anonymat.

suite à ses accomplissements en matière de diminution des déchets domestiques. Le mouvement zéro déchet est aujourd’hui soutenu par des associations et organismes à but non lucratif qui existent depuis près de 20 ans en Europe. Par exemple, en France, ce sont les militants et les organismes contre l’incinération des déchets en Europe qui portent ce mouvement. Le mouvement du zéro déchet peut être pensé autant à l’échelle individuelle que territoriale avec une approche très pragmatique. Ces quatre mouvements, très présents sur la toile, rendent accessible des livres, ma- nuels, conseils, gestes et choix qui permettent de vivre avec moins de conséquences sur la planète. Soit les pratiquants ou les adeptes de ces mouvements sont isolés, soit ils forment des communautés numériques. Il existe aussi des communautés physiques qui se rencontrent occasionnellement par l’entremise d’associations, de lieux ou de personnes impliquées.

Au Québec, il existe des pratiquants et pratiquantes de la simplicité volon- taire qui gravitent autour du Réseau Québécois de la Simplicité Volontaire (RQSV). Ce réseau est en étroite relation avec le mouvement de décroissance qui gagne du terrain au Québec et qui donne un nouvel élan de mobilisation aux militants et mili- tantes. Comme l’explique Philippe Lahille, la distinction entre ces deux mouvements est une question d’échelle. La décroissance est une approche théorique et une posture d’économie politique associées à l’économiste Nicholas Georgescu-Roegen, alors que la simplicité volontaire est un mouvement empirique pratique qui est déployé dans le quotidien des individus (Lahille, 2009). En France, la sobriété heureuse, mouve- ment porté par les écrits et le militantisme de Pierre Rahbi, est une approche plus connue que la simplicité volontaire. Selon les pays et les personnes, cette nomencla- ture foisonnante désigne des mouvements qui partagent de nombreuses similitudes. Au Québec, dès 1973, Pierre Dansereau, avec le livre La terre des hommes et le paysage intérieur, propose un mode de vie basé sur « l’austérité joyeuse ». Mais c’est

la simplicité volontaire qui va mieux mobiliser ces idées à travers le livre de Serge Mongeau en 1998. Plus de dix ans après la publication de la première édition, la deuxième édition marque la conscience collective et devient une référence largement connue au Québec (RQSV, 2017). Au Québec, la simplicité volontaire possède un réseau ancré grâce aux travaux de Serge Mongeau. Le Réseau québécois pour la simplicité volontaire, actif depuis 2000, rassemble une communauté de pratique et

met à disposition un outillage (Boisvert, 2012; Gariépy, 2011; RQSV, 2013). Bien qu’il existe un réseau et des acteurs stables qui gravitent autour du mouvement, la communauté mobilisée est une minorité montréalaise. Le noyau de personnes impliquées développe depuis 2007 un discours sur la décroissance dans la suite du mouvement européen de la décroissance économique soutenable. Ce noyau cherche à atteindre plus de personnes et à se développer davantage au Québec (MQDC, 2017). Dans les pistes de transformation, le Manifeste du Mouvement Québécois pour une Décroissance Conviviale propose :

Puisant dans notre expérience de la simplicité volontaire, nous sommes convaincus qu’une société de décroissance, qui reposera sur la prise en charge de leurs besoins par les populations, à petite échelle, entraînera l’amélioration de la qualité de vie en favorisant des environnements sains, la participation du plus grand nombre aux décisions, l’entraide et les échanges humains gratuits, la créativité et les occasions d’épanouissement. […] La simplicité volontaire individuelle est une démarche essentielle, permettant de libérer du temps pour nous éduquer, lire, réfléchir et expérimenter des manières de faire qui seront centrales dans une société de décroissance : jardinage, démarches de croissance personnelle, techniques artisanales ou de réparation, travail bénévole coopératif, etc. C’est dans un mouvement sur la décroissance économique conviviale, qui est l’expression collective des principes d’équilibre de la simplicité volontaire, que ce mode de vie responsable prend tout son sens (MQDC, 2017).

En nous appuyant sur l’ancrage historique et territorial du mouvement de simplicité volontaire au Québec, nous avons identifié des groupes de personnes engagées envers la cause écologique en mobilisant les valeurs et principes de ce mouvement. Bien qu’à l’heure actuelle, ce mouvement recule et perd de sa popularité, il existe une commu- nauté qui se reconnaît et qui est attachée à ce mouvement (CAS 5).

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