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2.1 « Masculinité hégémonique »

Chapitre 3 : Des configurations pratiques spatiales :

II. Quelles spatialités des masculinités ?

1. La co-formation des espaces

1.1. L’approche d’une relation « humain-environnement »

1.1.1. Les apports de la psychologie environnementale

La psychologie environnementale ne s’intéresse pas de front aux systèmes de production, elle étudie davantage comment les humains agissent et réagissent au sein des espaces de vie. Ce point présentera, à l’aide de l’introduction de Gabriel Moser de l’ouvrage « Espaces de vie », son utilité et sa portée pour notre étude. Le lecteur pourrait se demander : quel est le rapport entre les travaux sociologiques d’Erwing Goffman et d’Isaac Joseph et cette psychologie environnementale ? Pourquoi débuter un point aussi géographique que les spatialités par de la psychologie ? Le lecteur trouvera dans les mots de Gabriel Moser réponse à ces questions : « Manifestement, l'environnement n'est pas un simple décor il n'est pas uniquement composé d'éléments matériels, l'homme y est continuellement présent que ce soit de manière effective ou virtuelle. Le cadre au centre duquel se trouve l'individu est partagé avec d'autres individus qui ont, eux aussi un rapport avec l'individu et l'environnement en question. L'individu n'interagit pas uniquement avec des aspects physiques matériels de son cadre de vie, mais aussi en fonction et par rapport à la présence d'autrui. Ce sont les différents modes de partage de cet environnement qui vont, autant que les aspects matériels, avoir une incidence sur les perceptions, les représentations, les émotions et les comportements de l'individu. » (Gabriel MOSER, 2003, p.12). Le concept d’« environnement » est préféré à celui

d’« espace », mais la similitude de la conception des interactions de l’humain avec ses pairs ou l’espace est frappante. Il sera d’ailleurs beaucoup plus question d’« environnement » que d’« espace », mais si ce dernier semble être inclus dans le premier, que signifie alors le concept d’ « environnement » ?

Le concept se constitue de deux dimensions, l’une culturelle et l’autre temporelle :

« L'environnement n'est pas un espace neutre et exempt de valeur, il est culturellement marqué. Il véhicule en tant que tel des significations qui sont parties intégrantes du

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fonctionnement cognitif et comportemental de l'individu. Notre vision de la nature humaine s'exprime dans la manière dont nous façonnons l'espace construit, et cet espace construit en signifie en retour qui nous sommes et ce que nous devons faire (Getzel, 1975). L'environnement procure avant tout du sens et de l'identité en situant l'individu socialement, économiquement et culturellement. » (Ibidem, p.13)

« Le bien-être se comprend par rapport au cycle de vie et l'horizon temporel de l'individu. La relation à un espace donné est, au-delà du présent, tributaire son passé et du futur. Appropriation spatiale et l'enracinement local se développent selon une dimension temporelle. Se sentir "chez soi" est conditionné par les motivations, le statut social et professionnel, la situation familiale et surtout les projets de l'individu. De même, les lieux ont un passé qui contribue à son interprétation actuelle, et un futur qui est susceptible de nous guider dans nos actions à travers nos représentations anticipatoires (Doise, 1976). » (Ibid, p.14)

Cette définition en deux temps introduit et renforce la nature du lien entre l’humain et les espaces – ici englobés dans le concept d’environnement. Alors que les sociologues approfondissent les méthodes d’organisation de ces environnements, la psychologie environnementale étudie les caractéristiques du lien contracté entre l’humanité et les espaces vécus. Il en ressort une accentuation des processus d’identification aux environnements potentiels qui apparaissent comme des révélateurs d’appropriations ou de productions spatiales. Et pour finir de convaincre les lecteurs, l’auteur pose les bases d’une potentielle interdisciplinarité avec les études géographiques : « En quoi la psychologie environnementale est-elle singulière ? En quoi se distingue-t-elle d'autres disciplines concernées par la relation homme-environnement ?

La psychologie environnementale ne se borne pas à prendre en compte des variables environnementales, elle porte un regard particulier sur l'individu. La recherche et l'intervention en environnement sont basées sur l'axiome selon lequel le comportement humain est spécifique au lieu où il s'actualise. C'est à travers l'environnement dans lesquelles ils ont lieu, que les comportements acquièrent une signification. Ainsi dans tout examen de la relation à l'environnement, l'attention porte autant sur l'individu que sur l'environnement lui-même. La relation homme-environnement dans sa particularité, ne peut, par définition, être mise en évidence qu'in situ. De ce fait, la discipline fonctionne selon une logique inductive, les théories étant générées en partant de constats ou de faits mis en évidence sur le terrain. » (Op.Cit., p.15)

Cet « in situ » nécessitant l’observation terrain est une porte d’entrée pour les études géographiques qui peuvent alors se nourrir des différentes conceptualisations de la psychologie environnementale pour nourrir leurs propres développements. Cette spatialisation

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permet de lier les études de processus socio-spatiaux, sans qu’une priorité soit attribuée à l’un ou l’autre de ces deux pôles comme le souligne l’auteur :

« La psychologie environnementale est l'étude des interrelations entre l'individu et son environnement physique et social, dans ses dimensions spatiales et temporelles. Son objectif est d'identifier les processus qui régulent et médiatisent cette relation, en mettant en évidence les perceptions, attitudes, évaluations et représentation environnementale d'une part, et les comportements et conduite environnementale qui les accompagne d'autre part. Elle s'intéresse aussi bien aux effets des conditions environnementales sur les comportements et conduites de l'homme qu'à la manière dont l'individu perçoit ou agit sur l'environnement. Bien que les analyses puissent prendre comme point de départ aussi bien l’individu que certains aspects physiques (bruit, pollution, aménagement) ou sociaux (densité, hétérogénéité de population) de l'environnement, elles débouchent souvent, au-delà de la mise en évidence des incidences particulières de ces aspects, sur une explication interrelationnelle et systématique, dans la mesure où les facteurs physiques et sociaux sont inextricablement liés dans leurs effets sur la perception et le comportement de l'individu (Altman et Rogoff, 1987). » (Op.cit., p.16)

Ce qui est désigné d’« interrelationnelle et systématique » et d’« inextricablement liés » rend possible l’utilisation des outils théoriques de cette discipline par la géographie. La suite de l’introduction de Gabriel Moser propose une lecture explicative des méthodes de production du savoir en psychologie environnementale, introduisant des paradigmes ou des approches théoriques comme le concept de « relation homme-environnement ». L’autre lecture présente trois principales perspectives d’étude, une première déterministe, une deuxième interactionnelle et enfin une transactionnelle.

Pour ce travail la perspective transactionnelle sera celle qui retiendra le plus notre attention : « Selon la perspective transactionnelle et systématique, l'individu et l'environnement forme un système caractérisé par une réciprocité et un échange continus et dont les éléments ne peuvent être définis séparément. Trois modèles théoriques sont particulièrement représentatifs de l’approche transactionnelle en psychologie environnementale : les "sites comportementaux" Barker (1968), la théorie des opportunités environnementales (affordance) de Gibson (1979), et les développements en termes d'identité et d'attachement aux lieux qui en découlent. » (Gabriel MOSER, 2003, p.21). Le chapitre sur les « Sites comportementaux de Baker » sera notamment très important pour la construction de la méthode scientifique dans la perspective du terrain.

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